C.N.R.S.
 
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     AVOIR1          AVOIR2     
FEW IV 361b habere
AVOIR, verbe
[T-L : avoir ; GD : avoir ; GDC : avoir ; AND : aver2 ; DÉCT : avoir ; FEW IV, 361b : habere ; TLF : III, 1129a : avoir1]

I. -

[Verbe trans. ; marque l'idée (plus ou moins nette) de relation possessive ; le sujet est une pers. ; l'objet (à disposition) est externe (indépendant en soi de la pers. sujet)] Sujet + avoir + subst. objet

A. -

[Objet concr.]

 

1.

"Être en possession de, disposer de" : N'y a cil qui n'aet ["n'ait"] lance, ou espée ou coute (Bat. Angl. Bret. B., a.1355, 65). Car ceulz qui se gouvernent selon policie democratique reputent que liberté est la dignité selon laquelle l'en doit faire distribucions. Et ceus qui se gouvernent selon policie oligarchique, les uns dient que tele dignité est avoir richesces, et les autres que c'est noblesse de lignage (ORESME, E.A., c.1370, 285). Et la tout chevalier de noble lignie qui y vouldront venir veillier la sourveille et la veille et le jour XXVe de juing, sans sommeillier, auront un don de toy des choses que on puet avoir temporelment des terriennes choses, sans demander ton corps, ne t'amour, en estat de mariage ou d'autre conjunction naturelle. (ARRAS, c.1392-1393, 13). Que vault homme qui muse et se pourmaine, Et veult avoir mol lit et pance plaine Et demourer en repos a couvert... (CHART., B. Nobles, c.1424, 404). ...si aist du bon frommage rosty (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 137). Pour toy servir et honnorer, Abandonner Tout ce que j'ay, Jhesus, vouldroye. (Pass. Auv., 1477, 131). Il n'a ja besoign que tu'n ayes ["que tu en aies" (des braies)] (Pass. Auv., 1477, 213).

 

-

Avoir assez + subst. concr. : Et lors leur dist elle [Mélusine] : Enfans, je vous ay envoyé en vostre vaissel assez or et argent monnoyé pour bien tenir vostre estat, et bien paier voz gens pour IIIJ. ans. Et n'ayez doubte, vous avez assez bescuit, eaue doulce, vin aigre, chars salees, poissons salez et de bons vins pour grant temps. (ARRAS, c.1392-1393, 88).

 

-

Qui l'a, il l'a

 

Rem. GRÉBAN, Pass. J., c.1450, v.27895.

 

-

Qui plus a, plus convoite

 

Rem. Prov. H., 29 [A4].

 

-

Qui plus a, plus despent

 

Rem. Prov. H., 29 [A5].

 

2.

[Avec une valeur ingressive] "Entrer en possession de, acquérir, obtenir" : ...ma dame, je vous pri Q'un livre aie cy sanz detri D'evangilles (Mir. Theod., 1357, 83). Et quelz comptes voulez vous que je oye doncques, quant vous et moy nous sommes tout aise, et que mes forteresces sont bien retenues, et toutes mes besoingnes en bon point, et que vous me baillez de l'argent quant j'en demande, et en donnez ou je vous command, et me faictes finance de ce que je vueil avoir ? (ARRAS, c.1392-1393, 295). Et comment, dist Gieffroy, voulez vous avoir voz quictances de moy ? Aussi vueil je veoir les quictances de cellui a qui vous paiez les X. s. de rente, que vous dictes que vous paiez pour le pommel de ma tour. (ARRAS, c.1392-1393, 295). Ce que vous en oit ["eûtes"] ne fut pas du tout perdu (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 201). Et se pour avoir le nouyau fault briser l'escaille, bien doivent lez crestiens lesser les cerimonies de l'ancienne loy (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 110). Tel jure : "J'en airay le tiers", Qui n'aira riens a la parfin. (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 82). Partissons les [ses vêtements] devant les gens Entre nous VIIJ, que chascun 'n ["en"] aye. (Pass. Auv., 1477, 200). Entre aultres choses, me compta comme il avoit perdu le tout et, entre ses aultres malheurs, ung sien facteur estant en la ville, vers qui il avoit envoyé pour avoir des draps pour son frère et luy et ledit Paul, pour cent ducatz seullement, et il luy refusa. (COMM., III, 1495-1498, 66). D'autres biens airons nous foison ? (Astr. P., 1498, 220).

 

-

Au propre et au fig. Avoir le chef de qqn. "Avoir la tête de qqn ; obtenir la mort de qqn" : Ycy viendront les gens en brief, Lesqueulx veulent avoir mon chef. (Pass. Auv., 1477, 88).

 

.

Avoir la teste de qqn. V. tête

 

-

Empl. abs. : Nulluy ne se doit esmouvoir Des grans fortunes de la guerre ; C'est pour y perdre ou pour avoir ; Nulluy n'est point sceur y conquerre. A qui y survient la tonnerre Ne se peut de ce garantir ; C'est la planete qui defferre Les combatans a son plaisir. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 482).

 

3.

En partic. [L'objet désigne l'argent, des ressources] : ...je n'ois oncques denier (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 206). ...et si orent le plain salaire du seigneur. (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 99). ...ledit seigneur de Montauban (...) qui avoit eu des biens du royaume et argent inestimable, mourut à Tours et ne fut point plouré. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 159). Et ilec confessa que lesdiz Escossois avoient eu tout ledit argent (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 326). Or n'ay je chavance ne rente, Ne aultres biens de quoy puisse vivre. (Pass. Auv., 1477, 130). Aussi sera ce nostre paye ; Nous n'arons ja aultre loyer. (Pass. Auv., 1477, 200). Celluy que plus de poins arra [aux dés] La dicte robe en portera (Pass. Auv., 1477, 201). A'vous d'argent ? (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 160). ...fugitif de son père, le roy Charles, il y fut receu et nourry six ans, ayant deniers de luy pour son vivre (COMM., I, 1489-1491, 75). Et eust du roy, non comprins son estat de grant maistre, neuf mil livres de pension. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 207).

 

-

Empl. abs. "Disposer de richesses" : A toutes gens est plaisant ce vers cy : Dont tu ayes ["d'où tu tiens tes richesses"], nul fait question. (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 117).

 

-

Avoir de quoi + inf. "Disposer de suffisamment de ressources pour" : Et n'ont pas de quoi eulx embatre Un seul oeuf ou un mors de pain En leurs bouches ou en leur main (DESCH., M.M., c.1385-1403, 288). Lors renforcerent leurs pourveances, et d'argent, et de joyaulx, et d'estat, et de gens, pour ce que, se ilz trouvoient leur pere trespassé, qu'ilz ayent de quoy si noblement faire son obseque qu'ilz n'y aient nulle reprouche, et se mettent au chemin. (ARRAS, c.1392-1393, 289). ...voz bons parens n'auroient de quoy vous recueillir (BUEIL, II, 1461-1466, 166).

 

-

Avoir à + inf. "Disposer de quoi + inf." : Boire quiert, A boire a eu (DESCH., M.M., c.1385-1403, 132).

 

4.

[L'objet désigne un espace, un territoire]

 

-

"Disposer de, occuper" : L'un ot en Cezile sa terre (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 74). C'est que le roy par le traicté Edouart, qui nous faisoit guerre, Aroit, oultre toute la terre Qu' en Gascoingne tint et Guienne, Toute la terre comme sienne Que le roy de France y avoit (DESCH., M.M., c.1385-1403, 383). Comment, dit le roy, avez vous a loger plus de trois cens chevaulx ? Oui, sire, plus de dix mille (...). Il nous fault avoir depuis la grant esglise jusques au bas de la porte. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 50).

 

-

"Conquérir" : ...car il avoit plus tost conquestoit ung royaulme qu'il deuist avoir une cité. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 139).

 

5.

[L'objet désigne un vêtement, un ornement] "Porter" : Jamay plus n'arey sur mon dos Vestimente si precïeuse. (Pass. Auv., 1477, 149). Apres voz Beguines s'en vont, Lesquelles grant soulliers avont (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 815).

 

-

Avoir qqc. sur soi. "Porter qqc." : Enfans, dist Melusigne, veez cy deux anneaulx que je vous donne, dont les pierres ont une mesme vertu. Sachiez que tant que vous userez de loyauté, sans penser ne faire tricherie, ne mauvaitié, et que vous les ayez sur vous, vous ne serez desconfiz par armes, mais que vous ayez bonne querelle (ARRAS, c.1392-1393, 84).

 

6.

CHASSE Avoir du cerf. "Trouver les traces du cerf"

 

Rem. LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 371.

B. -

[Objet plus abstr. (ou subst. d'action ou inf.)]

 

1.

"Disposer, bénéficier de qqc." : Cil phillosophe Tholomee Qui sur touz ot la renommee D'estre bon astronomïen... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 101). Paix ayent d'or en avant (Bat. Angl. Bret. B., a.1355, 39). ...sur toute gent des siécles terriens et en tout le peuple des siécles celestiens ai je premiére eu seigneurie et puissance (Mir. femme, 1368, 181). Et de ce avonz nous exemple de ceux qui firent les loys des Cretoiens et des Lacedemoniens et d'autres semblables (ORESME, E.A., c.1370, 140). Item, elle ordenna et voult que seur tous ses biens moebles et heritaiges, conquestz et acquestz, ou quilz soient et pourront estre treuvez, soit prins rente pour aveoir des messes chascune sepmaine en la dicte esglise Sainct Saulveur pour le salut et remède de l'ame de elle et de ses bienfaicteurs (Invent. test. beauv. L., 1431, 68). J'ay toute la science et l'art Que ung homme ignare peut aver. (Menus propos P., 1461, 77). En veyant ta vertu divine J'ay assés ; je ne veulx plus rien. (Pass. Auv., 1477, 252). ...pensés es cieulx, Ou Jhesus a joyes aultaines (Pass. Auv., 1477, 254).

 

-

Avoir qqc. à son plaisir. "Disposer de qqc. à profusion" : En tel an veilla ceans cest chevalier nostre espervier, mais il dormy, et pour tant lui fault tenir compaignie a la dame de cest chastel tant comme il pourra vivre. Mais il ne lui fault rien qu'il n'ait a son plaisir, fors seulement le partir de ceans. (ARRAS, c.1392-1393, 304).

 

-

[Avec une valeur ingressive] "Bénéficier de qqc., obtenir qqc." : Car vous li faites avoir Pais et grace a vo doulx hoir. (Mir. enf. diable, c.1339, 19). ...vueilliez par vostre puissance (...) Que je puisse conseil trouver, Dame, qui me puisse assener Par quoy j'aie crestienté (Mir. enf. diable, c.1339, 30). Je ne feroie tel oultrage Que j'aie vostre pucellage. (Mir. Theod., 1357, 97). ...il en eu ["eût"] meilleur service eu que je ne luy avoye fait (Chev. papegau H., c.1400-1500, 55). Si de tes pechés ay doleur, Tant plus tost auras de Dieu grace. (Pass. Auv., 1477, 138). Le benoit Dieu des cieulx je prye Qu'il te doint avoir paradis. (Pass. Auv., 1477, 185). Par luy [Jésus] aras gloriffiement (Pass. Auv., 1477, 251). [Dieu] Ou tu aras de ton desir La parfection et compliment. (Pass. Auv., 1477, 251). Ja lie chere Jamaiz n'aroye De Dieu le pere, Veu qu'en la voye - j'ay tué son filz. (Pass. Auv., 1477, 276). A ta deïté ce jour pence Pour avoir de joye le pris. (Pass. Auv., 1477, 279).

 

-

[Formule de défi] Si en ait qui (en) peut (avoir). "Que le meilleur gagne" : ...se il voelent mettre sus les camps jusques à cinquante hommes d'armes, nous en y metterons ossi otant. Si en ait qui en poet avoir. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 218).

 

Rem. FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 104 ; 272...

 

-

Qui en peut avoir si en prenne. "Sauve qui peut" : ...il voit ses gens les ungs mors, les autres navrez, espouentez ou fuians au plus fort, il s'en fuit aussy, a la plus griefve joye du monde il laissez habandonne la battaille, quy en peut avoit [l.avoir] s'en prende. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 130).

 

-

N'avoir autre chose. "Ne rien obtenir d'autre" : En passant par Bourgongne, les aucuns de ses capitaines y furent rués jus et détroussés par le mareschal de Bourgongne, dont le dauphin fut moult troublé ; mais autre chose n'en put avoir ["il n'y put rien changer"] (Faits Lalaing K., c.1470, 38). Quand messire Jean de Lusse eut oy la response du prince de Navarre et qu'autre chose n'en put avoir, il se tint à tant, et l'en convint souffrir. (Faits Lalaing K., c.1470, 102).

 

-

"Gagner (au jeu)" : Tu aras ton compte [aux dés] (Pass. Auv., 1477, 202). Si je puis, j'arey dix VIIJ [points aux dés]. (Pass. Auv., 1477, 202).

 

-

Empl. abs. En avoir. "Gagner" : Mais, au fort, aux lances baissier On venra bien qui en ara (TAILLEV., Prise Luxemb. D., 1443, 169).

 

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Avoir mieux : "...O, que noble dame ! Je me tue bien de penser a vous, qui tant vallez. Toutesvoyes je ne m'en abstenray point, car je n'en puis que valloir de mieulx avoir." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 146).

 

-

Avoir du meilleur : ...et aussi avoit pourveu à ses vivres, qui venoient aprez lui sans ce qu'on lui eust peu donner aucun empeschement ; par quoy il semble qu'il eust eu du meilleur (BUEIL, II, 1461-1466, 231). Aucuns d'eulx eurent envye de nous assaillir, et mon advis est qu'ilz en eussent eu du meilleur (COMM., I, 1489-1491, 97).

 

-

Au passif [D'une chose] Estre eu. "Être obtenu" : ...ou tous biens, toutes joyes, tous soulas sont eus et trouvés (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 88). ...felicité est eüe par doctrine (ORESME, E.A.C., c.1370, 128). Car chose, tant soit de valeur, Puis que sans traveil est eüe Et sans desir, n'est chier tenue (Cent ball. R., c.1388-1396, 158).

 

2.

[L'objet a une valeur négative] "Subir qqc." : J'ai puis eu trop povreté (Mir. emper. Romme, 1369, 311). A tant il se party pour aler querir ce frere et en ot mainte paine (Nouvelles inéd. L., p.1452, 6). ...ung temps sera que vous arés Tant de maulx que vous mauldirés Vostre naiscence et vostre vie. (Pass. Auv., 1477, 190). Dobtant d'avoir punicïon, Je vous en fis bien adviser (Pass. Auv., 1477, 277). ...et brief auroit ung coup de fouet (COMM., III, 1495-1498, 146).

 

-

En avoir. "Prendre des coups" : Puisque tu frappe, je fierray Et tout en present je verray De moy et de toy qui en aura. (Pac. Job M., c.1448-1478, 264).

 

-

Avoir d'une arme. "Être atteint par une arme" : ...pour ce out le benoit Filz de Dieu d'une lanche parmi le cuer (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 17). Jonesche fu mont blechié, quer il out eu du glaive Atrempance parmi le costé (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 105).

 

-

Avoir pis. V. pis : Jhesu Crist la vueille garder De pis avoir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 187).

 

-

Avoir du pire / du pis. V. pis : Sans cause n'est se je guesmente, Sans cause n'est se je souspire, Sans cause duel en moy n'augmente, Sans cause mon cueur ne respire, Sans cause n'est se j'ay du pire (LA VIGNE, S.M., 1496, 569).

 

-

Au passif [D'une chose] Estre eu. "Être vaincu, être dominé par" : ...dire que le corps est eu de fievre, c'est a dire que la fievre est moult forte (...) ...quant la fievre est petite et nature a seigneurie sur la fievre nous disons que la fievre est eue du corps ; maiz quant la vertu est vaincue de la fievre qui a seigneurie, nous disons que le corps est eu de la fievre (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 235).

 

3.

N'avoir que + inf.

 

a)

"Ne pas disposer de quoi + inf. (donc ne pas pouvoir)" : ...ilz n'avoient plus que menger, et par grant contrainte de famine estoient ceulx de dedens en composicion de eulx rendre (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 35). Car plus ne povoient ilz demourer pour ce qu'ilz n'avoient plus que mangier. (BUEIL, I, 1461-1466, 211). Mes amys, je n'ay que disner (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 170).

 

-

P. ext. [En partic. quand l'inf. est un verbe intrans.] N'avoir que tarder. "Ne pas pouvoir s'attarder" : Mes freres, que targier n'avons (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 179). Sire, vous estes maintenant à la fin de l'iver : vous n'avez plus que tarder. (BUEIL, II, 1461-1466, 164). Mes freres, que tarder n'avons ; Nostre maistre est tout au plus pres Du temple. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 410).

 

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N'avoir fors que + inf. "Ne pouvoir que" : Tant fault il qu'il soit plus subtil, Plus caut et plus malicieus De soy garder que ne sont ceuls Qui n'ont fors que penser a Dieu Et qui ne se muevent d'un lieu (DESCH., M.M., c.1385-1403, 323).

 

b)

Avoir que faire

 

-

Avoir que faire de. "Pouvoir faire qqc. de" : Se vous és ["avez"] que faire de nous, Commandez. (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 295).

 

-

N'avoir que faire de qqc. "Ne pas savoir quoi faire de, faire peu de cas de" : Il n'a que faire de orpiment (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 349). ...et le roiaulme de France dont il n'eust que faire (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 253). ...car ilz n'avoient plus que faire de demourer sus le pays pour chose de guerre qui apparant leur fust (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 123). ...et leur dy que s'il n'y avoit que moy et mes gens, si les yroye je combatre, et leur dy que de leurs trieves n'avons nous que faire. (ARRAS, c.1392-1393, 223). ...car si le roy gaignoit la bataille, Gennes se viendroit presenter d'elle-mesmes, et, s'il perdoit, il n'en auroit que faire (COMM., III, 1495-1498, 152).

 

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N'avoir que besogner de : L'omme sain n'a que besongner De medecin (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 64).

 

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N'avoir que faire de + inf. : ...jamais chevaliers d'Escoce n'aroit que faire de venir en France (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 277).

 

-

N'avoir que faire qq. part. "Ne pas avoir sa place qq. part" : En ce lieu cy tu n'as que faire. (LA VIGNE, S.M., 1496, 563).

C. -

[Objet de l'animé (humain ou animal)]

 

1.

"Disposer de qqn, des services, de l'aide de qqn" : [Personnif.] Et sas [l. s'as] Murdre, et Desesperance, Assés de gens t'acointerons, Ne ja n'avras mal ne grevance Avoec nous (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 34). Quant le cappitaine l'ouy parler si vaillaument, si le tint a grant bien, et bien pensoit qu'il vouloit conquerir moult de pays. Si respondy : Je vous trouveray bien IIIJm. combatans, et IJm. que bons brigans, que arbalestriers. Par foy, dist Uriiens, c'est assez. Or faictes que nous les ayons a demy journee des ennemis. (ARRAS, c.1392-1393, 99). Et compterent a OEudon, leur frere, comment le roy d'Arragon et la royne vouldrent avoir Bernardon, son filz. Et cil respond : Dieux y ait part, je le tien a bien emploié. (ARRAS, c.1392-1393, 293). Las, qui la pourra conforter ? Il nous fault avoir quelcun homme. (Pass. Auv., 1477, 183).

 

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Avoir qui + subj. "Disposer de qqn qui..." : Et au point du jour ferrons a un petit port qui n'est gueres loing de cy, que on apelle le cap Saint Andrieu. Et la n'aurons qui nous deffende a prendre terre. (ARRAS, c.1392-1393, 131).

 

-

[Un animal] : Et il est remonteiz sur son cheval, qui avoit nom Broifort, que Ogier oit loing temps (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 55).

 

-

En partic. "Disposer de qqn en tant qu'époux, amant, ami, allié..." : Et le roy lui respond : Tenez moy la promesse de l'aventure de ce chastel, car j'ay bien fait mon devoir. Par foy, dist la dame, je n'y debat pas. Or demandez chose raisonnable, et vous l'aurez, car moy ne povez vous avoir. Par foy, dist le roy, touteffoiz ne vueil je autre don, ne autre ne vous demanderay. (ARRAS, c.1392-1393, 305). Povre fol, n'es tu pas descendu de la lignie du roy Guion, qui fu filz Melusigne, ma seur, et je suis ta tante, et tu es si prez de mon lignaige, posé que je me voulzisse assentir a toy avoir, que l'eglise ne s'i vouldroit pas accorder. (ARRAS, c.1392-1393, 305). ...messires Botir d'Az, qui estoit seroges alle saingnor de Hermalles, car ilh et ly sires de Hermalles avoiient [pour épouses] les dois sereurs do saingnor de Haneffe et do saingnor de Seraing (HEMRICOURT, Guerres Awans B., c.1398, 22). ...sy ot la fille le roy de Salerie (...) ; d'eaux yssit le malvaiz Milon (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 10). Bientost après monseigneur de Guyenne voult avoir [pour ami] mon dit seigneur de Richemont et le print de son oncle de Berry et l'ama fort, et lui donna bonne et grande ordennance en sa maison et eut grant gouvernement avecques luy (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 10). ...je veulx tenir, dit la pucelle, ce que mon pere vous a dit (...). Si me tiendroye a bien heuree si j'avois [pour époux] ung de voz barons de vostre royaulme. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 85).

 

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Avoir l'un l'autre. "Prendre l'un l'autre pour conjoint" : Il faut tenir indubitamment que les enfans de deux comperes peuent avoir les ungz les autres, excepté icelle personne moyennant laquelle compaternité est contraite (Sacr. mar., c.1477-1481, 58).

 

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Avoir qqn par force ou par amours : Et dit, comment qu'il soit, que il l'aura [la demoiselle de Luxembourg] par force ou par amours. (ARRAS, c.1392-1393, 150).

 

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Avoir Dieu (près de soi, avec soi) : Tu es en toutes choses (...) car certainement, qui n'ara toy, a paine en nulle guise n'eschapera de toy courroucié. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 59). ...nous avons Dieu ["avoir Dieu avec soi"] et saint Jacques, et sy sont nos gens plus victorieux dez leurs. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 103).

 

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"Posséder (une femme)" : Phebus (...) Ne pooit vaintre ny esprendre Yse la pucele (...). Mais quant il prist forme de paistre, Lors s'en vit il seignour et maistre Et l'ot a sa volenté plaine (Echecs amour. K., c.1370-1380, 218). Ilz manguent, ilz ont les filles, Ilz ont tous les deliz mondains ! (DESCH., M.M., c.1385-1403, 159).

 

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"Avoir pour adversaire" : ...je feray la batailhe au roy, se vous n'y oseiz alleir. Mais vous joustereiz, cuy qu'ilz doit avoir [éd. : "quel que soit l'adversaire que le roi Ogier doive avoir"] (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 107).

 

2.

"Avoir donné naissance à"

 

-

Avoir un enfant. "Avoir donné naissance à un enfant" : ...nulz ne pourra congnoistre (...) Que tu aies eu enfant. (Mir. abbeesse, 1340, 88). La endroit fut m'amye, Et en eux ung beau filz (Tristan Nant. S., c.1350, 261). Elle ot de luy ung enfant (Nouvelles inéd. L., p.1452, 8). ...combien qu'elle eust de sondit mary tout le plaisir que femme en povoit avoir, et d'elle avoit eu XII enfans en mariage (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 114).

 

-

[D'un animal] : Se en une cense a plenté de brebis qui aient pluiseurs aigneaux... (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 98).

 

3.

[Dans le langage guerrier] "Dominer, vaincre qqn" : ...jamais on ne les euist là alé combatre, pour tant que on ne les euist point eu sans trop grant damage (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 51). ...et nous les courerons sus a l'aultre costeit. Ainsy les avrons nous. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 140). Traicte Lengrois, nous vous aurons ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.5622).

 

4.

"Prendre, attraper qqn (ou une bête)" : SECOND DYABLE. ça, dame, il nous convient avoir Vostre fil (Mir. enf. diable, c.1339, 21). ...il se pensa comment il le pourroit avoir par aguet (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 101). [Lors d'une noyade] Certes, il est parffunt en l'eau. A l'avoir il nous donra poine. (Pass. Auv., 1477, 158).

 

-

Au passif [De bêtes] : Et de ceste rois a quatre gielles [les oiseaux] sont eus de tres bons deduis (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 283).

 

-

"Récupérer qqn (une âme)" : Maintenant fault avoir memoire De sanctes gens qu'es limbes sont. Pour les avoir m'en y vays donc. (Pass. Auv., 1477, 225). Maulditz diables, laissés ce lieu ! A ceste ame vous n'avés riens. Jhesus l'ara avec les siens Aux limbes, ou sont les sancts peres. (Pass. Auv., 1477, 251).

 

-

Au fig. Avoir qqn. "Attraper, duper qqn" : Si je vous trouve, Roge Gorge ni maistre Verdier, Je vous aray ! (Pipée R., c.1470-1480, 184).

 

.

Vous ne m'aurez pas. "Vous ne réussirez pas à me duper" : ...vous ne me aurez pas de ce tour cy ; car, se je puis savoir qui il est, il me monstrera comment je lui doy, ou il me rendra mes arrierages du temps passé, ou vous les me rendrez. (ARRAS, c.1392-1393, 295).

 

-

[D'une chose] "Posséder, affecter, étreindre qqn" : Tous mes mignhons Pers a cest'eure ; Desolacions - m'ont sans demeure. (Pass. Auv., 1477, 241).

II. -

P. ext. [Verbe marquant l'idée la plus générale de relation (au sens logique du terme) unissant le sujet à un autre argument (ou à d'autres arguments) ; la relation est déterminée par la nature de ces aguments]

A. -

[Le subst. objet présuppose une relation (p. ex. on ne peut être ami sans être l'ami de qqn) ; du fait même il spécifie la relation que marque le verbe avoir] Avoir qqn

 

1.

"Disposer de qqn en tant que..." : LE FRÉRE. Certes, dame, je m'y accors, Mais qu'aie prestre. LE PAPE. Penancier, alez vous la mettre, Pour l'escouter. (Mir. emper. Romme, 1369, 304). Noble duc, la cité et nous sommes du tout en vostre commandement, plus que a seigneur marchissant que nous ayons. Et ne nous espargniez de chose que nous puissions faire, car nous en sommes tous prests, et ore et autresfoiz.. (ARRAS, c.1392-1393, 176). Madame, je m'en vueil aler aprez monseigneur mon frere, faictes moy avoir quelque bon maronnier qui bien sache la contree de ceste mer, par quoy je ne faille pas a trouver mon frere, et je vous en pry tant comme je puis ne scay. (ARRAS, c.1392-1393, 216). Encores avez d'officiers Tres plus que ne seroit mestiers. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 36). Et par ce avrez dame en qui compassee Sera beauté qu' Amours scet preparer (CHART., L. Plais., c.1412, 153). Et queulx gens d'armes avons nous En la frontiere, se Dieu plaist ? (CHART., D. Her., p.1415, 432). ...car chascun veult estre maistre du mestier dont nous avons encores pou de bons apprentiz (CHART., Q. inv., 1422, 56). Assés avés clers et notaires Et faulsaires tabelhons. (Pass. Auv., 1477, 94).

 

2.

[La pers. objet est en relation naturelle, familiale, élective, affective... avec le sujet] "Être avec qqn dans une certaine relation (spécifiée par le subst. objet)" : Et donques se au beneuré son estre li est eslisible en tant comme il est bon et delitable selon soy par nature et l'estre de son amy est prouchain ou presque le sien quant a affeccion, il s'ensuit que amy ou avoir amy est eslisible au beneuré (ORESME, E.A., c.1370, 488). ...ce n'est pas m'entente Que j'aie plus femme jamais Par nom de mariage (Mir. Berthe, c.1373, 226). Elle avoit un frere nommé Jacques de Voisines (Nouvelles inéd. L., p.1452, 1). Je suis la mere maleureuse ; Plus non ay enfant ne marit. (Pass. Auv., 1477, 130). Demeurarey je seule en vie Sans avoir parens ne amis Demorant en ma companie ? (Pass. Auv., 1477, 220).

 

-

[Relations de dépendance hiérarchique ou juridique] : Raby [Jésus], tu es plus puissant que moy, Et si n'as nul prince sur toy. (Pass. Auv., 1477, 129). ...un usurier deux debteurs avoit. (Pass. Auv., 1477, 153). Nous n'avons nul roy que Cesar ! (Pass. Auv., 1477, 170).

B. -

[Le subst. objet, qui désigne une composante caractéristique du sujet ou sa manière d'être momentanée, est avec le sujet en relation inhérente ; la relation que marque le verbe avoir est en partic. celle de la "possession inaliénable"] Sujet + avoir + subst. objet

 

1.

[D'une pers. (ou d'un animal)]

 

a)

[L'objet désigne une caractéristique physique] : ...je sui conme vous femme Et (...) j'ai mamelles : tastez. (Mir. fille roy, c.1379, 93). ...on y doit avoir bon pié et bon oeil. (BUEIL, I, 1461-1466, 198). Oués, tous que avés oureilhes [(capables d'ouïr)] ! [Réf. à Luc 8, 8] (Pass. Auv., 1477, 137). ...je n'ay plus jambes ne bras De quoy je me puisse ayder. (Pass. Auv., 1477, 167).

 

-

Avoir + subst. désignant une mesure : ...si furent tous esbahiz de sa grandeur [du géant], car il avoit XV piez de long. (ARRAS, c.1392-1393, 247).

 

b)

[L'objet désigne l'âge, tel âge] : Conment que je n'aie encore age Du delaissier pour ma veillesce, (...) Je vous ay voué, fleur de lis, Que jamais de ma char delis Ne sera en vostre honneur fais. (Mir. enf. diable, c.1339, 3). Oncques puis que eulx .vii. ans, l'ange dont nous parlon, Ne vy ne n'encontray (Tristan Nant. S., c.1350, 208). ...le prince de Galles, lequel povoit avoir dix ans (COMM., II, 1489-1491, 232).

 

c)

[L'objet désigne une caractéristique intellectuelle, morale, sociale] : Et d'un costé et d'aultre urent coeur de lion (Bat. Angl. Bret. B., a.1355, 56). ...com plus sueffre, plus ai force De plus souffrir. (Mir. st Ign., 1366, 109). Et quant les choses ne adviennent pas teles comme ilz esperoient, il s'enfuient. Mais comme nous avon dit devant il appartient a vrai fort soustenir les choses terribles qui sont a soustenir a homme. Et ne tient conte de choses qui sont terribles tant seulement selon apparance. Et ce que il soustient, ce est pour obtenir ou pour eviter pechié et laidure et pour ce semblent mieuls avoir la vertu de fortitude... (ORESME, E.A., c.1370, 216). Bien me desplait que te martrye Pour les grans vertus que tu as. (Pass. Auv., 1477, 100). Le jeune cuyde avoir sapience (Pass. Auv., 1477, 118). De Dieu il [Jésus] a vertu parfaicte. (Pass. Auv., 1477, 133). Mes pour quoy ara ce prophete Plus grant puissance que vous tous, Veu qu'il est seu et entre vous Estes plus de douze ensemble ? (Pass. Auv., 1477, 160). Graces te rans a chere lie, Bon Jhesus, qui ne hus oncques vice ! (Pass. Auv., 1477, 164). Si Jhesus avoit deïté (Pass. Auv., 1477, 275). Comment av'ous la hardiesse De me pourchasser tel outrage ? (Gal. Sancté P., c.1485, 190).

 

-

Avoir (tel) nom : Pluseurs ont nom com vous avez (DESCH., M.M., c.1385-1403, 82). Et il est remonteiz sur son cheval, qui avoit nom Broifort, que Ogier oit loing temps (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 55).

 

-

Avoir le nom de (le renom de) : De pecheurs n'aront plus le nom Par vostre bonté souveraine. (Pass. Auv., 1477, 217).

 

d)

[L'objet désigne une manière d'être physique] : ...je heus huy matin les costés sy malmis Qu'ilz sont tous deffroissé (Tristan Nant. S., c.1350, 600). Se jamais n'aie mal es dens, Mon chier seigneur, bien leur diray. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 49). ...elle a grant fain De veoir quelque miracle faire A ce prophete de bon aire (Pass. Auv., 1477, 134). Vous vouldriés bien qu'il vous tint paix Et qu'il n'ust plus la maladie ? (Pass. Auv., 1477, 159). Je non ay pas aux bras la goute. (Pass. Auv., 1477, 231). N'a guieres qu'il a eu effors ; Il est encores tout fin chault. (Pass. Auv., 1477, 248).

 

e)

[L'objet désigne une manière d'être psychique, morale, sociale...] : Se vous voulez parfaittement Vivre et avoir vraie sagesce, (...) Aiez en vous la paour de Dieu (Mir. ev. arced., c.1341, 106). Jehan, amis, ne pleure plus, Mais aies cuer plain de leesce. (Mir. st J. Cris., c.1344, 276). ...sa mere Qui ot au cuer douleur amere... (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 95). ... si que pour temptacion qu'ilz aient ilz ne delaissent point la voie de penitence (Mir. st Ign., 1366, 72). Item, se en telz parlers a aucunes choses qui ne li soient bonnes, mais soient contre le honesté de lui ou qui lui soient nuisibles et contre son proffit, il avra indignacion de faire par ce delectacion a ceulz qui les dient et eslira plus contrister les (ORESME, E.A., c.1370, 265). ...Que tant de bon euür euüsse (Echecs amour. K., c.1370-1380, 163). En airan ["aurons-nous"] plus d'opinion ? (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 82). ...j'ay perdu ma plesance Et la joyeuseté que j'avoye (Pass. Auv., 1477, 108). Coment puis mes yeulx ne ma face Lever es cieulx, n'avoir lïesse ? (Pass. Auv., 1477, 138). J'en ay ung remort (si) tresgrant que le cuer me fent ! (Pass. Auv., 1477, 234). J'ey soulcy de faire et deffaire, J'ey soulcy d'aler et venir (Gent. moun. T., c.1500, 335).

 

-

[Pour interroger sur l'état dont le sujet est affecté] Qu'as-tu ? : Qu'as tu, mon frére ? Est ce mon pére Qui t'a batu ? (Mir. nonne, 1345, 347). Qu'avez vous ? Quel mouche vous point, Dont tant en vain vous travaillez ? (CHART., D. Rev., a.1424, 309). Je pence que tu rigolles ; Qu'as tu ? Mais qu'esse que tu dis ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 449).

 

2.

[D'une chose] : Par foy, dist Gieffroy, le peril en est passez ; et, beaulx seigneurs, sachiez que qui jamais rien n'encommenceroit, jamais ne seroit nulle chose achevee. Il fault avoir a la chose commencement et moyen ains que la fin. (ARRAS, c.1392-1393, 247). Tousjours mon oeil regard aira (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 95). ...en avril que les arbres ont habondance d'umeur (BUEIL, II, 1461-1466, 55). Maulvaitié a divers passaiges. (Pass. Auv., 1477, 111). Je boyrey du vin de ce pot, Pour ce qu'il a belle couleur. (Pass. Auv., 1477, 89). Sur roche n'a [la semence] jamaiz racine. [Réf. à Luc 8, 13] (Pass. Auv., 1477, 137).

C. -

[L'objet désigne un contenu propositionnel ; le verbe avoir marque la relation épistémique avec le sujet]

 

1.

Nous avons que./Nous avons + interr. indir. "Nous tenons pour acquis que, nous savons que ; nous savons + interr. indir." : Or avon donques que mouvement n'est pas parfait par toutes les parties du temps ouquel il dure (ORESME, E.A., c.1370, 505). Or avons donques comment desus et destre et devant sont ou ciel (ORESME, C.M., c.1377, 332). Or avons donques comment la verité de la sainte Escripture est declaree et tesmoingnie en ceste partie par la fable des poëtes paiens (ORESME, C.M., c.1377, 376). En aprés de la pitié et debonnaireté du vray amoureux saint Pol envers tous, qui en pourroit assés parler ? N'avons nous pas qu'il se nommoit mere et nourrice qui enfantoit et allaictoit tous ceulz qui se convertissoyent ? (GERS., P. Paul, a.1394, 510). Et par le contraire, nous avons que Jhesu Crist ne feist pas moult de vertus et de misericorde aux malades de son pays pour l'incredulité d'eulz (GERS., Purif., 1396-1397, 64). Or avons nous que on se doit conseiller et si avons quel doit estre conseil (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 148). Or avons donques comment conseil est partye de justice, que le prince doit avoir conseilliers et quelz ilz doivent estre, et comment il en doit user (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 254). Or nous [sç]avons [l. avons] par la loy Moyse Que devons toutes sans tarder Telles meschantes lapider Qui violent leurs mariages. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 160). [Cf. aussi Addition IV, v. 17 (après le v. 23229)]

 

-

[La sub. est représentée par le] : Quant au premier - que vraye Creance amaine misericorde -, nous l'avons de Abraham a qui, pour ceste vertus, fut faicte la premiere promission de ceste misericorde : le benoit Filz de Dieu. (GERS., Purif., 1396-1397, 63).

 

2.

Nous avons de qqn / qqc. "Nous savons qqc. à propos de... , nous avons la connaissance de" : N'avons nous pas de nostre Dame qui se reputoit petite ancelle et ung neant a son jugement, laquelle neantmoins fut de telle manificence que elle s'accorda a estre mere de Dieu ? (GERS., P. Paul, a.1394, 502). Premier, vëon Que le prophete Simëon A preschié, par raison estable, Ceste chose estre veritable, Et d'autres aussi plus de trois. Nous avons aussi des trois roys Qui (...). Nous avons de l'estoille, aprés, Que (...). Nous avons du ceptre royal Qui... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 133). Nous avons de Thobie, qui dit : ... (ROB. HERL., Déb. fauc. lévr. H., c.1470-1500, 34). N'avons nous pas du duc Guillaume Qui la feit festier en sa terre, Dont il acquesta le royaulme Et tout le pays d'Angleterre ? (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 51).

 

3.

P. ext. [Comme substitut de (il y) a, morphème de présentation, pour marquer la présence de qqc. (dans un écrit)] : Si comme nous avon en l'Euvangile de la povre veuve [[qui]] donna deux petis deniers a l'euvre du temple. (ORESME, E.A.C., c.1370, 449). Car confermez en paradis Fut leur droit anciennement. Nous l'avons ou Viel Testament Du peuple qui voult avoir roy, Et Dieux l'otria en la loy De Moyse (DESCH., M.M., c.1385-1403, 268). ...nous avons en l'evangille du jour dui que les filz d'Israel le receurent. (GERS., Gourm. I, G., 1402, 799).

D. -

[La relation que marque le verbe avoir est liée à la construction (constr. avec attr. de l'obj. ; doubles constr.)]

 

1.

[Relation attributive] Sujet + avoir + subst. objet + attr. de l'obj.

 

a)

[L'attr. de l'obj. est un adj.] : ...elle les vouloit avoier [var. avoir, les sainctes messes] basses, povres et petites (PIERRE DE REIMS, Vie ste Colette U.A., 1447, 48).

 

-

[L'objet désigne une pers., un collectif] : Dont, dist Anthoine, ay je droit d'avoir essayé mes compaignons, pour savoir comment je les auray prests a mon besoing (ARRAS, c.1392-1393, 157). Ayés doncques vostres gens dures Pour soustenir leurs armeüres. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 27). Pour Allemaigne, vous avez, et de tout temps, la maison d'Autriche et de Bavyères contraires (COMM., II, 1489-1491, 209).

 

-

[L'objet désigne une partie, un aspect de qqn ou qqc.] : Je suis sanz cause diffamée (...) Dont triste et dolent ai le cuer (Mir. femme, 1368, 187). Car, se bonne disposicion de corps est avoir la char bien ferme et bien composee, par ce l'en scet que mauvaise disposicion est avoir la char molle et mal composee. (ORESME, E.A., c.1370, 276). ...elle enfanta un filz masle, qui (...) avoit un oeil rouge et l'autre pers (ARRAS, c.1392-1393, 48). ...les dens out loings et la bouche estroite (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 117). De vous suis esbaïs, chiere n'ez ["n'avez"] pas ardie ! (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 525). ...les vies avrés sauves (Hist. seign. Gavre, c.1456. In : Chrestom. R., 162). ...et as les biens de nature amples en toy (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 189). A elle j'ay mon cuer enclin (Pass. Auv., 1477, 92). Jhesus, qui a voix gracieuse. (Pass. Auv., 1477, 118). Elle a le langage estrange (Pass. Auv., 1477, 144). Mon filz n'a pas ung tel visacge ! (Pass. Auv., 1477, 190). Helas, que vous advés les yeulx Las et piteux, Moult fort lipeux ; - vous ne l'advés pas de nature. (Pass. Auv., 1477, 255). Prince, qui as fort doulce alaine, Baiser te veulx par ung doulx vis (Pass. Auv., 1477, 279).

 

-

Avoir qqc. agreable. V. agréable : Voz fauz ydoles delaissiez Qui ne sont pas diex, mais sont dyables ; Ne les aiés pas agreables (Mir. st Val., c.1367, 162). Et ot agréable le roy icelle composicion. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 17).

 

b)

[L'attr. de l'obj. est un part. prés. adjectivé] : ...lesquels dragons et serpens avoent crestes sur leur testes tranchans comme rasouers (WAUQUELIN, Conq. faits Alexandre, c.1448. In : Chrestom. R., 107). J'en auray brief l'esprit vollant. (LA VIGNE, S.M., 1496, 563).

 

c)

[L'attr. de l'obj. est un part. passé adjectivé] : Et, incontinent qu'il ot eu le col couppé, fut son corps et sa teste mis en ung sarcueil couvert d'un poile armoyé à ses armes (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 295). Mais il failly à ses entreprinses et eut la teste trenchée par une femme appellée Judich. (BUEIL, I, 1461-1466, 120). J'avoys le cueur serré (COMM., III, 1495-1498, 127). Du mal j'ay la teste fendue (LA VIGNE, S.M., 1496, 377). De glaive es-tu ["aies-tu"] le coeur transy (Gent. moun. T., c.1500, 373).

 

d)

[L'attr. de l'obj. est un syntagme prép.]

 

-

[Introduit par à]

 

.

Avoir qqc. à + adj. "Considérer qqc. comme" : ...les franchises anciennement faictes que le peuple avoit à bonnes. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 9).

 

.

Avoir à nom + énoncé de ce nom. V. nom

 

.

Avoir qqn à ami(e) / femme / epoux / frere... : ...aussi devoit elle avoir a espoux le souverain des roys. (Mir. ev. arced., c.1341, 104). ...le pére endurer Ne souffrir ne veult que je l'aie A femme (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 66). Gervaise propre nous met en exemple d'un chevalier nommé Rogier du Chastel de Rousset, en la province d'Auxci, qui trouva une faee et la voult avoir a femme. Elle s'i consenty par tel convenant que jamais nue ne la verroit. (ARRAS, c.1392-1393, 4). Mais qui que reposast, ce ne fu pas Hermine, car elle ne puet yssir de la pensee de Uriien, et le desire tant a veoir, pour le bien que on lui dit de lui, qu'elle dit a soy mesmes que, se il avoit le visaige plus contrefait c. foiz que il n'a, si est il tailliez, pour sa bonté et pour sa prouesse, d'avoir la fille du plus hault roy du monde a amie. (ARRAS, c.1392-1393, 104). ...je n'auray ja le roy d'Aussay a mary, non pas que il ne vaille mieulx que a moy n'appertiengne, mais pour tant qu'il me veult avoir par force. (ARRAS, c.1392-1393, 148). ...ne il me sera ja reprouvé que j'aye moine a frere. (ARRAS, c.1392-1393, 251). Ors oit le roy hongroys ung filz a pape (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 7). ...et que Pamphile avroit a femme celle estrangiere. (RIPPE, Andrienne, a.1466. In : Chrestom. R., 208).

 

-

[Introduit par en] : Pieça que j'ai en appetit De le vous dire. (Mir. roy Thierry, c.1374, 318). Tu ois l'amour en honneur, a joye et a prouffit (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 110). ...toy tout bon n'aras pas en desdaing ma contricion (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 100). ...Pour vous avoir en mariage. (Coust. Esop. T., c.1500, 162).

 

-

[Introduit par pour] : Et doit avoir pour chose moult chiere et moult amable quant il puet trouver .I. petit nombre de telz amis. (ORESME, E.A., c.1370, 490). Par ma foy, ma dame, je ne vueil or ne argent, terre ne heritaige, bonne ville, chastel ne cité, car, Dieu mercy, je suiz riches homs assez, et il me souffist. Mais je vueil avoir le corps de vous pour moillier. (ARRAS, c.1392-1393, 305).

 

.

Avoir qqn pour + adj. / part. passé "Tenir pour" : Ilz les prisent moins que neant, Car ilz les ont pour scismatiques. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 19). Si se print a doubter que on ne l'eust pour souspeçonné du cas qu'il avoit entreprins de faire (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 102). Hault empereur, plain de noblesse, Ayés nous pour recommandés. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 169). [V. recommander]

 

e)

[L'attr. de l'obj. est un syntagme nominal en constr. directe] : Je vueil bien qu'amie m'aiez Et que vous aie ami aussi (Mir. emper. Romme, 1369, 261). Posé que un homme ait son pere et son filz bonnes gens (ORESME, E.A.C., c.1370, 460). Et se tu as un filz marchant... (DESCH., M.M., c.1385-1403, 74).

 

f)

[L'attr. de l'obj. est l'interr. comme / comment] : Comment ast nom ? (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 194). ...coment as tu nom ? (Chev. papegau H., c.1400-1500, 4). Comme avez vous nom ? (BUEIL, I, 1461-1466, 223).

 

-

Comment l'avez-vous ?. "Comment allez-vous ?" : Dame (...) comment l'avez -vous ? - Tresbien, dit-elle, sires. (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 30).

 

2.

[Doubles constr. (relations à plus de deux arguments)]

 

a)

[Constr. dir. et indir.] : Or aies a Dieu tes pensées (Mir. enf. diable, c.1339, 19). Je vous requier donques que j'aie Mon maistre hui mais en ma mennaie Pour avoir avec li conseil (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 286). Si avrez puis mon cuer a vostre voulenté (Chev. papegau H., c.1400-1500, 29). C'est le miroir, l'exemple et le regart Qu'on doit avoir aux vaillans (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 123). Et, y vint ilec le veoir ainsi appareillé ledit monseigneur de Lorraine, vestu de dueil, et avoit une grant barbe d'or venant jusques à la seinture en significacion des anciens preux et de la victoire qu'il avoit sur lui eue. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 42). ...ceulx qui avoient une bannerette au poing. (BUEIL, I, 1461-1466, 179). Ilz avoient le bec au vent (BUEIL, II, 1461-1466, 234). ...tout le jour a vous j'ay ma pensee (Pass. Auv., 1477, 178). Je n'ay pas de ce grant esmay (Pass. Auv., 1477, 222). Lors farons penitence grant Du peché qu'arions de sa mort (Pass. Auv., 1477, 275). Et pour ce est bien necessaire à ung prince d'avoir plusieurs gens à son conseil, car les plus saiges errent aucunes fois très souvent (COMM., I, 1489-1491, 103). ...car j'ey tout à souhaict Se c'un amoureulx doibt avoir (Retraict T., c.1490, 214).

 

-

DR. Avoir cause de qqn. "Posséder un droit par le fait de qqn qui l'a transmis" : ...nous, en la presence et pour le consoilh de messire Bertrant, bastart de Lebret, de monssieur Bernotin de la Font, chevalier, (...) avonz fait fin compte ou nom et pour les hoirs dudit messire Harnaut et ceulx qui de lui peuvent avoir cause (Titres Bourbon H.-B., t.1, 1365, 518).

 

.

V. ayant-cause

 

-

Avoir qqc. à + inf. : Et le mien pere aussy (...), Qui out sy tres longtemps tant a porter. (Tristan Nant. S., c.1350, 320). ...et que je apreigne ce que j'aray a souffrir (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 55). Vien ça, Dismas, qui n'as pareilh A larroner et faire maulx ! (Pass. Auv., 1477, 206). Comment, dit le roy, avez vous a loger plus de trois cens chevaulx ? (Jehan de Paris W., 1494-1495, 49).

 

-

N'avoir rien à qqn / à qqc. "Ne pas avoir de rapport, de lien avec qqn ou qqc., être étranger à qqn ou qqc." : Gaufroit, trop faitez a blameir, qui Danemarche vouleiz demandeir au roy qui riens n'y at. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 3). Jhesus de femme vierge et mere Fut fait homme, c'est chose clere ; Aussi nous reconsilia : Maleureux est qui rien n'y a. (ALECIS, Déb. omme femme P.P., c.1460, 133). Maulditz diables, laissés ce lieu ! A ceste ame vous n'avés riens. (Pass. Auv., 1477, 251). [Il s'agit d'une perruque tombée à terre] Vous esmerveillez vous se les cheveux ou je n'avoye rien m'ont laissé et se sont de avecques moy departis... ? (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 89). LEUIATHAN. Voire et ceans [l'âme] demourra RAPHAEL. Certes faulx dyables non sera Car vous ny auez rien a present A martin men vois apertement (Myst. st Martin K., a.1500, 279).

 

.

Avoir moult à faire. "Connaître de grandes difficultés" : ...ses hoirs ont depuis eu moult a faire, et moult de ennuis et de pestillences (ARRAS, c.1392-1393, 307).

 

.

Avoir assez à faire de. "Avoir beaucoup de mal à" : ... le jayant (...) prent un grant levier entre ses poings, un fort vilain auroit assez a faire de le lever. (ARRAS, c.1392-1393, 263).

 

-

Avoir qqn / qqc. en : ...car quant il avoient aucun en tresgrant admiracion et disoient que c'est .I. homme divin... (ORESME, E.A., c.1370, 364). Sire, qu(e) oz en pensé ? (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 473).

 

-

Avoir qqn à disner. "Obtenir de qqn une réponse favorable à une invitation à dîner" : Ung grant pleisir certes aré Si je puis avoir le prophete A disner. (Pass. Auv., 1477, 139).

 

-

Avoir (qqn) contre soi. "Ne pas avoir le dessus" : ...car il n'y avoit leans homme si hardy de saillir, pour ce qu'ilz avoient eu tousjours contre eulz. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 135).

 

-

Avoir qqn sus la gorge. "En vouloir à qqn" : Quant le roy oy et vey Medee en si povre estat qu'elle sambloit une autre femme, il eut pitié d'elle, la conforta et lui dist qu'il pugniroit Jason ; car il l'avoit sus la gorge pour ce qu'il avoit failly a estre Troyes. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 236).

 

b)

[Constr. doublement indir.]

 

-

Avoir à faire de qqc. "Se soucier de"

 

.

[En tournure interr.] Qu'en ai-je à faire. "Que m'importe" : Pierres, tu quiers tousjours la noyse ; Tu t'en pourras bien repentir. Chascun puet et veoir et sentir Que homme mort ne se puet bougier. S'il ne puet boire ne mengier, Puis qu'il se muet, qu'en ay je a faire ? (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 127).

 

-

En avoir pour une. "Être dupe" : Par le corps bieu, j'en ay pour une ! il n'a pié ne main, il ne hobe (Fr. arch. B., c.1468-1480, 44).

 

-

[Constr. doubles comparatives] Avoir plus à + inf. que + inf. "Préférer + inf. plutôt que de + inf." : ...les Rommains reputerrent la gouvernance des roys, pour la commune liberté et franchise, qu'ilz avoient plus a morir que plus venir en leur subjection (LA SALE, Sale D., 1451, 103).

 

3.

[Ds une loc. à valeur d'auxiliaire de mode] Avoir à + inf. "Devoir, être en situation de" : Ce m'en a fait tant abstenir Que j'ai eu a besoingnier. (Mir. chan., c.1361, 142). A demander pas ne l'avez, Nachor, mais ce vous ai j'a dire (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 287). Nonpourquant j'ai moult a souffrir Pour ce que ne me vueil offrir A Mahon croire. (Mir. st Ign., 1366, 90). Et avecques ce il y chiet misericorde quant il a pour ce a souffrir et soutient pour ce paine. (ORESME, E.A.C., c.1370, 175). Remondin (...) s'avisa qu'il se mettroit a l'aventure de croire la dame, car il n'avoit que une foiz a passer le crueux pas de la mort (ARRAS, c.1392-1393, 26). Et gardez, tant que vous aurez a estre conquerant, que entre vous compaignons, ne vous maintenez comme sire, mais commun au grant et au petit... (ARRAS, c.1392-1393, 86). Sachons premierement qui sont ceulx contre qui vous avez a guerroyer. (CHART., Q. inv., 1422, 17). Il lui conterent la maniere qu'il avoit a tenir et les parolles qu'il avoit a dire. (Flor. Octav., a.1454. In : Chrestom. R., 143). Li maistre-eschevin dit pour droit que ledit segneur Forque en avoit bien a avoir loi, et de ce dont il n'en volroit loi faire, il l'avoit bien a essevir einsi come crantei l'avoit (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1353], 313).

 

-

Avoir à faire. "Être concerné" : Mais convient en chascun fait singuler et en chascune operacion moral particuler que ceulz qui ont a faire resgardent les choses telles comme il sont pour le temps et selon le cas present en la maniere que l'en fait en medicine et en le art de gouverner une naif. (ORESME, E.A., c.1370, 149).

 

.

Avoir à faire de qqc. : Celui qui est de science ou d'art pratique qui tent a l'oeuvre, comme est le charpentier, se il mectoit plus de sa painne et de temps a enquerir et savoir les causes ou commencemens, la generacion, la nature du bois de quoy il a a faire que il ne fait a sa besoigne, il feroit que les choses qui sont hors l'oeuvre seroient pluseurs que les oeuvres (ORESME, E.A.C., c.1370, 123).

 

-

N'avoir qu'à + inf.. "Avoir pour seule obligation, pour seule contrainte de..." : Sire, il nous semble que vous n'avez que à escripre à ceulx qui ont les navires qu'ilz viengnent dilligemment devers vous (BUEIL, II, 1461-1466, 164).

 

-

[D'une chose] Avoir à estre. "Devoir être" : Jugement don segneur Boucquin Chielairon d'une pairt, et de Odelliatte, li fille Poincignon Piedeschalt, d'autre pairt, pour une poroffert que ladite Odelliatte avoit faite d'un .LIII. solz de cens qu'elle volloit raicheteir, mouvant d'une .VII. lbz. de cens. Li maistre-eschevin dit pour droict que la porrofferte n'ait a estre de nulle vallour, pour tant qu'elle n'est mie faicte de toutte la somme (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1330], 81).

E. -

Empl. pronom. [Le verbe avoir marque que le sujet est en relation avec lui-même (trad. de la tournure lat. se habere)] "Se tenir, se conduire" : N'est pas Jëhan rosel trouvé, Du vent a touz lés [éd. léz] demené, Et n'est pas vestu molement Ne de precieus vestement Com ceuz qui es cours des roys sont Qui en tout molement s'i ont [var. Qui cueur et vestement mol ont, Qui comme folz plaisir y ont]. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 5580). ...les joesnes se ont mieulx ou temps froit et moiste que n'ont les vieulx (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 235). Et en teles pensees quant elles deplaisent moult a personne, elle acquiert grant merite quant elle se scet saigement avoir (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 277). Et en toutes fortunes et bonnes et males, le magnanime se contendra et portera et se avra modereement et actrempeement en quelconques maniere que ilz soient faits ou adviennent (ORESME, E.A., c.1370, 251). En ce chapitre, monseigneur saint Augustin demonstre que quant aus giex sceniques, les Griex en aucune maniere se evrent [lire eurent] plus raisonnablement que les Rommains, car les Rommains deffendirent aus poëttes à paine capital et autres grosses painnes que ilz ne feissent, chantassent ne recitassent de leurs citoyens aucunes chançons diffamatoires qui peussent blecier leur renommee (RAOUL DE PRESLES, Cité de Dieu B., 1371-1375, II, 9, t. 1, p. 398). ...il fu doulz chevaliers, courtois et amiables (...) et qui vaillamment se savoit estre et avoir entre tous signeurs et toutes dames (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 59). En Escoce, il ne veirent nul homme de bien et sont enssi comme gent sauvage qui ne se sèvent avoir ne de nullui aquintier (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 215). Vela ung escuier de grant volenté, et auquel les armes sont moult bien seans, car il se scet bien avoir (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 187). Et bien se savoit il avoir. (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 115). Si est l'entencion et vouloir du Roy de soy avoir telement au regart de ce que Dieu, lui et tout le monde devront raisonnablement estre contens. (FAUQ., I, Pièces diverses, 1418, 82).

 

Rem. Cf. aussi DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, XXXI, 203 ; FROISS., Joli buiss. F., 1373, 1216 ; 4766 ; FROISS., Chron. D., p.1400, 66, 4...

 

-

[D'une chose] "Se présenter" : Mais certes, en quelconque maniere ces choses se puissent avoir [lat. se habere], je croy certainement, senz point doubter, que les seules choses qui viennent de la foy ne sont point a refuser. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 134). [Autre ex. p.148]

 

-

Qqc. s'a à qqn. "Qqc. est réservé à qqn" : Je vous preuve et demonstre que le roy de France, et chascun Roy qui vient a un royaume par succession, parce que il est oint par persone de Sainte Eglyse, arcevesque ou evesque, il est aucunement subject a l'Eglise. Et si vous fays telle raison : ainssi conme l'onction du Roy s'a au Roy, aussi l'onction du prestre s'a au prestre et l'onction de l'evesque a l'evesque. (Songe verg. S., t.1, 1378, 121).

 

-

Qqc. s'a à qqc. "Qqc. est lié à qqc., a une influence sur qqc." : Car, ja soit ce que, quant a plusieurs choses, ainssi que l'ame s'a au corps, aussi lez choses espiritueles se devent avoir aux choses temporeles, non mie, toutevoies, quant en toutes choses. (Songe verg. S., t.1, 1378, 197).

 

Rem. FEW IV, 362a : habere : «soi avoir (avec adv.) "se conduire"».

F. -

[Le sujet est impers. (le verbe avoir marque une relation avec la "personne d'univers")] (Il) y a

 

1.

[Morphème de présentation ; marque la survenance, la présence, l'existence]

 

Rem. L'adv. y manque presque toujours quand la prop. contient un autre compl. de lieu.

 

a)

(Il y) a + subst. déterminé

 

-

(Il y) a un : Oultre de la forest ost une ostelerie, La se loga la dame (Tristan Nant. S., c.1350, 594). Par Mahon, a ce que je puis veoir de vostre hardement, vous serez le premier qui assemblera a la bataille a cellui au grant dent. Moy, dist le druceman, a l'eure et au jour que je l'approucheray, que je puisse, qu'il n'ait une grosse riviere ou les tours et les murs de Damas ou de quelque autre lieu fort, me puist Mahon confondre ! Et lors se prist chascun a rire de ce mot. (ARRAS, c.1392-1393, 224). Et, le mercredi ensuivant, fut publié et fait savoir par les carrefours de Paris que, en chacun hostel de cette ville, y eust une lanterne et une chandelle ardante dedens durant la nuit (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 56).

 

-

(Il y) a des : ...tant comme dedens vostre royaume ara des reliques d'Anglois qui ayent puissance... (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 315). ...par ma foy, des truandailles A assez ; mais non aultre chose (Sav. Calb. T., c.1475-1500, 150).

 

-

(Il y) a de : Nous serons a l'ostel tantost ; N'y a de voie que deux pas. (Mir. st Alexis, 1382, 344). Dieu tout puissant, tu sceis et cognois que qui vouldroit les abuz corriger en ceste partie plus y avroit de coulpables que de corrigeurs (CHART., Q. inv., 1422, 56).

 

-

(Il y) a + num. : Et y pouvoit avoir mil et cinq cens hommes de deffence (COMM., III, 1495-1498, 140).

 

-

(Il y) a quelque : ...je ne pouroyz croire Qu'il n'y aye quelque grant roche. (Pass. Auv., 1477, 125). Maulbec, il y a cy quelque beste. (Pass. Auv., 1477, 143).

 

-

(Il n'y) a nul : Seigneurs, dist il, a il nul de vous qui se congnoisse en ceste terre... ? (Chev. papegau H., c.1400-1500, 79). L'aer si trestroublé lors estoit Que il n'y avoit clarté nulle (Pass. Auv., 1477, 274).

 

-

(Il y) a le / la : Il y a le pére et li filz Et la tierce, soiez en fiz, Sains esperiz (Mir. st Lor., 1380, 170). ...aucunes foiz il n'y a pas la quarte part, voire la tierce ["il y manque"] (Traité politique C., c.1492-1493, 166).

 

b)

(Il y) a + subst. non déterminé : Moult ot a Romme la journee Des neuces grant feste menee (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 83). Et juste legal et droit positif est ce en quoy il ne avoit pas difference au commencement avant que il fust mis et ordené se l'en faisoit ainsi ou autrement (ORESME, E.A., c.1370, 303). ...entre pecheours a grant difference. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 57). Il y a bon lieu et honneste Et assez place. (Mir. st Alexis, 1382, 296). N'y a ne vallet ne meschine En la chambre avecques Sabine (Mir. st Alexis, 1382, 310). En jeunesse ne doit aver Fourreüre de menu ver (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 25). Maiz Charlez fut tresbon et excellent : a son temps n'oit miedre en monde (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 192). L[OURDAUT]. Joustes, dya ! As tu oÿ dire Qu'il est eu jostes [auxiliaire estre, "qu'il y a eu"] ceste annee ? TART ABILLE. Voyre, par la Vierge honnoree, Moult belles et moult merveilleusez E riches et aussy ponpeussez C'onques l'en vyt pour une foys ! (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 167). Advancés vous ; il y a grant pesche. (Pass. Auv., 1477, 126). Il n'eust oncques si forte espice. (Pass. Auv., 1477, 195). Il n'a ja besoign que tu'n ayes (Pass. Auv., 1477, 213). Oncques n'eust pis Femme du monde (Pass. Auv., 1477, 240).

 

c)

(Il y) a + pron.

 

-

Il (n')y a celui qui : Je ne scé s'il y a celui Des autres qui se soit prouvé Si bien qu'avoir le puist trouvé Aucunement. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 294). ...n'y a celui De nous qui vostre vueil ne face. (Mir. st Lor., 1380, 178). ...n'y a de nous celi Qui ne le face voulentiers. (Mir. Clov., c.1381, 223).

 

-

Il (n')y a nul / aucun... : Dites moy, Lorens, le savez (...) S'il y a nul de ma mesnie Qui ait (...) Tele grace (...) Que la voiz ami Dieu le claime Par toute Romme ? (Mir. st Alexis, 1382, 360). ...sinon qu'il y en eut aucuns d'eulx tuez de l'artillerie estant dessus les murs d'icelle ville (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 57).

 

-

Il n'(y) a que faire à. "Il n'y a rien à faire pour" : Et assez y fault travaillier Avant que on puisse avoir le nom De vaillance ne le renom. Maiz il n'a que faire a le perdre S'a pechié tu te veulx aerdre (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 115).

 

-

Il (n')y a rien : Mallegorge, va assayer De par de la s'il y a rien. (Pass. Auv., 1477, 140).

 

-

Il y en a de / qui... : C'est li haus dons qu'amans desirent, Dont moult en y a qui y tirent Tout leur vivant a grant meschief (MACH., D. Lyon, 1342, 213). ...et bien pouez savoir que pou en y a qui ne nous heent (Bérinus, I, c.1350-1370, 137). Et de telz en y a qui tant aiment les aises de leurs maisons plus que l'onneur de noblesse dont ilz les tiennent que... (CHART., Q. inv., 1422, 57). ...il ne se peult faire que es francs archiers que je vous envoiay hier qu'il n'y en ait de charpentiers et maçons (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 290).

 

d)

(Il y) a + adv. de quantité : Je sui un homme conme toy, Mais tant y a crestien sui, Qui ay pitié de ton annuy (Mir. st Lor., 1380, 169). Qu'y a il plus ? Que dictes vous ? (Pass. Auv., 1477, 272).

 

-

Il y a plus : Chiens et jumens et marbres insensibles Accuseront par quelque poutraicture L'adultere, tant soiés invisibles. Il y a plus, dieu qui est perceptibles Et cler voiant, par tout vos faitz, verra Adulteres et pechés deffectibles (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 24).

 

e)

Il n'y a que + inf. "Il n'y a pas de quoi + inf." : Et lors Cleriadus la prent et commence une basse dance merveilleusement bien et Meliadice, de l'autre part, le suivoit si bien que il n'y avoit que redire. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 255). Et elle luy respondi qu'il n'y avoit que soupper, se ce n'estoit du lait qui estoit en ung pot (Chron. Mt-St-Mich. L., t.2, Pièces div., 1451, 244). ...et, a vous dire, la belle et bonne mist du tout sa cure a complaire a son mary et tenoit sa chambre, robez et aultrez abillemens tant gentement qu'en son fait n'avoit que redire. (Comte Artois S., c.1453-1467, 111). ...puis après devisèrent ensemble sur le fait de son partement, et quels gens il meneroit avec luy. Si bien et si arréement ordonna son fait, qu'il n'y avoit que respondre. (Faits Lalaing K., c.1470, 91).

 

-

Il n'y a que de + inf. "Il n'y a qu'à + inf." : Maiz il n'y at que de yssir et assailhier les Françoys. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 145).

 

-

Il y a à dire : ...mais je vous supply a tous, se j'ay dit chose en ceste histoire qui vous soit ennuyeuse ou desplaisant, que vous m'en veulliez tenir pour excusé, et especialment a mon tres redoubté seigneur et a ma tres redoubtee dame, sa noble serour. Car certes je scay bien que je n'ay mie sens pour bien faire si haulte histoire comme ceste est, qu'il n'y ait a dire, mais on dit souvent qu'a l'euvre congnoist on l'ouvrier ; et de petit mercier, petit pennier. (ARRAS, c.1392-1393, 311).

 

Rem. Dans l'ex. suiv. cy a perilleux est mis pour cy fait perilleux : Beaux compoins, montez, car cy a perilleux à estre à pié (Ponthus Sidoine C., c.1400, 141).

 

2.

[Joue le rôle d'une prép. introduisant un compl. de temps ; sert à fixer un point du passé séparé du présent par le délai qu'indique le compl.] : S'a il deux ans, en cest esté, Que vous partistes. (Mir. march. juif, c.1377, 212). J'ay oy dire (...) Qu'est revenuz en son hostel Celui a qui de mon chatel Prestay, il a deux ans, grant somme. (Mir. march. juif, c.1377, 212). ...si est temps assez, Combien qu'a ja quatre ans passez Que de vous n'a nouvelle eu (Mir. fille roy, c.1379, 31). A il longtemps qu'il a cecy ? (Pass. Auv., 1477, 162). Il a desja journees trois Que je partis de mon paÿs (Pass. Auv., 1477, 192). ...il a des ans trente, Quant jeune enfant vous norrissoye, Que j'estoys bien en aultre joye Que maintenant (Pass. Auv., 1477, 200). C'est le cueur qui me fremye Dedens le corps et me fait braire, Il a plus d'une heure et demye. (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 211).

 

-

N'a guere : Et trouva que ou tiers [ermitage] n'avoit point de hermite, car il estoit trespassez n'avoit gaires. (ARRAS, c.1392-1393, 272). J'astoye n'at guere(i)s en Danemarche (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 22).

 

.

N'a guere que : ...n'a guieres que j'en vins. (Pass. Auv., 1477, 93). N'a guyeres qu'advons veu Judas. (Pass. Auv., 1477, 184).

 

-

Piece a. V. pièce

 

-

Grand temps a. V. temps

III. -

[Verbe "support" (c'est-à-dire construisant des loc. verbales)] Avoir + subst. non déterminé (ou avec un déterminant figé)

 

Rem. Les quelques loc. données ici le sont à titre d'exemple ; elles sont en très grand nombre, et il est impossible de les énumérer toutes.

A. -

Avoir + subst.

 

1.

[Sans déterminant] Avoir aide./Avoir cause de./Avoir confort./Avoir connoissance./Avoir cure de./Avoir defaut de./Avoir desir de./Avoir faim./Avoir fin./Avoir grace de./Avoir lieu./Avoir garde de./Avoir loisir./Avoir merci de./Avoir mestier de./Avoir plaisir./Avoir peur./Avoir possibilité de./Avoir puissance de./Avoir raison./Avoir remede./Avoir talent./Avoir vengeance./Avoir vertu de./Avoir volonté de./Avoir vouloir de... : Si requiers, en le vous disant, Que briefment en aie venjance (Mir. ev. arced., c.1341, 133). N'ai mestier que plus me demente (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 318). Mon seigneur, de voz voulentez Acomplir ai je grant desir. (Mir. st Ign., 1366, 81). Et se il avient que telz vicieus amairs ne puissent avoir venjance, ilz le portent griefment et ont grant affliccion ou cuer (ORESME, E.A., c.1370, 262). Aristote met ycy une distinction qui avoit lieu en language grec, mais elle n'a pas du tout lieu en latin ne en françoys... (ORESME, C.M., c.1377, 156). ...donques s'ensuit il que quant ceste chose n'estoit pas elle avoit vertu et possibilité a estre et avecques ce l'autre quant elle estoit avoit possibilité a non-estre apres (ORESME, C.M., c.1377, 244). Par ceste voie aler nous fault : Gardez que n'aie pas deffault De large voie. (Mir. Clov., c.1381, 250). ...et retourna à Dieu pour avoier remede convenable. (PIERRE DE REIMS, Vie ste Colette U.A., 1447, 10). Nostre Sauveur Dieu ait mercy de son ame ! (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 22). Vous advés grace de comprendre Le rëaulme de paradis. (Pass. Auv., 1477, 137). ...ung tresgrant plaisir aurey, Si par vous celle honneur m'est fait (Pass. Auv., 1477, 147). Plorés, Juïfz, plorés, plorés ! Bien advés cause vrayement. (Pass. Auv., 1477, 270). ...ses seneschaulx ou autres officiers aians puissance de recevoir toutes les terres, villes, places et seigneuries que le conte d'Armignac souloit tenir es pays d'Agenois, Perigort, Quercy (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 251). ...aucun nottable personnage de grant auctorité, à nous seur et feable, qui soit esditz pays nostre lieutenant general et ait povoir de nous de donner lesditz congiez. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 335). Sire, ne souffrés que autre que vostre misericorde, clemence et pitié soit juge de ma cause, ne autre que vous vous plaise, pour honneur de Nostre Dame, n'en ait congnoissance. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 369).

 

-

Malgré qu'il en ait. "Quel que soit son courage, quoi qu'il fasse" : Et le roy Braidimons s'approuche du roy Uriien, et cil, qui sentoit que son cheval aloit par terre, laisse l'espee aler et embrace le roy Braidimont par le faulx du corps et le tire a terre du cheval mal gré qu'il en ait. Et au cheir il guerpy les estriers, et tira le roy Braidimont soubz lui. (ARRAS, c.1392-1393, 138). Par foy, dist cil qui fu fier et escoux, damp musart, avant fauldra bien que nous saichons qui vous estes, que nous retournissions pour vous. Par foy, dist Gieffroy au grant dent, et vous le saurez et puis retournerez vous malgré que vous en ayez. Je sui Gieffroy de Luseignen. (ARRAS, c.1392-1393, 200).

 

-

Avoir opinion de qqc. "Se faire une idée de qqc." : ...car par ce que nous eslisons bonnes oeuvres ou males, nous sommes telx ou quelx, c'est a dire, bons ou mauvais et non pas par ce que nous cuidons ou avons opinion d'aucune chose (ORESME, E.A., c.1370, 186).

 

-

Avoir connaissance de qqc. : Et ne souffist pas savoir tele chose commune seulement ; mais avecques ce, il convient avoir cognoissance de la chose singuliere. (ORESME, E.A., c.1370, 535).

 

2.

[Avec un art. figé]

 

a)

[Transformation d'une loc. sans déterminant] : Par ma foy, Gieffroy, vous vous entremettez de grant folie, car telz cent que vous estes n'y pourroient durer. Ne vous chault, dist Gieffroy, n'en aiez ja doubte ; laissiez m'en avoir la paour tout a par moy. (ARRAS, c.1392-1393, 240). La fiance que tu avoyes au premier monde... (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 161). A ! c'est le bon temps qu'avez heu (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 200).

 

b)

[Autres loc.] : Prince treshault, qui as le nom Et le renom De consouler tes bons amis (Pass. Auv., 1477, 181). De pitié arés le renom (Pass. Auv., 1477, 217). ..., luy estant en la tutelle de sa mère, je la receüz en son chasteau de Milan, comme aiant la tutelle de son filz (COMM., III, 1495-1498, 22).

 

3.

[Avec un pronom] : Mais puis que vous me criés mercy, je veux que vous l'aiez par tel couvent que... (Chev. papegau H., c.1400-1500, 41).

B. -

Avoir + adj. / adv. + élément subst.

 

-

Avoir beau. V. beau

 

-

Avoir cher. V. cher : J'ay plus chier a avoir le chief Yci coupé (...) Qu'envers Jhesus tant me mefface Que le renie. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 366). Aussi chier ont que la loy fonde Que ilz fussent decapitez (DESCH., M.M., c.1385-1403, 163). Et j'aroye trop chier de la faire comme j'ay dit (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 90). Par Mahommet, nous aurions plus chier Qu'eüssiez tousjours paix sans guerre (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 21).

 

-

Avoir mieux. "Préférer" : Et puet estre qu'elle aymera Du second mary qu'elle ara Mieulx les enfans que du premier. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 68).

IV. -

[Verbe "vicaire" d'assertion (avec si) ou de négation (avec non ou mie)] : LE CHASTELLAIN. Fille, prenez le pot lavoir, Si faites laver mon seigneur (...) LA FILLE. Biau pére, vous avez dit voir : Sire, lavez. LE ROY. Ma chiére amie, si aiez ; ça, je le prendray bien de vous. (Mir. femme roy Port., c.1342, 159). ...il ne queurt autre monnoye à la court du roy que de vostre chancellier de Berry, qui m'a donné de l'argent ; mais, par le sanc Dieu ! non a (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 543). Et ceulx demandent s'il lui avoit point dit son nom, et Gieffroy dit que si avoit. (ARRAS, c.1392-1393, 265). COQUIBUS. Non faict ; mais il a le lempas. LE ROY DES SOTZ. Non a, vrayement ; il ne l'a pas. (Roy sotz, c.1450-1500, 222). "Hé ! ma dame, laissiez le aler, car il vous a dit la verité." -- "Non a," dist elle, "autre chose y a soubz le mortier..." (LA SALE, J.S., 1456, 226). Il les a eues vrayëment ! Non a, dea, il ne se peult joindre (Path. D., c.1456-1469, 115). PRIEUR. Nous l'aurons. OFFICIAL. Non aurez. ABBE. Mes dieux ! Si aurons, Soit par amour ou soit par force (LA VIGNE, S.M., 1496, 578).

 

Rem. Avec mie : Il est tard, J'ay beaucoup demouré ; n'ay mie ? (Rec. Cohen II, 328 ; G. Zink, Fr. mod. 1982, 162).

V. -

[Verbe auxiliaire de temps ou d'aspect]

A. -

[Servant à former les temps composés]

 

1.

[Des verbes trans., y compris le verbe avoir lui-même] : Et les juifs (...) cuiderent que Dieux l'aut ["eut"] fet par miracle (Veng. Nostre-Seign. F., t.1, c.1300-1400, 186). Ce Sathan mon enque a tumbé (Mir. st J. Cris., c.1344, 278). Quant ma confesse ly oi dicte... (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 105). ...Tant qu'avint la journée que Dieu oust ordonné (Bat. Angl. Bret. B., a.1355, 38). Car eslongié m'an de quanque j'amoie ["m'a[-t-o]n"] (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 158). Nous havons entendu que... (Mand. Ch. V, D., c.1364-13, 963). Mas, ma Dame, avous ["avez-vous"] oublié Les services que vous ay faiz ? (Abuzé D., c.1450-1470, 108). A'vous point veu la Peronnelle... ? (Sav. Calb. T., c.1475-1500, 163). ...car je ne suis pas lamproye ne creature qui te haye oncques mal fait (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 153). L'airés-tu poinct bien vendengée ? (Retraict T., c.1490, 230). ...car, si j'eusse sceu ceste adventure, je ne vous eusse pas lessé aller (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 253).

 

-

[Du verbe avoir] : Jonesche fu mont blechié, quer il out eu du glaive Atrempance parmi le costé (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 105).

 

Rem. Auxiliaire estre ds l'ex. suiv. : L[OURDAUT]. Joustes, dya ! As tu oÿ dire Qu'il est eu jostes ["qu'il y a eu"] ceste annee ? TART ABILLE. Voyre, par la Vierge honnoree, Moult belles et moult merveilleusez E riches et aussy ponpeussez C'onques l'en vyt pour une foys ! (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 167).

 

-

[P. ell. du part. passé] : Si a tous autres qui ne l'ont Dieu son nom Avoit mis comme il a en nous, Je croy qu'il seroit maint preudom (Pass. Auv., 1477, 120).

 

2.

[Des verbes intrans. (ou trans. indir.) imperf. (c'est-à-dire n'aboutissant pas à un état résultant)] : Avez vous bien usé de ceste haulte prospérité ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 65). ...comme songe d'homme qui a dormi. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 105).

 

-

[Du verbe estre] : Dieux ! ou ai j'esté ? (Mir. femme, 1368, 229). Et n'ust esté mon oraison... (Retraict T., c.1490, 238).

 

-

[Des verbes de mouvement, même quand le terme est spécifié, en alternance avec estre ; avoir marque "le mouvement considéré en lui-même, être le mouvement considéré dans son achèvement" (G. Gougenheim, Gramm. de la langue fr. du XVIe s., 122)] : ...jamais on ne les euist là alé combatre, pour tant que on ne les euist point eu sans trop grant damage (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 51). Mais neantmoins on opposa Que tant avoit par tout alé De long, de travers et de lé, Et avoit tant veu et apris, Que de ce ne seroit repris. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 35). Il appert quant pour soustenir une oultrageuse et desloiale folie nous avons tant allé d'un a autre que nostre souverain seigneur est baillié a gouverner es mains de son mortel ennemi. (CHART., Q. inv., 1422, 30). Et le chemin par ou maint ont venu A Renommee... (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 115). Mais, s'ilz eussent entré seullement en une barrière et feussent ressailliz aux champs, ilz leur eussent esté acquiz (BUEIL, II, 1461-1466, 214). Ilz se arrestèrent à l'heure qu'ilz povoient bien passer et se mectre audict Beaulne, qui n'eust point esté reprenable sur eulx si une foyz y eussent entré. (COMM., II, 1489-1491, 268).

 

3.

Rare [De verbes pronom.] : ...et nonobstant icelles remonstrances sy ne s'avoient-ilz volu corrigier ["à eux-mêmes"] (ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 12). Mais ton couraigë endurcy Ne s'a voulu humilïer. (Compl. Dinant T., 1466, 34). ...pour soy emploier d'estre prebstre et au service divin, s'avoit transporté en court de Rome (Lettres rémission René II P.D.H., 1489, 181).

B. -

[Servant à former les temps surcomposés] : Quant il a heu tout escouté, Il m'a dit a parolle ronde, Tretout rabatu et compté, Qu'il ne veult nulz bien de ce monde. (LA VIGNE, S.M., 1496, 407).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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