C.N.R.S.
 
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     NOIRCIR     
FEW VII *nigricire
NOIRCIR, verbe
[T-L : nercir ; GD : noirci ; GDC : nercir ; DÉCT : nercir ; FEW VII, 137a : *nigricire ; TLF : XII, 184a : noircir]

A. -

Au propre "Devenir noir, s'assombrir ; rendre noir, rendre sombre, noircir" : De cendre faire silence Dëusse et moi dire brule, Ars, noirci (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 138). Lors s'aparilla Droguez si con ly abelly. Il vesty l'esclavine et le palme saisi, Et avoit durement son viaire noirchi (Hugues Capet L., c.1358, 110). ...et comme huisseuse rebrouissist, noircist, enroullist et degaste le fer, au contraire usage le aguisse, le blancist, le desroullist et le garde de corruption (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 39). ...lors fu l'arbre coupé Dont la terre trembla de grant pesance Et le soleil noircy de desplaisance (Mir. Berthe, c.1373, 253). Sa biauté ne fait qu'obscurcir, Ne son viaire que noircir. (Mir. roy Thierry, c.1374, 284). Diex ! con le vis li est noirci Et tout le corps ! (Mir. roy Thierry, c.1374, 285). Qui veult cuire tripes, il n'y couvient point mectre de sel au cuire, car ilz noirciroient (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 207). Et si est si durement froide Que comme marbre y devient roide Toute personne en petit d'eure, Noircie et tainte comme meure (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 128). Devint plus noirci qu'arrement (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 159). La mort Dé, je seray jaloux Pour ce que te voy cy jolie. Reguardés quel bouche polie, Elle n'a pas le bec vercy [l. nercy] [L'éd. É. Roy lit également vercy, qu'il définit par "pourri (?)", déf. reprise par FEW XXI, 218b (o.i.). La lecture nercy a été proposée par plusieurs recenseurs de l'éd. É. Roy] (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 62). ...elle s'en vinst à la cheminée et norcist son visaige. (WAUQUELIN, Belle Hélène Const. C., c.1448-1452, 236). Herisipile, c'est apostume de cole grasse ardante et quant elle ulcere, elle corrode entor luy et noircist et fait escarre et adonc le peut on appeller feu ou ignis persicus. (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 18). ...quant le lieu commence a noircir, il souffit, car dedens III. jours l'escarre cherra (GORDON, Prat., c.1450-1500, IV, 1). Nous sommes mors, ame ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. La pluye nous a esbuez [nous, les pendus] et lavez Et le soleil deseichez et noircis. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 66). ...et oultreplus une seulle pensee de la dame luy fist escroter sa robe, tendre ses chausses, noircir ses sorlez, laver sa vermeille face, pignier ses cheveulx et luy faire rere. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 23). LAURENS. Meschant homme Valerien, Aprens a congnoistre mon Dieu, Lequel me soubstient en ce lieu, Car ces charbons me rafreschissent, Et ilz te bruslent et noircissent Et donnent eternelle arsure, Qui te sera cruelle et sure En Enfer pardurablement (Myst. st Laur. S.W., 1499, 248).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Las ! se le feu qui ensement l'art dure, Mes cuers sera tous bruis et estains, Qui de ce feu est ja nercis et tains, Pour ce qu'il est fins, loyaus et certains ; Si que j'espoir que deviés y ert, eins Que bonne Amour de merci l'asseüre Par la vertu d'esperance seüre. (MACH., Motés, 1377, 501).

 

-

En partic. "Bleuir par les coups" : A Pilate le meneray Malgré son visaige nercy. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 187). Il fault prendre ung autre tourment (...) Et l'en batre si durement Que tout son corps en soit noircy (Myst. st Laur. S.W., 1499, 230).

B. -

Au fig.

 

1.

"Assombrir"

 

a)

"Assombrir, rendre triste (qqn, le coeur...)" : Si vous depri, Douce dame, qu'aiez de moy merci ; Car vraiement, je morray d'amer ci, Se de vo cuer, qui a le mien nerci, N'ay aligence. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 76). Mais tout aussi com la clarté De ceste dame l'obscurté De mon cuer avoit esclarci Qu'Amours avoit teint et nercy, Et que sa douceur doucement Avoit adouci mon tourment, Tout einsi le trés dous parler De li, quant je l'oy parler, Me remist en cuer la parole, Dont ci presentement parole, Car de tous poins perdu l'avoie. (MACH., R. Fort., c.1341, 76). Amours, je te lo et graci Cent mille fois et remerci, Quant mon cuer qu'avoies nerci, Tourblé, desteint et obscurcy et en ton Martire adurci, Par ta puissance As amé et vues amer si Que de ta douceur adouci Et de ta clarté esclerci L'as (MACH., R. Fort., c.1341, 118). Ceste complainte ay fourmee et escripte De cuer courcié, ou nul plaisir n'abite, Noircy de dueil et aggrevé de peine (CHART., Compl., 1424, 321). ...le doulent desconfort, Qui durement m'avoit le cueur noircy (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 6). Se je suis de douleur noircye, J'ay bien cause de ainsi le faire. (Cene dieux, c.1492, 122).

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une pers., de son coeur, de son apparence...] "Assombri, attristé, affligé" : Mais quant une dame de pris Voit l'amant qui est entrepris, Qui n'use pas de faus samblant, Eins a membres et cuer tramblant, De paour desteint et nerci, Quant il li vuet rouver merci, Et qu'elle le voit si estreint Qu'Amours de li par force espreint La liqueur qui des yeus degoute Parmi sa face goute a goute (MACH., R. Fort., c.1341, 63). Li sires de Lesparre est cy Qui a le cuer teint et nercy Pour ce que trop vous a meffait. Si amendera son meffait à vostre gré et à mon dit (MACH., P. Alex., p.1369, 238). Li coers m'est tristes et noircis, Je sens ma force assés cangier, Je piers le boire et le mangier, Le reposer et le dormir, Je me troeve, quant me remir, De ma santé moult negligens (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 92). S'Amours me tient en sa prison joieuse, Je me rens pris sans faire nul contraire ; Car je suis pleins de pensée amoureuse Et de desir qui tant me scet detraire Qu'il me convient trambler, fremir et braire De cuer nerci, Quant vous ne me volez faire, Dame, merci. (MACH., L. dames, 1377, 103). De paour ay le cuer noirci, Helas ! a li parler je n'os (Jour Jug. R., c.1380-1400, 244). ...mon cuer qui est noirci (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 117). ...mon cuer est ja noircy plus que meure, Se de vous n'ay reconfort sans demeure. (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 33). Hé ! mes amies, Je pert mon filz qui tant est gent, Tres bien le sçay, mon cuer le sent, Dont j'ay le cuer triste et noircy, Tellement qu'il me fault droit cy Pasmer d'angoisse que j'en ay. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 178). Aprens aussi A soustenir douleur sans grant soucy Et sy tu l'as n'en fais semblant ne fy, N'en soit ton port ne ton maintien noircy, Et pour grant joye Ne monstre pas que ton cueur se rejoye. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 85). JHESUCRIST. (...) Tu voys comme je meurs ici ; Bien doit avoir le cueur nerci, Se tu pense en la doleur Que je souffre pour toy, pecheur, Pour toy hoster hors de prison Et amander la mesprison Que Eve [et] Adam firent premier. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 146). J'en ay au ceur un tel sanglot Qu'il est tout navré et noirci. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 636). Avancez vous, car j'ay le cueur transsi Et tout le corps de grant despit noircy (LA VIGNE, S.M., 1496, 137). LE RUSTAULT [à saint Martin]. (...) J'ay de dueil ung tel(,) preu vo[us] face, Que brief je ne sçay que je face ; Ma face En est tourmentee et noircye. Pour ce, venez sans plus d'espace Ou ma povre femme trespasse, Passe En dueil sa miserable vie. (LA VIGNE, S.M., 1496, 410). J'ay dedans le cuer tout vercy [l. nercy] Que je ne suis pieça armé Et dedans mon harnois fermé Affin de leur porter gravance [Lecture nercy proposée par G. Paris, Romania 20, 1891, 637]. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 138).

 

Rem. DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 207 ; GRÉBAN, Pass. J., c.1450, gloss. (noircy)...

 

b)

"Assombrir, rendre pénible (une situation, les circonstances...)" : Parquoy lors, quand il le duc de Bourgogne estoit venu a l'eage de LXII ans et avoit mené ses jours jusqu'a la sans reproche et sans charge, bon fait a penser qu'a celle heure ne les eust pas volu polluer ne noircir pour la venue d'iceluy le daulphin, dont riens ne luy pooit venir que charge, coust, hayne, envie (...), et point d'acquest (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 72).

 

2.

"Charger, calomnier, diffamer qqn"

 

Rem. CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 157.

 

-

Se noircir. "Se rendre infâme, odieux"

 

Rem. CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 172.
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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