C.N.R.S.
 
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     NUE     
FEW VII nubes
NUE, subst. fém.
[T-L : nüe ; DÉCT : nüe ; FEW VII, 218b : nubes]

A. -

"Nuage, nue" : Lors en mon estant me dressay, Se vi, ou mes yeus adressay, Un oisel de proie volant, L'air devers midi acolant, Si haut vers les nues fichiez Qu'il y sambloit estre atachiez. (MACH., D. Aler., a.1349, 395). Et quant li vent orent congié, Et Jupiter ot tout forgié, Foudres, tempestes et espars, Qui lors veïst de toutes pars Espartir mervilleusement Et tonner trés horriblement, Venter, gresler, et fort plouvoir, Les nues, la mer esmouvoir, Bois trambler, rivieres courir, Et, pour doubtance de morir, Tout ce qui a vie seur terre Recept pour li garentir querre, C'estoit chose trop mervilleuse (MACH., J. R. Nav., 1349, 147). ...et au tiers jour leva une tempeste en mer et une nue obscure (Bérinus, I, c.1350-1370, 37). Ainsi que Berinus et sa compaignie estoient en mer, il advint une vespree que une espesse nue se leva, et fu li airs troublez et oscurs, et fist un lait temps et hideux, si qu'il ne sceurent quel part il aloient. (Bérinus, I, c.1350-1370, 208). Pluto s'en va grant aleüre, Mais ne va trot ne ambleüre, Eins samble que ce soit la foudre ; Il fait entour lui si grant poudre Qu'elle vole jusqu'a la nue. Proserpine a en mi tenue, Qu'il ne vuet pas que l'en la voie. (MACH., C. ami, 1357, 87). Quant je os ma priere finee, Venus ne s'est pas oubliee, N'elle aussi pas ne s'oublia, Car moult bien souvenu li a De mon fait et de la requeste. Si fu tost la deesse preste, Car tout en l'eure est descendue, Couverte d'une obscure nue, Plainne de manne et de fin bausme Qui la chambre encense et enbausme. (MACH., Voir, 1364, 356). Solem nube tegam, qui vault autant a dire en françois conme je couverray le soleil de la nue. (Mir. st Ign., 1366, 72). Mais quant ilz voient une nue eslever qui cuevre et atrempe la chaleur du soleil, ilz se remettent a chemin pour ce que celle nue leur donne refroidement. (Mir. st Ign., 1366, 72). Et pour ce, je lui demande pourquoy Dieu qui est tout puissant ne peust faire sus les cielz chose presque semblable, ce est a savoir ou ciel supercelestiel ou seront les corps salvéz selon la seconde ou tierce maniere mises ou chapitre precedent, et que partout ce ciel et en chascune partie soit tout le corps de Jhesucrist et chascun de ses membres en la maniere que les couleurs desus ditez et l'arc aussi sont par toute une nue, fors que ce corps soit partout un meisme selon nombre. (ORESME, C.M., c.1377, 728). Et a celle heure une figure lui fut monstree de merveilleuse beaulté, de tres especial façon, qui representoit l'estre et la personne de Sapience, et vit celle precieuse ymage en une nue assise en un throne d'yvoire, vestue de vestemens excellens et de souveraine beaulté. (Horloge de sapience S., c.1389, 67). En après apparent les nues Là suz parmy l'air espandues, Qui sont cause de l'arc célestre Aucunement, ce dit le Maistre, Et, en oultre de celles nues, Sourdent et si sont contenues Les pluyes, les nèges et grelles, Par l'influence des Estelles (LA HAYE, P. peste, 1426, 7). Cy vient une nue en laquelle est oye la voix de Dieu le pere, et Jhesus devient blanc comme neige et sa face comme soleil (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 95). O vous n'iray pas toute nue, Mais armée et le gleve a main, Pour m'en aller de nue en nue Combatre contre gerre humain. (Cene dieux, c.1492, 129). ...les murs d'icelle tour avoient d'espesseur L couldées et avoit icelle tour XX pans et en chacun pan V portes et si haulte qu'elle passoit les nues. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 15 r°). ...et en Gascongne tumba des nues grain de froment ad mode de pluie, excepté que le grain estoit plus court et plus menu. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 107 r°).

 

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[À propos de la nue qui guida les Hébreux au Sinaï ; cf. Exode 13, 21-22] : ...quant Moise amena les enfants d'Israel hors d'Egipte, nostre seigneur leur donna une nue pour trois choses... (Mir. emp. Julien, 1351, 186). Elevata est nubes, etc... : une nue s'esleva du tabernacle d'aliance, et les filz d'Israel passérent ou desert de Synay (Mir. st Ign., 1366, 72). Une nue vous comduisoit [dans le désert], Quil par nuyt dessus vous luysoit (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 43).

 

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En ciel, en terre, en mer, n'en nue : Après Nature commande Aus quatre vens qu'elle manda Que chascuns fust aparilliez Pour tost courir, et abilliez, Et qu'il issent de leurs cavernes Et facent leurs mervilleus cernes, Si qu'il n'i ait resne tenue, En ciel, en terre, en mer, n'en nue, Qu'il ne soient a l'air contraire Et facent pis qu'il porront faire. (MACH., J. R. Nav., 1349, 147).

 

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[D'un aveugle] Regarder devers les nues : Il reguarde devers les nuez, Je ne me tireray pas pres (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 208).

 

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L'argent pleut des nues : ...il n'espargnoient nulles riens, non plus que argens lor apleuist des nues , et açatoient toutes coses le pris que on lor faisoit (FROISS., Chron. D., p.1400, 253).

 

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[P. métaph. ou dans un cont. métaph.] : Si clerement resplendissoit Que sa clarté esclarissoit Les tenebres, la nuit obscure De ma dolereuse aventure, Et de son ray persoit la nue Qui longuement s'estoit tenue Tourble, noire, anuble et ombrage Seur mon cuer et seur mon visage (MACH., R. Fort., c.1341, 55). Ce puet estre sa douce dame Qui est montée sans diffame En haut vers les nues d'onneur, Par quoy li grant et li meneur Mout de reverence l'en portent Et au vray amant en raportent Par paroles teles nouveles Qui li sont et bonnes et belles. (MACH., D. Aler., a.1349, 400). ...tres donc Fortune au double visage volt à France commencier à demoustrer et faire luire le ray du soleil de sa riant et belle face, lequel par long temps avoit esté en ce reaume couvert de tres nubileuses et infortunées nues (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 121). Nous avyons bon commancement ; Mes, depuis qu'elle est cy venue N'avons eu que peine et tourment Et maleureté advenue. Pleust a Dieu que tansist la mie [l. nue], Ou que fust cent foiz par de la ; Nostre besoigne diminue, Et ne scay comment il en va. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 462).

 

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RELIG. [À propos de Marie] : Et ces paroles nous pouons trop bien appliquier a la glorieuse vierge Marie et dire : La nue est eslevée, etc... (...) ...quant Moise amena les enfants d'Israel hors d'Egipte, nostre seigneur leur donna une nue pour trois choses, c'est assavoir : pour estre en leur chemin pour conduit nuit et jour, et en refroidement de chalour, et aussi en signe d'aliance et d'amour (...). Et pour ces trois raisons di je que la glorieuse vierge Marie peut estre nommée nue. (Mir. emp. Julien, 1351, 186). Vezcy que nostre seigneur descendra sur une nue ligiére, c'est a dire en Marie qui fu la nue ligiére, qui n'ot onques pois de pechié. (Mir. st Ign., 1366, 73).

B. -

P. méton. "Ciel" : ...le souverein roy celestre Qui est dou ciel seigneur et mestre De l'air, de la mer, de la terre, Et de quanque la nue enserre (MACH., C. ami, 1357, 31). Fu li onques mais aventure Si dolereuse ne si dure ? Et s'est nïant de moy retraire, Car je ne le porroie faire ; Ne ce ne porroit avenir, Nes plus qu'on porroit avenir Aus nues pour ravir la lune, A si mervilleuse fortune. (MACH., F. am., c.1361, 196). DEUS. (...) Mon arc es nues poseray Et par ly me recorderay De la promesse que te jure (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 30). Par le Dieu quil a fait la nue, Je say bien que c'est cy mon filz (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 129). Le puissant Dieu qui fist la nue Vous doint honneur, treschere dame (Myst. st Laur. S.W., 1499, 171).

 

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Jusques aux nues : Sire, ta misericorde est ou ciel, voire muciée, et ta verité, c'est a dire ta justice, ça jus jusques aus nues, aussi conme toute la terre comprenant. (Mir. st Ign., 1366, 71). Sus le sommet d'une montaigne Si haulte qu'il pert qu'elle ataigne Jusques aux nues, tant par fu haulte (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 35).

 

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Au fig. : Le riche parle, et touz se taisent et sa parole est eslevee jusques aux nues (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 426).

 

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Sous/dessous la nue/les nues. "Dans ce monde, sur terre" : ...se nous considerons bien l'ordenance de toutes choses, toutes creatures et toutes lez choses qui sont soubz lez nues sont faites et formees pour honme (Songe verg. S., t.1, 1378, 59). C'est tout labour dessoubz la nue : Or leur fault vestir leurs enfans Et apprandre jusqu'ilz sont grans, Marier et donner du leur, Pour avoir estat et honeur, Paier leur gent et leur mesgnée (DESCH., M.M., c.1385-1403, 323). Pour quoy ne doy je les notoires Choses conter qui avenues Sont de nouvel dessoubz les nues ? (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 192). Noblesse si en est perdue, Plus n'a rente ne revenue Que la guerre si n'ait tollue, Mal sont payez de leurs souldees, Dames vefves sont demourees, Et damoyselles esgarees, Femmes et filles violees Et maint orphelin soubz la nue (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 60). Je prie a Dieu, qui soulx la nue Le monde gouverne et nourist, Et qui pour nous en croy morist, Le vullie tenir en sancté. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 31).

 

Rem. CAULIER, Cruelle femme M., p.1430, 99.

 

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[Dans des tournures nég. ou superl.] : Car, certes, je suis bien tenue à ce que l'amer continue, Qu'il est miens et je à li rendue ; Si que c'est un cuer de nous .IJ. Et s'espoir qu'à sa revenue N'ara dame dessous la nue De merencolie si nue Ne des biens d'amours miex peüe N'à cuer si gay ne si joyeus. (MACH., Les lays, 1377, 368). Et quant vous euz bien congneue Et avecques moy tenue, De meilleur dessoubz la nue, Ne de la plus grant proesse, De bien, d'honneur, de richesse Ne qui moins fust esperdue A mon gré certes n'estoit. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 44). Bien seroit l'amour perdue Du meilleur dessoubz la nue. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 92). Dont je suis plain de dueil et d'ire, Plus dolent n'a dessoubz la nue (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 193). Et il n'a roy dessoubz la nue Qui ait gens d'armes mieulx stillez De bien guerroyer a tous lez, Ne plus hardis pour assaillir, Ne mieulx armez, sans riens faillir, Que sont vous subgetz de Cartaige (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 43). La reme que dois gouverner Sera par moy bien maintenue ; Je ne cognois dessoubz la nue Home mieulx le faisant de moy. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 169). Joye si m'en est survenue Que y n'est riens dessoubz la nue Chose que je desire mieulx Que le Roy de noble value Le puisse servir en tous lieux. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 213). LE SECOND PREBSTRE. Celuy qui fait sa bas regner Toute chose en vraye value A bon port vous veille mener, Mieulx que nul qui soit soubz la nue. (LA VIGNE, S.M., 1496, 149). Martin, le Dieu de hault paraige Maintenant par nous te salue Et dit que tousjours ton couraige Est de si tresbonne value, Qu'il n'y a homme soubz la nue Pour qui tant de miracles face, Qu'il fait pour ta grant maintenue, Car tu as s'amour et sa grace. (LA VIGNE, S.M., 1496, 534). Gens avez puissans et corsus, Les plus vaillans dessoubs la nue, Car vous avez de retenue Plus de.XX. milles souldoiers (Myst. st Laur. S.W., 1499, 148). Car il n'y a homme soubz la nue Qui me puisse acuser du cas. (Myst. st Martin K., a.1500, 333).

C. -

P. anal. "Nuage, voile" : Quant ou IIIe jour il appert en l'orine une nue rouge, ou autres signes selon raison, telle fievre est jugiee ou VIIe jour. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 79).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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