A. -

Empl. trans. "Modérer (les effets d'un liquide) par mélange"

1.

"Tempérer (l'eau du bain, par mélange), l'amener au degré de chaleur voulu" : DEUXIESME SERGENT. (...) vezci Tout prest : lavez. LE ROY. Tempré ceste yaue bien avez. Versse, verse. Diex ! qu'elle est bonne ! (Mir. roy Thierry, c.1374, 336).

2.

"Mettre de l'eau (dans le vin, pour en modérer l'effet)" : ...ilz trouvoient petit de bonnes eaues ne de fresches pour temprer leurs vins ne eulx raffresquir. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 85). ...vin cler et sain sanz grant fumée buvoit bien trempé et non foison (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 45).

3.

"Mélanger (un liquide avec un autre)" : ...si eust apareilhé de bonnes viandes et d'espices et de bon vin, si leur fist manger des espices et leur fist mettre du vin blanc es ayguyeres pour tremper le vin rouge au lieu de eaue (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 222).

-

Tremper un liquide d'un autre

.

[Cont. métaph.] : D'elle [de l'eau d'Espoir] trempe mon ancre d'estudie, Quant j'en escrips, mais pour mon cueur irer, Fortune vient mon pappier dessirer, Et tout gecte par sa grant felonnie Ou puis parfont de ma merencolie. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 478).

B. -

"Immerger ou imbiber ; être immergé ou imbibé"

1.

Empl. trans.

a)

"Plonger qqc. (en partic. un aliment) dans un liquide (pour l'imbiber, pour le faire macérer...)" : Nota, la fraze c'est la caillecte, la pance et les boyaulx, lesquelz les tripiers vendent tous nectoyez, lavez et appareilliez, trempans en belle eaue necte. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 194). Prenez du chaudeau de la char et ayez pain trempé ou maigre de l'eaue de la char, puis broyez, et .VI. oeufz (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 204). Et ou second cas l'en leur donne mouron ou lasseron, chardons de champs, trempans en eaue souvent renouvellee et tousjours fresche (rafreschie troiz foiz le jour) et en vaisseaulx de plonc qui est fraiz. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 273). Or apourte donc en ta main, Le trainchet pour trainchier nous souppez. Nous y mectro[n]s de grosses louppes, Car tantost trampee seront. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 73). ...qui vouldroit apertement Prendre et couper menuement De bon oignon, ou de cybole, Et mettre tremper, sans frivole (.) En lait aigre par une nuit, Qui soit tout cru ou un pou cuit (LA HAYE, P. peste, 1426, 129). Mais une fois vous vourrïez N'avoir mangé que pain trempé En bel eaue (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 64). Il fault tramper le pain en vin et vin aigre, et du percilh. (Recueil Riom L., c.1466, 82).

-

Tremper qqc. de qqc. "Imprégner, imbiber qqc. de qqc. (d'un liquide)" : ...une escaille tendre qui soit trempée ou mouillée d'aucune chose tendra l'odeur de la matiere longuement. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 175).

b)

PEAUSS. "Immerger les peaux dans un bain pour les parer" : Pour foler 2 seurcoz et 1 chaperon et 2 paire de manches, 3 s. Pour oint, 12 d. Pour croie pour tramper lesdictes forreures, 6 d. Pour bran, 6 d. Pour fil pour lesdictes besoignes, 16 d. Pour cervoise pour lesdiz ouvriers, 3 s. 3 d. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 263).

c)

"Durcir (un métal, un objet en métal) par la trempe" : U monde n'a pointe d'acier Tant (soit) trempee ne moulue, (Tant) apointïe ne ague Qui cuer de homme pëust percier Ne ens entrer sans rebouquier (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 238). Lors prent l'estrié qui pendoit a l'arcon de la selle, liquelz avoit trois pointes bien acerees, chascune de sept poux de long, et au retourner que Olivier cuida faire, il le fery sur le bacinet, qui fu durs et bien trempez, et l'une des pointtes coula aval et entra entre la coupe du bacinet et la vosiere. (ARRAS, c.1392-1393, 62). Et benoist Olivier celluy qui celle espee avoit forgié et trempee (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 59). Bien sçay ouvrer de mon mestier, Le fert bien tramper et forgier. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 103).

Rem. Jourd. Blaye alex. M., a.1455, gloss. (temprer)..

-

Acier/fer trempé : À maistre Laurens Volvic, canonnier dudit seigneur - pour ungs grans fers trampez, à double fereure, et une grant chesne à sonnecte au bout (...) pour enferrer messire Lancelot de Berne (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1478-1481, 360). ...ledit sel se augmente et croist et devient si très dur que nul acier trempé à peine le peut rompre. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 85 r°).

-

[Du heaume] Bien trempé. "Dur, résistant" : Le cop chey sur son heaume, mais il estoit sy bien tempré qu'il ne l'empira en riens. (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 372). Et sachiez que se le heaume ne fust sy bien tempré, il l'eust fendu jusques aux dens (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 373).

-

Tremper qqc. (un objet en métal) d'un liquide : ...et disoit on que ledit de Bonniface avoit trempé son harnois d'une eaue qui le tenoit si bon, que fert ne povoit prendre sus (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 159).

-

[Cont. métaph.] : Et sachiez que Gieffroy ne leur puet eschapper, et feust de fin acier trempez, qu'il ne soit mort ou affollez. (ARRAS, c.1392-1393, 203). Et l'espee a faire ses armes Estoit en tristesse tempree. (TAILLEV., Deb. cuer ueil D., c.1444, 212). Tantost aprés Desir lui seint ung branc d'acier trenchant et aceré, fait et forgé tout a coups de treshumbles requestes et prieres et (...) fort trempé en larmes de pitié. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 28).

2.

Empl. intrans. "Être plongé, être immergé" : Et ce appert par .II. signes : un est car quant tel fust a longuement trempé en l'eaue, tant que le aer qui estoit en ces pores est hors et que il sont plains de eaue, lors le fust descent en l'eaue ; un autre signe est car aucun fust est de tele nature que il descent en eaue, et en a de tel assez pres de Paris. (ORESME, C.M., c.1377, 690). ...tout de chardons des champs dont le pié trempe en eaue (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 273). ...et mectre tremper du pain, sans asler (Recueil Riom L., c.1466, 72). Et prandre du boullon de beuf ou vin blanc et verjust, et mecte tramper du pain sans asler, et le coler. (Recueil Riom L., c.1466, 78). Fut lui qui trouva en Egipte le figuier duquel le bois va au fons de l'eaue ; touteffoiz s'il trempe longtemps en l'eau, il vient au dessus. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 41 v°).

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss. ("rester dans l'eau boueuse, dans la boue").

3.

Empl. pronom. [D'une chose] "Absorber un liquide, s'imbiber, s'imprégner d'eau" : ...et, par la force des pluyes, les roches entre lesquelles estoit terre se trempa tellement et dissolvit que les plusieurs tumberent et corruerent et disruerent plusieurs villes et villages (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 112 v°).

4.

Part. passé en empl. adj. [D'une pers.] "Imbibé de boisson"

-

Trempé comme un osier. V. osier

C. -

Au fig.

1.

"Modérer (un tempérament, une passion...)"

-

Part. passé en empl. adj. "Modéré, sage" : Maiz la commotion de joie Est volentiers trempée et quoie (LA HAYE, P. peste, 1426, 110). Mercure est aussi une Planète trempée, et participe volentiers en qualitez avecques celles Planètes auxquelles elle se joint, et dispose ceulx qui sont nez soubz sa domination à estre sages et éloquens. (LA HAYE, P. peste, 1426, 211).

2.

[P. allusion à la trempe de l'acier] "Affermir" : Cil qui y ferme Son cuer, il le trempe et afferme, Et a mieulx souffrir le conferme, Dont il est en tous cas plus ferme Et asseuré, Rassiz de meurs et meüré, Ne trop baut ne trop espeuré, Et en bataille bien euré. (CHART., L. Dames, 1416, 287).

3.

[P. allusion à l'aliment qui macère dans un liquide] Mettre tremper une trahison. "Mijoter une trahison" : Il eult bon geste, bonne myne, bon bec, Ferme propos, sans point se deschamper ; Et ne chantoit au doulx son du rebec La trahyson qu'il avoit mis tremper. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 176).

V. aussi temprer