C.N.R.S.
 
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     ÉPAIS     
FEW XII spissus
ESPAIS, adj. et subst. masc.
[T-L : espès ; GD : espois ; GDC : espes ; AND : espés1 ; DÉCT : espès ; FEW XII, 198a : spissus]

A. -

[Idée de densité]

 

1.

"Dense, opaque"

 

a)

"Où il y a peu ou pas de lumière" : Et ainsi est ceci prouvé par .III. raysons prinses de .III. differences qui sont pesant et legier, cler et espés, mol et dur. (ORESME, C.M., c.1377, 594).

 

-

[D'un espace couvert de végétation] "Où n'arrive pas beaucoup de lumière, dense, obscur" : Si m'embati en une pleinne De ronces et d'espines pleinne ; Et enmi avoit un buisson Moult espès, dont j'eus grant frisson, Car uns lions, hure levée, En sailli, qui de ma pensée Me geta, sans plus demourer, Car je cuiday que devourer Me deüst. (MACH., D. Lyon, 1342, 169). En un bois si espés si avant s'enbaty Que sa resne abaissa et du col li cheÿ ; Adont est [le cheval Baiart] ahocquiés a ung arbre poury, Adont tira si fort que la bloucque ronpy ; Baiart escuest la teste et lors son frain chaÿ. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 433). Il m'est avis, plus avant vois, Plus truis espès et hault ce boys. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 107). Et Victruvius ou secont livre De Architectura recite comment en un bois espés, parce que le vent faisoit les branches freer une a l'autre, feu fu engendré (ORESME, C.M., c.1377, 436). Et s'ilz eurent de la paine assez, eulx et leurs chevaulx, ce ne fait mye a demander, car tant estoit la brosse espesse que les branches et les espines leur esgratinerent tous leurs visaiges et derompirent tous leurs chevaulx (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 40).

 

.

Pays espais. "Pays fourré" : Aussi avient il moult de foiz que, quant le cerf aura fuy par mi les fortz, il se lassera et li grevera le sallir et le rompre le fort boys, quar le fort pays et espés desront le cerf. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 202). Et, quant il aura estoupé toutes les tesnieres, il doit mettre ses levriers au dessoubz du vent et des genz en deffenses environ le buisson, espiciaument la ou il a fort païs et espés, quar il fuit voulentiers le couvert. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 244).

 

-

[D'un espace construit] "Sombre, noir" : ...car qui aroit une escarboche ruby qui fust aussy grans com une nois de core, et le metist en un lieu espés ou il venist nulle clarté du monde, il reluyroit aussy cler com feroyt une grande chandeille qui aroyt la flamme aussy grande com un oef de gelyne (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 173). ...et li chartriers avoit torteseais espris ["allumé des torches"] partant qu'ilh faisoit espes en la chartre. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.3, a.1400, 84).

 

-

Empl. subst. Au/en plus espais de qqc. "À l'endroit le plus dense de qqc." : ...et cils clers Qui me samble gais, jolis et apers, Fu atapis ou jardin et couvers En plus espès dou brueil qui est tous vers. Si sailli hors, Quant il ot bien oy tous nos descors. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 117). Et quant vint le jour, Pierre se mist en boys bien espés devers la mer affin qu'ilz ne fussent veuez de nully et que on ne povoit ouyr nouvelles d'eulx. (Belle Maguel. C., 1453, 29). Et quant messire Jaques veit le varlet en dangier, il se ferit au plus espès de la presse, l'espée au poing, et mit le corps et la vie en adventure pour secourir celluy qui l'avoit osté de dangier (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 240).

 

-

[De l'air] "Obscurci par la brume, dense" : ...l'air devient espés (...) aucunesfoiz par les parties seiches et terrestres, par les fumosités qui se meslent avecques l'air (CORBECHON, Propriétés, 1372, XI, 1, 183 r°). Le second signe en vérité De future mortalité Si est quant l'air, moult pur de soy, Appert souvent, contre sa loy, Caligineux, obscur et trouble, Pour la vapeur espesse et double Qui est en lui multipliée (LA HAYE, P. peste, 1426, 52).

 

-

[D'un nuage] "À la fois sombre et gros" : Ainsi que Berinus et sa compaignie estoient en mer, il advint une vespree que une espesse nue se leva, et fu li airs troublez et oscurs, et fist un lait temps et hideux, si qu'il ne sceurent quel part il aloient. (Bérinus, I, c.1350-1370, 208).

 

-

[De la vue] "Trouble" : Quant li cheval a espesse veüe et trouble, fetes moudre voirre et a .I. cornet li soufflés en l'ieul tant que il soit gueris. (Chir. chevaux P., c.1325-1350, 375).

 

-

En partic. [De la nuit] : Lors a tantost reprins sa voie Le bon moine a la nuit espesse, Lié et bault de ceste promesse. (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 36). La nuit est ja noire et espesse (Mir. mère pape, c.1355, 392). Li jours passa et la nuit vint Moult espesse, dont il avint Qu'il furent tuit esvanuy, Et le Caraman s'en fuy. (MACH., P. Alex., p.1369, 167).

 

b)

[D'une substance]

 

-

[D'un liquide organique] "Visqueux, trouble" : Aussi qui a réplétion Et veult faire purgation D'umeurs grosses et desplaisans, Espesses, crues et pesans, Se peut baignier en eaue chaude, Sans mesprendre ne faire fraude, Avant son corps purifier, Pour les humeurs subtilier (LA HAYE, P. peste, 1426, 86). Et se la porre qui va a l'estomac est opilé, l'orine est coulouree espesse, jaune et l'egestion tainte (GORDON, Prat., c.1450-1500, VI, 6). La seconde reigle est que la seignié compete au corps ayant habundance de sanc, laquelle chose est cogneue par l'espesseur de l'orine, car l'abondance de sanc fait l'orine espesse et de colere subtile. (Rég. santé corps C., 1480, 163-164).

 

.

"Consistant" : ...aussi quant le sperme est trop espes, il ne peut bien estre espandu (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 88).

 

-

[Du lait] "Pâteux" : Comme ce lait est espés, On le tailleroit au coutel. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 74). Il [ce lait] n'est pas ainsin que tu dix, Mes il y a eufz a foisom, C'est ce quil fait la liaisom Et quil l'a ainsin fait espés. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 74).

 

-

[D'un mélange culinaire] : ...et autant comme ilz prennent de ces gruyaulx ou recoppes autant mectent ilz d'avoine avec, et meslent tout avec ung petit d'eaue, et ce demeure ensemble espaiz comme paste (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 173). Blanc mengier de chappons pour malades. Cuisiez le en l'eaue tant qu'il soit bien cuit. Puiz broyez amandes grant foison et du braon du chappon, et soit bien broyé, et deffait de vostre bouillon, et passé parmy l'estamine. Puiz mectez bien boulir tant qu'il soit bien lyant et espaiz. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 217).

 

.

[D'un vin ; semble qualifier un vin rustique et nourrissant] : ...vin groz et espes (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 273).

 

2.

[De plusieurs éléments, ou d'un élément collectif] "Dru, serré" : Doncques en est ly air tout plain [de mauvais esprits] ? De terre jusqu'au ciel amont, Aussi espès entre nous sont ? (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 68). Entrués que ces paroles et detriances couroient, et que chil Genevois se requelloient, descendi dou chiel une plueve si grose et si espesse que mervelles fu a comsiderer, et conmença a esclitrer et a tonner, et sambla proprement que li mondes deuist finer. (FROISS., Chron. D., p.1400, 728). Si m'assis derriere une treille Drue de fueilles a merveille, Entrelacee de saulx vers, Si que nul, pour l'espesse fueille, Ne me peüst veoir au travers. (CHART., B. Dame, 1424, 336). Predist aussi de ce qui fut veu l'an mil nonante V, ès nones d'avril, feria quarta, luna XXV, c'est assavoir une apparance de discours de plusieurs estoilles espesses, comme gresle cheans sur terre, dont il prenostica l'inumerable nombre de gens qui furent en la croisée tantost après. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 113 v°). ...vivres vindrent de toutes pars a grant habondance, tellement que sur le marchié les chars et cheriotz estoyent si espés qu'on ne s'i povoit tourner (LA VIGNE, V.N., p.1495, 295). Et ainsi qu'ilz entrerent en laditte ville, survint une neige si espesse qu'on ne congnoissoit pas l'un l'autre. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 170).

 

-

Empl. adv. "De manière drue, dense, rapprochée" : Pour ce soffrerent tuit de mort la grant destrece, Quar li Vendre se mirent avec aux brelle mesle Et touz jourz esplevoient plus espés ne fait gresle. (Gir. Ross. H., c.1334, 122). ...plus espés voulloient les saiettes que gresle par l'ayr, et tant de gens vont la mourir que les chemins estoyent tous empeschés des corps mors. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 165). Cestui recite (...) qu'il vit (...) une merveilleuse multitude de oyseaulx incongneux en l'air (...) qui tenoient d'espasse de plus de ung mil de Almaigne de long et ung quart en large, et voloient moult espées, tant que l'air, au droit d'iceulx où ilz passoient, estoit obscurci grandement (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 v°).

B. -

[Idée de dimension]

 

1.

[Dans un élément à trois dimensions, ce qui s'oppose à long et à large ; épais] : Et vous les assauterez A ces murs où il sont montez ? Il sont haus, larges et espès, Et s'a bonnes tours près à près, Bien garnies d'artillerie Et de gens qui ont la maistrie De bien traire (MACH., P. Alex., p.1369, 81). Troys dimensions ou mesures sont longitude et latitude et spissitude ou parfondesce, et selonc ce, un corps est lonc et lé et espés. (ORESME, C.M., c.1377, 46). Lors quant Remond ouy ces mos, si boute la table ensus de lui, et entre en sa chambre, espris de yre et de jalousie, et prent son espee qui pendoit a son chevez, et la ceint, et s'en va ou lieu ou il savoit bien que Melusigne s'en aloit tous les samedis, et treuve un fort huis de fer, moult espez, et sachiez de vray que oncques mais n'avoit esté si avant. Lors, quant il appercoit l'uis, si tire l'espee et mist la pointe a l'encontre, qui moult estoit dure, et tourne et vire tant qu'il y fist un pertuis (ARRAS, c.1392-1393, 241). Sachés que illec a belle, bonne, forte, et grande maison, et bien close de bons murs, haulx et espès comme forteresse (Voy. Jérus., c.1395, 70). Mais moult furent les pierres dures, Dont celle tour fu maçonnee, Quant si forte fu ordonnee Que .L. coubdes avoit D'espeus le mur, et, qui la voit Ancor, tout soit elle destruite, Peut veoir que de pierre cuite, Dure et fort a ciment seellee Fu la tour jadis grant et lee Et aussi haulte, com je dy, Car, endroit l'eure de midi, .VII. lieues loings l'ombre apparoit. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 152). De marbre bis et blanc nays Fist faire les murs environ, Qui un traict d'arc ou environ Orent de hault, quant parfais furent (...) Grosses tours haultes et espesses Ou moult ot nobles fortereces (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 58). Gens d'esperit, ung petit estourdiz, Trop demourez, car il [le pauvre Villon] meurt entandiz. Faiseurs de laiz, de motés et rondeaux, Quant mort sera, vous lui ferez chaudeaux ! Ou gist, il n'entre escler ne tourbillon ; De murs espoix on lui a fait bandeaux. Le lesserez la, le povre Villon ? Venez le voir en ce piteux arroy (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 68). Et, ainsi qu'il arriva au logeis du cappitaine, il le vit avecques ses gens d'armes en une rue du logeiz et tous ses gens armés, à cheval, la lance sur la cuisse, et devant eulx une grant barrière bien espesse faicte de charrettes liées les unes aux aultres. (BUEIL, II, 1461-1466, 247). TESTE CREUSE. Lardé, dea, lardé. SOTIN. N'en doubtez, De gros lardons, gros et espais. (Copp. lard., a.1488, 170). Aussi feït faire quattre moyneaulx tout de fer bien espès en lieu par où l'on povoit tirer à son aise, et estoit chose bien triumphant, qui cousta plus de vingt mil francs. (COMM., II, 1489-1491, 291). Aprés ce fait, mestier est qu'entendons Que les seigneurs et notables preudoms D'icelle ville, mesmement les plus saiges, Pour recompense, haulx loyers et guerdons, Firent au roy de tres gracïeulx dons Et par exprés de plaisantins frommaiges Qui sont si grans, si espés et si larges Que peullent estre grans meulles de moulins (LA VIGNE, V.N., p.1495, 193).

 

-

[D'un vêtement] "Grossier" : Il le regarde [un pourpoint de satin] emprés le sien, Qui esyoit plus espés deux fois. S'estoit ung pourpoint de chamoys Farcy de bourre sus et soubz, Ung grant villain jacque d'Anglois Qui luy pendoit jusqiues aux genoulx. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 191).

 

-

Empl. subst. Espais. "Épaisseur"

 

-

N mesures d'espais : Ou chief devant furent six tours, Par aultre nul ne poeult passer, Si for qu'on ne les poeult casser ; Les murs de deux toises d'espès, Et les fist fonder Herculès (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 188). Est il homme qui voie si cler que fait une beste apellee lins, qui vit parmi une paroy de quatre piés d'espoisse [var. d'espés] ? (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 60). Et [Mélusine] fist bastir entre le bourc et le chastel une forte tour, grosse, de tieules sarrasinoises, a fort cyment. Et estoient bien ly mur de la tour de XVJ. a XX. piez d'espez. Et la fist faire si haulte que les guettes qui estoient dedens veoient de tous coustez qui venoit devers le fort en la ville. (ARRAS, c.1392-1393, 67). Item, feves nouvelles doivent premierement estre cuictes jusques a bayennes, puis purer, et apres boulir dedens la puree grosses souppes de deux doyes d'espaiz et de pain brun (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 200). ...et envelopoient Sarrasins les pierres qu'ils trayoient d'estoupes d'ung doigt d'espois, ou ils semoient pouldre qui gectoit feu pour esprendre l'eschaffault (CABARET D'ORV., Chron. Loys de Bourb. C., 1429, 240). Il est ung pyramidal copé lequel a 4 pyez de large et autant d'espez par le gros bout, et par l'aultre il y a 3 pyez de large et autant de parfont, et si a 12 pyez de long. (NIC. CHUQUET, Géométrie H., 1484, 157).

 

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Au fig. empl. adv. "Fortement" : Je serois tencé bien espaix. (Arq. P., c.1500, 424).

 

2.

[D'une pers., d'un aspect de la pers., d'un animal]

 

-

[D'une femme enceinte] : ...par la voulennté divine, A conceu ung filz de hault signe, Elle ja venue en vieillesse. Ja le siziesme mois l'apresse tant qu'elle est bien grosse et espesse, Que chascun sterille cuidoit. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 52).

 

-

[D'une partie du corps] "Charnu" : LE COUSTURIER. Que je voye Se vostre corps est droictement Pour porter ung bon vestement. Ouy ; voz hanches sont espesses (Coust. Esop. T., c.1500, 162).

 

-

[D'un animal] "Gros" : Ilz ne sont pas plus hauz que un dain, mes ilz sont plus espés et plus gros. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 67).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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