C.N.R.S.
 
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     CUIDER     
FEW II-1 cogitare
CUIDER, verbe
[T-L : cuidier1 ; GD : cuidant/cuidier1/cuidier2 ; GDC : cuidant ; AND : cuider ; DÉCT : cuidier ; FEW II-1, 838b : cogitare ; TLF : VI, 576b : cuider]

I. -

Empl. trans. Cuider + complét. en que ou constr. équivalente

A. -

[À la première pers. de l'ind. prés. ou dans des tours incluant le locuteur : on cuide, nous devons cuider, il est à cuider...] "Tenir pour vrai ou pour probable"

 

1.

Cuider que

 

a)

Cuider que + ind. : Et meisme es choses corruptibles de cibas voit l'en que pluseurs qui different en espece sont presque d'une figure. Et donques se nous voions que une estoille est de figure sperique, nous devons cuider que si sont les autres. (ORESME, C.M., c.1377, 494). Apres est monstré comment par raisons ne peust estre conclus que le ciel soit ainsi meu. Tiercement, ont esté mises raisons au contraire et que il n'est pas ainsi meu, et nientmoins touz tiennent et je cuide que il est ainsi meu et la terre non : deus enim firmavit orbem terre, qui non commovebitur, nonobstans les raisons au contraire, car ce sont persuasions qui ne concludent pas evidanment. (ORESME, C.M., c.1377, 536). ...et semble que ce fu l'opinion d'Aristote. Mais je cuide que elle n'est pas vraie (ORESME, C.M., c.1377, 704). Lui yrons nous aidier ? Par foy, dist Clerembaut, grans mercis, car je cuide que il n'en est nul besoing. (ARRAS, c.1392-1393, 203). "Vraiement," : dist Madame, "je cuide bien et suis certaine que se il estoit armé que tel y a qui de lui se mocque qui gueres n'y gagneroit." (LA SALE, J.S., 1456, 293). Combien que je cuide fermement que avez maintenant necte pensée, courage chaste et honeste, toutesfoiz, quand je cognois quelx sont vostre aage, beaulté, et l'inclinacion de la secrete et mussée chaleur en quoy vous abundez, il me semble pas possible qu'il ne vous faille, par pure necessité et contrainte, ou temps de mon absence avoir compagnie d'homme, dont je ne suis, la Dieu mercy, en rien troublé. (C.N.N., c.1456-1467, 562). Ceste chose est veritable, dist Burghe Fauvele, car tout ainsi en feis a mon mari et lui en feis une salade ; mais ceste amour ne dura que six sepmaines, pourquoy je cuide qu'il le fault renouveller souvent. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 89). LONGIN. Si vous me voulés adresser Et me conduire ma lance Droit au cuer ung peu sur la pance, je le poulsarey si tresbien Que cognoistrés en son maintien S'il a vie ne tant ne quant. (...) Et qu'est cecy, par mon serment ? Je cuide que je l'ay actaint. (Pass. Auv., 1477, 231). Il fault que ce povre homme on guyde Au sainct arcevesque de Tours, Car, s'il le voit, pour vray je cuyde Qu'il luy donrra quelque secours. (LA VIGNE, S.M., 1496, 457).

 

-

Je cuide et crois que... : Je quide et croi, et s'est mes dis (Ensi l'ai je veü toutdis) Qu'il n'est onques jours qui ajourne, Soit qu'on travelle ou qu'on sejourne, Qu'on s'esbanoie ou qu'on revelle, Qu'on n'ot dire aucune nouvelle Qui est avenue ou que soit (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 91). ...car je quide et croy de verité que par peciet, à tort et par envie, on a ceste bonne roynne decachie et son fil hors d'Engleterre. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 234). Anselme : - Je cuide et croy que je ay satisfait a ta question aucunement, conbien que ung milieur de moy trop mieulx le pourroit satisfaire (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 253). PRINCE D' ANTHIOCHE. Je cuyde et croy, veu son commancement, Que de la fin nous aurons bon raport. (LA VIGNE, S.M., 1496, 175).

 

-

Je cuide, moi, que. "Moi, j'ai la conviction que..." : LE PREMIER. Donne toy en garde, elle point. En la fin, el te trompera. LE SECOND BERGIER. Je cuide, moy, que non fera, El y va a la bonne foy. (Berg. agn. France L., 1485, 33). J'aperçoy la ung grant tas de preudoms : Je cuyde, moy, que l'empereur y est. (LA VIGNE, S.M., 1496, 251).

 

b)

Cuider que + subj.

 

-

[Cuider en phrase affirm. (rare, sauf en présence d'une hyp.)] : LE CHEVALIER. Haro ! je croy que le pouoir De Dieu est du tout mis au nient Quant celle que j'atens ne vient, Ou je ne say s'elle me ruse Pour moy faire paier la muse Ci toute nuit. L'ESCUIER. Vraiement, mon seigneur, je cuit Qu'elle se soit de vous moquée : Mienuit est ja plus que passée, Je vous promet. (Mir. nonne, 1345, 326). Et nous metons et posons que la chose est par soy souffisante laquelle souffist toute seule et par quoy l'en a vie eslisible qui n'a plus besoing de rien. Et nous estimons et cuidons que felicité soit telle chose. (ORESME, E.A., c.1370, 119). Et pour ce, les incontinenz qui dient bonnes paroles et de grant prudence contraires a ce que il font, il est a estimer et cuider que il soient aussi comme ceulz qui faingnent et qui dient les choses que il ne croient pas. (ORESME, E.A., c.1370, 373). Et quant est d'une chose qui est dicte ou premier cas, c'est a savoir que une porcion de feu seroit ou centre du monde sanz soy mouvoir, je cuide que ce soit vray se le cas estoit tel comme il est devant mis. Mais il ne pourroit par nature estre tel et durer en tel estat pour les variacions ou alteracions ou autres mouvemens qui sont de commun cours aussi comme une pesante espee ne pourroit longuement estre en estant sur sa pointe, etc. (ORESME, C.M., c.1377, 136). Ung jour vint a moy Desconfort, Qui Desespoir si m'amena, Dequoy il me despleut moult fort, Car durement me pourmena, Se ce n'eust esté Reconfort, Qui Espoir si me ramena, Je cuide que je fusse mort, Tant desconfort me demena. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 100). J'ay esté jusques encontre le siège, et vous dy qu'ilz font ung très grant bruit, et cuide qu'ilz vueillent venir pour entreprendre quelque chose sur noz gens. Car j'ay ouy passer sur le pont des gens à pié et à cheval (BUEIL, I, 1461-1466, 205). Dist une vielle matrone qui derriere les autres estoit : je cuide bien qu'il soit vray de la garison desdictes .ix. maladies, mais non pas de celles dont on chiet a la renverse. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 94).

 

-

[Cuider en phrase nég.] : "Sire, vous avez donné cy a entendre que il est bien temps de vostre fille marïer, si comme il vous semble, et que plus ne la voullez retenir. Et puis si y avez [mis] un point tel que vous la garderez ainçoiz cent ans que nul ne la venist requerre, pour la condicion que vous y avez mise ; car de tous les lions du monde les vostres sont les plus fiers, les plus enragiez et les plus orribles. Si ne cuidons mie que nulle personne soit si oultrageuse qu'il osast entreprendre la bataille contre eulx, se il n'estoit hors du sens ou enragié.(...)" (Bérinus, I, c.1350-1370, 311). De quoy dist encore saint Cyprian en adjoustant a che qui est dessus touchié : « Et ne peuz maintenant estre comptee entre les pucelles vierges de Jhesu Christ, veü que ta vie est tellement ordonnee que tu peuz d'aultrui estre amee. Celles qui vestent soie et pourpre ne peuent vestir Jhesu Christ ; les aournees de or, de marguerites et de fremaulx ont perdu les aournemens du cuer et de la pensee. (...) Certes les vierges qui par telz manierez de ars se gasteront, je ne cuide pas que entre les vierges beneurees elles doient estre nombrees, mais comme oailles tachees et pourries doivent estre separees du tropeau saint et pur de virginité, affin que par leur atouchemens les aultres ne soient pollues ou adommagees ». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 378). Le roy, quelque semblant qu'il face, Je ne cuide pas qu'il lui place Que tel tresor soit transporté De son royaume et hors porté, Mais autre chose n'en peut faire, Si fait son honneur de s'en taire. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 45).

 

2.

Cuider qqn/qqc. estre... : Mais du tout et universelment, benivolence est vers aucun pour cause de vertu ou d'autre bien que l'en cuide estre en luy ; si comme quant il appert bon et juste ou fort selon la vertu de fortitude, ou que il a aucune autre condicion qui est a loer. (ORESME, E.A., c.1370, 470). Et pour ce que longue chose seroit reciter les opinions, reprobacions, alteracions des causes que pluseurs assignent en ce, je suppose premierement une experience que je cuide estre vraie, et est ceste : que se un corps ferme est meu tres isnelement de quelcunque mouvement local, chaleur n'est pas pour ce causee es parties de ce corps qui sont en parfont dedens lui se n'est, par aventure, bien pou par l'eschaufement des parties de lui qui sont vers dehors. (ORESME, C.M., c.1377, 436). ...car certainement je l'ay fait au plus justement que j'ay peu, selon les croniques que je cuide estre vrayes. (ARRAS, c.1392-1393, 2).

 

3.

Cuider qqn/qqc. + attr. de l'obj. : Et pour ce que nous vous cuidons tel que bien vous savrez excuser et deffendre de ceste charge quant vous en serez adverti, nous vous envoions le double, esperans que vous mectrez peine a vous geter hors de ce blasme a voustre honneur et a l'esjouissement de ceulx qui plus volentiers verroient voustre los croistre que amendrir. (Lettres Chart., 1425, 360). Et cuyde l'intention du roy telle que, s'il eut achevé son emprinse ou près de là ou que son frère vint à mourir, qu'il ne jureroit point ceste paix (COMM., I, 1489-1491, 231).

 

4.

Cuider + inf. : Mais je cuide verité dire, Comment que m'en vueilliez desdire (MACH., J. R. Nav., 1349, 244). "Je vous pry et requier que vous me faciez droit et amender l'oultrage et le grant despit que on a fait de mon filz voyant tous ; car il est tellement ordené, que je ne cuide jamaiz veoir son respas et avecques ce le traïtre qui ce a fait, m'a laidengé villainement et occiz et navrez de mon linage, ainsi que vous pouez veoir. (...)" (Bérinus, I, c.1350-1370, 374). Cellui seroit Sans cuer, qui bien aviseroit Au bien d'elle et y penseroit, Quant volentiers ne l'ameroit. Aussi pour voir Je croy, et le cuide savoir, Que plusieurs desirent avoir Sa grace et en font tout devoir, Desquelz le mendre Je suy (CHART., L. Dames, 1416, 206). Pren doncques en gré, mere, ce que le peuple me contraint de respondre et juge de nostre debat a ton bon plaisir, car de ma part je m'en cuide assez estre deschargié. (CHART., Q. inv., 1422, 36). ...et aussi l'amour que j'ay eue et ay a vous, qui n'a mie esté seulement fraternelle mais paternelle, car je cuide avoir fait pour vous et mes aultres freres ce que pere a peu et deu faire (JUV. URS., Nescio, 1445, 443). Je ne vouldroye pour rien avoir enfrainct mon veu, et si cuide estre seur de mon compere, qui cy est, et de mon voisin, qu'ilz ne l'eussent pas promis pour si tost l'oblyer. (C.N.N., c.1456-1467, 205). Car, comme je diz l'avoir veü grant et riche et honnoré, encores puis-je dire avoir veü tout cela en ses subjectz, car je cuyde avoir veü et congneü la meilleure part de Europe. (COMM., II, 1489-1491, 156).

 

5.

[Avec un pron.]

 

-

[Le pronom. ce] : N'a pas lonc temps qu'en mi la rue Li courut sus, guele baée, Comme une beste forcenée, Et l'eüst estranglé, ce cuide, S'il n'eüst tost fait une vuide. (MACH., Compl., 1340-1377, 264). Car aucuns d'eulz ostoient toute generacion et toute corrupcion et disoient que rien ne est fait de nouvel ne rien corrompu mais seulement selon apparence ; et le nous est avis, si comme disoient ceulz qui ensuioient Mellissus et Parmenides lesquelz, combien que il dient bien de autres choses comme sont les choses perpetueles, toutevoies l'en ne doit pas ce cuider des choses natureles, car parler des choses qui sont perpetueles et inmobiles, c'est autre consideracion que naturele et premiere par dignité - ce est methaphisique. (ORESME, C.M., c.1377, 586). La fourme en est bonne, Si en faictes vostre devoir. Chiens et oyseaux nous fault avoir Et aler prendre aucun deduit, Que bonne piece y a, ce cuit, Que n'eümes deduit de chace. (Gris., 1395, 24).

 

-

[Le pronom. le] : Pour continuer mon propoz de monsr le connestable, qui par adventure desiroit que le roy le craignist : ou au moins je le cuyde, car je ne le vouldroye pas charger ny en parler, sinon pour en advertir ceulx qui sont aux services des grans princes qui n'entendent pas tous d'une sorte les affaires de ce monde (COMM., I, 1489-1491, 250).

 

-

[Le pronom. que] : Je ne sai sur lui que cuidier : Se vodroit il desloyauter ? (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 124).

 

6.

[Le compl. est effacé, en tour compar.] : "Se tu es, disoit elle, celui a cui je cuide estre mariee, je te appele home et te appele roy. Et se tu es meins que je ne cuide, je puis dire que la chose est trop muee en pis, en tant comme entour nous est si grant crime avecquez [couardie] ! (...)" (BERS., I, 1, c.1354-1359, 47.3, 79). Mais, a nul prince n'en desplace, Grant honte leur est, com je cuide, Que tel place demeure vuide, Et c'est par faute de l'emprendre. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 10). Et, quoyque mains ayent blasmé Leurs meurs de courage enflamé, Croy que plusieurs bonnes et belles En sont, et grant foison de celles, Ou vertu maint en tout endroit, Et qui raison aiment et droit, Nonobstant qu'aucune deffaille, Mais pou est rigle qui ne faille, Et la plus grant part, com je cuide, De pervers meurs et lais est vuide. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 82). LA FEMME Je n'y congnois point de remide Pour y trouver quelique soulas. LE CRESTIEN Nous l'aurons, ainsi que je cuide, Au moyen de sainct Nicolas. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 77).

B. -

[A une autre pers. et/ou à un autre temps, pour marquer une opinion que le loc. rapporte sans émettre de réserve, mais aussi sans la prendre explicitement à son compte] "Tenir pour vrai ou pour probable"

 

1.

Cuider que

 

a)

Cuider que + ind. : Et les mauvais quierent compaignie et genz avecques lesquelz ilz puissent demourer et converser et fuyent eulz meïsmes. Car quant ilz sont a eulz et seulz, ilz se recordent de pluseurs maulz griefz et grans lesquelz ilz ont fais ou temps passé et pensent et cuident que ou temps a venir ilz en feront et souffreront d'autres telz. Et quant ilz sont en compaignie et avecques autres, ilz oublient teles choses. (ORESME, E.A., c.1370, 467). ...car les uns par aventure sont enformés et cuident certainnement que delectacion est tres mauvaise chose, et les autres cuident que non est et que c'est bonne chose ; mais ilz cuident que pour nostre vie faire bonne, il est mieulx et plus expedient dire et prononcier que delectacion est mauvaise chose. (ORESME, E.A., c.1370, 496).

 

b)

Cuider que + subj. : Mais incontinence et desactrempance sont vers une meïsme matiere en differentes manieres ; car le desactrempé est mené par ce que il eslit et cuide que il conviengne tousjours poursuir la chose delectable qui est presente ; mais l'incontinent ne cuide pas que l'en doie tele chose poursuir et eslire ; et toutes voies, il la poursuit. (ORESME, E.A., c.1370, 370). ...car l'un et l'autre parsivent corporeles delectacions ; mais le desactrempé le fait pour ce que il cuide que il le conviengne faire et que ce soit bien, et l'autre ne cuide pas que ce soit bien. (ORESME, E.A., c.1370, 397).

 

-

[Dans une constr. imbriquée] : Je ne suis plus cellui que je souloye, N'il ne me chaut qu'on cuide que je soye, Puis que la mort m'a departy de celle Que tant valoit que tous furent en elle Les biens qu'autres choisiroient pour eulx. (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 387). Saincte Marie, De quoy cuidez vous que je rie ? (Path. D., c.1456-1469, 122). Mais qui cuidés vous que je soye ? Par le sang de moy, je pensoye Pour qui c'est que vous me prenés. (Path. D., c.1456-1469, 184).

 

2.

Cuider qqc. estre... : Et pour ce, celui qui est incontinent ne veult pas souffrir injuste, mais il fait la chose de sa volenté et seuffre laquelle est injuste hors sa volenté ; car nul ne veult fors ce que il cuide estre bien. (ORESME, E.A., c.1370, 312). Mais l'en dit que les citéz sont en concorde quant il ont un consentement des choses qui leur sont conferentes et proffitables. Et quant ilz eslisent unes meïsmes choses et oeuvrent de commun consentement les choses que ilz cuident estre bonnes. (ORESME, E.A., c.1370, 471).

 

3.

Cuider qqc. à + attr. de l'obj. : Le jenne homme par telx paroles, Qu'il ne cuida pas a frivoles, Tout desesperé s'en alla (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 58).

 

4.

Cuider qqn/qqc. + compl. de lieu : ...et li fu demandé ou l'abbé et li monne estoient. Il respondi que il ne savoit, et que il les quidoit ou moustier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 78).

 

-

Cuider + subst. non déterminé + compl. de lieu "Penser que qqn existe dans tel lieu" : La contesse mesmes dist que en tout le monde ne cuidoit royne, ne roy, ne empereur qui peust finer d'autant que les joyaulx qu'elle avoit sur elle, valoient. (ARRAS, c.1392-1393, 39).

 

5.

Cuider + inf. : Et se par vostre paresce, Fautte d'advis ou simplesce, Chascun verser la [l'honneur de la France] delesse, Que cuidez vous devenir Ne quele seurté tenir ? Car qui soy mesmes se blesse D'autry deffïé se tient. (CHART., L. Paix, a.1426, 417). Et pour ce avoit dit et disoit ycellui evesque qu'il cuideroit faire sacrifice au dyable, s'il publioit ladicte bulle de la dissolucion dudit saint concil general. (FAUQ., III, 1431-1435, 46). Par Jupiter, ta vie est tant obscure Qu'en rien qui soit je n'y puis subvenir. Que cuyde tu desormais devenir ? N'as tu vouloir de gauldir sur l'erbecte ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 166).

 

6.

[Avec un pron.]

 

-

[Le pron. le] : Mais juenesse les gens aprent Et les tient en si fol cuidier Que nuls ne le porroit cuidier (MACH., P. Alex., p.1369, 238). Toutesvoies, toutes choses sensitives quierent et parsivent delectacion. Item, par aventure toutes choses quelzconques appetent et desirent ou quierent et parsivent une chose, combien que il ne l'apparçoivent pas et ne le cuident pas, et combien que pluseurs ne le diroient pas. (ORESME, E.A., c.1370, 406). E Scipion dit que, quant on veult aucune chose entreprendre en guerre, qu'il n'est riens de si vergongneux, aprez les choses mal advenues, que de dire : "Je ne le cuidoye pas." Car ung cappitaine ou chief de guerre doit prevenir avant la main ad ce qui lui peut advenir. (BUEIL, II, 1461-1466, 259).

 

-

[Le pron. que] : Alors Madame d'estre assise se lieve et tout hault a ses femmes dist : "Et que cuidiez vous de ce faulz garçon ? Le ay je bien longuement confessé ?..." (LA SALE, J.S., 1456, 49).

 

7.

[Le compl. est effacé, en tour compar.] : ...car, si comme aucuns dient, ce n'est pas possible que un homme qui a science soit incontinent. Car, si come Socrates cuidoit et disoit, ce seroit dure chose et fort a faire, tant comme tele science est en .i. homme, que un autre chose eüst commandement et dominacion sus ceste science et traisist cest homme contre sa science, aussi comme se il feüst serf ou sa science serve. (ORESME, E.A., c.1370, 366).

C. -

[A une pers. autre que la première et/ou à un temps autre que l'indic. prés., pour rapporter une opinion que le loc. estime fausse] "Croire à tort, s'imaginer"

 

1.

[Avec une complét. par que]

 

a)

Rare Cuider + ind. : Or y a folx qui cudera Et en son cuer se vantera Qu'il a de moult bealx avantaige (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 128). Et est vraisamblable que le memoire ou la renommee de ceste merveilleuse nuit dura entre les paiens siques a tant que Hercules fu reputé un dieu ou deifié quant a eulz, et cuidierent ou figurerent que il avoit esté engendré celle nuit. Et de ce vint la fable devant mise. (ORESME, C.M., c.1377, 376). Ton erreur est fondé sur ignorance. Car tu cuidez que celui seul fait l'offence a Dieu qui comme en appert fait l'excecution de pechié. Aultrement va. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 52). Toutesfoiz, quelque esbahiz qu'ilz fussent, il entendirent encores ung peu, s'ilz oyrent la voix du par avant arriere les hucher tres aigrement ; si cuiderent que ce fut ung esperit (C.N.N., c.1456-1467, 276). BOURREAU : Ta fievre cartayne ! Ilz [les brigands] cuyderont que nous chassons. PREVOST : Enffans, il fault c'on se promayne Au long de ces petis buyssons. (LA VIGNE, S.M., 1496, 307).

 

b)

Cuider que + subj. : Car par la grant force dou vent, Li gentils roys cuidoit souvent Que sa galée fust plungie, Et aussi toute sa maisnie. Et quant en son païs revint Li bons roys, si foibles devint Pour ce qu'il ne pooit mengier Et s'avoit souffert le dangier De la mer (MACH., P. Alex., p.1369, 131). Mais li pueples toudis s'efforce De faire feste et joie pour ce Qu'il cuidoit que la pais fust faite, Et elle estoit toute deffaite (MACH., P. Alex., p.1369, 193). Tout entrerent en la ville et conmenchierent a criier : "Hainnau au senescal !" et descendirent li auqun, chil qui ordonné i estoient, et entrerent dedens un hostel et quidierent que li dus de Normendie fust la logiés, mais non estoit, dont bien l'en chei. (FROISS., Chron. D., p.1400, 376). ...il [le comte de Montfort] prist l'abit a l'un de ses menestrels, et dou soir il monta a ceval, et le varlet dou menestrel avoecques lui, et isi de Paris. Et quidoient ses gens, voires fors chil qui le devoient sçavoir, que il fust encores en ses cambres, car si cambrelent disoient que il estoit malades et gissans au lit, qant il estoit en Bretagne. (FROISS., Chron. D., p.1400, 488). Chil qui faisoient le gait pour la nuit dedens Vennes, veirent les feus eslever contremont a celle heure la. Si furent tout esmervilliet, et quidierent de premiers que li feus fust en la ville. (FROISS., Chron. D., p.1400, 571). Se une ymaige apparoit en l'air, sans ce que on veist le miroir ou la personne qui se mireroit, comme on le puet faire par l'art de perspective, n'est point doubte que par l'imaige on verroit la personne, jassoit ce que on ne la cuidast point veoir, qui ne sauroit que c'est ; et nous le veons des enfans qui se mirent et cuident de l'imaige que ce soit ung enfant et non mie que ce soit une telle ymaige, comme on recite aussy de Narcisus qui en la fontaine ama son ymaige. (GERS., Trin., 1402, 169). Cuides tu doncques que Dieu face Entre les hommes sur la terre Si beau corps et si doulce face Pour leur porter rigueur et guerre ? Nenny non, il n'y pensa oncques (CHART., E. Dames, 1425, 364).

 

-

Faire cuider que. "Faire croire que" : Si me merveil comment Amours endure Qu'amans ha cuer plain et enveloppé De traïson, de fausse couverture, Et fait cuidier qu'il die verité. (MACH., L. dames, 1377, 231). Queulx manieres ! Tu veulx fere cuider Que vostre filet soit tout plain. (Pass. Auv., 1477, 126).

 

-

[Dans une constr. imbriquée] : Encor y a un autre point, Qui trop vient a ceulx mal a point, Car tout ce qu'ilz auront cuidé, Qui au monter leur ait aidié, Cherra sur eulx au devaler, Qui si bas les fera aler Que jamais n'en releveront. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 113).

 

2.

[Constr. équivalentes]

 

a)

Cuider qqn/qqc. + inf.

 

-

Cuider qqn/qqc. estre... : Recite Tulle, in de officiis, secundo, partie d'une epistre laquelle envoya Philipe, pere d'Alixandre, a luy en le reprenant de ses dons excessis : "Quelle fole raison, dit il, te amaine en ceste esperance a ce que tu cuidasses ceulz estre feaulz a toy, lesquelz tu auroyes corrumpuz par argent ?..." (GERS., Noël, p.1404, 311). Les pouvres simples femmes, qui mieulx cuidoient ces bons freres estre anges que hommes terriens, ne refuserent pas ce disme a paier. (C.N.N., c.1456-1467, 216). Au contraire conclusivement a parler, erreur de condition deteriore ou male et servile empesche le mariage, mais erreur de condition de pareille ou meilleur condition ne l'empesche pas, comme se le serviteur et serf contrait avec une meschine qu'il cuide estre libere et franche, ou avec une franche qu'il cuide ancelle ou serve, il n'est pas deceut et le mariage tient. (Sacr. mar., c.1477-1481, 50).

 

-

Cuider + verbe autre que estre : ...se tu cuydes les batailles povoir durer en force de grant armee, Nostre Seigneur te fera surmonter par tes ennemis (JUV. URS., T. crest., c.1446, 169).

 

.

[Avec un verbe impers.] : ...et ne devez pas cuider souffire de lire en vostre retrait et faire oroisons, ne que par vostre eslongement des frontieres vous puissiez fructifier (JUV. URS., Loquar, 1440, 329).

 

b)

Cuider qqn/qqc. + attr. de l'obj.

 

-

Cuider qqn/qqc. + adj./syntagme nom. à valeur adj. : ...mais que tu teingnes le propos Que de toy ci dessus propos : C'est qu'en toy n'aies si grant vice Que ta dame cuides si nice Qu'elle n'ait bien aperceü Qu'Amours t'a pris et receü En sa douce religion Pour parfaire profession, Sans penser avoir, ne remort, Que n'i soies jusqu'a la mort, Et qu'il li plaist bien que siens soies. (MACH., R. Fort., c.1341, 70). Au roy Phelippe un tel coup donne, Dont il se pasme, et mot ne sonne ; Quant sa gent le virent a terre, Mort le cuident, adont, grant erre S'enfuyent (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 34). Voyans ceulx qui estoient dedans Saint Trond la bataille perdue pour eulx et qu'ilz estoient enferméz tout à l'envyron, cuydans la desconfiture trop plus grande qu'elle n'avoit esté, rendirent la ville (COMM., I, 1489-1491, 110). Et me suis fort enquis comme on les fist mourir ; car plusieurs les cuydoient en vie quant le roy entra en Napples (COMM., III, 1495-1498, 78). J'avoys le cueur serré et estoie en grand doubte de la personne du roy et de toute sa compaignée, et cuydoie le cas plus prest qu'il n'estoit, et aussi faisoient-ilz eulx. (COMM., III, 1495-1498, 127).

 

-

Cuider qqn comme + adj. : Et ses voisines, qui la cuidoient comme morte, furent tresesmerveillées jusques ad ce qu'elle leur dist par quelle voie elle estoit ravivée (C.N.N., c.1456-1467, 517).

 

c)

Cuider qqn + compl. de lieu : "Monseigneur, pour Dieu, je vous crye mercy ; par mon serment, je vous asseure que je ne vous cuidoie pas icy a ceste heure ; et creez que je ne vous y eusse pas quis, et ne me sçay assez esbahir dont vous venez a y estre encores (...)" (C.N.N., c.1456-1467, 187). Il y povoit avoir trois getz d'arc de nostre champ jusques où nous cuydions le roy. (COMM., I, 1489-1491, 35).

 

d)

Cuider + inf. : Ysengrin fu de tel affaire, Tout ce qu'il pense cuide faire (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 23). Car aucuns incontinenz ont telz opinions de quoy ilz ne doubtent en rien, mais cuident savoir certainement ce de quoy il ont opinion. (ORESME, E.A., c.1370, 370). ...adonques se aucun des deux [amis] est deceü pour ce qu'il cuide estre amé de tele amour et non est, et se l'autre n'est en rien cause de ceste decepcion, lors cestui doit causer et accuser soy meïsmes. (ORESME, E.A., c.1370, 462). Celui est fol qui ne scet mettre difference entre ce ou il a difficulté et ce ou il n'a difficulté, et celui est presumpcieus qui cuide povoir tout bien determiner. (ORESME, C.M., c.1377, 406). Avises aussy que aucune fois on cuide recevoir le Saint Esperit et on recoit le mauvais, pour ce que soubs semblance de bien il hurte a l'uis, et faint qu'il soit le bon esperit, et decoit la simple ame, et li fait faire de tres grans pechiez en cuidant bien faire. (GERS., Pent., p.1389, 81). Li Englois quidierent trouver le roi en Haindebourc, car c'est Paris en Escoce, mais non fissent ; car il en estoit alés oultre et mené sa fenme sus la sauvage Escoce. (FROISS., Chron. D., p.1400, 217). Les bonnes gens n'estoient encores de riens en doubte, et ne quidoient point comparer les chevauchies que lors sires, messires Jehans de Hainnau, avoit fait en France, en servant le roi d'Engleterre ; mes si fissent. (FROISS., Chron. D., p.1400, 346). Mon seul et souverain desir ! Je viz huy heure que jamais vive ne vous cuiday veoir, et quant je vous viz entrer aux lices, de la grant paour que de vous je euz, le cuer m'esmortist tellement que comme morte je cheys, et se n'eusse esté bien tost secourue, vraiement je rendoye mon esperit. (LA SALE, J.S., 1456, 162).

 

-

[Avec une complét. au subj. coordonnée à l'inf.] : La contesse de Blois entendi que son signeur de pere estoit en celle cevauchie : si quida trop bien besongnier, et que pour l'amour de li, son pere deuist respiter de non ardoir la ville de Guise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 327). Li dus de Normendie et chil qui la estoient logiet, se tenoient pour tout aseguret, et ne quidoient pas estre ensi resvillié et que li Hainnuier lor fuissent si apparilliet. (FROISS., Chron. D., p.1400, 376). Et, quant ainsi fuyr les virent L'ost d'Amasonye et de Siche, Bien cuiderent estre adont riche Et que ceulx s'en voisent dolent (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 205).

 

-

Cuider de + inf. : Cueur, trop es plain de folie. Cuides tu de t'eslongnier Hors de nostre compaignie, Et en repos te logier ? (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 131). Se regrettez voz dolens jours, Et, je regrette mon argent Que j'ay delivré franchement, Cuidant de vous donner secours. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 349).

 

-

[Dans des phr. du type Tel cuide + inf. qui/que.../Quand on cuide + inf, on...] : Tel cuide vengier son outraige Pour autruy faire grant dommaige Que sur luy torne la folie. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 118). Se nous volons vivre en leësse, En pais, en repos, en richesse, De tout ce qu'on puet faire et dire, N'en mettons a nos cuers point d'ire, Et ne nous chaille dou dangier Qu'on appelle contrevangier, Car tels cuide vangier sa honte Qui l'acroist et qui plus s'ahonte. (MACH., J. R. Nav., 1349, 178). Tel cuide bien garder sa femme sauvement, Qui la garde a la fois assés mauvaisement (Tristan Nant. S., c.1350, 97). Cy povons a un seul coup avoir tout le lignaige, et cellui qui telle honte nous a faicte. Et cilz lui respondent que ja pié n'en eschappera que tout ne soit mort. Mais, si comme le proverbe dit : Tel cuide vengier sa honte qui l'accroist. Ainsi fut il du chastellain et de ses parens. (ARRAS, c.1392-1393, 70). Tel cuide avoir oeuf en feu qui n'y a que les escalles. Tel cuide decepvoir aultrui qui soy mesmes se conchie. Tel cuide amer qui muse. (E. LEGRIS, Anc. prov. fr., p.1400. In : Bibl. Éc. Chartes 60, 1899, 599). En amours n'a se plaisir non. Tel y cuide estre receü Et plaire et avoir bon renon Qui souvent en est deceü (CHART., D. Rev., a.1424, 319). Jouvencel, je vois bien que c'est, il vous est adviz que pour vingt chevaulx que vous avez destroussez, que tout le monde soit vostre. Ce n'est pas cela : mais aucuneffoiz tel cuide gaigner qui pert. (BUEIL, I, 1461-1466, 62). ...quant on cuyde decevoir, on est deçeu. (BUEIL, I, 1461-1466, 63). Tel cuide aulcunes fois gaigner qui pert. Tel cuyde estre bien saige qui est ung fol naturel.Tel cuyde estre ung grant clerc qui ne scet rien.Tel cuide gaigner qui pert. Tel cuyde tromper aultruy qui est trompé de luy mesmes. (MACHO, Esope R., c.1480, XXXVI). Telle cuide estre la premiere Qu'est la derniere de la dance. (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 176).

 

-

Cuider avoir trouvé Dieu par les pieds. V. pied.

 

e)

[Avec un compl. nom.]

 

-

[Avec un obj. interne] : Et qui vorroit plus souhaidier, Je n'os cuidier Si fol cuidier Que cils aimme de cuer entier Qui de tels biens n'a souffisance ; Car qui plus quiert, il vuet trichier (MACH., R. Fort., c.1341, 17).

 

-

Cuider le contraire : Maiz plus donnez S'est [Amour] es cuers qui sont ordonnez D'estre bien condicïonnez Et aux haulx faiz abandonnez, Ou hardement Est ou trescler entendement, Et on en prent amendement ; Qui le contraire cuide, ment. (CHART., L. Dames, 1416, 269).

 

-

Cuider qqc. (en qqn). "Penser que telle chose existe (en qqn)" : Car tels aimme en trés bonne foy Qu'on cuide le contraire en soy (MACH., D. Lyon, 1342, 199).

 

f)

[Avec un compl. pronom.]

 

-

[Avec le] : Et quant Remond oït qu'elle ne lui parle de rien, si cuide qu'elle ne sache rien de ce fait. Mais pour neant le cuide, car elle scet bien tout. (ARRAS, c.1392-1393, 244). Et pour ce que le plus communement toute creature est en soy meismes ainsi deceue, avient il que chascun tent a vouloir suppediter son prouchain et le surmonter, non mie en vertus, mais en grandeur d'estat, d'onneurs ou d'avoir ; mais quant il avient que il fault et que il voit autre plus avancié de lui, ou que il le cuide, ou qu'il a paour qu'il aviengne aussi hault, la est l'envie toute formee. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 135). ...mais je ne croiray ja que femmes soient si loyalles que pour tenir telz termes ; et ceulx qui le cuident sont parfaiz coquars. (C.N.N., c.1456-1467, 176). ..quant le conte de Charroloys sceut le departement du roy, qui s'estoit party du pays de Bourbonnoys, et qu'il venoit droit à luy (au moins le cuydoit), il se delibera aussy de marcher au devant de luy (COMM., I, 1489-1491, 19).

 

-

[Avec ce que] : Ainsi appert comme le Jouvencel, qui cuida entreprendre sur ses adversaires et les dommaigier, fut lui-meismes surprins par eulx ; si advint tout au contraire de ce qu'il cuidoit. (BUEIL, I, 1461-1466, 69).

 

-

[Avec que interr.] Que cuidez ? "Que croyez-vous ?" : LE FOL. Saint Mor, elle a pis que la goute ! Je croy qu'elle vouldroit le masle. Que feussions nous en une male, Nous deux ensemble mis en serre ! Je rotasse la dure guerre, Qui met tel broullis en son ventre. Que cuidez vous ? Qu'elle a chault entre Les cuisses et la boudinete ! Helas ! la pouvre godinete ! Par Dieu, j'ay pitié de son fait. (Narcissus, p.1426, 288). Car ou soies porteur de bulles, Pipeur ou hazardeur de dez, Tailleur de faulx coings et te brulles Comme ceulx qui sont eschaudez, Traictres parjurs de foy vuidez, Soies laron, raviz ou pilles, Ou en va l'acquest, que cuidez ? Tout aux tavernes et aux filles. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 130).

 

-

Ne rien cuider. "Ne rien s'imaginer, ne pas penser à mal" : Pour lui [ma dame] et moi ensamble esbanoiier En toute honnour, - la ne faut riens cuidier - (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 220).

 

-

En cuider plus. "Penser qu'il y en a plus" : A cest assault mourut environ six vingtz hommes. Le plus grant fut monsr d'Espiryz. Aucuns en cuydoient beaucoup plus. Il y eut bien mil hommes blesséz. (COMM., I, 1489-1491, 238).

 

g)

[Le compl. est effacé, en tour comparatif] : Car ceulz qui ont esperance quant il sont ou fait de bataille, il arrestent et demeurent par aucun temps. Mais ces ici qui sont ignorans et deceüs, si tres tost que la chose est autre que il ne cuidoient ou pensoient, adonques il s'en fuyent. (ORESME, E.A., c.1370, 216). ...et le duc luy disoit : "Arcevesque, les choses tourneront temprement aultrement que le roy, mon biau cousin, ne vueille ne que le duc d'Irlande ne ses facteurs ne cuident ; mais il fault tout faire par point et par raison, et tant attendre que les choses viennent à leur tour..." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 45). Dont crola li contes de Hainnau la teste et dist : "Chil de Saint Amant sont trop reveleus : il les nous fault aler veoir, et ceuls de Mortagne aussi, mais ce sera plus proçainnement que il ne quident." (FROISS., Chron. D., p.1400, 423).

II. -

[En périphrase verbale]

A. -

Cuider + inf

 

1.

"Chercher en vain à, tenter en vain de + inf." : ...et puis vint [Geronnet], aussy firent tous ses compaingnons, à l'autre porte et le cuida ouvrir, mais oncques il ne peut ne sceut. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 215). Quant le jayant l'entent, si haulse le levier et cuide Gieffroy ferir par la teste. Mais il failly. (ARRAS, c.1392-1393, 264). Et tout ainsy comme le feu plus a de matiere, et plus s'espart et s'efforce, pareillement saint Pol embrasé tout de l'amour de Dieu enflammoit ceulz ausquelx il estoit joingt en tant que jusques au ciel il getta sa flamme sans ce que les eaues d'aversité la peussent estaindre : aque multe etc... Mais plus cuidoit on estaindre ce feu, et plus fort s'alumoit. (GERS., P. Paul, a.1394, 511). Adont, quant ceste chose sceurent, Oncques .ii. gens plus grant dueil n'eurent, Mais tant fu Edipus dolent Que de plus vivre n'ot talent, Ains se cuida de son espee Occire, mais, des mains happee Lui a la royne dolente (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 294). En ce penser et en ce soing Chevauchay toute matinee, Tant que je ne fu gaire loing Du lieu ou estoit la dinee ; Et quant j'euz ma voye finee Et que je cuiday herbergier, J'ouÿ par droicte destinee Les menestriers en un vergier. (CHART., B. Dame, 1424, 333). Messire Enguerrant, estant chault, non sentant le meschief qu'il avoit, cuida haussier sa haiche, mais il ne peust. (LA SALE, J.S., 1456, 127). Et quand il la cuida accoler et baiser et au surplus faire son devoir de gaigner le chaudeau, elle se vire puis d'ung costé puis d'aultre, tellement qu'il ne peut parvenir a ses attainctes, dont il est tresesbahy et courroucé (C.N.N., c.1456-1467, 71). Et tousjours cuidoit approucher de son adversaire ; mais il ne povoit (BUEIL, II, 1461-1466, 110). Et quant ilz s'en furent allez, le roy cuydoit dormir, mais il ne pouvoit (Jehan de Paris W., 1494-1495, 22). Preserve nous de la temptacion De l'Ennemy qui, par dampnacion, Cuyde noz corps en son enffer appendre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 249).

 

-

[Avec inf. effacé (en rel.)] : Et quant fus ou aller vouloye Pas ne feis ce que je cuidoye, Si m'en revins, par la montaigne De Chastillon, droit en Champaigne (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 157). Ainsi souventeffois advient que l'en ne va pas où l'en cuide (BUEIL, I, 1461-1466, 151).

 

2.

Pour cuider + inf. "Afin de + inf. (mais vainement)" : Et vous savez que l'effort de deux chevaliers ne puet pas porter le faiz contre bien de LX. a IIIJxx mille Sarrasins ; et ce fu la cause qui nous destourna de y aler, et vous devez savoir que cellui est moult fol qui souffle contre le vent pour le cuider tarir ne surmonter. (ARRAS, c.1392-1393, 82). ...et lui tirent des fleches contre lui pour le cuider navrer (Doc. 1401. In : Mél. H. Dubois, 1993, 134). ...le mareschal, qui le cuer n'avoit a autre chose fors a tous jours grever les Sarrasins, savoit par ses espies les embusches et les retrais ou Sarrasins par routes et par trouppiaulx repairoient et se mettoient en embuches pour cuidier courir sus aux nostres ; mais le vaillant mareschal, par son sens et par son agait, leur estoit sur le col ains que ilz s'en donnassent de garde (Bouciquaut L., 1406-1409, 99). ...le Roy avoit fait plusieurs diligences envers lesdis Angloiz, pour cuider avoir la reparacion d'iceulx ; laquelle ilz n'ont faicte en aucune maniere. (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1449, 245). ...et beaucop de peine infeconde Qu'il a porté au mortel monde Pour cuidier Justice apaisier Qu'encor ne cesse de noisier (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 41). Tu m'as mis sur l'espaule poix surmontant ma force et ma vigueur, dont ne puis estre deschargié se à ma honte non. Mais en tant que tu l'as fait pour me cuider faire meilleur, de ce bon voloir me sens je obligié à toy et t'en remercie (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 131). O rebellion dampnable faicte de subgit a son seigneur en abhominacion horrible de Dieu et des hommes ! que la desverie t'esmeut de plus vouloir par desobeissance te despoillier de si riches seigneuries, comme tu tenoies en paix et sans debat, pour les cuider recouvrer par fureur de glaive, en subversion piteuse de la chose publicque ! O presumpcion intollerable ! (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 386). A ung fuzil fist le feu alumer Autour du parc pour cuyder consommer Le pastourel et l'avoir de sa garde ; Mais celuy n'a besoing de soy armer Que Dieu et Droit prendent en sauvegarde. (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 100). ...tantost coururent aprés le chat pour le cuider prendre, mais ilz ne peurent. (MACHO, Esope R., c.1480, 65). Aucuns y allèrent par bonne intention pour cuyder pacifier les choses. Mais c'est grant folie à ceulx qui se estiment si bons et si saiges que de penser que leur presence peut pacifier si grans princes et si subtilz comme estoient ceulx-cy et tant entenduz à leurs fins (COMM., I, 1489-1491, 92). Leur capitaine saillit dehors à seürté pour cuyder composer. Il ne peüt accorder (COMM., I, 1489-1491, 228). C'estoit pitié de leur ouyr compter Les griefz, les tors que par force et puissance Leur preparoient pour les cuyder dompter Et en tout bruyt et honneur surmonter, De jour en jour, les seigneurs de Florence, Tant que chaschun n'avoit autre esperance Que de laisser la ville singuliere, S'a ceste fois le noble roy de France Ne les mettoit hors de telle misere. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 201). LE PREMIER GENTIL HOMME. Dea ! mounyer, pour le faire court, Pour un cent escus d'or de pois, Je les vous preste. LE MOUNYER. Je vous en doibtz. LE PREMIER GENTIL HOMME. C'est toult un ; vous payerés tousjours. (...) Je les avoys boutés à part, Pour cuyder un payment parfaire. (Gent. moun. T., c.1500, 347). Et tantost ledit Vigier cuida prandre la chaine des ponts du chasteau pour cuider entrer dedans ; mais le pont fut incontinant levé. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 191).

 

3.

P. ext. "Chercher à, avoir l'intention de, tenter de + inf." : Haa, monseigneur, dist Guyon, quant vous aurés rigoulé moy et un autre encores, ne seront ce que deux. (...) Mon frere, dist le roy, je ne vous cuide pas rigouler ; car se nostre fait estoit achevez jusques a ces deux, je me fie tant en Dieu et en vous que j'en actendroye l'adventure que Dieu nous voldroit donner. (ARRAS, c.1392-1393, 136). Et je yray l[a] fors veoir qui sont les paiens qui me demandent. Ilz n'enn'est que XX : pour eulx ne cuide cy targeir. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 100). Maiz tu me cuyde endormir par tes faublez ! (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 154). A la cuidier muer commence En figure de beste mue (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 114). ...il ne fist jamais si folle entreprise, que je luy cuide monstrer avant qu'il parte, voire et son grant tort faire confesser, pour estre exemple aux aultres folz oultrecuidez et enragez comme lui ! (C.N.N., c.1456-1467, 49). LE PERE. Pour ce, mon filz, desormais vous prendrez Le frain aux dens et sur le col la bride ; Puis, sur les champs d'aller entreprandrez Avec ceulx cy, lesquelz vous feront guyde. SAINT MARTIN. Dessus les champs procurer mal ne cuyde A nul qui soit, non plus qu'en la maison (LA VIGNE, S.M., 1496, 189).

 

-

Cuider + subst. "Viser" : Et les nuisemens qui sont fais avecques ignorance sont pechiés ; c'est a savoir, quant aucun ne cuide pas faire la chose que il fait ne vers celui vers qui il la fait ne a l'instrument a quoy il la fait, et ne cuidoit pas la fin qui s'ensuit. (ORESME, E.A., c.1370, 307).

B. -

Cuider (au passé simple, rarement au passé composé ou à l'imp.) (à) + inf. "Faillir, être sur le point de + inf."

 

1.

[D'une pers.]

 

-

Cuider + inf. : Je fui yer en tel frenesie Que je cuiday bien enragier, Pour une nonnete jolie Que je requeroie d'amer. (MACH., App., 1377, 648). Cellui homs trouva vis a vis, En un bois, ou fu embatans, .ii. serpens ensemble eritans ; Un pel prist, si les va ferir, Dont a bien peu cuida perir (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 43). A grant gent, son pere assegier Vint Pharnacés ; vif enragier Cuida Metridatés, qui voit Que plus tenir ne se pouoit (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 21). ...comme par la grace de Dieu, du Roy et de sa Court, eusse servi ceans et exercé l'office de graphier par l'espace de seze ans tous entiers et continuez, car par lesdis xvj ans onques n'y avoie failli jour, exceptez viij jours, ores avoit xj ou xij ans, que j'avoie esté malade au lit et telement que je cuidié morir (BAYE, II, 1411-1417, 273). Et quant nous fusmes montez ainssy que les deux pars de la montaigne, le vent se vira et nous getta celle puante fumee contre nous tellement que cuidasmes estrangler. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 145). Car tellement se rencontrerent que Passelion fut porté par terre, dont il fut tant doulant qu'il cuida enragier. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 790). Les deux escuiers qui pour le servir demeurez estoient cuiderent bien de dueil morir quant ilz virent que damp Abbés et Madame se farssoient et desrisoient dudit seigneur de Saintré (LA SALE, J.S., 1456, 283). ...en son retour il rencontra ung vieil tronchet de patissier qui lui cuida fendre la greve de la jambe (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 207). ...ilz aguillonnerent si aigrement les dictz beufz qu'il sembloit que tous les dyables les deussent emporter, et tirerent si despiteusement droictement vis a vis du logis ou estoit le roy, que le dict maistre varlet tumba si grant sault qu'il se cuida rompre les bras et les jambes ; de quoy le roy avecques tous ses seigneurs se prindrent grandement a rire. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 302).

 

-

Cuider à + inf. : Et s'umelia [l'abbé] et s'escusa de ce que ils et si monne estoient ensi demuchié et repus, car il quidierent bien, tel fois fu, a estre tout pris et perdu d'Escoçois ou de Danois ou d'aultres robeours qui venissent rober l'abbeie. (FROISS., Chron. D., p.1400, 78).

 

-

[Au passé composé, avec l'auxiliare estre] : Et a la vielle gasté son cas, car par le moien de telz rappors elle est cuidé devenir maistresse et tailler les morceaulx a la dicte demanderesse. Et pour ce a esté boutté hors de l'ostel et depuis constitué prisonniere pour raison du cas. (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 84). Agripe, tu as vu se mactin Que mon filz est cuydé mourir. [Paraphrase de Luc 7, 2-3, dont le texte lat. de la Vulgate a moriturus.] (Pass. Auv., 1477, 127). L'endemain icelui mesmes medecin visita le dit malade et lui demanda de son estat et santé et comment s'estoit porté la nuyt. Auquel le malade respondit : "Tres mal, car j'ay eu une tramblaison si merveilleuse que je suis cuidé trespasser de froit." (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 68).

 

-

Rare [A l'imp.] : Li roys estoit en tel parti Qu'il cuidoit estre forsenez. (MACH., P. Alex., p.1369, 204). Adonc le cappitaine dudit lieu, nommé Roullin, monta audessus du pont avecquez une coulevrine à main, qui ataignit le hault de la sallade dudit Vigier, dont il cuidoit estre mort. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 191).

 

2.

[D'une chose] : Laisser fault jeunesse noyseuse, Laquelle m'a cuidé defaire. Car jeunesse me faisoit faire Mains abuz en mon mestier. (Pass. Auv., 1477, 119). ...regardans quantes choses y a à considerer pour paciffier ung different, quant il est encommancé entre si grans princes et les erreurs qu'ilz feïrent tous deux de non advertir leurs serviteurs qui estoient loing d'eulx, empeschéz pour leurs affaires, et ce que soudainement en cuyda advenir. (COMM., I, 1489-1491, 134). Monsr le connestable se commença à appercevoir de ces marchéz et à avoir paour d'avoir offence de tous costéz, craignant tousjours ceste marchandise qui avoit cuydé estre conclue contre luy à Bouvynes (COMM., II, 1489-1491, 49). ...dont il luy en estoit très mal prins, car il en eut la guerre appellée le Bien public, dont j'ay parlé ailleurs, qui cuyda estre cause de luy oster la couronne. (COMM., II, 1489-1491, 311). Ne te fut une grant peur faicte Et une merveilleuse craincte Quant on te mist dessus la teste L'espee par moult grant estraincte ? Lors cuyda ta vie estre estaincte Et ton corps du tout mys a mort Se venu ne fusse a l'actainte Du cop, par quelque bon remort. (LA VIGNE, S.M., 1496, 281).

 

-

[A l'imp.] : Luy la venu, la trouva fort malade et que passé avoit une subite faulte qui la cuidoit bien emporter ; mais, Dieu mercy, elle avoit ung peu mieulx. (C.N.N., c.1456-1467, 459).

III. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

Se cuider

 

1.

Empl. pronom. réfl. Se cuider + attr. "S'imaginer (être)" : Le pouvre amoureux estoit a celle heure, Dieu scet ! bien mal content, qui se voit ainsy deshonoré et adneanty ; et se cuidoit auparavant bien tant en sa force qu'en mains d'heure qu'il n'avoit esté avecques sa dame il en eust bien combatu telles troys [Un galant s'est retrouvé impuissant au moment décisif] (C.N.N., c.1456-1467, 195). ...se cuidoit bien en son sens tant, quelque doubte ne suspicion qu'ilz eussent, que jamais la chose ne fust plus avant efforcée [Une femme, partagée entre deux hommes, compte sur son habileté à mentir pour échapper à leur désir de vengeance] (C.N.N., c.1456-1467, 236). Pour ce, donques, cellui qui neglige et despite le conseil proffitable, il lui convient prendre le dommaigeable et cellui qui trop asseuré se cuide, par droit il enchiet en la roix. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 268). Le Barbarin, Sarrazin, mauldit chien, Dedens brief temps congnoistra ma fureur De se cuyder si grant praticïen : Il n'est c'un roy et je suis empereur. (LA VIGNE, S.M., 1496, 236).

 

2.

Se cuider. "Être présomptueux" : Ainsi je sers de rebouter l'emprise De l'orguilleux qui trop se cuide et prise. (LA MARCHE, Déb. Cuid. Fort. H., 1477, 292).

B. -

Cuider

 

1.

"Croire" : ...on dist en commun langaige que mieulx vauldroit savoir que cuidier. (Gil. Tras. W., c.1450, 60).

 

-

"Croire sans preuve, croire légèrement" : ...Car nulz ne doit estre tenuz pour sage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. Je l'aperçoy à ce que deceü En ay esté pour croire le parler De celle qui m'a comme fol tondu Fait longuement en son regart muser Et m'a apris c'on ne doit pas cuidier Et que faillir doit celui par usage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. (MACH., App., 1377, 641).

 

2.

"Se faire des illusions" : [Comment l'aage vieil congnoist sa fole jeunesce et oultrecuidance.] Qu'est devenu le temps ou je cuiday ? Quant je me vi en l'aage de vint ans, Que mes cheveulx et mon corps regarday, Bien me sembloit que je fusse Rolans... (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 156).

 

3.

"Se faire valoir, être présomptueux" : Jeunes belles, cuidez, car je cuiday ; Mais avisez a la doulour que j'ay. Prenez vo temps, car trop vault un bon jours. Vingt et cinq ans ont tenu mon cuer gay, Trente et le plus m'ont fait perdre tout glay : Lasse ! languir vois ou desert d'amours. (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 374). Car jeunesse et amours et cuider follement Mettent bien en tel voye ung homme qu'il emprent A faire ce tout seul que ne feroyent cent. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 773). Par trop cuider viennent rebellions. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 220). Il se dit yssus d'Angleterre D'ung costé d'ung baron d'Anjou, Parens aux seneschaulx d'Auxerre Ou aux chastellains de Poitou, Combien qu'il soit sailly d'ung trou, De la cliquette d'ung musnier, Voire, ou de la ligne d'ung chou, Enfant a quelque jardinier. Ainsi haulcer sans s'espargner, Cuider sans avoyr ne saigesse, J'appelle cela presumer. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 173).

 

-

Prov. : Trop cuidier vient de peu savoir. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 140).

IV. -

Part. prés. en empl. adj.

A. -

Raison cuidante. "Qu'il faut croire" (Ex. unique ds GDC IX, 261c)

B. -

"Présomptueux" (Ex. de Froissart, ds GD II, 394c)

V. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

Cuidé pour. "Prévu pour" : ...21 aulnes et demi quartier d'iraine de Neufchastel, dont on a fait cinq robes cuidiees et cinq chapperons pour les trois paiges de mondit seigneur, son palefrenier et ung de ses varlez de pié (Comptes Etat bourg. M.F., t.1, 1419, 84).

B. -

Non cuidé. "Incroyable, inattendu" : ...de laquelle bataille il avient souvent grans mortalités et enchetivemens des gens et traïsons non cuidiees (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 80). ...[il est digne] de recevoir le bras du derrenier tourment, a la fin que la paine de li soit exemple aus autres, et que si non cuidieez et traiteusez coustumez puissent cesser sanz habonder (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 84). ...la non cuidee [inopinatus] presence de Venus denunce souvent amere fortune. (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 153). Laisse lez livres, et asseure ta creance en la recitation dez anciens hommes, en qui aage le royaulme de Cecile fu tant trublé par Mainfray et Corradin que nul n'y congnoissoit espoir de remede ne provision de conseil, jusquez a ce que le bon Charles d'Anjou, par merveilleuse et non cuidee prouesse, restabilist Cecile en sa premiere stabilité. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 142).

VI. -

Inf. subst.

A. -

"Opinion, avis" : "Sire, dist Godefrois, or oyés mon cuidier..." (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 57). "...plus ne vous voeul nïer Ce que j'ay sur le coeur, si sçarés mon cuidier..." (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 221). C'est bien grevable, Mal deliteux, fermeté varïable, (...) Coup sans sentir Et penitance avant que repentir, Et vray cuider qui se lesse mentir, Vouloir sans vueil et sans gré consentir, Crainte hastive... (CHART., D. Fort., 1412-1413, 191). "Vraiement, abbé," dist Madame, "vous dictes verité, et que peut ce estre ? Beau sire, dictes nous vostre cuidier." (LA SALE, J.S., 1456, 276). ...affin qu'el esprouvast si son cuider estoit vray, elle conclut en soy mesmes qu'el tiendra telz termes que... (C.N.N., c.1456-1467, 150).

 

-

Au mien cuider, à/selon mon cuider : La face avoit clere et moult belle Et la coulour fresche et nouvelle, Et tout le remenant de li Estoit de maintien si joli, Car on ne porroit souhaidier Un aussi bel, a mon cuidier. (MACH., D. verg., a.1340, 19). Certes c'est une sainte femme, A mon cuidier. (Mir. nonne, 1345, 322). Dame, adieu ! En Flandres m'en vois. Il sera bien avant deux mois Que je retourne, au mien cuidier (Mir. enf. ress., 1353, 13). ...Si vous di, selon mon cuidier, Qu'au trait d'un arc estoient bien Quant chascun vint tuer le sien. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 428). ...on doit vuidier L'oisel tout hors, a mon cuidier (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 488). Et adonc commence, a grant joye, La feste, qui tant assouvie Fu qu'adont ne fust homme en vie, Qui mieulx voulsist, au mien cuider, Car on y ot a souhaidier Vins et viandes delictables (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 261). Aux nobles la mamelle dextre Sechoient, mais de la senestre Les non nobles dessaisissoient, Tantost qu'elles nees estoient, Affin que ne leur fist contraire A legierement de l'arc traire, De quoy mieulx se sorent aydier Qu'autres gens, selon mon cuidier, Et qu'a lescu porter n'empetre Aux nobles osterent la dextre. Pour ce qu'ainsi desmamellees Furent ces dames appellees Amasones (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 10). ...Ne me tendroie pas (...) Que n'allasse secourre ce nobile chevalier. (...) Car je croy qu'il vient ça pour nous querre et cercier, Et croy qu'il m'appartient selon le mien cuider. (Galien D.B., c.1400-1500, 85). Je n'en sçay que dire, ma mere, A mon cuyder qu'il a raison ["(Si ce n'est,) à mon avis, qu'il a raison" (Éd.)] (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 308).

 

-

Estre en son cuider/de grant cuider. "Être ferme, assuré dans ses opinions" : Le roy, qui estoit en sa droicte fleur de beauté et de vigour et en son cuidier, dist que pour certain il yroit et ne demanderoit que le corps d'elle. (ARRAS, c.1392-1393, 302). L'ystoire dit, et aussi l'ay je ouy dire a pluseurs, et commune renommee en court, qu'il ot, grant temps après le trespas du roy Guion, un roy en Armenie qui moult fut beaulx jeunes homs et en chaleur de force et de vigour, et moult plain de sa voulenté, et de grant cuidier, et hardiz et aspres comme un lyon. (ARRAS, c.1392-1393, 302).

B. -

"Imagination trompeuse, illusion" : Et qui vorroit plus souhaidier, Je n'os cuidier Si fol cuidier Que cils aimme de cuer entier Qui de tels biens n'a souffisance (MACH., R. Fort., c.1341, 17). Aussi est il hors de cuidier, Par quoy verité fait vuidier Son cuer de toutes vanitez Et mettre en lieu fiabletez D'autrui croire et d'estre creüs, Sans estre mas ne recreüs. (MACH., D. Aler., a.1349, 299). : Mais il me semble que j'ay mis Ma pensée en un fol cuidier, Quant Dieu t'a fait de moy vuidier (Mir. st J. Paulu, c.1372, 128).

 

-

Par cuider / par son cuider. "Par l'effet d'une illusion, en imagination" : Après ce Cruautez respont, Qui son parler point ne repont, Einsois se debat et raisonne Si que tous les autres estonne, Et dit qu'onques ne fu veüe Tel merveille n'aperceüe Com dou chetif maleüreus Qui par son cuidier est si preus Qu'il cuide la joie emporter Que nuls ne porroit raporter (MACH., D. verg., a.1340, 41). Et c'estoit drois Qu'a mon pooir fusse gens et adrois, Car par cuidier estoie en tous endrois Li mieus amez des amans et li rois. Mais quant Fortune, La desloial, qui n'est pas a tous une, M'ot si haut mis, com mauvaise et enfrune, Moy ne mes biens ne prisa une prune (MACH., J. R. Beh., c.1340, 83). Au moins vous laissez conseillier, Et puis faittes vostre plaisir. Vous m'avez dit que par cuidier Esperez vos biens avenir Et que celle que tant servir Voulez, n'en scet encore rien : Vous ne congnoissiez a combien, Beau doulx filz, vostre fait se monte ; Trop estes loing de vostre compte, Quant vo dame ne le congnoist. Dittes lui, n'en aiez ja honte ; Ainsi qu'il puet aler, si voist. (Cent ball. R., c.1388-1396, 121).

 

-

Sans cuider. "Sans erreur, sans qu'il y ait d'illusion" : "...Vous veniéz avoecq moy sus ou palais plainnier, Et apriès le disner, je vous dy sans cuidier, Manderay mon conseil pour che fait anonchier..." (Flor. Rome W., c.1330-1400, 143). ...Mais ains qu'il partit, je vous dit san cudier Qu'il allait la royne a ung piller loier, Et lez piés et lez main li vait si apointier Que la franche royne ne se poioit aidier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 696). "Or croy je sans cuider, Ce sont les gens Ernault qu'ilz nous viennent aider." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 84). Maugis le conquesta a l'entree d'enfer, Puis le donna Regnaut (...) Et Floberge s'espee qu'il amma sans cuidier. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 208). Et, se oiseaulx sont pres de voler Au matin et aprés disner, Nul ne s'en devroit merveillier, Car on puet savoir sans cuidier, Se un faucon est getté amont, Et fust or des meilleurs du mont, Qu'il ne puet pas estre sur elles (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 471). "...Grant paine m'avés fait, ce sçachiés sans cuidier..." (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 44). "...s'aultrement le faittes, je vous dis sans cuidier Que bien vous em porra peser et anoyer." (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 130). "...ce sachés sans cuider, A telz robes retondre ne gaingné oncquez denier !" (Galien D.B., c.1400-1500, 78).

 

-

Tout sans cuider. "Sans aucun doute possible" : Bien pert, tout sans cuidier, C'ou corps li sont entré li deable d'enfier. (Bât. Bouillon C., c.1350, 27). Madame, j'ay grant merveille de ces parolles. Je ne pensse a avoir eu enffant que de vous et tout sans cuider il est ainsi (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1002).

 

-

Prov. : Cuidiers ["illusions" (?)] sont toudis en vendenges Et soupechons en faulx jaloux (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 661).

 

Rem. Peut-être s'agit-il du subst. cuidier, où -ier serait issu de -arius, synon. de cuideur. V. cuideur.

C. -

"Espoir, désir (plus ou moins illusoire)" : Et quant vient au voir dire et au droit denonchier Vous n'en savés parler, ains vous voulés aidier D'aucun trouble samblant d'espoir et de cuidier. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 115). Tout ce est ramembrance Que volenté d'ami doit tenir a plaisanche Et joindre a desirier et croistre en habundance, Et d'un petit cuidier faire grant esperance. (BRIS., Restor paon D., a.1338, 95). Melyador voelt bien c'on sace, Voires li et ses escuiers, Ailleurs ne baille ses cuidiers, Qu'il ira veoir Hermondine. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 210). Cuidier t'abuse et espoir te dechoit. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 189).

D. -

"Prétention présomptueuse ; présomption ; orgueil" : Cilz qui sont maistre du cudier Seront par droit desavanciez ; Li orguilleux tropt se retarde. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 161). Belle, des bons n'avez vous doubte, Car les bons dient bien et font, Mais les nices ne voient goute Quant leur cuidier sont bien parfont. Par folie le bien deffont (GRANDSON, Poés. P., c.1360-1397, 273). Car bien est temps, mes qu'il vous plaise ensi, Que receüs de vous soie a merci. Non que le vaille ou que le doiiés faire, De ce cuidier me voil je moult bien taire ; Mes seulement pour ce que, sans sejour, Pense mon coer tout dis, et nuit et jour, A vous amer loyalment (FROISS., Orl., 1368, 104). Amours de celle part Ne prendera ja au coer part Qui le voelt par cuidier avoir (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 51). Car quant la cité de Romme fut prinse des Galx et ilz orent assiegié le Cappitolle, ceulz dedens, considerans que les Galx ne avoient nulle esperance de les prendre, sy non par affamer ; dont, pour leur oster ce cuidier, ilz userent d'un malicieux conseil. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 38). RUBEN. Tres bien le lapider dessert. Sus, seigneurs, chascun s'y employe ! YSACAR Scribe. Il fault que son cuider se ploye. Lapidez le blaphemateur... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 195). Ou point que mon cuidier oultrageux commandoit ce a estre fait... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 51). D'autant taire me seroit plus honeste Que de monstrer par euvre manifeste La folie de mon cuider emprendre, Vueillant dire ce que ne puis comprendre. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 120).

 

-

Prov. : Pour ce est trop foulz qui en cuidier se fonde. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 156). Trop cuidier vient de peu savoir. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 140). Soubtil sens couchié par compas, Enveloppé en beau langage, Musse le vouloir du courage ; Cuidier deçoit en mains estas : L'abit le moine [ne fait pas.] (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 363). ...car on dist communement que cuidier dechoit, et par especial je fay doubte que vostre cuidier ne vous tourne tout au contraire du fait. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 376). ...or voy je bien que cuidier dechoit. La parolle est moult veritable : Tel cuide prendre qu'il fault. (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 63).

 

Rem. Cf. Prov. H., 87a

 

-

Fol cuider : Boin seroit que on peuist abatre Le fol quidier qu'il a en soi. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 265). Par le povair d'orgueil et par leur fol cuider, Par puissance d'amour d'un jeune cuer leger Firent l'ost des François retraire tout arrier (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 133). "...je suy en tel point et en tel desirier, Ens sy grande penssée et en sy fol cuidier, Que je ne vous saroie mon estat prononcier..." (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 408). Mais juenesse les gens aprent Et les tient en si fol cuidier Que nuls ne le porroit cuidier (MACH., P. Alex., p.1369, 238). C'est fol cuider et vanterie vaine Pour digne sang ou lignee haultaine De soy tenir pour noble, s'il n'y pert. (CHART., B. Nobles, c.1424, 403).

 

.

P. personnif. : Or est repeu [l'amoureux] Et s'esjouït et contente de peu Quant de long temps celle vëoir n'a peu, Qui en passant l'a d'un seul regart peu A chiere lie. Lors Fol Cuider et Jeunesse et Folie Et Souvenir qui la pensee lie, Lui font oster toute melencolie, Et cuide bien Que la belle lui vueille assez de bien (CHART., D. Fort., 1412-1413, 169).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Corinne Féron

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     SOUS-CUIDER     
FEW II-1 cogitare
SOUS-CUIDER, verbe
[GD : souscuidier ; FEW II-1, 839b : cogitare]

"Supputer"

REM. Gloss., Montpellier Éc. de Méd. 110, c.1380 (supputo : soubzcuider), ds GD VII, 547c.
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Pierre Cromer

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