C.N.R.S.
 
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     DÉCHOIR     
FEW II-1 cadere
DECHOIR, verbe
[T-L : dechëoir ; GD : decheoir ; GDC : decheeir ; AND : dechair ; DÉCT : dechëoir ; FEW II-1, 28 : cadere ; TLF : VI, 826a : déchoir]

A. -

Au propre

 

1.

"Tomber" : Et einsi comme il s'en vola, Tous li biaus arbrissiaus crosla, Si qu'adont la froide rousée Est seur mon visage avalée, Que li dieus y fist dechëoir Par la force de son mouvoir. (MACH., D. verg., a.1340, 53).

 

2.

"Tomber en ruine" : La soit ce que plus il desire La compagnie des gens fuire Et en .I. desert demourer Pour Dieu plus em pez aourer, Si veut il estre en son couvent, Quer il avient bien trop souvent, Quant le fondement d'une chose Desfaut, que a la parclose, S'en vet decheant l'edefice. (Vie st Evroul S., c.1350, 78). En celluy mesme palays a une autre chapelle que l'on dizoit solloit estre aussi belle mes l'ont lessee toute dechoir (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 64).

 

-

Dechoir en ruine : ...par quoy pluiseurs eglises de ce royaume sont decheues du tout en ruine, et y cesse le divin service (FAUQ., II, 1421-1430, 144).

 

-

[Rare] Se dechoir : Il vit ung bel manoir qui fort se decheoit. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 94).

 

3.

P. anal. [D'une pers.] "Dépérir" : "Certes", dist l'ostesse, "sire, j'ay un filz qui est bien joane, qui desaiche [var. deschiet tout et se deseche] tous les jours. Et ne savon que il a, et semble mieux mort que vif..." (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 58).

 

4.

[P. ext.] "Diminuer, se réduire" : Mectez les troiz pars d'eaue et la .IIIIe. de miel, faictes boulir et escumer, tant qu'il dechee du .Xe., et puis gectez en ung vaissel. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 264).

B. -

Au fig.

 

1.

"Tomber dans un état inférieur à celui où l'on était"

 

a)

[D'une pers.] : Li bons par Fortune dechiet, Et souvent au mauvais eschiet Li biens qui dou bon est cheüs (MACH., D. Aler., a.1349, 318). Et par lesquelz villains fais que il a fais et consentis à faire, il s'en trueve ore decheus et boutés hors de son royaume. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 201). Et sachiez de certain que, se vous le tenez [cette promesse] desormais ainsi, que vous serez ly plus puissans et ly plus honnourez qui oncques feust en vostre lignaige. Et se vous faictes le contraire, vous et voz hoirs decherront petit a petit, et la terre que vous tendrez alors que vous ferez la faulte, se il est ainsi que vous le faciez, ce que Dieu ne veulle ja consentir, ne sera jamais tenue par nul de voz hoirs ensemble. (ARRAS, c.1392-1393, 42). Cil roy, dont je vous dy, n'ot oncques puis joye au cuer, et regna grant temps, mais de jour en jour fondoit et decheoit en pluseurs manieres et en fin il mouru. (ARRAS, c.1392-1393, 306). ...maiz en servage Chiet grant fortune, ce me semble, Et le plus fortuné plus tramble Et est le plus tost decheü. (Gris., 1395, 80). Et pour dire la verité, telles assemblées et communications sont bien dangereuses en telles façons, et par especial pour celuy qui est en plus grant apparence de decheoir. (COMM., I, 1489-1491, 66).

 

-

Prov. Fol qui se croit De son cuidier souvent dechoit : Croi les sages. Fol qui se croit De son cuidier ["de ce qu'il croit être"] souvent dechiet (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 131).

 

-

Dechoir de qqc.

 

.

Dechoir d' une dignité, d'un état social élevé : Sachiez que après vous jamais homs ne tendra ensemble le pays que vous tenez, et auront moult voz hoirs aprez vous a faire. Et sachiez que aucuns par leur folie decherront moult d'onneur et de heritaige. (ARRAS, c.1392-1393, 258). Or me fut advis en sommeillant que je veisse en ung païs en fresche une dame dont le hault port et seigneury maintien signifioit sa tresexcellente extraction, mais tant fut dolente et esplouree que bien sembloit dame decheue de plus hault honneur que pour lors son estat ne demonstroit. (CHART., Q. inv., 1422, 7). ...jamais, ou au moins de longtemps, n'est memoire que aucuns ayent monté en hault estat et grant gouvernement par le moyen de la court, qu'ilz ne soyent deceuz en pou de temps, eulx ou leurs hoirs. Si n'est point parfait ne durable l'advancement qu'on y a et qu'on acquiert par frequenter la court. (BUEIL, I, 1461-1466, 47).

 

.

Dechoir de son estat : ...quant au fait De Autheon, que ses chiens mengerent (...) ce n'est mie A Deduit de Chiens villennie, S'entre .XX. ou .XXX. millier De ceulx qui l'aiment et l'ont chier Il en y a un mescheant Et de son estat descheant. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 485). A ceulz elle commettra que ilz sachent et enquierent avau la ville et par tout ou elle sara ou sont povres honteux, povres gentilz hommes ou povres gentilz femmes malades ou decheus de leur estat, povres veuves, mainagiers souffraicteux, povres pucelles a marier, acouschees, escolliers, prestres ou religieux en povreté. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 37).

 

-

Dechoir en qqc. : Celles menguent char qui servent a la char, desquelles la ferveur dechiet en luxure. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 433). Celluy qui une fois dechiet en aulcun vilain fayct, il vivra tousjours en deshonneur et en suspection du peuple (MACHO, Esope R., c.1480, 107).

 

-

Empl. factitif. [Le compl. désigne l'homme] "Faire tomber dans un état inférieur" : ...et disoit ce, pour ce qu'il trouvoit des estoilles fixes, qui ont nature de eslever les hommes à grande sublimité et en bref temps et souldaiment descheoir et venir à villaine mort ou mendicité, et ainsi fut, car après l'un fut empoisonné par sa femme et l'autre fut tué pouvrement par ses ennemis. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 76 r°).

 

b)

[D'une chose abstr.] : Quar plus ont au cuer le dommage Des biens temporelx qu'il poursuient Que se vertuz en eulx dechient (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 121). Sire, qu'avez vous qu'il conveigne Que les lermes des yeux vous chéent ? Ne voz honneurs point ne dechéent, Ne mal n'avez. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 79). La condicion de faulcete [l. faulceté] est tele que, mesmes ou elle n'a nulz contredisans, si dechet elle en soy mesmes ; mais, au contraire, la condicion de verite [l. verité] est si estable que tant a plus d'adversaires contredisans, tant croist elle et se eslieve plus. (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 173). ...le fait de la chevalerie en son royaume commençoit aucunement à decheoir, ne par tel vigour n'estoit maintenu comme souloit, ains venu ainsi comme en une negligence affetardie (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S. I, 1404, 184). Cil qui du tout a Oyseuse s'assert, Son nom dechiet et sa vertu sommeille (CHART., B. Nobles, c.1424, 404). Se mucera [l. muchera] Et en buissons de jour s'embuchera - Visage et nez et mains enronchera - Ou en fossez de nuit trebuchera. Ou escherra Que d'uns carneaulx ou d'un hault mur cherra Et au chëoir du corps lui mescherra, Dont le renom de tous deux decherra Et descroistra. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 189). Mais parlons de Romme, qui fut derreniere en souveraine magesté et excellente en vertu, et notons bien la parolle de Lucan qui dit que d'elle mesmes, par sa pesanteur, elle decheut, car les trop pesants fais font les griefves choistes. (CHART., Q. inv., 1422, 4). Qui n'a Honneur, tost dechiet sa haultesce, Bon los perit, renommee le lesse, Et mespris fait son pouoir descirer. (CHART., B. Nobles, c.1424, 398). En l'advenir que penser ne sçavons Fors que petit d'esperance y avons, Quant nous voyons France sy decheoir, Et a nous tous du dechiet mescheoir. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 2). ...les citoyens sont despourveux d'esperance, et descongnoissans de seigneurie par l'oscurté de ceste trouble nuee ; l'ordre est tournee en confusion, et loy en desmesuree violence ; juste seigneurie et honneur dechiet ; obeissance ennuye ; pacience fault ; tout tumbe et font en l'abisme de ruine et desolation. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 20). Pour Dieu, garde que celle noble maison de France ne dechee (JUV. URS., T. rever., 1433, 63). Cassidoires dist ou livre des loanges saint Pol que la condicion de mauvaitié est telle que d'elle mesmes ou elle n'a nulz contredisans si dechiet elle et se publie a l'apparant de tous, mais au contraire est la condicion de verité, car elle est si tres estable et si ferme que tant plus a de contredisans se eslieve elle plus et croist. (LA SALE, J.S., 1456, 45). ...si ceste vertu de courage s'esvanouyt de leurs pensées, leur empire decherra par leur paresse et viendra a declin. (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 476).

 

-

Qqc. dechoit à qqn : Combien qu'on n'ardë ou ne pende Cellui qui en tel crime enchiet, Je suis certain, quoy qu'il actende, Qu'en la fin il lui en meschiet, Et qu'onneur et bien lui dechiet, Car Faulceté est si maudite Que jamais hault honneur ne chiet Dessus cellui ou elle habite. (CHART., B. Dame, 1424, 352).

 

Rem. S'agit-il d'un emploi factitif dans les ex. suivants (V. supra B1a) ? : Or est escheu Qu'il m'est au commencer mescheu, Dont Amours qui si m'a decheu Plus ne tendra mon cuer rencheu Pour l'empirer Et le faire ainsi souspirer, Se jamaiz l'en puis retirer. (CHART., L. Dames, 1416, 289). Ceulx mettent en leurs cueurs attentes vaines et esperances faintes et adulterines, en retenant mon umbre, et laissent ma lumiere. Ainsi cerchent leur confort a faulces enseignez, et treuvent leur desconfort a la verité. Et quant ilz sont cheuz de leur folle entreprinse par erreur, dient que espoir lez a dechuz par confiance. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 101).- On y reconnaîtra plutôt le verbe decevoir : il arrive en effet, pour la facilité de la rime, que A. Chartier ait recours à des formes picardes ; l'évolution de k + e/i est commune au picard et au normand, et l'on sait que Chartier est d'origine normande. Dans l'ex. suivant estre descheues tout a plat signifie sans doute "être abandonnées, délaissées" et paraît relever d'un empl. factitif. : Femmes qui sont belles et gentes, Doivent elles estre laissees ? Nenny, non, mais estre priees Avoir leur plaisir et esbat, Souvent a souhait maniees Sans estre descheues tout a plat. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 142).

 

2.

[D'une pers.] Dechoir de qqc.

 

a)

"Perdre qqc. (une chose appréciable)" : Si la voit d'onneur dechëoir Et en grant deshonneur chëoir (MACH., D. Aler., a.1349, 380). Et tant qu'ilz [les maris] leur tenoient [à leur femme] leurs convenances, ilz estoient regnans en grant audicion et prosperité. Et si tost qu'ilz defailloient, ilz les perdoient et decheoient de tout leur bon eur petit a petit. (ARRAS, c.1392-1393, 4). Fol roy, par ta musardie te mescherra. Toy et les tiens decherront de terre, d'avoir, d'onnour et de heritaige, jusques a la IXe lignie ; et perdra par ta fole emprise le IXe de ta lignie le royaume que tu tiens. (ARRAS, c.1392-1393, 305). ...meismement la royne en decey de joye et fist trop mate chiere (Comte Artois S., c.1453-1467, 150).

 

-

Estre dechu de qqc. "Être dépourvu, privé de qqc." : Il sera chaus et esmeüs, Et de son goust si decheüs, Qu'il ne porra mengier ne boire (MACH., Voir, 1364, 108). ...vous estes si fort meüs Et de vo sens si decheüs Que vous perdés vo bon memoire, Et tout par legierement croire. (MACH., Voir, 1364, 758). De mon avoir sui decheuz Par le donner trop largement (Mir. march. juif, c.1377, 190).

 

-

Dechoir du sien. "Perdre ses richesses, ses biens" : ...il avient bien aucunefois que ung homme dechiet du sien soudainement et qu'il vient en grant povreté des biens temporelz (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 242).

 

b)

"Échouer en qqc." : Sire, je tien, pour ce que faillent, Qu'il [noz ennemis] decherront de leur affaire. Donner nous pourront bien affaire ; Mais vous verrez que tant feront Qu'en la fin desconfiz seront. (Mir. Clov., c.1381, 263). Ceulx qui espereront en moy ne decherront de leur desir. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 28). Ainsi appert, messeigneurs, que ceux qui commencent la guerre par avarice, par envye ou par orgueil, dechéent, en la parfin, de leur intencion. (BUEIL, I, 1461-1466, 129).

 

-

Dechoir de + inf. : ...par viellesce, Par fragilité, par foiblesce, Sui d'avoir respit decheü. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 16).

 

-

Dechoir : Par ma foy, beaulx seigneurs, vous estes trop oultrageux d'avoir une telle besoingne emprinse qui est au deshonneur de toutes les dames et damoiselles. (...) Sy requiers au Dieu Souverain que vous puissiés decheir. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 347).

 

c)

DR. "Être débouté de qqc." : Et que celluy qui a faict faux clain ou claims et en dechiet, est tenu de paier dix s. d'amande (Hist. dr. munic. E., t.1, 1402,,, 207). ...l'appelant devoit estre decheu de sa cause d'appel et l'amender (FAUQ., II, 1421-1430, 256). ...la partie appelant estoit decheue de defense et auroit à prouver l'appellacion (FAUQ., II, 1421-1430, 256). ...par especial en causes d'appel contre plusieurs [appellans] qui descheoyent de leurs causes d'appel et estoyent "renvoyez" en la court du duc de Guyenne. (JUV. URS., T. crest., c.1446, 115). ...Pierre et Jehan de Jarrocier, qui sont hainneux dudit suppliant parce que long temps ilz ont playdoyé ensemble et du procès sont decheuz par sentence envers ledit suppliant. (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 369).

 

-

Dechoir. "Être débouté" : Se nous alons par abandon Pour litiscontestation Faire, il couvenra poursivir Et - en doute - de dekeir. (BRIS., Plait Ev. Dr. K., a.1340, 65). Et se aucun se plaint aux juges lais de la jurisdiction spirituelle, ilz bailleront mandement comme a la requeste du procureur du roy, lequel procureur du roy le fait a la simple requeste de partie sans informacion precedent, et se ilz descheent n'y aura aucuns despens (JUV. URS., Verba, 1452, 384).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Moult d'hommes sont au jour d'uy qui contre raison et justice convoitent plaidoier et sans aucune legitime cause mouvoir procès a leur voisins, dont en fin ilz decheent a leur honte et confusion. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 96).

 

3.

[D'une chose] "Se déprécier, perdre de sa valeur" : ...s'ilz [ces escharboucles] dechéent Par moy la value d'un dé, A double vous yert amandé. (Mir. pape, 1346, 390). BRUYT. Toute danrée monte, Mais la tienne dechait tousjours. CUIDER. Beau Dieu ! Je l'ay veu en tel cours ! Comment chait elle ainsi doncques ? (Pipée R., c.1470-1480, 162). Jugement (...) que dit que, quant on fait [l. lait] a son pere une maison a cens parmei sertain cens qu'il en doibt chasc'an paier, parmei ce qu'il ne lait puelt empiriés, et il advient qu'il la laisse deschoire et devenir maixiere, il convient que sondit pere la remest en estait par le rewaird d'un amis on cais que on monstroicet qu'elle refut laiee en bon estait, ne ne s'em puelt deffendre comme pour dire : qu'il vuelt desraignier qu'il ne l'ait point empirier, et aussi qu'il ne l'ait mie cranteit de remetre en bon estat. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, 1397], 582-583).

 

-

Qqc. dechoit de tant : Pour faire et forger un grant bacin à barbier, qui fu fait de deux autres viex, de l'argent d'Avignon, qui décheirent à l'affiner de 1 marc 5 onces, et fu rendu ledit bacin pesant 10 mars, et baillé à Poupart, son barbier, pour croissance d'argent 5 onces, et pour façon, c'est assavoir d'affiner et de forger : 6l. 8s. p. (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1352, 125). Et au regard du déchet dudit sel, m'a dit ledit Briçonnet qu'il n'en saroit rapporter la vérité pour ce qu'il n'a point esté remesuré. Maiz par commune estimacion, ainsi que j'ay sceu par marchans en ce congnoissans, ledit sel pourra bien descheoir de la XVe partie. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 639).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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