C.N.R.S.
 
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     DÉNUER     
FEW VII nudus
DESNUER, verbe
[T-L : desnüer ; GD : desnoer/denuer ; GDC : denuer ; AND : denuer ; DÉCT : desnüer ; FEW VII, 229b : nudus ; TLF : VI, 1130a : dénuer]

A. -

Au propre

 

1.

Desnuer qqn (ou une partie de son corps). "Dévêtir, dénuder, dépouiller qqn (ou une partie de son corps) des vêtements" : Tuit quierent soulas et delis (...). Desnüer son ventre et son pis Chierement leur sera vendu, Quant jugement sera rendu. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 118). Dont commanda le pappe que tost soit desnués Et il se desvesti (Tristan Nant. S., c.1350, 348). Dure gent de cruel demaine, Prens pitié de nature humaine. S'honneur eusses consideree, Tu ne fusses pas si villaine De la desnuer si tres plaine (...). (Nostre Dame met ung drap devant Jhesus). (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 330).

 

-

Desnuer le chef à qqn. "Mettre la tête à nu (faire tomber le heaume)" : Car tant bien assist Blanor son cop qu'il desnua le chief a Passelion (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 864).

 

-

"Ôter son armure, son heaume..." : Lors descendy [de cheval], puis desnua son chief et s'en vint laver au rieu. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 370).

 

2.

Se desnuer. "Se dévêtir" : ...et puis c'est desnués, Puis entra en son lit (Tristan Nant. S., c.1350, 379).

 

3.

Desnué. "Dévêtu"

 

-

"Sans couvre-chef" : Bons bergiers (...) Ait chapel contre le grant chault D'esté et le grant froit d'yver, Sy que nulz maulz ne puist trouver Nul tamps son cervel desnué (Pastor. B., c.1422-1425, 184).

 

-

Desnué comme le vers : ...Tous deschaussez, tous despourveuz, Et desnuez comme le ver (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 23).

B. -

P. anal.

 

1.

[D'un oiseau] Se desnuer de ses plumes : Car aussi que Nature mue Le temps, le couvenoit muër Et de sa plume desnuër Pour avoir plumage nouvel, Nouvel temps et nouvel revel. (MACH., D. Aler., a.1349, 282).

 

2.

Desnuer un végétal (de ses feuilles) : ...se les grappes sont trop crasses et on les desnue des fueilles d'entour les costez, le vin qui en sera fait sera moins plein d'eaue (Rustican H., 1373-1374, 95). ...lequel (...) desnua les arbres et de leurs escorches, fabrica une naiselle... (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 85).

 

-

[D'un végétal] Se desnuer (de ses feuilles) : [Cont. métaph.]Helas ! je doubt qu'elle ne se desnue De ses fueilles que j'apelle esperence, Foy, scens, raison, taire, oïr, estre mue De desconfort, souffrir en pacience Et vivre joieusement Selonc le temps et amoureusement... (MACH., L. dames, 1377, 194).

 

-

[D'un végétal] (Estre) desnué. "Ne pas être caché par de la végétation" : [Le cèdre personnifié] esracha et coppa tous les petis arbres qui delez lui croissoient et ainsi demoura apparant et desnué a tous. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 140).

 

3.

Desnuer qqc. "Mettre qqc. à nu, découvrir qqc." : Donc, preigne le sangler par la hure et l'encise tout autour a trois dois de l'oreille par dessus le coul et taille tout au tour jusques a l'os dou coul et li desnue, et [soit] teurse la hure, et elle s'en vendra. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 185).

 

-

Desnué. "Découvert, à nu" : Se le nerf est desnué, il ne convient pas mectre ad ce nerf aulcunes medicines devant dictes (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.1, chap.4).

C. -

Desnuer qqn / qqc. (de qqn / de qqc.). "Priver, dépouiller de"

 

1.

Desnuer qqn (de qqc.)

 

a)

"Priver, dépouiller qqn (de qqc., d'une chose concr., d'un bien matériel)" : Elle [Danae] fu en laurier müee Et de sa fourme desnüee (Echecs amour. K., c.1370-1380, 176). Mettre ne pourroye en taisir Les merveilles que dire doy, Car nostre dame que je voy De son povre habit desnüee ["dépouillée", mais pour un habit luxueux] Est, ce me semble, aussi müee Que je la recougnoiz a paines. (Gris., 1395, 40). ...ainsi la dolente veuve Sera (...) d'eritage et terre Desheritee et desnuee (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 93). Après laquelle besongne, et que iceulx Anglois eurent prins et ravy tous les biens, chars et artillerie que avoient là amené leurs adversaires, et desnué les mors, si s'en retournèrent en leur ville de Calais à tout leurs prisonniers, joyeulx de leur victoire. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.1, c.1425-1440, 104). Robe de pourpre avoit [,] nuee De ["brodée de"] flambettes et estincelles [,] Dont oncques ne fut desnuee (TAILLEV., Deb. cuer ueil D., c.1444, 219).

 

-

Se desnuer de qqc. : ...j'ay esté riche de mille peaulx de martres (...). Et maintenant je m'en suis desnué ["je m'en suis privé" (en fait par malchance, car il en a été volé)] (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 207).

 

-

Desnué (de qqc.). "Dépourvu, privé (d'une chose concr.)" : ...les mauvaises gens s'engraissent ; Les veuves desolées laissent, Car de leurs biens sont denuées (Mir. st Guill., c.1347, 39). ...et lequel son fiancé avoit lessiée elle qui parle toute seule et desnuée de tous biens (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 126). ...je suis desnué de tous biens, meubles et inmeubles (JUV. URS., Loquar, 1440, 366). LABOUR. Povre, dolent suis, desnué de biens, Taillé, pillé jusques au fondement, Emprisonné, batu vilainement, Infortuné tant que je n' ay plus riens. (BAUDE, Dictz moraulx S., p.1450, 93). Contre cinq Angloys que je pris, Povres prisonniers desnuez, Si tost que je les eu ruez. (Fr. arch. B., c.1468-1480, 29). SOCTE MINE. Mais, comment Tout est desnué ! (Sots, c.1480-1500, 277).

 

b)

"Priver, dépouiller qqn de qqc. (d'une chose plus abstr.)" : Et depuiz (...) eust esté rescript aux diz VI hommes d'armes qu'il s'en retornassent le mois de novembre passé (...) en nous desnuant et appetisant à nostre besoin de tèle aide et povoir comme par eulz nous estoit fait, en commettant sur ce crime de lèze-magesté, traïson et désobéissance. (Ch. VI, D., t.1, 1383, 42).

 

-

Se desnuer de qqc. : ...qui t'a meu Que de toute honneur desnué T'es pour estre en vilté mué ? (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 253). Car quant premierement entray Ou palais, ou tant d' onnour ay, Mes povres robes desvesti Et des tiennes me revesti, Et aussi je me desnüay De ma voulenté et laissay Du tout ma propre affeccïon, Aians certaine entencïon De ta voulenté prendre et faire. (Gris., 1395, 64).

 

-

Desnué (de qqc.). "Dépourvu (d'un bien plus abstr., d'un bien moral)" : Item, aucunes choses sont desquelles, se un homme est desnué et que il ne les a pas, sa felicité en est aussi comme honnie ou avillee, ainsi comme il seroit de noblesce de bonne ligniee et de biauté. (ORESME, E.A., c.1370, 128). Mais, pour Dieu, preingne vous pitié de mon povre enfant, orpheline, desnuee de tout conseil et confort, se vous lui failliez. (ARRAS, c.1392-1393, 141). Sire, je suis tant desnué de mon sens ["si déconcerté, si troublé"] que je ne sçay que je doy faire. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 32). Fortune mauditte, que veulz tu faire de ceste desolee chetive, la plus desnuee de joye dez femmez de ce monde ? (Comte Artois S., c.1453-1467, 99). Or n'ay je plus a qui me fie. Je suis de tous biens desnuee ! Adieu, m'amour (Pass. Auv., 1477, 130). Et le roy Charles septiesme, fort desnué de sa puissance et noblesse, print cueur vertueusement et tellement resista, moyennant la grace de Dieu, qu'il arresta les Anglois sur la rivière du Loir (TRING., c.1477-1483, 270). Prince, je suis desnué d'esperance, Espoir n'ay plus (LA VIGNE, S.M., 1496, 324).

 

2.

Desnuer qqc. (de qqc.). "Dépouiller qqc. (de qqc., d'une chose concr. ou abstr.)" : Or viennent cil faus traïtour Qui de leurs langues par faus tour Vuelent tel estat desnuer D'onneur, par celle aigle tuer ; Dont bien y a tel qui la tue, Car sa langue s'i s'esvertue Que pluseurs y a qui le croient (MACH., D. Aler., a.1349, 360). Einsi l'avez continué ; S'avez vostre sens desnué De courtoisie et d'ordenance. (MACH., J. R. Nav., 1349, 269). ...mais après l'abandonnement (...) l'ostel dudit de Troyes fut tout pillié et desnué de tous biens, ses serviteurs prins, menez en diverses prinsons. (Journal bourgeois Paris T., 1413, 39). Tournez voz yeulx et convertissez vostre jugement sur vous mesmes, denuez voz pensees de toutes affections qui vous meuvent a part (CHART., Q. inv., 1422, 13). Tu [Dieu] as feru la teste en la maison du mauvaiz et desnué le fondement de sa force jusques au col ; tu as getté ta malediction sur les sceptres et sur les chevetains des gens d'armes. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 79). ...ilz eurent au commencement gros entendement desnué de discipline et naturel sens sans longue experience (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 170).

 

-

"Priver (un pays, une forteresse, une armée, une troupe...) de ses défenses ; les ruiner, les ravager" : Car, le roy alant en Alemaigne et sa puissance, le royaulme seroit grandement desnuez (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 231). Là commenchat estour qui Ardenois desnue Là veiissiez coper tiestes... (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.3, a.1400, 509). Saül a mille hommes tuez, Mais dix mille sont desnuez Par David. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 134). Mais, de sa bonne lance, Sy bien les remua Ung duc plain de vaillance Que l'ange [l'enge, "l'engeance"] en desnua (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 326). Et quant a moy [Florence], je veulx continüer Tres instamment luy garder fëaulté, Affin qu'on voye en brief temps desnüer, Plaindre, gemyr, ronfler, esternüer Venise, en qui n'a foy ne loyaulté. (LA VIGNE, Libelle cinq villes B., 1509, 184).

 

-

[D'une chose] : Aussi puet l'en dire que felicité est paree des biens de fortune, et neent moins elle reluist et se monstre es adversitéz par lesquelles elle est desnuee de touz biens. (ORESME, E.A.C., c.1370, 135).

 

Rem. Dans l'ex. suiv., il s'agit peut-être d'un autre verbe (à rattacher à nubes) : Obscures nuees Se sont desnuees (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 223).Mais l'idée de dispersion n'est pas non plus très éloignée de celle, ci-dessus illustrée, de destruction.

 

3.

[D'une pers.] Desnué (de qqn). "Dépourvu, privé de qqn" : Et je vous bailleray Maliste, Ma serve, avec sa fille Aliste. La mére vous enseignera ; La fille vous compaignera : Si ne serés pas desnuée. (Mir. Berthe, c.1373, 159). Dit aussi qu'elle est povre femme seulle, desnuée de sondit mary, laquelle l'espousa en la ville d'Avignon (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 42). ...[il] dit et afferma qu'il estoit nez de la ville d'Esclusiers sur Somme, et qu'il estoit homme et compaignon seul, et desnué de femme et enfans, ne n'avoit oncques esté mariez (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 29). ...mon propos est bien mué Puis que d'elle fus desnué. (COURCY, Chem. vaill. D., 1406, 260).

 

-

[D'une ville, d'un pays...] : ...il pouroit avenir que icelle ville demourroit despoulliée et desnuée de genz, se par nous n'y estoit hastivement pourveu de remede (Doc. Poitou G., t.2, 1347, 343). Las ! au jour d'ui est France desnuée Du plus vaillant qui fust en tout le monde. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 30). ...li rois David d'Escoce et les Escoçois, a trois mille armeures de fier, chevaliers et esquiers, et bien .XXX. mille de aultres gens, tout honme de guerre et en pourpos de courir toute Engleterre, car il le sentoit desnuee de gens d'armes et d'archiers, entrerent au lés deviers Rosebourch (FROISS., Chron. D., p.1400, 772). ...le païs n'est pas sy desnué qu'il n'y ait des chevaliers, et y a plenté de bonne estoffe pour en faire des autres, et par ainsi remplira le païs de bonne chevalerie qui par Fortune en est desnué. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 812).

REM. Une précédente version de cet article a été rédigée par Bernadette Suty.
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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