C.N.R.S.
 
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     DÉPIT     
FEW III despectus
DESPIT, subst. masc.
[T-L : despit ; GD : despit1 ; GDC : despit1 ; AND : despit1 ; DÉCT : despit ; FEW III, 54 : despectus ; TLF : VI, 1155a : dépit1/dépit2]

I. -

Empl. subst.

A. -

[Sens actif] "Fait de regarder qqn ou qqc. de haut, de mépriser qqn ou qqc., de provoquer qqn par mépris"

 

1.

"Fait de mépriser qqn ou qqc.

 

a)

"Mépris, dédain, arrogance" : ...il convenoit (...) qu'il [Jésus Christ] preïst, Dame, en vous nostre humain habit. Certes, c'est chose voire. Car il le fit Sans nul despit, à tel profit Qu'onques mais homs si grant ne vit (MACH., Les lays, 1377, 400). Paix, n'accort Scipïon trouver Ne pot pour dire, ne rouver, Fors tout orgueil et tout despit (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 239). Jamais de dame gracïeuse N'ait il ne mercy ne respit, Qui dit de voix presumpcïeuse Qu'en dame ait orgueil ne despit. (CHART., E. Dames, 1425, 368). Quant le roy se veyt en ce dangier, il sailly sus piés le plus tost qu'il peut, puis tira son espee et print son escu et s'en vint envers le tirant qui escumoit d'orgueil et de grant despit (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 112). ...[les ambassadeurs du duc de Bourgogne auprès du roi de France] aians bien en leur souvenir leur recueil qui avoit esté estrange, ly en racompterent [au duc] toutes les manieres et les samblans qu'on leur avoit monstré, qui tous tournoient a fierté et a despit envers eulx. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 152).

 

-

Avoir despit de qqn. "Mépriser qqn" : ...elle puet avoir despit De gent qui mainnent vie obscure, Qui n'ont de nulles honneurs cure - Despit, non quant a despiter, Mais leurs ouevres soupediter, Eschuer et bouter arriere, Sans faire a euls samblant ne chiere. (MACH., D. Aler., a.1349, 263). J'ai grant despit de celle garce (MACH., Voir, 1364, 226).

 

.

Avoir qqn en despit : ...car ceuls qui soustiennent ou honorent leur ennemis, il ont communelment en despit leurs amis, et converso. (ORESME, E.A.C., c.1370, 261). Quant Passelion eut entendu ces mots, il fut moult doulant et eut Bruyant en sy grant despit qu'il ne le peut regarder ne respondre, ains lui tourna le dos en grattant sa teste par grant courroux. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 286). Un jour vint le plonc devers l'or, moult animé et fort courrouchié, et lui dist : "Pour quoy te enorgueilles tu et exaulces tant par dessus moy ? Ne scez tu que je suis du nombre des metaulx comme tu es ? Pour quelle cause me as tu en despit...?" (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 117).

 

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Avoir (un ennemi) en despit. "Sous-estimer la valeur (d'un ennemi)" : N'aiez ja nul de voz ennemis en despit, tant soient petiz, mais soiez tousjours sur vostre garde. (ARRAS, c.1392-1393, 153).

 

-

Avoir despit de qqc. "Se montrer arrogant au sujet de qqc." : Une autre filleresse dit que nulz homs jamais ne debvroit monter sur asne tant en a despit pour tant qu'il porta le Saulveur du monde, mais tres bien sur cheval ; car qui chiet de sur asne par terre, l'asne dist : "Crieve !", et le cheval nous dist : "Lieve !". (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 123).

 

-

Avoir en despit si sub. "Considérer comme outrageant, prendre en mauvaise part le fait que" : Orgueil, n'aiés pas en despit Se je parle un petit de vray De la science que je say (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 17).

 

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Prendre qqn en despit. "Mépriser qqn, avoir qqn en aversion" : Car puis qu'amours l'aroit pris en despit Et loyauté, qui tant par est seüre, Faudroit en li, jamais n'aroit delit, S'il n'estoit dont de trop maise nature, N'amer nulz ne le devroit. (MACH., L. dames, 1377, 40).

 

-

Tenir qqn en despit. "Avoir une piètre estime de qqn, mépriser qqn" : ...li Englès ossi, qui sont orguilleus et presumptueus (...) les tiennent en grant despit et vieuté. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 92). Et nous ont tenu ung temps (...) en tel despit que ilz rompoient nos coffres et prendoient tout le nostre devant nous, et violoient nos femmes et nos filles. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 133).

 

-

"Malignité" : Le cueur et le corps lui estoient tant enflez de despit et de felonnie que elle [la femme] fust crevee, se elle ne se desgorgast par tençons et reprouches, ainsi comme ung moust qui boust en tonnel, et par faulte d'event ront la barre et le bondel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 6).

 

b)

"Attitude de détachement, d'indifférence à qqc."

 

-

Avoir qqc. en despit.

 

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"Considérer comme négligeable (une chose qu'on ne juge pas digne d'intérêt)" : Il n'est nul si grant cuer comme cellui qui a tout le monde en despit, car il est en pais, puis qu'il ne craint rien ; il est trop riche car il ne couvoite rient (FERRON, Jeu eschaz mor. C., 1347, 182). Et ainsi, pour ce que ilz ne les peuent bien porter [les bonnes fortunes], ilz cuident superexceller, seürmonter et plus valoir que les autres qui ne ont pas teles fortunes et les ont en despit. (ORESME, E.A., c.1370, 252).

 

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Mettre/tenir qqc. en despit : C'est ce qui tenir en despit Me fait le monde et ma contrée, Car fuir ne puis l'encontrée De la mort par nesune voie Si est le meilleur que g' y voie De touz terriens heritages Guerpir, car de telz habitages A mainte ame male merite : Si vault miex que m'en desherite Et relenquisse telz deliz (Mir. parr., 1356, 8). Le Xe que le monde mis en despit, c'est doulce chose servir a Dieu. (Internele consol. P., 1447, 56).

 

-

"Faire peu de cas (d'une chose qui mériterait qu'on s'y intéresse, qu'on la soutienne)" : Depuis qu'om a eu science en despit Et que les grans l'ont du tout despitée, Devenuz sont lasche, povre et petit Et leur marche a esté desheritée (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 116).

 

c)

P. méton.

 

-

"Acte ou propos désagréable, méprisant ou outrageant, outrage, affront" : Lors s'est a ses hommes clamé, De qui il estoit moult amé, De cest despit et du dommage Et les mist en moult bon corage D'eulx venger par ces parler ci... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 76). Ma dame, je feroie envis Riens encontre vostre voloir. Et que me porroient valoir A faire tels menuz despis ? Bien say que j'en vaurroie pis. Si m'en devez bien escuser. (MACH., J. R. Nav., 1349, 164). ...dame debonnaire Qui a adressié son affaire A loyaument amour amer, Et que forfais li soit amer, Despis et villeinnes paroles, Bourdes, mensonges et frivoles, Tant qu'on la dit courtoise et sage... (MACH., D. Aler., a.1349, 351). Rois, or saches certeinnement Que Daniel communement Aoure son dieu a genous Trois fois le jour. Chascuns de nous Le scet, l'a veü, l'a prouvé, Et tantost li avons trouvé, Et nous t'en portons tesmognage De ce despit, de cest outrage, Qu'a ta loy nulle riens n'aconte, Et si vous fait despit et honte. (MACH., C. ami, 1357, 39). ...il se contrevengeroient des despis et damages que li Englès leur avoient fais. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 170). Et abatirent et ardirent toutes les maisons des gentils hommes (...) Quant li gentil homme (...) entendirent ces nouvelles, si en furent durement courouchiet (...) et dissent au conte que il convenoit que cils despis fu amendés. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 227).

 

-

En partic. "Outrage fait à une autorité par un refus d'obéissance" : La [juridiction] feodal est celle que l'en a pour cause de son fief ; pourquoy il doit faire droit des plaintes qui appartiennent à son fief et de toutes les quereles qui sont meues contre ceulx de son fief, fors que de celles qui appartiennent au souverain, si comme de juridicion et de garde enfrainte, du despit du prince, de crime de lese majesté et de pluseurs autres juridicions. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 103).

 

-

Avoir despit. "Subir un affront" : Messires Jehans de Hainnau, qui premiers avoit eu les damages et despis, tretta tant et fist que on s'acorda a ce que il averoit les premieres contrevengances (FROISS., Chron. D., p.1400, 356).

 

-

Faire despit à qqn. "Faire subir un affront à qqn, humilier qqn" : Je le dy orez pour Regnard Qui tant m'a fait de grans despis (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 37). ...Car jà femme ne sera aise Se son mary lui fait despit, Jusqu'à tant, sans aucun respit, Que rendu lui ait doublement (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 42). Grant despit m'a fait et grant ire, Mais (...) Je li renderay bien sanz faille Ce refus ci. (Mir. st J. Cris., c.1344, 270). Mais par mes oultrageus despiz Le haioie de pis en pis (...) tant qu'il [curé] m'esconmenia (Mir. parr., 1356, 41). L'ANEMI. (...) Avoir la cuiday [Theodore] sanz respit Quant faire li fis ce despit Que l'abbe hors de son abbaie La bouta (Mir. Theod., 1357, 109). ...vengier de ce despit que on m'a fait (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 196). ...il contrevengeroient leurs compagnons et les despis que on leur avoit fais. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 112). ...pluisseur aultre orent un conmandement secré et especial de par le roi de France que il fesissent as Flamens tous les contraires et despis que faire lor pooient, puisque ils ne voloient retourner a raison. (FROISS., Chron. D., p.1400, 368). Messires Robers d'Artois (...) ne pooit oubliier ne mettre arriere de son coer les despis et les vituperes que li rois Phelippes li faisoit et avoit fais (FROISS., Chron. D., p.1400, 228). ...je voel que li despis que on nous a fait, vous et moi, soit contrevengiés, et bien hasteement. (FROISS., Chron. D., p.1400, 355). (Onques mais homs ne l'ot plus griefve !) Tant lui firent de grans despis Ses .II. enfens de mal en pis (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 295). Pour ce pensa il de les pacifier ains que le pis luy avenist, veu qu'il estoit forment haïs des chevaliers de Francq Palais pour les dommages et despis qu'il leur avoit souvent fais. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 322). ...[elle] ne le fait que pour me faire despit, et a la pouvre fille blasme [Une femme rapporte à ses hôtes qu'elle a surpris son mari au lit avec leur servante] (C.N.N., c.1456-1467, 370). Allés y, il n'y a pas presse, Mon bel amy, je vous en prie. RIFFLART. Par Dieu, Mehault, ma doulce amye, Vous m'avés fait tres grant despit. Avez vous ores dont ce dit Pour me faire abreger ma vie ? (C. Riffl., c.1480-1520, 58).

 

-

Dire despit de qqn. "Tenir des propos outrageants contre qqn" : LE ROY. Or regardez la grant laidure Qu'il a de moy ci dedans dit ! Veez vous bien le grant despit Qu'il dit de moy ? (Mir. st J. Cris., c.1344, 294).

 

2.

"Attitude de défi (dictée par l'orgueil, le mépris...)"

 

a)

"Provocation"

 

-

(Faire qqc.) au/en despit de qqn.

 

.

"(Faire qqc.) avec l'intention de provoquer, de narguer qqn, de faire affront à qqn" : Ce m'a fait vostre filz, chier sire (...) Et sachiez qu'il nous dit ainsi Qu'en despit de vous le faisoit. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 20). ...ou despit du roy, ilz ont occis honteusement messire Robert Trimilien, son chevalier (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 60). "...Pour tant qu'il a mis à mort villainne si vaillans chevaliers (...) en mon despit, je di et voel porter oultre qu'il a enfraint et brisiet les triewes que nous avions ensamble..." (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 40). "Alés, dittes à vostre roy que Guillaumes de Montagut vous a mis en tel point en son despit..." (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 129). Devant la cité fist tantost fourches drecier. Les prisons fist droit la aler et convoier Et pour faire encroer et au vent baillier, En despit de la ville et pour eulx couroucier. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 305). Adont compta le roy d'Ausais aux deux freres comment le roy Fedric avoit esté mort en bataille et comment le roy de Craquo avoit fait ardoir le corps ou despit de toute crestienté ; et pour ce avoit il fait ardoir le roy Selodus et tous les Sarrasins. (ARRAS, c.1392-1393, 187). Va, dist il, dire a tes roys et a tes soudans que de leur trieves n'avons nous que faire, et s'ilz n'y avoit que lui et ses gens, si vous combatroit il, et me dist que je vous deisse, tantost que je vendroye a vous, qu'il vous rendoit voz trieves et que vous vous gardissiez de lui, et qu'en despit de vous, il yroit assaillir Japhes et qu'il mettroit le feu par tout et mettroit tout a l'espee, et aussi que je leur deisse au passer ; si fiz je. (ARRAS, c.1392-1393, 224). "...Et par ma foy, se je tenoye Charlez (...) je le feroy escorchier vif." Dist Helisent : "Je couperoye les chiefz des II messaigiers en son despit." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 33). De ces nouvelles fu li rois d'Engleterre durement courouchiés, et li sambla que li rois de France l'euist fait en son despit, et tint que parmi ce fait les trieuwes acordees et donnees devant Vennes en Bretagne estoient enfraintes et brisies. (FROISS., Chron. D., p.1400, 598). ...il a fait morir vilainnement tels chevaliers que le signeur de Cliçon (...) la quelle cose me desplaist grandement, et samble a auquns de ma partie, et a moi aussi, que il l'a fait en mon despit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 599). En outre a maintes fois dit au seigneur de Hammes et à plusieurs autres, auxquels il tenoit mauvais termes, que c'estoit à cause qu'ils estoient mes serviteurs, et qu'en mon despit il leur feroit du pis. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 138). Item, donne a maistre Lomer, Comme extraict que je suis de fee, Qu'il soit bien amé - mais d'amer Fille en chief ou femme coeffee, Ja n'en ayt la teste eschauffee ! - Et qu'il ne ly couste une noix Faire ung soir cent foiz la faffee, En despit d'Auger le Danois. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 137).

 

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"(Faire qqc.) au mépris de qqn, en bravant qqn, malgré qqn" : Celle jura ses dieuz que ne laissera mie Qu'elle ne passe mer a nef et a galie, (...) Et iroit sur Oursaire qu'Alemaigne maistrie ; Et que s'elle povait, il perderoit la vie, Et sa fille Aragonde seroit en fu bruÿe Ou despit Ciperis qui tenoit Normendie (Cip. Vignevaux W., p.1400, 177). Maiz - c'est ce qui me desconforte - Pourquoy ne m'as aussi tost morte, Qui ne suis mie la plus forte, Que mon doulz per ? Ne comment te puis je eschapper ? Que ton dart ne me vient frapper, Ou brief ne tens a m'atrapper Sans tel langueur ? Maiz son ennuyeuse longueur Lui abregera sa vigueur En despit de ta grant rigueur Qui entreprent Contre moy que Douleur esprent, De quoy tresgrandement mesprent. (CHART., L. Dames, 1416, 216). Et pour ce distrent lesdiz Corbin et Coquengne a icellui du Vyevre que c'estoit mal fait a lui de la batre et qu'il sembloit que ce feust en despit d'eulx. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1424, 110). S'en mez mains une foiz vous tiens, Pas ne m'eschaperés, Plaisance, Ja Fortune n'aura puissance Que n'aye ma part de voz biens ; En despit de Deuil et dez siens, Qui me tourmentent de penance (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 315). Et y vint aussi plusieurs saumons, esturgons et du herenc frès, en despit et maulgré de tous lesdiz Bourguignons, Bretons et autres ainsi estans devant Paris, qui avoient menacié ceulx de ladicte ville de leur faire menger leurs chas et leurs ras par famine. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 105). Et vendrez, quant vous aurez gaigné ce hault, tous en belle bataille jusques devant la ville, là où il y a ung siège devant une de noz portes, qui s'appelle la porte de Bonne-Grace ; et là descendrez à pié et marcherez en despit de tout le monde jusques à nous, et nous jusques à vous. (BUEIL, I, 1461-1466, 182). SATHAN. Longuement en vain je labeure Sans trouver sentier ne moyen D'atirer quelque faulx crestien Pour tresbucher dedans mes las. Mais, en despit de Nicolas, Ung crestien si bien tempteray Et par moyens tant je feray Qu'i fera ung tour de ma main. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 107). En despit de Dieu et des jeux (...), En despit de l'orde fumelle A tous les deables me commande. (LA VIGNE, S.M., 1496, 386).

 

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En despit des dents/du visage de qqn. "Malgré qqn" : Et (...) je dy que ceulx qui sont logiez devant la porte de Bonne-Grace, n'y sont seullement que pour nous tenir encloz, que nous ne puissions saillir aux champs ne mettre gens dedans nostre place. Mais, la merci Dieu ! vous estes si belle, si grande et si bonne puissance que vous y entrerez en despit de leur visaige, s'il plaist à Dieu. (BUEIL, I, 1461-1466, 182). Et lors ledit suppliant jura que si auroit, en despit de ses dens, en l'appellant villain, et tantost se prindrent de parolles injurieuses l'un contre l'autre, et tellement que, au moien d'icelles, icellui suppliant, eschauffé et esmeu comme dit est, bailla audit Jehan Labbez, aliàs Villeneufve, d'un vouge sur la temple et l'enversa à terre. (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 367). Sans paier argent ne truage, Tres volantiers les nous rendront, Voire en despit de leur visaige, En nostre injure repareront. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 573). Rien n'en sera, en despit de leurs dens (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.3967). LUNA. Il n'y a remede, il se fera Ainsi en despit de vos dens, Juno, les signes evidens En sont manifestes desjà. (Cene dieux, c.1492, 125).

 

-

(Faire qqc.) par despit

 

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"(Faire qqc.) en manière de défi, pour provoquer" : Li oisiaus fu aparilliez Et en la main dou roy bailliez, Et li roys en l'eure le prist. Or diroit aucuns qu'il mesprist, Car en tel maniere en ouvra Que la teste li dessevra Tantost en l'eure de son corps - Einsi m'en fu fais li recors - Et le geta sans nul respit Jus a la terre par despit. Dont tuit cil qui ce fait veïrent A merveilles s'en esbahirent, Et moult le damage peserent. (MACH., D. Aler., a.1349, 358). Et venoient à chiés de fois as murs et as crestiaus, et les frotoient et passoient de leurs caperons par despit. Et puis crioient, quanqu'il pooient, en disant : "Alés, alés requerre et raporter vos compagnons qui se reposent au camp de Camperli !" (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 171).

 

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"Avec malignité" : Nous trois seiens a une table Pour nossoier et pour mengier. Mais Discorde se vint vangier, Car par despit, c'en est la somme, Getta devant nous ceste pomme, Et pour la court troubler dist qu'elle Fust donneë a la plus belle. (MACH., F. am., c.1361, 216).

 

b)

[Avec une idée de profusion et d'ostentation] Par (grand) despit. "En quantité, en abondance, à profusion" : Sur leurs chevaulx, d'or et d'argent clochettes, Orphavreries par despit mesurees, Chanfrains dorez, plumes a grans brochettes (LA VIGNE, V.N., p.1495, 212). Autour du col chaynes, coliers, carcans, Bagues de pris richement emaillees, Gros braceletz, signetz, boucles, brocans, Ymaiges d'or de grans espritz taillees, Exquises soyes par despit fretaillees (LA VIGNE, V.N., p.1495, 218). Clochettes d'or, d'argent, fines cymballes, Larges plumaulx blancs, noirs, rouges, pers, vers, De grant richesse avoit plus de dix balles Dessus coursiers, sur genetz entr' ouvers, Qui les grans saulx de tort et de travers Sur le pavé par grant despit gettoyent (LA VIGNE, V.N., p.1495, 218). Les rues furent tendues et parees Si bien ou mieulx que ay dit ici davant : Es grans maisons tendant d'estre emparees Drap d'or fut mis par despit a l'esvent (LA VIGNE, V.N., p.1495, 220).

B. -

[Sens passif]

 

1.

"Sentiment provoqué par une déception, un malheur, une humiliation..."

 

a)

"Colère" : La dame, oyant le chevalier, commença a rougir de despit pour l'outraigeuse requeste du chevallier. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 353). Si survint Alexandre, meu de despit, comme il le trouva sur la rive des fossez, le precipita dedans, et lors ses gens gecterent tant de perres sur lui qu'il mourut et nos calumpniateurs, par ramposne, aleguent commant peut ung astrologien bien ouvrer pour aultrui en icelle science, quant pour lui ne le scet fere. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°).

 

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"Chagrin, amertume" : Je suis la mere maleureuse ; Plus non ay enfant ne marit. (...) Je usarey mon temps en despit. (Pass. Auv., 1477, 130).

 

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Avoir despit de qqn/qqc. "Éprouver de la colère, du ressentiment à propos de qqn/qqc." : Et puis crioient (...) : "Alés, alés requerre et raporter vos compagnons qui se reposent au camp de Camperli !" De quoi, pour ces parolles, messires Loeis d'Espagne et li Genevois avoient grant ireur et grant despit. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 171). Si en eurent les estrangiers largement, car il convenoit par l'ordonnance du ban que ilz en feussent servis avant tous autres. Encores eurent les Espaignols grant despit de ceste ordonnance. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 137). Mes tres chiers seigneurs, plaise vous savoir que le roy d'Ausay l'a demandee a femme, mais elle ne s'i est pas voulu assentir, pour ce que autrefoiz avoit esté mariez. Lequel roy d'Ausay en a eu tel despit qu'il a deffiee la damoiselle et son pays, et y est entrez a force, et banniere desploiee, faisant guerre de sang et de feu (ARRAS, c.1392-1393, 150). Sy tost comme les huit princes eurent entendu le langaige du murdrier, ilz en eurent sy grant despit qu'ilz se teurent atant, car ce leur sambloit trop grant honte de ainsi estriver sans ferir (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 214). JOYEULX SOUDAIN. Beau sire, en avez vous despit Se je me tiens honnestement ? (B. veoir, p.1480, 15). Et, pour ce, renvoya le roy ledict Symon avecques très maigres parolles, sans riens vouloir jurer, dont ledict duc se tint fort mocqué et mesprisé et en eut très grant despit. (COMM., I, 1489-1491, 230). Le roy d'Angleterre, qui avoit grant despit de ce que ledict duc n'avoit voulu accepter sa trève et estoit adverty que le roy en traictoit une autre avecques ledict duc, envoya ung chevalier, nommé messire Thomas de Montgommery (COMM., II, 1489-1491, 81). SATURNE. Vecy la cene preste, Mes hostes, bien soyés venus. Je n'ay despit que de Venus. (Cene dieux, c.1492, 109).

 

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Avoir despit de + inf. : Et [mes barons] vont ensemble murmurant Depuis que tu eüz enfant, Car ilz ont desdaing et despit D'avoir dame de si petit Estrasse et si basse lignie (Gris., 1395, 52). A qui tu t'en prendras ? je ne scay, fors que a faulte de cognoissance, et a ce que les haulx et puissans hommes, entre les grans abondances qu'ilz ont de toutes choses, ont le plus de souffrete et de despit de ouir dire verité et que par leur puissance ilz finent de toutes autres besoignes, de langues veritables sont ilz tousjours diseteux. (CHART., Q. inv., 1422, 43).

 

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Faire un despit. "Se mettre en colère" : Quant pareseux fait ung despit, Granz menaces fait en son lit Et dit qu'il fera tout riber. Or est li monde en grant peril (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 177).

 

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(Faire qqc.) de/par/pour despit. "(Faire qqc.) par ressentiment, par colère (suite à une contrariété, une déception...)" : Voi le Cornumarans, sy mua son samblant. Par despit et par ire, se va d'iluec partant. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 42). Quant il furent dedens, il quidièrent avoir merveilles gaegné, mais il ne trouvèrent rien fors que povres gens, femmes et enfans, et grant fuisson de bons vins. Dont par despit et par envie Breton et Bourgignon boutèrent le feu en la ville. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 246). Adonq sera le compaignon forclos D'en approuchier, Ne la porte regarder ne toucher, Quant il s'orra telz choses reprouchier, Et s'en yra de fin despit couchier. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 188). Mais le senat qui fut grandement indigné contre Pillate, car ne avoit premierement escript a eulx, sy reffusa la consecracion et fist ung edit par despit, que incontinent manderent en Jherusalem prendre et persecuter tous les disciples et croyans en icellui Jhesus de Nazareth. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 66). Je l'eusse tresvoluntiers bouté dedans [le chien], mais il n'a oncques daigné lever la teste ; si l'ay laissé la dehors tout par despit et fermé l'huys a son visage. (C.N.N., c.1456-1467, 196). Et, quant ledit admiral eut ouvert lesdittes lettres et veu le signet dudit conte, lequel il congneut bien, sans aucunement veoir la substance les getta par terre, comme par despit, en regardant autour de luy s'il verroit personne de ses gens pour le faire prendre, en disant audit Voyaul qu'il le feroit getter en ung sac en la riviere. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 145).

 

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(Faire qqc.) au/en/par/pour (le) despit (de qqn/qqc.) "(Faire qqc.) par ressentiment contre qqn/qqc., en haine de qqn/qqc." : Elle fu si desesperée, Si hors dou sens, si forcenée, Que deus enfans qui sien estoient, Pour ce que Jason ressambloient, Occist en despit de Jason, Puis mist le feu en sa maison. (MACH., J. R. Nav., 1349, 233). Se le tenoie sy, doulce dame royaulx, Escorcher le feroye et pendre par ses piaux ; Maiz en despit de luy et de ses grans travaux, Feray cestuy cy pendre ou maittrë en anniaux. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 130). ...ne jamais bien ne plaisir ne ferai a nul homme que je saiche qui aime par amours moi ne autre fame sur qui j'aie pooir, ainçois leur ferai tout l'anui et tout le destourbier que je porrai, et tout en despit d'Amours qui tant de maulz m'a fait. (MACH., Voir, 1364, 674). Le feu boutay en ma maison En despit de la traison Que l'anemi m'y avoit fait (Mir. st J. Paulu, c.1372, 135). Mais le senat qui fut grandement indigné contre Pillate, car ne avoit premierement escript a eulx, sy reffusa la consecracion et fist ung edit par despit, que incontinent manderent en Jherusalem prendre et persecuter tous les disciples et croyans en icellui Jhesus de Nazareth. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 66). Non obstant faittes bonne chiere, car je aideray a destourner son emprinse pour le despit d'ung chevalier que m'a deceue villainement, car qaunt je fus enchainte de vif enffant, il me planta (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1096).

 

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Prendre despit contre qqn. "Se mettre en colère contre qqn" : Lesquels, jusques au nombre de bien IIII mil hommes, saillirent sur les gens dudit grant maistre ; mais tous lesdits Bourguignons furent durement rechassez dedans la ville, à leur grant honte, perte et confusion ; de quoy le commun print si grant despit contre eulx, qu'ils leur volurent courir sus. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 377).

 

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Prendre/tenir qqc. en despit. "Éprouver de la colère à propos de qqc." : ...le duc Yorth et le duc de Glocestre tenoient ce fait en grant déspit. Mais nonobstant leur hayne, le duc d'Irlande n'en faisoit compte (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 47). Or vindrent les nouvelles assez hasteement au roy Richard d'Angleterre et au duc d'Irlande qui se tenoient à Brisco, que messire Robert Trimilien en estoit mort honteusement. Et prist le roy ceste chose en grant despit, et dist et jura que la chose ne demouroit pas ainsi (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 58). Ainsi avoit prins ce conte de Charroloys en très grant despit ce rachapt des terres dessusdictes. (COMM., I, 1489-1491, 75). Et vecy les occasions qui y font les troubles : les serviteurs ne se peuent tenir de parler des choses passées ; les ungs ou les autres les prennent en despit (COMM., I, 1489-1491, 141).

 

2.

P. méton.

 

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"Situation, état qui provoque la contrariété, la colère, le ressentiment" : Les bien vestu[s] y ont leur lieu [près du feu] Et les maulx vestus sont au vent. Cecy arrive souvant : Ceulx qui ont meilleur appetit De manger ont le plus petit. C'est grant despit et desconfort. (Pac. Job M., c.1448-1478, 222). MALBEC. Mes seigneurs, certes tresfort crains Que la croix ne puisse porter, Et pour tant nous fault appointer Qu'il se repose ung petit. CAYPHAS. Ce seroit ung fort grant despit Si demeuroit cy a my voye. (Pass. Auv., 1477, 192). Et, par Dieu, veez la grant despit, Q'ung dé se soit mis desus l'aultre ! Trois des faire bezas, c'est faulte ! (Pass. Auv., 1477, 202).

 

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"Ce qui porte atteinte à qqc."

 

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Estre despit à qqc. "Porter atteinte à qqc." : Dezquellez choses il appiert clerement que ce n'est pas nouvel que un Roy ou un aultre doie amer la science d'Astrologye ne y estudier, mez que il n'y vaque tant que il en soit depys a la chose publique. (Songe verg. S., t.1, 1378, 403). Mez, certes, ce n'est mie grant prudence de faire si grant duel que il en soit depiz au corps ou a l'ame. (Songe verg. S., t.2, 1378, 267).

II. -

Empl. adj.

A. -

[Sens actif ; d'une personne, d'un aspect de la personne]

 

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"Hautain, dédaigneux" : Ha ! biau filz, en douleur amére Des ores mais pour toy seray. Lasse, dolante, que feray ? Je pers mon filz, je pers ma joie. Ne cuit que jamais plus le voie. Bien fui despite et orgueilleuse, Bien fui mauvaise et oultrageuse, Quant a l'ennemi don en fis (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 28). Et pour che que grant et petit Te tienent en si grant despit, Je croi ossi, se Diex m'ayt, Que tu ies si despite. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 177). Et aussy ilz le firent en partie pour eschever les debas et les rihottes qui se peuissent mouvoir entre eulx, car Portingalois sont chault, bouillant et mal souffrant, et aussy sont Anglois fellé [l. felle], despit et orgueilleux. (FROISS., Chron. M., XV, c.1375-1400, 88). Galiachim ung hermite estoit qui vivoit en povreté, pour acquerir l'amour de Dieu ; mais il estoit fel, despit et orgueilleux, par quoy le bien qu'il faisoit ne luy pourfitoit gueres. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 95).

 

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"Irritable" : ...a nulle heure n'appere felle, male ne despite, ne a servir trop dongereuse ; a ses femmes et serviteurs humaine et amiable, non trop haultaine, en dons large par raison ordonnee (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 111).

 

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"Violent, hostile, malfaisant, agressif" : De parler d'eaus ne me puis taire, Car tant estoient de pute aire Et tant faisoient a blamer Que dela mer ne desa mer N'avoit gent qui fust si maudite, Plus vil, pieur, ne plus despite. (MACH., D. Lyon, 1342, 212). J'ai entendu que madame la prevoste est une tresmalvaise bourgongnongne, samblablement la Cosinette, et leur put le nom de Bourguignon au nez et n'en peuent sonner mot ne veoir homme de la nation. Et pourtant, par mal-talent aussi envers elles et par vengance aussi de leur felle et despit corrage, je leur envoie par vous a chescune ung diamant, lesquelz je vous prie que vous leur portez et leur en faictes present de par moy, disant que ung Bourguignon les leur envoie par despit d'elles, mes il n'est pas si deable qu'il est noir. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 239). Sur les murs nous fault mectre gens Et faire garder les Tourelles, Que plus depiz sont les Anglais [les Anglais] que chiens Dont leurs besoignes sont ytelles, Qui leur sont rudes et cruelles A leur voir souffrir ceste chose, Que de leur chappeau et querelle Il ont perdu leur belle rose. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 478).

 

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[De la Mort, de la Fortune] "Cruel, funeste" : "...Mort despite et oultrageuse, que je te doy bien haïr, quant tu ma mere me tolis, car par toy sui je en ceste angoisse et en cest peril". (Bérinus, I, c.1350-1370, 51). ...et se vous estiez pris, il vous convendroit recevoir villaine mort et despite, et je et vostre suer serions honnies et deshonnorees. (Bérinus, II, c.1350-1370, 1). Contre toy, Mort doloreuse et despite, Angoisseuse, maleureuse, maudite, Et en tes fais merveilleuse et soudaine, Ceste complainte ay fourmee et escripte De cuer courcié, ou nul plaisir n'abite, Noircy de dueil et aggrevé de peine. (CHART., Compl., 1424, 321). Fortune despite Soit de Dieu mauldicte, Qui m'a mis en fuyte De joye petite Dont mon cueur le mauldira. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 42). ATTROPOS. Mort enragée et plaine d'yre, Mort furieuse, mort despite, Mort tempestative et subite, Reçoy les poisons poecené(e)s Yssue(e)s de la gueulle et des né(e)s Du chien infernal Cerberus. (Cene dieux, c.1492, 128).

 

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"Dangereux" : Roy, vecy le truant herite, Personne laide et mout despite, Quil presche autre loy que la nostre. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 101).

 

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[D'un animal] "Fier, indépendant" : - Et puisque sui tes fils, biaus peres, A gouvrener ton kar me peres. - Non ferai, fils, car li ceval, Quant il vont amont et aval, Sont orguilleus et trop despis : Ne te congnoissent, c'est dou pis. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 97).

 

2.

[D'une chose]

 

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"Néfaste, fatal" : Bien me doit li cuers fondre en lermes, Car de ma vie est brief li termes, Et la fin honteuse et despite. (Mir. enf. ress., 1353, 42). Vers les toreaulx vait seurement, Qui, par moult lait murmurement, Le cuident venir envayr, Et Jason, sanz soy esbahir, ..II.. grosses pelotes confites De glus atachans et despites Leur a ens es gueules fichees, Qui tantost ensemble attachiees Les machouëres leur a si Qu'ilz sont du tout a sa merci. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 43). N'il n'est venin de serpent ou de aspis, Ne de dragon, tant soit lais et despis, Qui peust au cuer në au corps faire pis Ne plus d'aÿr. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 185). Et par voz guerres despites, Leurs merites Ne deffaittes ou desdittes, Qui escriptes Sont et durent jusqu'a ore. (CHART., L. Paix, a.1426, 412). Faulx dragon, faulx mastin fuytiz, Parverse tortue mortelle, M'apportes tu ceste nouvelle, La plus despite et plus mauvaise Que jamais en l'ardant fournaise Gorge de diable nous publie ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 339). En ce point n'a pas de reffuite Tant que desconfitte, Deffaicte et destruicte Soit par mort subitte Ou fievre despitte La vie des humains en tous lieux. (Cene dieux, c.1492, 131).

 

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"Violent" : Mais assouvye Sa fureur ne fut mye, Car vraye amye De Dieu fut Theospite Qui lors despite Ceste fureur despite (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 203).

 

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"Honteux" : Je ne sui pas ignorans, dist il, o vous, consul, que, non pas pour cause d'onneur mais de vergoingne, l'en m'a commandé le premier parler et, non mie tant comme senateur mais comme coulpable de ceste guerre maleuree et de ceste pais despite et confusible ! (BERS., I, 9, c.1354-1359, 8.3, 13).

 

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"Mauvais, corrompu" : Il [Jhesu Crist] a pour moy suffert mainte collee, Mainte durté, mainte peinne engoisseuse, Et son saint sanc aloit a la volee Pour rachetter la faulce et orguilleuse Char despite, puente et envieuse, Plainne de maulx et de corupcion. Pour moy faire remuneracion, Son droit costé se lessa entamer. (Jeu quatre pers. L., a.1465, 197).

B. -

[Sens passif]

 

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"Piqué au vif, vexé, en colère" : Le vieulx herault adoncq s'en rit, Dont le villain ainsi s'avence. Lors le jeune vassal despit Lui dist : "Beau sire, quant je y pense Il me semble que ces villains Ont trop beau compter sans rabatre, Car ilz ne sont jamaiz contraings [ De soy ] faire tüer ne batre". (CHART., D. Her., p.1415, 435). Et Courroux, qui moult estoit despit de ce que le Cueur l'aloit ainsi aspregent, lui rebailla et rendit des coups souvent et menu (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 63).

 

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"Abandonné, misérable" : Et nous fuitifz, exiliés et dispers, Avons tous maulx essayés et expers, Et tous lez jours en douleurs gemissons, Povres, chassés, a honte viellissons, Desers, despiz, nuz et desherités, Pour droit suïr et amer verités, Portans en cueur dur regrait et remors Du temps perdu, païs conquis, amys mors. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 2).

 

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[D'une chose] "Laid, horrible" : Et, se le lieu est bien terrible, Portiere y a aussi orrible, Car oncques mais, ce n'est pas fable, Ne fu riens plus espouantable A veoir, ne dont creature Eust si grant orreur par nature. La façon d'elle est trop despite, Jamais ne l'aroie descripte, Ne je n'ay pas le sentement De bien descripre proprement Trestoutes ses condicions Plaines de grans afflictions, Mais son corps et son estature Est de trop orrible faiture (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 103).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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