C.N.R.S.
 
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     DÉPITER     
FEW III despectus
DESPITER, verbe
[T-L : despitier ; GD : despiter ; AND : despiter ; FEW III, 54b : despectus ; TLF : VI, 1155b : dépiter]

A. -

[Sens actif ; correspond despit I A]

 

1.

[Idée de mépris] Despiter qqn/qqc.

 

a)

Despiter qqn. "Traiter qqn avec dédain, mépriser qqn" : Le commandement donc de discipline est humilité, de laquelle espetialment trois enseignemens appartiennent a la lechon, asscavoir qu'il ne repute auchune scienche ou escripture vile, qu'il pas n'ait honte d'aprendre de chaschun et, quant il ara acquis sapience, qu'il ne despite les aultres. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 44). Et se ma dame en mon mal se delite, Ou se Dangiers, qui me het et despite, Pour moy grever, li enorte ou endite Qu'elle me tue... (MACH., F. am., c.1361, 159). Item, soustenir celui qui est injurieus et fait injures et despite ses familiers, c'est condicion miserable et servile. (ORESME, E.A., c.1370, 261). Amis, qui ore es despité Et qui n'as de nullui confort, Ne te lamentes plus si fort. (Mir. fille roy, c.1379, 107). Mais quant Agar vit et sceut qu'elle avoit conceu de Abraham, elle despita sa dame et se portoit grossement contre elle. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 60). A ceste fable devroient les jeunes du temps present prendre exemple, qui ne ont ou pou ou riens de reverence envers les anciens, ains les despitent et se mocquent d'eulx et de leurs prudens enseignemens. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 230). ...celui qui despite chascun ja n'aura secours de neïz un. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 218).

 

-

Despiter qqn comme + attribut. "Marquer du mépris à qqn en le traitant de" : ...et là despescèrent et dessirèrent leurs croix et enseignes qu'ilz portoient du roy Charles dessusdit, en despitant à haulte voix ceulx de là qu'il leur avoit envoyez, comme faulx parjures. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 137).

 

-

[Dans le langage courtois, de la femme aimée] "Rejeter, dédaigner (un amoureux)" : Mais Amours ha en moy planté Si grant plenté De loiauté Que fausseté Ne feray ; car, se Diex me saut, Se despité M'a sans pité, Tost respité M'ara ; mais qu'elle me consaut. (MACH., Les lays, 1377, 287). Las ! resgarde com longuement J'ai langui dolereusement En dueil, en tristece, en tourment, Et que toudis m'a despité Ma dame que j'aim loyaument, Et comment j'ay tout humblement Enduré sans aligement Et sans nul samblant d'amisté. (MACH., Les lays, 1377, 310).

 

-

Se despiter. "Se considérer comme n'étant rien (au regard de la mort)" : Afin que tu ne soies orguilleux, remembre toy que tu morras, regarde dont tu viens te [l. et] ou tu vas, si te despiteras. (LA SALE, J.S., 1456, 18).

 

b)

Depiter qqc.

 

-

"Mépriser, dédaigner qqc. (qui devrait être respecté ou recherché)" : Il [celui qui a commerce avec des vieilles femmes] se submet, quoy que tu dices, Au prince de trestous les vices, Et Dieu si lui demandera, Quant temps et lieu si en sera, Car il despite sa nature, De generacion n'a cure (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 20). Et pour ce t'enseingne que tu Aies cuer vray, tant com vivras, Car grant joie et gloire en avras ; Et loiauté ja ne despite, Se sa jus n'en as la merite, Qu'elle ne puet estre perdue Qu'a cent doubles ne soit rendue. (MACH., R. Fort., c.1341, 103). Pour che est il dit es Proverbes ou .XXIIIe. chapitre : «Ne parle pas es oÿes des non sages car il despitent la doctrine de ta parole». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 73). Bien doit estre villains tenuz Qui escript ne dit de sa bouche Laidure de femme ou reprouche, Car il ordoie sa maison : Pour ce n'est pas homs de raison Qui despite ou a despité Le lieu ou il a habité Par .IX. mois, en femme par grace (DESCH., M.M., c.1385-1403, 294). ...homme est justisié : quant il passe terme qui lui est mis à faire ce qu'il doit, quant il despite justice et quant il fait [tort] à autruy. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 105). Il fait vaines choses, par quoy il despite les ordenees choses, les prouffitables choses, les necessaires choses. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 75).

 

-

En partic. "Renier, rejeter, outrager (la foi, une croyance)" : Caïphes, vez ci le traïte Qui toute nostre loy despite Et dit qu'elle est fausse et malvaise. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 151). Dont li vient ceste auctorité, Qu'il nous tient en si grant vilté ? Doit il avoir seur nous maistrie, Avantage ne signourie ? En tous cas nostre foy despite, Eu monde n'a si bon hermite Qui ne se deüst mieus offrir A mort que tel chose souffrir. (MACH., P. Alex., p.1369, 125). Bien vueult [Joseph d'Arimathie] nostre loy despiter Quand il a veu excecuter Cest homme cy par malice et mourir par vraye justice, Au gibet de la croix pendant, L'a voulu estre despendant Et sans nous evocquer au faire. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 371).

 

-

"Dédaigner, mépriser qqc. (qui ne semble pas devoir mériter le respect)" : ...il vous convient Despiter et tout mettre au nient Ce monde, et vous de li retraire (Mir. emp. Julien, 1351, 213). Et Cathon dist : «Cilz ne crient pas la mort, qui scet la vie despiter». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 350). En aprés le sage doit pourveïr les biens a venir pour deulx raissons, asscavoir affin qu'il les quiere soigneusement de tout son estude et de tout son desir, et que au regart d'iceulx il despite les biens presens, selonc le dit de saint Gregoire : «Aprés le goust de l'esperit toute char saveure mal», c'est a dire volupté charnele. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 353). Congnoistre le monde est entendre Que chascuns le fuie et despite (DESCH., M.M., c.1385-1403, 206). Mais assouvye Sa fureur ne fut mye, Car vraye amye De Dieu fut Theospite Qui lors despite Ceste fureur despite (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 203). ...car qui bien les estudieroit [des livres], la joye mondaine, qui legierement trespasse, despiteroit, et les trés grans biens de paradiz pardurables de tout son cuer desireroit. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 127). Sy prit tel dueil ledit maistre Roland que, en despitant sa vie, se quéroit à défaire et à perdre l'âme et le corps. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 191). C'est vertueuse operation que tu despites les basses choses qui pendent en fortune et qui n'ont point de duree. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 175).

 

-

"Ne pas faire attention à qqc., juger qqc. peu important, sous-estimer l'importance de qqc." : Sincopiz en nulle maniere ne doibt estre despitee ou negligee car elle est voye a la mort et est dicte envers tous petite mort. (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.1, chap.1).

 

2.

[Idée de défi, d'outrage]

 

a)

Despiter qqn./qqc

 

-

"Défier, braver qqc." : Je despite la generacion Qui en ce poinct m'a faict infortuné. (LA VIGNE, S.M., 1496, 373).

 

-

En partic.

 

.

"Défier, braver, blasphémer (un être céleste, une divinité...)" : Et Cristine fut de roial lignie Qui les faulx dieux des paiens despita (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 115). ...et en jouant juroyent [des seigneurs] et despitoyent Dieu et les benoitz sains (JUV. URS., T. rever., 1433, 76). ...que nostre juge s'avance De faire serchier par tous lieux Ces crestiens, qui tous noz dieux Despitent et tiengnent a despris (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 69). Haa, traïstre, qui t'a esmeu Ne mis en telle oultrecuidance, Quant les dieux qui t'ont soustenu Despites...? (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 171). Je regnye Amours et despite Et deffie a feu et a sang. Mort par elles me precepicte, Et ne leur en chault pas d'un blanc. Ma vïelle ay mis soubz le banc, Amans ne suiveray ja maiz ; Se jadiz je fuz de leur renc, Je declaire que n'en suis maiz (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 69). Encores de ce non comptent Le pere [juif] le meit dens ung four [son fils qui a assisté à un office catholique] Tout ardent, en Dieu despitant Et l'y feit tenir pres d'ung jour. (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 129). LE JUIF. Je suis en point, Sans gaige ne le feray point [vous prêter de l'argent]. LE CRESTIEN. Gaige n'ay que sainct Nicolas, Que vous bailleray, en ce cas, Par serment fait sur son hostel. LE JUIF. Je prendrai bien ung gaige tel. Sainct Nicolas est mon amy Et me firay tres bien en luy. Mais je voy les crestiens parjures A vostre Jesus faire injures En le maulgreant, despitant. Parquoy, je ne m'y fie pas tant. Je vous dy la cause pour quoy : Car n'y a loyaulté ne foy. Plusieurs crestiens voy jurer Leur Dieu, mais aussi parjurer (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 89). [Titre] COLIN qui loue et despite Dieu en ung moment à cause de sa femme (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 125).

 

.

"Défier, blasphémer (un objet, un élément religieux)" : Mais, s'il eust pleu a Dieu que vous feussiez venu deux jours plus tost, vous eussiez trouvé monseigneur mon pere en vie, que le roy Selodus a mis mort, et puis a fait ardoir le corps, pour plus despiter la foy catholique. (ARRAS, c.1392-1393, 186). O Francoys, Francoys, vous avés par une damnee et aconstumee blapheme despité le nom de celui a qui tout genoil se doit flechir, et il vous a par l'usance de sa justice mis en blasme et en reprouche de nations, et fait ploier voz corps et encliner voz testes devant vos ennemis. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74). J'ay despité et renoyé Leurs crucifis et leurs maroles Et si me suis esbanoyé A danser des dieux les caroles. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 69).

 

-

"Offenser, outrager, insulter qqn" : Et porte honneur a toutes femmes, Soient damoiselles ou dames, Grandes, moiennes ou petites ; Garde que nulles n'en despites, Car plus d'onneur te porteras Qu'a elles, quant tu le feras. (MACH., C. ami, 1357, 124). Dont il fist mal et villenie, Qu'à fil de roy on ne doit mie Dire pour chose si petite, Chose de quoy on le despite. (MACH., P. Alex., p.1369, 256). En sa presence le vallet, Qui po savoit et po valet, De dire outrage et villenie Au conte de Triple en Surie, Qui fils dou roy de Chypre estoit, Et telement le despitoit. (MACH., P. Alex., p.1369, 258). ...comme Anhoine li despitast [à Auguste] une foiz son linage de par sa mere en disant qu'il estoit de ceulz d'Affre et filz d'un boulangier, il porta tout tres paciaument en riant et li donna sa suer en mariage (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 244). ...se tu ne viens a Paris, Charles viendrat cy a cent milz hommez, sy seras escorchiéz ! - Roy des Danois, dist il, par vous suys despiteit ! (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 212). Sire [Jésus], quel mal puet il avoir Se de noz espees petites Nous frappons sur ces satalites Qui ainsi vous sont despitans ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 253). Nul n'est parfait sinon le dieu des dieux, Qui pour nous fut durement despité (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 534).

 

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"Harceler, tourmenter qqn" : Quant leur deffensë [des amoureux] est petite, Desirs les assaut et despite Et les fait a martire offrir, Si n'ont confort fors de souffrir. (MACH., Voir, 1364, 330). ...Fortune, qui trop despite, Het, honnit, destruit et deçoipt Tous ceulz qu'en sa grace reçoipt (MACH., Voir, 1364, 716). Ainsi s'acquicte Mon triste cuer que Mort despite. (CHART., L. Dames, 1416, 229).

 

b)

(Se) despiter

 

-

Despiter de qqc. "Se révolter à propos de qqc" : Et si de ce voit aucun despiter, L'un pendre fait, l'autre decapiter. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 131).

 

-

Se despiter contre qqn. "Se révolter contre qqn" : Incontinent par grant solemnité, En rabaissant leur temeraireté Et leur vouloir de soubdaine chaleur Dont ilz s'estoyent contre luy despité (LA VIGNE, V.N., p.1495, 208).

B. -

[Sens passif] "Être pris de ressentiment, de colère contre qqn"

 

1.

[D'une chose] Despiter qqn. "Susciter l'irritation, l'exaspération de qqn" : NATHAN. Son nom [de Jésus] tant fourment nous despite Que n'en pouons oÿr parler. JUDAS. Tantost l'arez beau reparler : En voz poins le vous livreray. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 252).

 

2.

Se despiter à/contre qqn. "Se mettre en colère contre qqn" : AFFRICQUEE. Si fault qu'a vous je me despite, Je vous mettray tout en beau point. (P. Jouh. D.R., a.1488, 36).

 

-

Se despiter de/contre qqc. "S'irriter, se mettre en colère pour qqc., à propos de qqc." : Espoir me fuyt, Deuil me conduyt, Je despite contre secours. Le jour m'est nuyt, Joye me nuyst, Repos ne me sont que labours. (Poés. lyr. court. XVe I., c.1454-1456, 129). Sy se despita le comte de Charolois durement de sa parole du matin [de ne pas poursuivre les agitateurs], laquelle toutesfois n'osoit enfreindre ; et se crucifia de quoy il les falloit laisser aller sans combattre et de quoy il ne seroit jamais après sans regret (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 325). Qui que s'en irrite, Courrouce ou despite, Vous serés poursuitte O nostre conduicte D'acomplir le vouloir des dieux. (Cene dieux, c.1492, 131).

 

-

Empl. abs. : Homme ne peut a la mort contredire, Riens ne nous vault despiter ne mauldire (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 9). GESTAS (mauvais larron). Je ne crains ne Dieu ne le dyable Ne homme, tant soit espoventable, Quant je me despite une foys. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 149).

 

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Estre despité vers qqn. "Avoir du ressentiment contre qqn" : Je n'entens point ceste raison, Je loge bien en ma maison Pour une nuit tant seullement, Ergo, il s'ensuit clerement S'aulcun est vers moy despité Que je seray demain cité En mettant ung peu de papier Soubz la porte, c'est beau mestier. (Sots gard., a.1488, 108).

 

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Estre despité de qqc. : J'en suis si despitee Que creveray, se Ire ne se desbonde. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 6).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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