C.N.R.S.
 
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     DÉPITEUX     
FEW III despectus
DESPITEUX, adj.
[T-L : despitos ; GD : despiteus ; AND : despitous ; FEW III, 54b : despectus ; TLF : VI, 1156a : dépiteux]

A. -

[Sens actif] "Qui dépite, qui suscite le dépit"

 

1.

[D'une personne, d'un aspect de la personne, d'une allégorie]

 

a)

"Méprisant, arrogant, hautain insolent" : Car tel est humbles en tristesse Qui est despiteux en liesse ; Et tel est en léesse doulx Qui en tristesse est moult escoux (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 8). Escuiers gracïeus, Cilz chevaliers est bien tous li plus orguilleux Qui onques saint espée, et li plus despiteus. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 119). Ernault est cy venus, ung orgueilleux garçons, Moult fel et despiteux (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 43). Et pour ce semble il a aucuns que les magnanimes soient despisëeurs ou despiteus. (ORESME, E.A., c.1370, 251). En ceste maniere parle saint Paul, qui dit que les temps perilleus vendront et seront gent qui ameront eulz meïsmes convoiteus, orgueilleus, despiteus, etc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 477). Dont salent avant li varlet, Qui furent fel et despiteus (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 149). Et cilz qui ne l'oit ne entent, ne lui respond mot. Et celle, comme courroucie, lui redist autre foiz : Comment, dist-elle, sire musars, estes vous si despiteux que vous ne me daigniez respondre ? Et cilz ne lui respond mot : Par foy, dist-elle, je croy que cilz jeunes homs dort sur son cheval, ou il est sours et muet. (ARRAS, c.1392-1393, 24). Et tant bien se trouva en la grace du roy par sa bonne conduite que les aucuns en eurent envye, et entre les autres il y eut deux chevaliers de nature despiteux et superbes (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 334). Laissons le moustier ou il est, Parlons de chose plus plaisante ; Ceste matiere a tous ne plest, Ennuieuse est et desplaisante. Povreté, chagrine, doulente, Tousjours, despiteuse et rebelle, Dit quelque parolle cuisante ; S'elle n'ose, si le pense elle. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 40). ...Mosnier estoit homme despiteux et injurieux plus que autre du païs (Doc. Poitou G., t.12, 1475, 34).

 

-

Despiteux contre Dieu. "Insolent, désinvolte envers Dieu" : ...lez Ronmains sont ceulx qui sont contre Dieu despiteux, et es choses sainctes presumptue[u]x ; (...) pour demander tres devergondés, pour reffuser tres ahurtés ; pour avoir sont importuns, et juques a tant que ilz aient ne s'en tait nulz, et quant il ont, c'est sanz recognoiscence (Songe verg. S., t.1, 1378, 331).

 

b)

"Qui brave, qui défie, qui manifeste du refus"

 

-

Despiteux à + inf. subst. "Qui se montre réticent à, qui refuse de" : ...Et au payer sont despiteux ; Quant ilz acroient, ilz sont riches, Quant ilz payent, povres et siches. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 4). Aucuns si veullent faire entendre Que le poul si se laisse prendre, Et c'est la puce qui sautelle Et c'est le poul qui se cordelle Qui au prendre est si despiteux. (Serm. pou puce K., p.1475, 498).

 

c)

"Dur, cruel, sans pitié" : Maint cuer pervers et despiteux Fait et a fait doulx devenir (Mir. st Val., c.1367, 131). As tu pour ce fait ceste chose Que tu ne soies pas ma femme ? Voir, tu en mourras a diffame, Par mon chief, depiteuse garce ! (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 16). Vers eulx estoit trop depiteux, Plain d'avarice et convoiteux (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). Ses regrais tant furent piteux Qu'il ne fust cuer si despiteux Qui a l'ouyr n'en eust pitié (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 129). Fut en oultre souffert regner dedans eulz en leur royalme espirituel ung tres felon et despiteux tirant qui se nomme Pechié originel, pour et en lieu de la bonne vertus et royne Justice originele. (GERS., Concept., 1401, 398). ...Fortune (...) me veult asommer de sa masse, Se vous n'estes de moy piteuse : Je la trouve si despiteuse Que je ne sçay pas que je face. (GARENC., Poésies N., 1407, 95). Se dame est a autruy piteuse Pour estre a soy mesmes crüelle, Sa pitié devient despiteuse Et son amour hayne mortelle. (CHART., B. Dame, 1424, 355). Teste trop fumeuse, Rigour despiteuse, Bouche rïoteuse Font les contredis En faiz et en dis. (CHART., B. Nobles, c.1424, 403). Se j'osoye dire ou songier Qu'onques dame fust despiteuse, Je seroye faulx mensongier Et ma parole injurïeuse. (CHART., E. Dames, 1425, 368). Aies le cuer aïreux et despiteux, sy seras cremue et servie (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1090). Si desira moult de savoir quelle dame Tristan amoit, affin qu'en aucune magniere leur peult a tous deux porter deshonneur et desplaisir ; car elle avoit le cuer plain de moult despiteuse rage, pour ce que [il] l'avoit refusee quant elle par parolles couvertes c'estoit a luy presentee, come devant [est] dit. (Chastel. Vergier S., c.1450-1480, 99-100). Ung nouveau roy creerent Par despiteux volloir, Le viel en debouterent Et son legitime hoir (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 295).

 

-

Empl. subst. [Dans le langage amoureux, à propos de Danger (allégorie représentant les obstacles à l'amour, le mari, un rival, les interdits sociaux...)] : Quant Amours celle gent assamble, Il s'acordent trés tuit ensamble Que cils amans, loyaus veüs, Soit tost de merci pourveüs. Lors vient Dongiers li despiteus, Fel, desdaingneus et po piteus, Qui volentiers occist et tue Amans cui Amours esvertue... (MACH., D. Aler., a.1349, 323). ...se Dangier, le despiteux, Me nuit, je doy bien demander Comment pourra mon cuer durer. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 26).

 

-

"Furieux, révolté, scandalisé" : "Et puis que tu le voeulx sçavoir, Je voeul toute ta terre avoir, Qu'elle soit a moy quittement..." Quant roy Nicolas l'entendy, A peu de despit ne fendy, Car despiteux forment estoit (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 108). Mes fréres, approuchez vous tous Et venez voir la vitupére Et lacheté de nostre pére ; Dormant a son membre honteux Desouvert ; je suis despiteux De l'avoir en cest estat veu. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 249).

 

2.

[D'une chose]

 

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"Cruel" : ROY AVENIR. Ha, Jupiter, pour quoy ne tramble Ton corps quant me voit en ta face, Quant il convenra que je face Justice dure et despiteuse de ta charongne maleureuse...? (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 272).

 

-

[De la souffrance, de la mort] : Mort felonne et despiteuse, Fausse, desloyal, crueuse, Qui regnes sanz loy, Je me plaing a Dieu de toy, Car tu es trop perilleuse. (DESCH., Art dictier R., 1392, 281). O Mort tresorrible et hideuse, Qui a plusieurs es despiteuse Et pou piteuse, Sur mon corps vueilles tout estandre Ta puissance sans plus actendre Pour finer ma vie anuieuse ! (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 144). J'apperçois bien la passion honteuse, La dure mort, la peine despiteuse Qui s'apreste pour mon corps consommer (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 248). NOSTRE DAME. O griefve separacion, Des dolentes la plus piteuse ! O Mort terrible et despiteuse, Regarde en quel langueur je suis (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 346).

 

-

[D'une parole]

 

.

"Outrageant, injurieux" : Tel chief [de la statue, qui représente un chef de communauté] doit estre bien nomme [l. nommé] Chief d'or par droit et appelle [l. appellé], Mes qui le verroit esclatant A l'aviser et soi crevant, Qui amender ne se vouldroit Et trop hautement sonneroit Par paroles despiteuses De desdaing et orguilleuses, D'or estre dit pas ne devroit, Mes un rude metail par droit (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 244). Le dit debat se meut pour cause d'aucunes despiteuses et vilaines paroles Que le dit Englés dist sur les Flamens (Arch. Nord, 1403, B 6096, f° 4, IGLF). Pluseurs reprouches et pluseurs paroulles despiteuses se dirent l'un a l'autre, et mesmement Olivier a Fyrebras, tant a cause de nostre foy comme de pluseurs aultres choses. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 55).

 

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"Sacrilège, blasphématoire" : Hannin Roen, varlet du mestier dez tisserans, fut jugiet d'ameneir à quatre hueres après diner par le conte des ribaus, loiet d'une corde, de le prison jusques au pond d'Elverdijnghe et d'ycelli pond jeter en l'Yppre, et fu jeté dedens et, aveuc ce, fu bannis 2 ans hors le pays de Flandres, sour le gibet, pour horriblez despiteusez parolez et villaines maudissons qu'il parla et maudit envers Nostre-Seigneur Jhesu-Crist (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1390, 801). Item, unes lettres en romans d'un estatut et deffence faicte sur ceulx qui en la franchise de ceulx de Liege feroient vilain service ou diroient paroles despiteuses de Dieu ou de sa mere (Arch. Nord, c.1400, B 146, 5e cahier, f° 15, IGLF). Sathan, gette icy ton regard Plus tresperçant qu'un basilicque Et, en orrible rethoricque Ornee de termes mortelz, Nous chante en motéz despiteux La maniere de ta besoingne (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 100).

 

-

[D'une action] "Injuste, affreux" : Moult bien absoldre te voulroie ; Mais saches que je ne pourroie, Tant as fait euvre despiteuse. (Mir. parr., 1356, 26).

B. -

[Sens passif] "Qui est dépité, qui est pitoyable"

 

1.

[D'une personne, d'une divinité] "Pitoyable, lamentable" : Pour me tromper faictes le marmiteux, Il ne fault point clocher devant boiteux (...). Point ne vous fault faire le despiteux (Ph. de BOULAINVILLIER. In : CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 427). Vous les avez priéz en vain [les faux dieux]. Il le fault, ilz sont despiteux. Cestuy cy est bien marmiteux, Le deable les a tous raviz. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 346).

 

-

"Qui éprouve du ressentiment" : Ainsi me tenoit Folle Amour Et me pourmenoit nuit et jour, Huy content, demain despiteux, Ung jour marry, l'autre joieux (Abuzé D., c.1450-1470, 67). Quand le jour fut venu, nostre gouge, toute melencolieuse, pensive et despiteuse, car point n'avoit trouvé ce qu'elle cuidoit, appella sa chambriere [La nuit n'a pas apporté à une femme les satisfactions qu'elle en espérait] (C.N.N., c.1456-1467, 410).

 

2.

[D'une chose] "Pitoyable" : JUDAS. ...Haulte tour de Desesperance, Batilliee de criz piteux, Couverte de pleurs despiteux, Enclose de mur pardurable (...) Actens moy, terrible manoir ["l'enfer"] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 293). Il le fault despoillier tout nu. J'entens bien vostre maladie. Ça, villain, Jupin vous maudie ! Faictes vous cy le marmiteux ? Vostre paillart corps despiteux Sera maintenant refformé. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 303).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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