C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/déporter 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPORTER     
FEW IX portare
DEPORTER, verbe
[T-L : deporter ; GD : deporter ; AND : desporter ; DÉCT : deporter ; FEW IX, 218a : portare ; TLF : VI, 1170b : déporter]

I. -

[Idée de déplacement dans l'espace, dans le temps]

A. -

[Dans l'espace]

 

1.

Deporter qqn/qqc.

 

-

"Éloigner, chasser qqn (de son pays)" : Derechief, celluy qui est infamé et qui doit estre en chartre toute sa vie, ou en exil deporté, doit perdre le tytre et la dignité royal. (Songe verg. S., t.1, 1378, 136).

 

-

"Éloigner qqc. (de qqn)" : J'ay souvant les armes portees, Mais, present, de cueur singulier Ont esté de moy deportees. (LA VIGNE, S.M., 1496, 259).

 

-

"Conduire qqn qq. part" : Dont, puisque je suis transporté Par viellesse en aultre deduyt, Au travail sera depporté Mon filz et aux armes conduyt. (LA VIGNE, S.M., 1496, 162).

 

-

"Porter, transporter (un animal, une chose)" : ANATHOT. Et ou est ce chien Pour qui sommes venus si tost ? LUDIN. Velecy. ANATHOT. Quel petit chenot Pour deporter dedens sa manche. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 192). Je demande Que, pour nostre argent, nous ayons Ses cinq pains et ses deux poyssons Que votre filz par cy deporte. Le maistre dit qu'on les luy porte En vous payant bien vos desertes. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 137).

 

-

Au fig.

 

.

"Mettre qqc. de côté, omettre qqc., ne pas dire qqc." : ...Et leur compterés hault et cler, Sans nulle cose deporter, Que conquis vous ay par bataille (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 150).

 

.

Deporter qqc à + inf. "Mettre qqc. à disposition de façon à" : Comme Hermes le nous afiche, Disant qu'il n'est homme si ciche Que vers les malades ne doye, Par pitié, employer sa voye, Soy et son avoir deporter A les aydier et conforter. (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 84).

 

2.

Se deporter

 

-

"Quitter un lieu, s'éloigner" : Edoardo tint son chemin en la ville cherchant Paris, et quant il l'eust trouve [sic], ilz s'en alerent desporter touz deux hors de la ville sur les champs. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 119). DIEU LE PERE. Pechié a fait les yeulx ouvrir A bien et mal sçavoir. Deporter me vueil pour le veoir [Adam], Pour luy argüer sa folye. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 19). ...et finablement furent treves données entre eulx jusques a certain temps ensuivantt, et a tant se deporterent d'une part et d'autre. (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 1460). JHESUS. Desormais me vueil deporter Vers la grant mer de Galilee (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 51).

 

-

"Aller, marcher" : Sur m'espaule le vueil porter Et moy ça et la deporter, Ne ne cesseray (...) Jusques a tant que marchant truisse A qui il siesse. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 258).

 

-

"S'écarter" : Sire, je vueil parler a vous Secretement en ce recoy. Vueillez vous deporter un poy ; Si m'escoutez. (Mir. abbeesse, 1340, 95). Quant le vi [un escrin], ne me deportay, Mais le pris et l'en emportay (Mir. march. juif, c.1377, 222). Endementiers que le chevalier frappoit sur le serpent pour le par occir, atant il ouy une voix qui lui crioit moult aigrement : "Syre chevalier, deportés vous ou vous tirés arriere, ou synon vous estes mort par le venin de la mauvaise beste !" (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 66).

 

-

Au fig.

 

.

"S'égarer, s'écarter (de son sujet)" : Et or est il bon heure et temps qe jeo replie a ma matire, car jeo me siu longement desportee ; si voille ore revenir, s'il plest a vous, mon Dieux (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 199).

 

.

[D'un mal] "S'éloigner" : Noeuf moys sans peine en ton ventre portas Filz, pere, espeux qui tout le monde porte ; Liegerement aussy te transportas Vers ta cousine et sy en rapportas Leesse en coeur, dont anoy se deporte (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 481). Pour ce, je vous prie humblement [saint Martin] Qu'a luy vous plaise transporter Affin que tost et briefvement Son mal se puisse deporter. (LA VIGNE, S.M., 1496,).

B. -

[Dans le temps]

 

-

"Accorder un délai à qqn" : ...en attendant que le plet eust pris fin (...) encore pendent et terme mis pour proceder entre les parties et vous donner les gaignes en la matière au premier jour de juillet prochain venant (...) li supplie lui deporter (Comptes Lamballe C.-L., 1470-1471, 38).

 

-

Deporter le temps. "Laisser passer le temps, attendre, différer" : "Par ma foy, fist il, de parler me suy je souvent repentis, de taire non jamaiz". Et pour ce, a mon adviz, quant li mondes est perilleux, se feroit bon taire et deporter le temps. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 8).

 

-

Empl. abs. "Différer, attendre" : Nous y allons sans nul destry. Ne doit point estre deporté. (Myst. st Christophle R., c.1350-1380, 20).

 

.

Sans (se) deporter. "Sans plus attendre, sans délai" : ...je sui celle Qui sui preste sanz deporter De la telle et si grant porter [la pénitence] Con dites (Mir. mère pape, c.1355, 359). Alez y sanz plus deporter, Et vous tenez entre la gent Simplement. (Mir. Theod., 1357, 90). Faites ce corps en terre mettre, Sanz deporter. (Mir. femme, 1368, 203). Je li demandai en tel gise Pour quoi ma devise il portoit ; Il me dist qu'il le porteroit Et que bien le pooit porter. Adonques, sans nous deporter, Nous joustames de grant randon. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 182). ...je vois sanz deporter Au fol un lit faire porter, Et puis assez tost revenray. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 54). Or tost, venez sanz deporter Avecques moy. (Mir. fille roy, c.1379, 106). Je n'ay au cuer sy non esmay Qui ne me laisse deporter, Car je me vois sans deporter Fort enviellir, dont je le dueil (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 152).

 

-

(Se) deporter de + inf. "Cesser de" : Et aussi te vien j'enorter Que tu te vueilles deporter De faire dueil et toy getter De cest anoy. (MACH., F. am., c.1361, 222). Si volons, desirons et ordonnons (...) que se nulz de nos subgès (...) face ou efforce de faire contre le pais, en faisant pillages, prenant ou detenant forterèces, personne ou biens quelconques dou royaume de France (...) et il n'est delaissé, cessé et deporté de ce faire (...) il soient dès lors tous reputés pour banis de nostre royaume. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 49). Si deveroient cez freres Mendyens, Jacopins et Cordeliers, deporter d'acertener l'une ou l'autre opynion en leurs predicacions et meismement de acertener qu'elle ait esté conceüe en pechié originel devant lez gens lays qui n'ont pas le sens de concevoir lez soubstivetés de Theologie. (Songe verg. S., t.2, 1378, 261). A Jocaste, qui grant dueil porte, Vont dire qu'elle se deporte De faire dueil, pour festoyer Le chevalier, qui grant loyer A gaigné, d'avoir delivré Le pays de cil, qui livré Les avoit a plusieurs meschiefs, Dont veoir en pevent li chiefs (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 292).

II. -

[Idée de mise à distance, de mise à l'écart]

A. -

Au propre

 

-

[Anton. de porter] "Cesser de porter, déposer qqc." : J'ay souvant les armes portees, Mais, present, de cueur singulier Ont esté de moy deportees. (LA VIGNE, S.M., 1496, 259).

 

-

[D'une femme qui vient d'accoucher] Estre deportee (d'un enfant). "Être libérée" : Dame, je vous vien veoir cy Pour savoir de vostre portée Conment vous estes deportée Et quel enfant avez eu, Et s'il est taillié ne meu De vivre, dame. (Mir. Clov., c.1381, 252).

B. -

Au fig.

 

1.

[Avec une valeur positive de protection]

 

a)

Deporter qqn de qqc. "Épargner qqc. à qqn, dispenser qqn de qqc." : Et de che sui je tous ciertains Que m'amie vergonderont, Ne ja ne l'en deporteront, Car il sont fel et orguilleus (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 269). Se m'en poriés bien deporter, Car chils fais chi trop fort me carge. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 156). Si regarderent li signeur d'Engleterre que li Hainnuier averoient trop de painne a aler si lonch, et en furent deporté, et la donnés et pris li congiés de toutes parties. (FROISS., Chron. D., p.1400, 160). ...eulx suppliant qu'ilz leur pleust faire rendre lesdits prisonniers quites desdits VIIc florins et faire deporter sesdits gens desdits appatis. (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 306). Mais au regard de ce dont vous me requerez, il me samble que je feray follie et villonnie de la nommer se je ne sçavoie qu'elle en fut contente. Sy vous prie humblement que me voeilliez deporter de ceste requeste. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 312). Sy fut approchié par menasces de gehines et de divers tourments (...) mais le coeur tantost lui commença à frémir à l'encontre, et proféra parole, priant qu'on le deportast des tourments et il diroit tout. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 300). ...[le duc de Bourgogne] delibera en ly que se a ceste fois le roy ne voloit entendre a raison et le deporter de guerre et de tribulation, il a tous les princes crestiens et a nostre Saint Pere de Romme envoieroit la coppie des justifications et des offres en quelz s'estoit mis envers le roy par ses ambassadeurs (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 298).

 

-

Deporter qqn/qqc. à/de (non) + inf.

 

.

"Dispenser qqn de" : SECOND CLERC. Pour ce que c'est yaue sacrée, Il appartient c'on le deporte Huy d'aler, et que l'en l'emporte En son manoir. (Mir. st Sev., 1362, 212). Une compositions fu faite entre le dit roy et le pays de Bourgongne : parmi deux cens mille frans qu'il deubt avoir tous apparilliés, il deporta le dit pays de Bourgongne à non courir. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 226). ...on les deportoit a non estre en la guerre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 351).

 

.

"Épargner à qqn/qqc. de + inf. passif" : Que ceste ville soit deportee de non estre arse, cela poés vous bien faire (FROISS., Chron. D., p.1400, 328). Enssi demora la bonne ville de Bruges en paix, et fu deportée de non estre courue. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 64). Se lor dist li rois tout hault : "Entre vous qui chi estes, de la courtoisie que je vous fac, remerciiés vostre bon amic Godefroi de Harcourt, car par li estes vous deporté de non estre ars..." (FROISS., Chron. D., p.1400, 696).

 

-

Deporter qqn que + subj. "Dispenser qqn de" : De ceste taille acquist et assembla Philippes grant argent, car nuls ne nulle n'estoit excusés ne deportés que il ne paiast. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 247).

 

b)

Empl. abs. "Ménager qqn" : ...il leur est avis que yceli seigneur deporte plus et seuffre yceulx que les autres. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 53). ...Et prestre et moyne qui porte Espee, targe, delz ou bocler[,] Prince qui les riches desporte Et les sustient et les emporte Pour la petite gent grever... (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 211). Par dos d'asne tu pues entendre Qu'avoir dois le fais et la charge, Et que toutes ses besoignes Sans faire obliance, tu soignes ; Tu en dois la somme porter Pour mieux ton maistre déporter (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 23). Haro ! Haro ! Il est ja nonne ! Si ne voulez encor plaidier. Voulez vous les humains aidier Ne deporter qui estez juges ? Ce seroit uns mauvais deluges. (Myst. Adv. N.D. R., c.1360-1365, 58). Je oste mon roy et en voy traire, Pour ce qu'il estoit nechessaire, Si le fis reculer vers destre Pour mains perilleusement estre. Et chelle, qui poy me deporte, Prent tantost mon roc, si l'emporte. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 130). Varlet de signeur et de dame Est on tenu de deporter. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 128). Sa, seigneurs, vueilliez vous offrir A ces deux jusques la porter Doulcement, et les deporter Sanz leur mal faire. (Mir. ste Bauth., c.1376, 159). Se mon mary me fait offensse, Ou veult estriver de riens nee, Puis que il a brache brisiee, Contre terre le bouteray. Jamais ne le deporteray, Se me gart Diex. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 32). Et pour ce vous chastie je que vous ne deportez vostre ennemy la ou vous le povez mettre en subgection par honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 87). Crueusement furent assaillis les huit chevalliers a celle mortelle envahie, car Pitié, qui aucunement deporté les avoit, se party de la place (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 641).

 

-

"Épargner qqn" : Par jugement jugiez sera Qui les malvais deportera Par argent ne par raençon. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 68). Et dit que vostre chappellain Soit ars avant hui que demain, Et la dame soit deportée, Qui s'estoit a li confessée. (Mir. femme roy Port., c.1342, 198). Je lez fiz huy maitin per Romme trayner A cowe de chevalz, la lez fi ge nouuer. Il sont tout pendus, n'an vol ung seulz depourter. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 433). Et s'on me vouloit croire, vo fille on ardera ; Se vous la deportés, elle vous trahira. (Tristan Nant. S., c.1350, 431). Sez fellons anemis ne vot point deporter. N'est hons, s'il le véist fierrement demener, Qui ne déust cez cos fuïr et destourner. (Hugues Capet L., c.1358, 81). Et ne devoient li dit coureur deporter homme ne femme, de quel conversation qu'il fuissent, mès tout mettre à l'espée. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 115). Dieu des dieux (...), se par ta misericorde tu me deportes jusques au jour du jugement, lors au moins verront touz les sainz et toute autre gent touz mes mauvais pechiez (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 41). Si vous requier ung don en non sainte Marie, C'est que ceste cité cy soit arse et bruÿe, C'om n'y voit deppourtant chevalier ne mesnie. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 438).

 

.

[De la mort] : Et qu'enten je par occident ? La mort qui par tout fiert son dent ; Ne grans ne petis ne deporte ; Tous nous faut passer par sa porte. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 320). Car le temps s'en va sanz retour, Et s'ore ez en ta jeune flour, Viellece vient acourant fort Et avec, que est, la mort Qui nul ne nulle ne deporte, N'a nul age ne se rapporte : Morir fault et ne scet on quant. (Gris., 1395, 12).

 

-

[D'une terre] Estre deporté. "Ne pas subir de dommage, être épargné" : Si fu en ce voiage la terre dou signeur de Couci toute deportée, ne on n'i fourfist onques riens (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 156).

 

2.

[Avec une valeur négative ou neutre]

 

a)

Deporter qqn de qqc.

 

-

"Priver, spolier qqn de qqc. (d'un bien, d'une rente)" : Et volt li rois de France que li sires de Couchi fust regars de toute Picardie ; et adonc li donna il toute la terre de Mortaigne (...) et en fu deportés messires Jaquemes de Werchin (...) qui le tenoit de la sucession son père (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 233). ...j'ay estee de long temps deportee et unqore sieu de moun annuytee de IIIJxx marcz par aun en le countee d'Everwyke (Lettres agn. L., c.1405, 364).

 

-

Se faire deporter d'un bénéfice. "Se faire, se laisser déposséder d'un bénéfice" : ...le duc estoit assez tenu de le promovoir [maistre Guy de Monmorency], car lui avoit fait laissier et soy faire deporter amiablement de l'eveschié d'Arras, qui estoit sienne et a lui contribuee, pour la transporter en la main du doyen de Vergy, abbé de Lusseul (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 270).

 

-

"Relever qqn (d'un office)" : Et ce fait, à requeste du maieur, qui pour le temps a esté, nos baillis ou chastelains deporte du dit eschevinage les onze eschevins (Hist. dr. munic. E., t.1, 1374,,, 93). Comment Toyson-d'Or, vieillard, par son instance fut déporté de son office, auquel il avoit servi le duc par l'espace de trente-six ans (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 380). Et comme il avoit oy dire que le duc tenroit une court ouverte le jour de la Penthecoste, pensa là, en pleine salle et en pleine congrégation, prier au duc pour estre déporté de son estat, considéré ses vieux jours et son impotence (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 382). Le dit feu David de Pamele a par nous esté deporté du dit estat de bailly et en son lieu y a esté par nous commis Jehan de Fretin. (Arch. Nord, 1485, B 1703, f° 118, IGLF).

 

-

"Déposer, destituer qqn" : ...feu mondit seigneur (...), pour consideracion des bons et agreables services que lui a fais ledit messire Roland longuement et loyaument en pluseurs et diverses manieres (...), a ordonné, commis et establi capitaine des chastel et ville de Dunkerke et des appartenances, en deschargant et deportant tous autres capitaines paravant par lui à ce ordonnez et establis (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 518).

 

b)

Se deporter de qqc. "Se priver de qqc." : ...Car en vous sont tous mes plaisirs mondains, Desquelz me fault a present deporter, Puis qu'ainsi est que de vous suy loingtains. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 28). Ce m'est force que d'aise me deporte, Car je la sens desja pres de la porte [la mort] Et vient logier dedans ma fantasie. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 11).

 

3.

"Renoncer à, s'abstenir de, se dispenser de"

 

a)

(Se) deporter de qqc.

 

-

"Renoncer à qqc., s'abstenir de qqc"

 

.

"Renoncer à (une entreprise, un projet...)" : "...le roy a dezir qu'a vous puist confesser. -Seigneurs, se dist saint Gilles, bien s'en doit deporter ; Je ne suis mye dignes de tel seigneur hanter." (Tristan Nant. S., c.1350, 686). "...je vous conseille (...) que vous vous deportez de ce voyage et laissez le roy d'Espaigne et le roy de Portingal faire leur guerre ensemble, car elle ne vous regarde en riens." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 126). ...il appella, et depuis se depporta de sondit appel (Trés. Reth. S.L., t.2, 1395, 393). Ce jour, maistre Pierre Chazote (...) a dit en la Court qu'il se deportoit et se deporte de son opposition qu'il avoit à l'encontre de messire Guillaume Seignet pour l'office de senechal de Beaucaire. (BAYE, II, 1411-1417, 245). ...les despens de lui, ses gens et chevaulx, de cinq jours (...) qu'il a vacqué, par le commandement et ordonnance de madicte dame, en avoir esté sejourner entour Chalon devers les gens d'armes et compaignons de Jaques de La Baulme, qui illec estoient pour leur dire, de par icelle dame, qui se desportassent des pilleries, rouberies, dommaiges et maulx qu'ilz faisoient aux subgez de mondit seigneur (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1418, 122). Sire chevalier, de telles parrolles que vous dictes vous vous peussiez bien passer et depporter et vous atendre à ce que Nostre Seigneur en fera (Cleriadus Z., c.1440-1444, 34). ...il se voult jecter a ses piés [de la reine] ; mais elle ne le voult aucunement souffrir, ains dist : "Beaux filz, depourtés vous de ces honneurs, car ils n'appartiennent pas a moy..." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 48). J'ay escript de ceste matière audit Monseigneur de Bourbon par mon clerc Alain Delacroix afin qu'il se déporte desdictes entreprinses et empeschemens (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 142). Mais quant a vous, abbé, nous vous prions que de voz grans appareilz de viandes vous deportez, car sans faulte vous en avez esté outraigeux et n'en voulons plus. (LA SALE, J.S., 1456, 253). "Mes amyz, véez-cy nostre Createur sur quoy il fault que vous jurez ; vous devez avoir grant paour que pour la mauvaistié de l'ung ou de l'autre il est yci apporté ; et, pour ce, pour l'honneur de luy, depportez -vous de ce serement [car l'un des deux sera nécessairement parjure]..." (BUEIL, II, 1461-1466, 108). ...le seigneur de Hemeries, sans moyen entredeux, sievoit cely de Rossimbos, par quoy il estoit raisonnable qu'il en eust l'absence. Et partant le conte se bouta si aigrement en ceste querelle en faveur de cely de Hemeries qu'il y eust mis corpz et chevance premier que s'en estre deporté. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 108). ...[le duc de Bourgogne] desiroit bien et voloit a luy lesser [au roi de France] ce qu'a luy appertenoit, mes a envis deporteroit aussy de ce dont ses predecesseurs avoient joÿ vertueusement de tout temps du monde. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 126). Oultre plus, s'i vous plaist, la charge A autre que moy baillerez D'aller au Roy tres noble et saige ; Autrement en disposerez, Que entre vous, comme savez, Y sont que moy plus suffisant : S'i vous plaist, vous en depporterez Et en commectrez plus duisant. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 258). A toute dilligence fist son armée et escripvit au roy, luy suppliant qu'il se voulsist deporter de ceste entreprinse, veü qu'ilz estoient comprins en sa trefve et ses alliéz. (COMM., I, 1489-1491, 123). LE MOUNYER. ...Je vous vouldroys bien demander, Si je vous vouloys embraser, Sy vous me lesseriés ponct faire. LA PREMIERE DAMOYSELLE. Deportés vous de cest afaire (Gent. moun. T., c.1500, 374).

 

.

Empl. abs. : ...le pape Bénédic et son adversaire ne se vouloient point déporter, ne délaisser la papalité comme ilz avoient promis (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.1, c.1425-1440, 244). Et se toy, Angleterre, te veulx deporter et faire tes gens retourner en ton pays (...) tu feras ton devoir (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 216).

 

.

[Aux effets d'une action déjà accomplie] "Considérer qqc. comme nul" : Si nonçons et prononçons, certefions et ratefions que nous (...) volons que nostre chier filz le prince de Galles se deporte de toutes actions faites ou à faire, restitue à tous ceulz et celles qui grevé ne pressé aroient esté par lui (...) tous cous, frès, damages, levés ou à lever, ou nom des dittes aydes et fouages. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 210). ...fut mandé et commandé à ceux du chappitre de recevoir cestui [l'évêque nommé par le Pape en dépit d'élections qui en avaient désigné un autre] et déporter de l'élection faite, sur tous les bans et interdictions que l'église peut faire. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 80).

 

.

[À un pouvoir] : ...moult pesoit aux saiges que le roy se vouloit deporter de son royaume (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 500). "Bethidès mon filz, je me depourte et demés icy de la couronne du royaume de la Grant Bretaigne..." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 510).

 

.

[À un droit, un honneur, une charge...] : Aussi, quant le duc de Berry vint en Languedoc, ledit conte se deporta de son office et n'en voult plus riens exercer dessus le duc de Berry. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 68). Et ferions tant par priière envers nostre cousin le roy dan Piètre, que vous ariés grant part au royaume de Castille ; mès de le couronne et hiretage vous faut deporter. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 29). ...se ceulx qui ce font [acheter des offices] savoient la charge que c'est et en arme et honneur, ilz s'en desporteroient. (JUV. URS., Verba, 1452, 338).

 

.

Inf. subst. Le deporter. "La renonciation (à un droit ou à un honneur)" : "...Et se jugiet et declaret estoit par droit que aultres y fust plus proismes de moy, je ne seroie point honteus ne rebelles del deporter." (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 104).

 

.

En partic. "Renoncer à (des propos supplémentaires), ne pas en dire plus, ne pas en demander davantage" : Et cheste chose se porroit Assés bien prouver, qui volroit, Par mainte raison bonne et forte, Dont a present je me deporte. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 154). Du surplus me vueil deporter, Car lors cil nous raportera Lequel de tous l'emportera (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 135). ...autres mandemens royaulx, (...) desquelz réciter et escripre je me déporte à présent pour cause de briefté. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 196). Et au fort je m'en deporte d'en plus faire mencion (JUV. URS., Nescio, 1445, 510). Je vueil bien veoir qui ce fera, Car assez commect la besongne Qui par autuy euvre et besoingne. Et a tant m'en tais et deporte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 44). - En verité, sire, dist le chevalier, vous ne homme vivant ne peuvent sçavoir mon nom, se n'est par force d'arme... - Sire, dist le Chevalier a l'Aigle d'Or, je m'en deporte atant, car je ne suis point si fol que de vouloir sçavoir vostre nom par force d'armes. - (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 138). ...mon nom ne diray a personne qui vive tant que je sçavray se je suis de tel valeur comme d'avoir nom en cestui monde. Et au cas que je faudroye a celui qui m'a icy amené, je ne vouldroie estre cognut pour nul denier. - Sire chevalier, dist la dame, puis que ainsi est, je m'en deporte atant (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 133).

 

.

Empl. abs. : ...puis elle lui encquist de son estat en plusieurs manieres, mais il lui commença a dire ce que bon lui en sambla et au demourant se deporta. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 162).

 

.

[Construction proleptique] Se deporter de qqc. que + sub. "Renoncer au fait que qqc. + sub." : [D'un côté, le duc de Bourbon ne veut pas donner la seigneurie de Chinon en dot à sa fille] et à l'autre lez, le duc de Bourgongne qui ne se voulut onques déporter de ceste terre qu'elle ne fust accordée par le traité à son fils, se tint roide et restif aussi, et monstra par samblant que de la rompture ne lui estoit riens et encore moins qu'à l'autre (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 9).

 

-

"Se dispenser de qqc. (de plus ou moins obligatoire)" : Mes anchois que de chi je wide, Nouvelles me raportera, Ne ja ne s'en deportera. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 181). Le pape et les cardinaulx (...) luy manderent qu'il allast en Avignon. Le conte ne s'en voult point excuser ne deporter, mais il y ala (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 184). Chils rois fist en son temps tamainte hastieve justice dont il se fust bien deportés, se il vosist. (FROISS., Chron. D., p.1400, 182). ...les maistres des Requestes de l'Ostel du Roy nostre sire dessusdit se deportoient et delaissoient du procès pendent en la Court (BAYE, I, 1400-1410, 2).

 

-

Prov. Bon fait de mal se deporter : Ainsi que le coursier vous porte A voz affaires hault et bas, Aussi le peuple vous apporte de quoy vous menez vos esbas. On leur fait assez de cabas, Qui leur sont fort griefz a pourter. Bon faict de mal se depourter. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 54).

 

b)

Se deporter de + inf./se deporter que

 

-

Se deporter de + inf. "S'abstenir de, renoncer à" : Li quart nom des sept sages de Romme estoit Antonius et le seurnom Judex, c'est a dire "verité regeïssans", et cilz seurnoms appartient bien a lui ou appartenoit, car pour doubte de nulluy, ne pour amistié ne pour peril en quoy nulz peüst encheoir, il ne se deportast de verité dire. (Bérinus, I, c.1350-1370, 5). Toutesvoies s'il pouoit estre Que se deportast de soy mettre En tel chemin, et demourast Et que son royaume gardast, Moult bon seroit. (Mir. ste Bauth., c.1376, 106). ...[le Roy envoïa deux notables personnes] pour le sonmer et requerir que il se vousit deporter de luy faire aucun enpechement en sa souveraineté et ressort (Songe verg. S., t.1, 1378, 283). ...attendues leurs confessions, (...) fu dit par ledit mons. le chancellier et conseil du roy qu'il se deportast de plus avant requerre les dessus diz prisonniers qu'il repetoit et requeroit à avoir (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 85). ...et fu requis, il qui parle, très-instanment, par icelli maistre d'ostel, qu'il se volsist deporter de baillier oudit mons. de Berry les lettres closes que le roy lui envoyoit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 527). A Jocaste, qui grant dueil porte, Vont dire qu'elle se deporte De faire dueil, pour festoyer Le chevalier (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 292). O grace et pitié tres immense [Marie d'Orléans], L'entree de paix et la porte, Some de benigne clemence Qui noz faultes toust et supporte, Se de vous louer me deporte, Ingrat suis, et je le maintien, Dont en ce refrain me transporte : On doit dire du bien le bien. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 43). ...force luy fut de dire au curé qu'il se deportast de hanter en sa maison (C.N.N., c.1456-1467, 440). Bulcasym fut environ ce temps disciple d'icelui Candarel et fut, après sa mort, astrologien du jeune Anthiocus, lequel voyant la nativité d'icelui congnut bien sa mort, si l'advertit qu'il se deportast de fere guerre à Judas Machabeus, qui proposoit d'aller prandre Jherusalem, ce qu'il ne voulut croire (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 65 v°). ...et rescripvirent à Demetrius qu'il se depportast de plus grever les enfans d'lsraël. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 67 r°).

 

-

Se deporter que + sub. "S'abstenir, se dispenser de" : Et, se il vente oultrageusement Ou fait froit excessivement Et nen ne se puist deporter Qu'il ne faille l'oyseau porter, Je ne tien pas celui pour fol Qui adonc le met en maillol (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 340). Portier amis (...) ne te deporte Qu'en l'eure ne m'euvres la porte, Car issir vueil. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 291). Sire, ne me vueil deporter Que je ne face cy m'offrande (Mir. st Alexis, 1382, 318). ...pensant moult fort a une pucelle qu'il amoit de bonne amour, il ne se deporta point qu'il ne commençast a dire tout hault, comme celui qui cuidoit estre seul, en telle maniere... (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 283). Qui m'aime tant que plus porter N'en puet, ne m'en puis deporter Que je, pour luy reconforter, Ne face un lay. (Percef. lyr. L., c.1450 [c.1340], 35).

C. -

En partic. [Idée de mise à l'écart de ce qui cause du souci, du tracas]

 

1.

Deporter qqn/un aspect de la personne

 

a)

"Divertir qqn, procurer détente et plaisir à qqn" : Vueil que tu sois endrappellez De ce drappel cy par desseure : A terre l'ay pris tout en l'eure Pour t'en cointir et deporter. (Mir. parr., 1356, 49). [Deduit] S'estoit assis sur l'erbe fresche Et si avoit fait aporter, Pour la gent d'Amours deporter, Uns eschés et un eschequier (Echecs amour. K., c.1370-1380, 114). Mais il [Amour] m'envoia un oubli Ou puis me sui moult deportés Et solaciés, car il fu tels Que grandement me deporta. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 56). Apriès souper on leva sus. Florée demanda les jus Pour le chevalier deporter, Et on li ala aporter Les eschés (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 8). Plus que nul aultre me complains Des grans maulx que j'ay a porter (...). Pourquoy je pri et soirs et mains C'on me vueille ung poy deporter (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 159). ...Ay voulu pour toy deporter, Ceulx aussi a qui ton fez poise, Translater en rime françoise Un assez beau petit traictié Que pour toi a fait et traictié En beau latin metrifié (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 49).

 

-

Deporter son corps/son coeur. "Se divertir, se donner du plaisir" : Telx hons puet bien rire et chanter, Dancier et son corps desporter Qui tost morra, senz plus attendre. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 159). Mais la franche pucelle estoit enamouree De Guyon de Nanteul ou proesse est doublee (...). Tant va la damoiselle qu'ell'est ou bos entree ; Son corps va deportant jusqu'à nonne sonnee (Tristan Nant. S., c.1350, 95). ...Au boys lez une fontenelle Ou mainte dame et damoiselle Furent pour leur corps depporter. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 203). Lequel de tous l'emportera, Celle qui nous fait porter A Et mainte douleur supporter, En cuidant son cueur desporter...? (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 135). Veoir povez de nous le convenant. Dittes lequel a lieu plus advenant D'avoir amie a son coeur deporter. (Percef. lyr. L., c.1450 [c.1340], 83).

 

-

Deporter le corps de qqn. "Procurer du plaisir à qqn" : Je me doie muelx hayr c'on ne poroit panser Quant un chetis garson ne me vuelt mie amer (...). Il deust estre en grant [l. engrant] de mon corpz desporter Et de faire tout quant que je volcisse commander. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 80).

 

b)

P. ext.

 

-

"Réconforter, protéger qqn" : Tu, emperere de Rome, gouverne le pueple piteusement et fay boune pais par tout, deporte tes subgiez et abat les orgueilleux, ce te enseignent les loys. (FERRON, Jeu eschaz mor. C., 1347, 211). ...nous devons amer les poures, eider et conforter a lour bosoigne, et les sofretous visiter et desporter par charité (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 188). Il estoient si bien d'acord que tout mettoient main à bourse, quant il besongnoit, et se tailloient li rice selonc leur quantité, et deportoient les povres. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 140). Finablement, les choses dessusdites sont toutes dites a la recommandacion et a la grant loenge de viellesce et des anciens que on doit sur tous amer et deporter et honnourer et craindre, car tout le bien, le sens et la bonne doctrine que nous avons, des anciens originalment viennent, sy come Architrenius dit. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 495). Le quint [commandement] : que l'on honnore son pere Et que l'on deporte sa mere. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 67). Dont entre toutes les anciennes citez, celle de Lasedemonie fust celle qui plus honnoura et depporta viellesse (LA SALE, Sale D., 1451, 199).

 

.

"Consoler qqn" : Icelluy Seth tindrent a bel [Adam et Eve], Car en leurs dueulz les depporta Et grandement les conforta. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 26).

 

.

Se deporter. "Se réconforter" : Mere, ne prenez desplaisir Du depart, et n'en siez marrie, Deportez vous avec Marie Et avec Marthe doulcement, En actendant benignement Que le vouloir de Dieu se face. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 640). Allés vous ung peu desportant Tandis (mon) mal se passera Et vous aurés qui pensera Bien de vous je vous certiffie (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 67).

 

-

"Rendre service à qqn, aider qqn" : Et tant con fu en l'abbaïe, Par lui noise n'i out oïe Ne tençon ne lede parole, Mes ou lez autres a l'escole Et au moustier touz jours estoit Et lez servet et deportoit. L'abbé servet bien et souvent Et ennourout tout le couvent (Vie st Evroul S., c.1350, 59).

 

-

Deporter qqc. "Soulager (des maux)" : Mais ne cuidez pas qu'Esperance, Qui les entreprenans avance, Oublie la ses povres gens, Pourtant s'ilz ne sont beaulx ou gens Non fait, ainçois les reconforte ; Trop seroit leur penance forte S'elle n'estoit, mais conforter Les vient pour leurs maulx deporter (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 100).

 

2.

(Se) deporter

 

-

"Se réjouir, se divertir, prendre du plaisir, se détendre" : L'ung recule, l'autre s'avance ; L'ung se plaint, l'autre se deporte. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 225). Par foy, c'est mau fait, doulce amie, De vous ainsi desconforter : Pour Dieu vueilliez vous deporter. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 238). En ce penser fui longuement, Mais ce fu si paisiblement Qu'en joie adès me deportay, Pour ce que mon penser portay En l'espoir que prendre porroie L'esprevier que tant desiroie. (MACH., D. Aler., a.1349, 264). Oiseaus ot de mainte maniere Qu'il fist aveques lui porter, Pour soy deduire et deporter. (MACH., D. Aler., a.1349, 355). Et en ce point Aigres, qui avoit un pou dormi, s'estoit esveilliez et chantoit un son d'amours pour lui deduire et deporter et pour oublïer son ennuy, et Achars se seoit assez prez de lui. (Bérinus, I, c.1350-1370, 308). Il me fault deporter, car je suis assez las (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 203). Telz chans me sont doulces leçons, En les oir tant me deport (Mir. parr., 1356, 58). Ly rois Huez Capet au matin chevauchoit, à privée maignie, car point ne se doutoit, En joie et en revel, et bel se deportoit. La menestrauderie douce vie y menoit (Hugues Capet L., c.1358, 204). Retien esperence forte De ta sorte Et n'aies pensée torte, Eins aies le cuer enclin à leesse et t'i deporte Et conforte, Ou autrement je suis morte. (MACH., Les lays, 1377, 447). Puis envoie ses plus privez messages Qui bien souvent ne sont mie trop sages, Et s'ilz portent quelque plaisans langages Qu'il leur demande, Ilz font tousjours la nouvelle plus grande Et dïent bien qu'elle se recommande A lui cent foiz, et que par eulx lui mande Qu'il se conforte Et qu'en espoir s'esjouÿsse et deporte. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 163). A mort mes membres se transportent, En vigueur plus ne se deportent Tant suis foible et debilité (LA VIGNE, S.M., 1496, 565).

 

-

Se deporter à qqc. "Prendre plaisir à qqc" : Et en dementrues je m'avise Del ymage que je portoie, Ou jadis je me deportoie (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 114). Un anelet d'or il portoit, Ou alefois se deportoit (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 148). Il semble, quant tu vas la voie, Que tu penssez trestout adez. J'amasse miex qu'au jeu dez dez Ou auls tables te deportasses Qu'en tel guise te demenasses. Ta guise mue ! (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 17). Mais a sa dame n'en souvint Qui aux dances se deporta. (CHART., B. Dame, 1424, 359).

 

.

Se deporter à/en + inf. "S'amuser à" : En tous maus faire se deporte, Quoy que nuls die. Fortune est par dessus les drois (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Fay que me solace et deporte En ta grant biauté regarder. (Mir. ev. N.D., c.1348, 77). Mais point ne se fault deporter Au mains de nuit a le porter [le "sac", sorte de culotte] A homme qui est marié Car ce seroit trop varié Contre la loy de mariage. (Barbes brayes A., a.1450, 258).

 

-

Se deporter avec qqn. "Prendre du plaisir en la compagnie de qqn" : ...il avoit une très belle damoiselle à amie où à la foiz il se deportoit ; car de grant temps avoit esté vefves. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 187). A tant pris-je congié à l'escuier, et trouvay autre compaignie avecques laquelle je me deportay. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 181). Roy Luciffer, il te fault deporter Et ton tourment hideux et miserable, Soit bien ou mal, sur ce poinct comporter, Car faire veulx ung chief d'euvre vaillable. (LA VIGNE, S.M., 1496, 368).

 

-

Se deporter d'une femme. "Jouir sexuellement d'une femme" : Dame, dist Passelion, or soiés a vostre paix, car par la foy que je doy a mon chier pere qui est mort, je ne congnois tant grant chevallier en ce païs que ne lui coppasse la teste ains que de vous me deportasse. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 767).

 

-

(Se) deporter de qqc. "S'amuser, se réjouir de qqc." : Tout le tresor du roy emporte Medee, qui jeue et depporte De ce dont encor ert dolente. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 46).

 

.

"Être content de qqc." : Mais quant li homs est mis en terre, Avec li pas ne les emporte [ses richesses], Qu'autres les a qui s'en deporte Et les despent, espoir, et gaste Et fait grant tourtel d'autrui paste. (MACH., C. ami, 1357, 70).

 

-

Se deporter en (animaux de chasse) : Mais il [le marquis] avoit son deduit mis Seul en chacier et en voler ; Seulement se voult deporter En oyseaux et en chiens chassans (...) Maiz point ne lui plot li lïens Ne li estas de marïaige. (Gris., 1395, 3).

 

-

[D'une chose] Se deporter en qqn. "Se plaire en qqn" : Et la encor le voir oÿ Dou chevalier c'on prise si, En qui proece se deporte, Qui dou soleil d'or s'arme et porte (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 136).

III. -

[Domaine de la conduite]

A. -

[Idée de manière d'être, de manière de vivre, de manière de réagir] Se deporter

 

1.

"Se conduire, se comporter, vivre (de telle ou telle manière)" : Cil qui de Dieu porte l'image Li fait despit et grant injure, S'il eslit plus qu'a la nature Des bestes se vive et deporte Qu'a l'image de Dieu, qu'il porte. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 43). Qui la veïst saint Gille qui grans fut et corsus, Ferir de sa grant hache dessus les mescreüs, Bien sembloit que tousjours il se feust combatus ; Neant plus ne se deporte ly sains homs esleüs Comme s'il feust nourris ainsy con rois ou ducs (Tristan Nant. S., c.1350, 706). Si pesant m'en semble le faiz [du mariage] Que ne le pourroye porter, Car je ne me quier deporter Fors en ma franche liberté. Du tout seroye deserté, Se me boutoye en si mau pas. (Gris., 1395, 14). Veu que je me suis, en la queste D'Amours, loyaument deporté, Fortune, passez ma requeste, Quant assez m'aurez tort porté. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 444). A mort mes membres se transportent, En vigueur plus ne se deportent Tant suis foible et debilité (LA VIGNE, S.M., 1496, 565).

 

-

Se deporter à + inf. "Se comporter de façon à, s'appliquer à" : [Une femme à celui qu'elle aime] A loyauté maintenir te deporte. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 132). Je m'esjoÿs et me deporte D'ouvrer toute euvre vertuable Qu'a mon pere scens agrëable (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 158).

 

2.

"Se calmer, se contenir, s'apaiser" : Si li a dit humblement [au roi en colère] : "Sire, Le roi saint Emont vous salue, C'est la cause de ma venue, Que pour son message apporter Plaise vous a vous deporter, Ce vous requiert par grant franchise ; De la taille qui est requise En son païs et en sa terre De par li vous en vien requerre Relaschement par courtoisie..." (Tomb. Chartr. Souvain S., c.1337-1339, 33). Ceulx de l'angarde ynellement Vindrent compter ceste aventure A leur seignour, qui en grant cure Et a moult grant angoisse estoit, Quar a son pouair s'apprestoit De recevoir ses anemis, Si fut de la nouvelle mis Entre paour et esperance, Quar des armez avoit doubtance Qu'il ne fussent encontre li ; Mais d'aultre part li embelli La blanchour et le conforta. Au mielx qu'il pot se deporta Pour ses gens tenir plus hetiez (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 7). Il faudra que je me deporte Et que croie sanz contredit Ce que le prisonnier m'a dit (Mir. fille roy, c.1379, 97). Veulliez vous ung peu deporter Et oyr ce que je diray. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 36).

 

3.

"Être dans un certain état" : [Un père est inquiet pour sa fille amoureuse] Mais il n'est pas au fond encor De la racine qu'elle porte. Ce premiers elle se deporte .I. peu mieulz assés que devant, Et puis li revient au devant Li chevaliers as rouges armes, Qui li fait plorer pluiseurs larmes Et faire lamentations. (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 297).

 

4.

Se deporter de qqc. "S'accommoder d'un état de choses, se faire une raison de qqc." : Et pour la grant desir qu'elle [Sarah, femme d'Abraham] avoit d'avoir filz de son mary lesquelz elle peust nourrir et garder, elle bailla sa meschine et la fist couchier en son propre lit, et s'en volt deporter. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 60). Laquele [femme] il voult tant essaier Et tant de courroux lui offri Qu'onques femme tant n'en souffri Qui si bien s'en sceust deporter, Car d'obeïssance porter A son seigneur en tous endrois Vint, ainsi comme ce fu drois, En l'estat de perfectïon A tresgrant consolacïon (Gris., 1395, 2). [Le marquis en répudiant Griseldis] Et va en ta vielle maison, Car nul sort n'est perpetüel A homme n'a feme ; s'est bel De s'en deporter bonnement. (Gris., 1395, 81).

B. -

[Idée de résistance, de patience]

 

-

"Supporter qqn/qqc." : Se aucuns hons a fame male, Souffrir li doit bien ceste male ; N'a mestier qu'autre male porte. Cesti ci faut il que deporte, Et s'il la scet bien deporter, Angre devront ou ciel porter S'ame quant partira du monde. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 181). Dont vous vient il a faire ainsi ? Point ne me plaist, bien le vous dy, Trop vous ay voir deportee Et (trop) souferte en ma contree (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 51). Car sans parfait et grant courage li ramena en telle maniere qu'elle sot bien droitement estaindre celle douleur et deporter si comme il appartenoit, et si ordena a trouver cause de remede convenable (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 30). Ce te doit moult reconforter A tes dolours ci deporter En bon espoir, sans contredit. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 76). La estoit Ogier, Nalme et leur oncle et nepveurs tous excepteit Gerart de Fraite, qui par son orgueil fut honis ; maiz Charles le deportoit pour son linaige, qui estoit sy grant, sy fort et sy puissant (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 92). Son couroux tout beau deporte Et le porte (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 207). Il ne m'en chaut ja se le mary que j'auray n'est point riche car je le suis assez. Je ne demande fors qu'il deporte mez oultragez [Ed. : "qu'il supporte mes excès"]. (Baud. Flandre P.-M., c.1443-1452, 100).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

Fermer la fenêtre