A. -

"Mouiller, détremper" : Yci destrempe l'erbe. (Mir. emper. Romme, 1369, 294).

-

P. anal. Destremper le ventre. "Amollir le ventre" : Et ainsi que lesdictes pillules, qui estoyent aucunement laxatives, luy eurent destrempé le ventre, contrainct de aler au retrait, il entre en ung petit lieu secret... (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 170).

.

Empl. pronom. [Du ventre] Se destremper : Par mon serment, il me sembloit Que mes boiaulx deussent saillir. Mais que fiz je ? - J'alay cuillir D'une herbe dedans mon jardin. Quant j'en eu mengé ung lopin, Ma pance bien se destrempa, Qu'amours depuis ne s'i frappa [ou est-ce au contraire "se durcir", infra C 2 ?]. (Narcissus, p.1426, 284).

B. -

"Préparer par mélange, en délayant (un breuvage, le mortier...)" : A leur propres apaulles portoient l'aigue en l'ovre Pour Dieu et pour les autres a l'amor Dieu amovre, De quoy l'on destrampoit le mortier, le cyment (Gir. Ross. H., c.1334, 269). Et ceulx dirent au messaige : Pour Remond ne pour homme de par lui, ne feroient ilz rien, et qu'il n'y retournast plus, car il feroit que folz. Par foy, dist le message, je vous promet que je m'en garderay bien, si non que je vous amaine le medicin qui vous destrempera un tel electuaire que vous en serez tous penduz par la gorge. (ARRAS, c.1392-1393, 198). Quant ce Robert d'Aumarle ot le fait advisé, Ung venin merveilleux ot le glout destrempé, N'est homs s'il en avale qui n'ait le coeur crevé (Cip. Vignevaux W., p.1400, 82). Ma dame meismes destrempa Le boire, qui les attrappa Et tout de gré la arriver Les fist (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 42). Et ainsi vesqui glorieusement un grant temps et tousjours eust fait se Fortune ne luy eust neu ; mais comme elle soit souvent envieuse de ceulx qui sont en prosperité, luy destampa a la parfin trop dur buvraige (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 775). ...sanz prendre repos elle destrempoit mortier qu'elle coaguloit ensemble. En laquelle mixtion mettoit fiel, miel, plomb, et plume ; d'ycelle matiere emplissoit buires de divers façons, lesquelles aprés versoit en petite quantité es diz moules que bien estouppoit et seeloit. (CHR. PIZ., Avision T., 1405, 74). J'ay fait destramper ung bruvaige De murre pour ly abruver (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 237). Neron, Dyoclecien, Domicien et Maximien, qui tindrent la monarche du monde, s'efforcerent d'estraindre par force ou par occision le nom crestien, et par simplesse et humilité de foy il fut essaucé. Car leurs glaives espandirent le sang innocent des martirs, ouquel fut destrempé le mortier du hault edifice de sainte Eglise. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 32). ...plus noir que sieuie destempree (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 8). Plus noire est que pevree quant destempree on l'a (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 268). ATTROPOS. Vomissés en cent mille livres, Emplisés en tost ces escaudes Et je mesleray fievres chauldes Parmy et corrumpues humeurs, Enfleures, boces et douleurs De costë, avec vert venim, Infection, fiel collubrin, Pellés ensemble et destrempés Et bouillés avec suis et poix Pour toutes regions infere. (Cene dieux, c.1492, 127).

-

Inf. subst. "Action de mélanger" : Parle a moy ung peu, hé ! ça viens, Fay aporter fiel et aysil Et sois au destemprer soubtil, Et si empli une bouteille, Et avec ce je te conseille Que tu emplisses ung flascon Ou deux de bon vin de façon. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 183).

C. -

"Tremper dans"

1.

Destremper qqc. en (un liquide) : Contre ce venin ne faut medicine que vne seule, et cest que on prent de son propre fiens et le destrempe on en eaue et puis tantost boire, ou on mourroit en leure ; car triacle ne autre medicine ny vault riens, fors ceste. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 337). ...gruyau d'avoine, destrempé en lait gruyau d'avoine, destrempé en lait (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 247). ...puis couler par une estamine ou sas, ou destremper le levain en eaue (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 264). Item por amendeir forte aleine, mangies polieul seche ou cerfuelh, ou vos transglotiseis aisil quant vous ireis doirmir, mangies sovent fueilhes de fou, et laveis vostre bouche d'asil, et mangies polieul destrenpreit en vin sovent apres mangier, si en jetera toute la puoure et vous ferat avoir bone aleine (Méd. nam. H., c.1400-1500, 203).

-

Destremper qqc. d' (un liquide). "Délayer qqc. dans un liquide" : Item, flaons ont saveur de frommage quant l'en les fait de laitances de lus, de carpes, amandes ou amidon broyez, et du saffran destrampé de vin, et de succre foison dessus (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 250). ...il jettent celle plate piere ou feu et destemprent un petit de leur farine de iaue. Et qant leur piere est escaufee, il jettent de celle clere paste sus celle caude piere et en font un petit tourtiel (FROISS., Chron. D., p.1400, 127). ...et apres chu destrenpreis poivre de blanc vin chaut, se le teneis en vostre bouche et ensi ostereis toute la puour de vostre bouche. (Méd. nam. H., c.1400-1500, 203). Et, quant on broyera lez espices, que on les destrampe de vin aigre et de vin. (Recueil Riom L., c.1466, 76). Destramper le pain de verjust, et de la pouldre de gingebre blanc (Recueil Riom L., c.1466, 82).

.

Destremper à : Ou prenez cinq grains de catepusse, autrement apelee espurge, et les pillez et destrempez a let de chievres ou a brouet, et en donnez au chien par la gorge a la quantité d'un voirre. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 122).

.

Destremper avec : ...que celui qui a prins celui venin prende fiente de homme et la destrampe avec eaue et boive celle eaue, il en guerira (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 30). ...donc tu prendras ung de ces trocz ou plusieurs et le destremperas avec suc de fumoterre (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 22). ...donc destrempés estront de loup avec bon vin et le meslés avec miel et luy faites boire (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 18).

.

Destrempé de : ...De corps humains (...) Tous destrempéz de mortelle conserve (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 184).

-

Destremper (une couleur) de. "Délayer (une couleur), la détremper dans un liquide" : Le vermeillon est nettoyé et separé de la terre et puis moulu et broyé entre pierres et destrempé du cler d'un oef, et puis on le met en painture et en escripture, et par especial es grans lettres et en l'encommencement et en la fin des livres. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 378).

-

Au fig. : Brassoys mon mal destrempé de rigueur (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 118).

2.

En partic. "Donner sa trempe (à l'acier), en chauffant au rouge et en trempant dans l'eau"

Rem. Acier destrempé "acier trempé", FEW XIII-1, 172b (JLemaire), si toutefois l'interprétation est bonne (v. aussi destremper²).