A. -

[D'une chose]

1.

"Entier, complet, total" : Il avint une matinée, Un po plus près de la levée Dou soleil que dou point dou jour, Que je fu la a grant sejour, Aussi comme jusques vers tierce Que li jours enterins se tierce, Qui en vuet faire .III. parties. (MACH., D. Aler., a.1349, 256). La ma voulenté vous diray Toute enterine. (Mir. st Val., c.1367, 139). Donnez li une de mes robes Toute enterine. (Mir. Oton, c.1370, 354). Et si les puisnez ont en leur partie fié entéring, l'ainsné de puisnez fera la foy d'icelui fié entier, et garantira aux autres puisnez en parage. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.1, 1385, 184). Et, pour ce que par sa ruÿne [de Lucifer] Nostre court n'est pas enterine, Ung homme en terre nous fault fere A nostre forme et exemplaire Pour amplir la desceance De paradix de sa semence. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 12). Et la mauditte soris (...) nous a brassé haynes enterines et sociales dedens le pays (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 266).

2.

"Entier, parfait, sans faille" : Et aussi venoit une odeur De sa douceur tant precieuse Et de saveur si gracieuse Qu'onques ne fu plus douce chose En ciel, en mer, n'en terre enclose, N'onques odeur ne fu si fine, Ne douceur, tant fust enterine, Qui n'eüst encontre li blasme, Tel com le fiel contre le basme (MACH., R. Fort., c.1341, 56). ...Tel cop lui a donné de sa hache enterine Qu'il le va pourfendant de cy en la poitrine (Tristan Nant. S., c.1350, 557). ...Malgré vous pourteray celle targe enterine. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 118). Adont armay men cors d'arméure enterine, (...) Et saisi mon escu et le lance sapine (Hugues Capet L., c.1358, 83). Qu'à sa bonté, qui toutes enlumine, N'est mondeinne bonté qui se compere, Et sa biauté, qui son gent atour pere, Plus que biauté est belle et enterine. (MACH., Les lays, 1377, 324). Et s'il estoit qu'il n'y eust point de grant pere, et qu'il eust oncles du costé et d'autre ou autres personnes plus enterines de lignage, qui auroit le gouvernement des dessus diz enfans ? (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 223).

-

"Poussé à un très haut degré" : Aprez, quant il dist et extime Thamar et aultres concubines des roix, imputant tout a crime, Ses allegances sont peu fines ; Mais ses faulsetés interines Lui font tout dire en general Et desgorgier soit bien, soit mal. (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 76).

B. -

[D'une pers., d'une manifestation de la pers.]

1.

"Entier de caractère" : ...car le continent n'est pas transmué de son opinion pour passion et pour concupiscence de quoy il est tempté ; mais quant il avient et il appartient, il est de legier transmué pour persuasion et pour raison. Mais l'autre qui est pertinax et affichié ou enterin, il ne se mue pour raison que il oe. (ORESME, E.A., c.1370, 395).

2.

"Loyal, parfait, intègre, irréprochable, pur" : ...Et monlt s'offry a la roÿne De coeur et d'amour enterine (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 154). Il est tel fois que il demande A ceuls qui sont soubs sa commande En signe d'amour enterine : "Ou est ma dame la royne ?" Einsi est dou roy honnourée. (MACH., D. Aler., a.1349, 349). Regnaut, ce dist Maugis au courage enterin (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 248). Onquez mais je ne vy plus noble pallasin Comme est Huez Capés au coraige enterin ! (Hugues Capet L., c.1358, 125). Aler vueil, s'a Dieu plaist le roy, Visiter de cuer enterin Jherusalem com pelerin (Mir. emper. Romme, 1369, 247). Car je le vi frisce et joli (...) Tres enterin et moult engrant. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 98). Et se de l'amoureuse plaie Que j'ay au cuer m'estuet morir, Si vueil je, belle, bonne et gaie, Après ma mort vous obeïr Et amer de cuer enterin. (MACH., L. dames, 1377, 159). Mais c'est d'amour certeinne et enterine Et de fin cuer qui d'amer ne se feint ; Car il est poins d'amoureuse pointure Par la douçour de vous qui en li maint, Qui doucement, par son art, Sans feu sentir et sans fumée l'art. (MACH., L. dames, 1377, 173). Tant est parfaite en tout et enterine Que trestuit cil qui sont et ont esté S'onneur, son pris, son scens, sa douceur fine En cent mille ans n'aroient recité. (MACH., L. dames, 1377, 177). Tant t'aim de cuer enterin. Dous amis, je t'ay Amé de cuer vray, Et si t'ameray, Tant com je vivray, N'autre amour ja mais n'avray. (MACH., Les lays, 1377, 447). Sire, nous avons pris la crois Conme devoz et enterins Crestiens (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 286). A doctrine As tu pacience enterine ? (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 228). ...par bonne et meure deliberacion faicte entre eulx de enterine devocion (Paris domin. angl. L., 1430, 310). Voicy humilité sans nombre Et parfaicte amour enterine Que nostre vray maistre s'encline Devant nous pour nous netoyer. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 239). JÉSUS. Peuple de pensee enterine, Gouste de mes ditz la saveur, Sans donner ne prester faveur A ypocrisie la fainte, Embrace devocion saincte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 388).

-

"Accompli, véritable" : En la sizime gloire fine, La ou toute goie s'affine, Ou Dieu ses apostles mis a, Abstinence ou tous biens s'acline, Et Jëune li enterine, Par leur gre me poserent la. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 126).

3.

Enterin de + inf. "Entièrement appliqué à" : Aus femmes serez bon voisin Secret, mais soiez enterin De mettre vostre fait ou tour Par quoy la grant joie d'amour Vient a ceulx qu'Amours endruïr Veult de ses biens (Cent ball. R., c.1388-1396, 126).