C.N.R.S.
 
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     FEINDRE     
FEW III fingere
FEINDRE, verbe
[T-L : feindre ; GD : faindre ; GDC : feindre ; AND : feindre ; DÉCT : feindre ; FEW III, 553a : fingere ; TLF : VIII, 722a : feindre]

A. -

[La feinte porte sur un objet réel, qui existe, mais qui est dissimulé ou travesti]

 

1.

"Dissimuler"

 

a)

Feindre qqc. : Quant ly peres, qui moult l'ama, En cel estat le vit par voye, Merveilles en eult et grant joye, Dont, pour faindre et couvrir sen ris, Portoit se main devant sen vis. (Dit prunier B., c.1330-1350, 56). Et lors comme elle le vey, elle le reçut et le bienveigna, et le chevalier s'enclina encontre la dame et lui fist toute la reverence qu'il peut en faignant sa mauvaise intention. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 350). Aprés vint le seigneur de Saintré, qui a un bout du preau s'estoit desabilliez (...) et vint a Madame faire la reverence, en faynant la tresamere douleur qu'il avoit au cuer. (LA SALE, J.S., 1456, 281). Messire Jehan de Croy (...) s'avisa de faindre et de restraindre un peu son annuy pour venir à son frère en secours (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 270).

 

-

Empl. abs. : Et s'il les vuet de dueil crever, Il doit son corps dou tout offrir A elles humblement souffrir, Car cils qui vit et souffrir puet Fait partie de ce qu'il vuet ; Et se dit on : "Qui sueffre, il veint" ; Et s'est vertueus qui bien feint. Einsi toutes les veinquera Par souffrir, n'il ne trouvera Donjon, closture ne muraille, N'autre voie, qui mieus y vaille. (MACH., D. Lyon, 1342, 232). ...quel peril ambicieux Est que d'omme malicieux Et caut, qui proprement scet faindre (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 45). Pareillement, au roy Balthasart qui vit une main escripvant es murs de sa salle : «Mané, Thechel, Farés», laquele escripture Danyel, sans faindre ou dissimuler, luy exposa en luy declarant que ceste nuit il seroit dechassié et privé de son royaulme. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 171).

 

b)

Se feindre. "Se cacher, ne pas apparaître" : Au souverain (c'est Dieu, qui tout crea) Requiers Pitié et supplie humblement Que trois choses qui ne sont par deça Vueille envoier pour bon gouvernement : Congnoissance (...) Et Verité (...) Et Justice qui se faint laidement (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 212).

 

-

Se feindre contre qqn. "Cacher, ne pas dire ce qu'on pense de qqn" : ...léal François avec mon prince [le duc de Bourgogne], osant prononcer vérité contre mon maistre où besoin sera, et non me feingnant de mesme contre François ny Anglois, desquels la gloire n'est à esteindre pour l'un parti, ny l'autre, mais à chascun garder sa portion selon l'advenir et fortune des cas. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 12).

 

-

Ne pas se feindre de qqc. "Ne pas cacher qqc., déclarer qqc." : Les blez et les vins sont faillis, Dont li pueples est mal baillis ; Si que Dieus d'amont nous guerrie ; Et li papes ne s'en faint mie. Li dyables atise la guerre, Aussi fait li rois d'Engleterre (MACH., Voir, 1364, 486).

 

c)

Empl. intrans. "Fléchir, s'affaisser" : Membre n'ay sur moy qui faint De douleur tant qu'il n'en peut plus. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 103).

 

2.

"Modifier en déguisant"

 

a)

Feindre qqc.

 

-

"Modifier qqc., l'apparence de qqc., déguiser qqc." : Il [le juge] ne doit faindre veritey Pour avoir ne pour poestey Ne consentir autruy barat. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 106). Un jour refus, un autre bel acueil, Moitié confort, moitié soucy et dueil, Parmy les gens rire la lerme a l'ueil, Son semblant faindre, Souffrir douleur et ne s'en oser plaindre, Et ses souspirs estrangler et refraindre, Et d'un regart a coup son mal estaindre Et sa mesaise. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 161). Car, soit en dormant ou veillant, leurs courages sont ravis a folies et a legieretez, a danser, a chanter, a saillir, a luitter, sievyr les dames, par courages effeminez faindre leurs voix pour doulcement avec elles chanter. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 207). TESTE CREUSE. J'ay ung petit trop grosse voix. MALOSTRU. Ne la scauriez vous ung peu faindre ? On ne scauroit au monde paindre Plus beau visage de valleton. NYVELET. La belle foussette au menton, Les yeulx verds. (Copp. lard., a.1488, 165).

 

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Part. passé en empl. adj. : ...il n'estoit pas resuscité Et n'estoit rien que enchanterie, Que fantosme, que resverie, Que ung corps faint, que une fiction De ceste resurrection Du Lazare dont on fait feste. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 208).

 

-

En partic. Feindre son visage. "Prendre une apparence fausse pour donner le change, composer son visage" : Ceste het trop par droit usage, Quoyqu'elle faigne son visage, Ceulx qui montent par Grant Orgueil (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 113).

 

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Part. passé en empl. adj. : Fortune fausse et parjure, Estature De nient, fainte figure, Pourtraiture D'umbre qui fuit et varie. (MACH., Les lays, 1377, 477).

 

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Feindre tel visage. : ...il faindit, comme bien le savoit faire, une sure et matte chere, et monstra semblant de courroux. (C.N.N., c.1456-1467, 231).

 

-

Feindre une couleur. "Composer une couleur (au moyen de mélanges)" : Ceste couleur [le pigment] est contee entre les couleurs faintes pour ce qu'elle est aucune fois composee de sinope et d'autres choses meslees ensemble, sicomme dit Ysidoire. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 381). Arrement est ainsi appellé pour ce qu'il est noir et est neccessaire a usaige de painture ; et est conté entre les couleurs faintes, car on le fait de suye sur pierres ardens, et y mettent les paintres de la glus [sic] avec pour estre plus reluisant. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 383).

 

b)

[D'une pers.] Se feindre. "Se déguiser, se rendre méconnaissable" : Or n'y estoit point le roy, et n'y avoit voulu venir au descouvert ; mais s'estoit muchié en une fenestre derrière aucunes dames de Paris pour non estre congnu, mais avoit la pleine vue des joustes tout à son aise. Toutesvoies ne se savoit tant muchier, ne feindre que plusieurs ne se perchussent bien qu'il y estoit (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 137).

B. -

[La feinte porte sur un objet qui n'est pas réel, qui n'existe pas, qui n'est qu'un simulacre]

 

1.

"Contrefaire, faire semblant"

 

a)

Empl. trans.

 

-

Feindre qqc. "Contrefaire, simuler qqc. (une attitude, un sentiment)" : Et aucune foiz faignent il et font teles humilitéz pour vaine gloire et par venterie, si comme firent les citoiens de Lacone en leur vestemens ou vesteure. (ORESME, E.A., c.1370, 269). Phelippes d'Artevelle (...) se repentoit de ce que parellement ou plus doucement il n'avoit escript aux prevos et jurés de Tournai, en faindant et en monstrant amour, quoique petit en i eust. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 280). Ainsi fut fait et demourerent par aucun temps, et depuis que la femme gardoit et garda estroictement son droit par sa cedule contre son mary, auquel mary pour pis eschever il couvenoit avoir ou faindre pacience en despit qu'il en eust, car il avoit pris trop tart a l'amander. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 74). Faignez [duc de Bourgogne] envers moy mal talant, A celle fin que nul n'espye Nostre amour (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 149). ...ilz faindent une vie saincte, Mais c'est ypocrisie faincte Sous l'abit de papelardie. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 222).

 

-

Feindre qqn. "Imiter, contrefaire qqn" : Je te pri (...) Que de la penance ou je vois, Faingnant le fol, c'on n'ayt avis Qui je sui n'a corps ny a vis. (Mir. parr., 1356, 31).

 

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Feindre + inf. "Faire semblant de" : Et sont Sophistes, car ilz faingnent savoir la science de politiques et non scevent (ORESME, E.A.C., c.1370, 537). Helas ! pour quoy virent onques mi oueil Biauté, pour moy decevoir et traïr, Ne corps changant ne cuer, plein de tel vueil Qu'il faint amer et ne fait que haïr ? Miex me vausist estre nés, sans mentir, Sans yex qu'amer dame, où tant truis contraire, Quant loyauté ne meint en son viaire. (MACH., L. dames, 1377, 69). ...et que quant elle verroit que l'espouse et espousée danseroyent, que elle feist semblant de recueillir à terre aucune chose qui li feust cheu, ou que elle faignist relier les lyens de ses chauses (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 357). Et ainsy comme eulx estoient à debat dudit guelle, il qui parle faingny ouyr passer au devant de ladite taverne marchans de son pays qui menassent bestail à Paris, et dist audit Bechopois qu'il aloit querre iceulx, afin qu'ilz beussent en icelle taverne ensamble (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 563). ...Item, sur Grant-Pont, en barguignant une sainture d'argent que elle vouloit ou faignoit acheter, print illec XIJ boutons d'argent que elle a venduz IIIJ s. à un mercier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 440). ...soubz couleur d'ospitalité il faingnoit non vouloir combattre contre luy, qui [qu'il] savoit plus vaillant et plus puissant en armes qu'il n'estoit (LA SALE, Sale D., 1451, 113). Oudit an LXXVIII, ou moys de novembre, ung nommé Symon Courtois, que le roy avoit fait son procureur general par toute la conté d'Artois, au moien de la treve qui estoit entre le roy et les Flamens, se partit de la ville d'Arras, faingnant aller en ses affaires au pays de Flandres. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 80). Et depuis, faignant s'emploier à la pacification desdites divisions, suborna et atrahit à luy aucuns de noz principaulx et plusieurs familiers serviteurs, et avec eulx conserva et machina en nostre personne de nous destituer de nostre auctorité et seigneurie et nous demettre de nostre liberté et franchise (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 242).

 

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Feindre estre + subst. ou adj. : ...Comment mettre a la mort le vuelent, Com le diffament, com l'abaient, Poingnent, espient et detraient, Comment il ne s'ose vangier, Comment il vit en tel dangier Qu'il li couvient feindre estre amis A ses plus mortels anemis, Comment humblement les endure... (MACH., D. Lyon, 1342, 178). Faindre estre folz et conme sages En Dieu et en ses sains messages (...), C'est usages qui endottrine Maint cuer de celer et couvrir Sa penance au monde (Mir. parr., 1356, 9). Amis, qui pour folz t'es compté Et ton sens fains estre folie... (Mir. parr., 1356, 38). ...La peine que portes cousteuse, Que tu fains estre folieuse Et qui non sensible est au monde. (Mir. parr., 1356, 38). Item, la volenté de un homme est aucune fois ou regart de choses qui ne sont pas a faire par luy meïsme, si comme aucun peut vouloir que en un champ de bataille celui ait victoire qui faint estre champion et peut vouloir que celui ait victoire qui est vray champion. (ORESME, E.A., c.1370, 185). Et gardent que les choses de quoy il se ventent, posé que elles ne soient pas vraies, que l'en n'en puisse apparcevoir la fausseté, si comme faindre estre bon medicin ou estre sage divinëeur. (ORESME, E.A., c.1370, 269). ...d'ung moyne qui faignit estre tresfort malade et en dangier de mort (C.N.N., c.1456-1467, 20). ...les novelles vindrent au roy que les Florentins avoyent prins Pont Velle d'emblee, faignans estre Françoys de l'arriere garde du roy (LA VIGNE, V.N., p.1495, 274).

 

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Feindre de + inf. : ...il te convient faindre d'estre malade tresfort (C.N.N., c.1456-1467, 134). ...je faindy d'aller dehors, et m'enbuschay en ma chambre la hault. (C.N.N., c.1456-1467, 323). ...maistre cyrurgien fainct de partir comme il avoit de coustume (C.N.N., c.1456-1467, 505). Et après cela descendirent et s'en allerent en la basse court, où ils demanderent à ceulx de la maison une ligne pour peschier es fossez de laditte Bastide, et avoit ledit Voyau du plomb et ung bout de chandelle ; et affin qu'on ne s'en apperceust de ce qu'ilz vouloyent faire, le conte demanda du fourmage, faignant de vouloir prandre du poisson. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 168).

 

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"Éviter de, se dispenser de (faire qqc.), grâce à diverses excuses" : Or avoient li doy escuier françois parlé ensamble et dit : "Se ce sont ci Alemant ou Englès, il nous fault faindre de dire que nous soions François ; et se il sont de ce pays, tant bien nous nos nommerons." (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 205).

 

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Feindre à qqn de + inf. "Tromper qqn en prétendant faire telle chose" : ...d'une gente femme mariée qui faignoit a son mary d'aler en pelerinaige (C.N.N., c.1456-1467, 19).

 

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Feindre que. "Faire semblant de/que, laisser croire que" : Il entent par Sophistes ceulz qui veulent apparoir et faignent que ilz scevent pluseurs grans choses, et il n'est pas ainsi (ORESME, E.A.C., c.1370, 453). Si que pleindre Ne compleindre Ne me vueil plus, eins vueil feindre Que mi dolereus complaint Soient meindre, Puis qu'ateindre Ne puis à riens qui esteindre Puist m'ardeur, ne qu'elle m'aint. (MACH., Les lays, 1377, 439). ...aucune fois il passoit au plus prez des embusches faites par les François, et les advisoit sanz eulx dire aucune chose, et chevauchoit tout oultre au devant d'eulx, faignant qu'il ne les eust point veuz (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 57). ...lequel prisonnier se acompaigna avec eulx, alerent un petit de chemin ensamble par ledit bois, et avec eulx survindrent à trois fois, l'un après l'autre (...) trois autres compaignons, faignans que ilz ne cognoissoient li uns l'autre. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 138). Lequel Phelipot Le Vachier (...) crioit de tout son povoir et à haulte voix : Elas ! comment auray-je ma fuer, qui est en l'ostel de ce prestre ? faignant que elle feust sa suer, et en soy estordant de ces membres. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 226). ...car quant il regarda que son oncle Tarquinus Superbus faisoit tous les josnes hommes nobles de Romme morir (...) il faignist qu'il estoit bestial et ygnorant (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 24). Si s'en retourna nostre maistre en son lit, enprès sa femme, sans dire mot ; et aussi ne fist elle, et faignoit qu'elle dormist (C.N.N., c.1456-1467, 368). ...quand il vit ceste coronne, il fist une grand admiracion, faindant que rien n'en sceust (C.N.N., c.1456-1467, 376). Il vint aux femmes qui vendoient ces palmes ou boyz, [et en acheta] feignant que ce fust pour aultre chose n'estoit venu a la bonne ville. (C.N.N., c.1456-1467, 513).

 

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"Laisser paraître que" : PATHELIN. (...) Vecy que je pensoye : Je ne faindray point que je soye Des tiens ne que je te veisse oncques. LE BERGIER. Ne ferez, Dieux ! PATHELIN. Non, rien quelconques. (Path. D., c.1456-1469, 150).

 

b)

Empl. intrans. ou pronom.

 

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(Se) feindre. "Simuler (des sentiments qu'on n'éprouve pas)" : Biaus dous amis, soiez en pais De tout ce que je di et fais ; Car je le fais pour le millour Et pour mieus celer nostre amour, Car qui en amours ne scet feindre, Il ne puet a grant joie ateindre, N'il n'a pooir de bien celer Ce qu'il ne vorroit reveler... (MACH., R. Fort., c.1341, 154). Après des dames vous diray (...) Comment elles se chevissoient : De ceaus qui si trés bien savoient Requerir, flater, losangier Et leur paroles arrengier, Aucunes en y avoit d'elles Qui savoient tours et cautelles Et faindre si trés proprement Qu'il cuidoient certainnement Meinte fois qu'elles les amassent La ou penser ne le deingnassent, N'il ne pouoient de parler Tant savoir, ne de bas voler, Qu'il ne fussent d'elles rusé, Acornardi et amusé ; Car on doit ruser les ruseurs... (MACH., D. Lyon, 1342, 215). Mais quant repos en moy nature Voloit prendre, une creature Oy qui trop fort se plaignoit, Et bien vi que pas ne faingnoit, Car son plaint si parfondement Prenoit, et son gemissement, Que j'en os horreur et frëour, Doubtance, frisson et paour. (MACH., F. am., c.1361, 145). ...et il me compta cez nouvelles, de visaige joyeulx, mais nul en la compaignie ne se sçavoit faindre si bien comme luy. (COMM., III, 1495-1498, 124).

 

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"Faire l'hypocrite" : Com grans coups donnoient cilz, Par leurs semblans couvers et faulx, Enveloppez de grans deffaux, Et quel peril ambicieux Est que d'omme malicieux Et caut, qui proprement scet faindre, Beau parler, coulourer et paindre ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 45).

 

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Feindre comme si. "Faire comme si" : Et lors prist la dame la parole et faigny comme s'elle ne sceust pas qu'il feust venus la pour maltalent (ARRAS, c.1392-1393, 208).

 

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Se feindre + attribut. "Faire semblant d'être, faire croire qu'on est + attribut" : Dieu me fiere d'espidimie, Et ma part es cieulx je renye, Se jamais vous povez trouver Que me faigne, par tromperie, Vostre loyaument, sans faulser. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 150). ...et pour ce il informe de ce le recteur, afin qu'il pourvoie au fait dudit prisonnier et d'autres qui se faignent escoliers (FAUQ., II, 1421-1430, 244). ...souvent se faindoit malade pour recevoir la medicine. (C.N.N., c.1456-1467, 517).

 

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Se feindre + inf. "Faire semblant, affecter de" : Homme, ce dit Salemon en ses Proverbes, qui parolles doulces et saintes blandist et flate son ami, ou cellui à qui se faint estre ami, fait tout ainsi que s'il espandoit rez et las au devant de ses pas pour le prendre. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 77). Car il vint au corps avecques les autres seigneurs de vostre sang, et se vesti de noir, et fut à son enterrement, soy feignant de pleurer et gémir et avoir desplaisance de sa mort (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 129). ...je me faindy estre muel, et tellement m'y suis conduit que j'ay esté ung an entier en ce paÿs sans parler a personne fors a vous. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 60).

 

c)

Part. passé. Feint

 

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[D'une pers.] "Dissimulé, hypocrite, capable de duplicité" : L'umble commun obeit et endure Fains protecteurs lui faire adversité (BAYE, II, 1411-1417, 220). Le roy, certes, estoit homme subtil et feint ; savoit reculer pour saillir plus loin ; savoit faire l'humble et le doux à couverte fin (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 456).

 

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[Des dieux de l'antiquité] "Faux" : Ceulx qui jadis sacriffioyent Aux dieux mauvais, fains et songiés, Sur toute rien estre devoyent De luxure nets et purgiez. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 244).

 

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[D'une chose] "Qui donne le change, qui n'est pas réel" : LE FRÉRE. Cousin, tost alons querre tant Palis, buissons (...) Qu'elle de mort n'eschappe pas A ceste empainte. LE COUSIN. Je n'en ay pas voulenté fainte (Mir. femme, 1368, 217).

 

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"Hypocrite, trompeur, faux" : Se m'en raporte a un devis Le quel de bonne amour reclaim : "Tant vaut mes chevaus com je l'aim," Pour moy, dès que j'en fais prisie D'une prisie auctorisie, Estraite de noble chierté, Nom pas de la fainte chierté [var. Or n'est de la sainte chierté] Qui est dite trop achetée, Mais d'une, par dame moustrée, Si comme on dit : "Ma dame chiere, Estre ne me poëz trop chiere, Tant vous aim de cuer chierement." (MACH., D. Aler., a.1349, 276). Et la sainture qu'elle a sainte N'est pas en amours chose fainte, C'est propre loial Couvenance, Cloée de ferme Fiance. Car qui couvenances affie, Neccessitez est qu'on s'i fie. (MACH., J. R. Nav., 1349, 278). Item, dire que les choses pesantes et legieres sont determinees par grandeur et par petitesce semble une chose feinte plus que aucuns autres opinions devant dis (ORESME, C.M., c.1377, 668). ...freres Jaques Pelaut et Thomas Delamare, augustins, prisonniers en la Conciergerie du Palais (...) avoient aporté de Bourges à Paris certaines lettres contenant creance, en partie adreçans à personnes incongneues, escriptes en termes de paroles faintes et couvertes (FAUQ., I, 1417-1420, 265). ...pluseurs freres mineurs, qu'on dit de l'observance, eschassez et deboutez par leur mauvais gouvernement et faincte devocion (C.N.N., c.1456-1467, 215). L'homme qui parle doulces et faintes parolles a son ami, il tent une roiz devant ses piez. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 206).

 

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"Fallacieux" : Et en ceste maniere doit l'en entendre que les estoilles sont speriques, car dire que elles sont creuses ou concaves et que elles contiennent autres corps aussi comme un vaiseau contient vin ou eaue, ce samble chose fainte et divinee. (ORESME, C.M., c.1377, 492).

 

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Feinte marchandise. "Tromperie, filouterie" : Sous ombre donques de ce privilège droit-cy se retraient en ceste dicte ville souvent, mains faulx gabuseurs trompeurs et de mauvais ars pleins, et qui sous aucune crédence que poront avoir à Paris, à Tournay, à Bruges et à Lille entre les marchans, esleveront les biens d'iceux par fainte marchandise, emprunteront grans sommes de deniers ou de vasselle d'argent sous leur crédence, et par nuit embléement trousseront tout et l'envoieront en ceste ville de Valencines (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 39).

 

d)

Inf. subst. "Action de feindre ; mensonge, tromperie" : Mais atteindre Chose graind[r]e De toy plaindre, Sans moy faindre, Puis bien, quar je sui contrains Par ton faindre De restraindre Joie engraindre Et remaindre En misere dont sui plains. (MACH., Les lays, 1377, 479).

 

2.

"Faire semblant de faire qqc., mais ne pas le faire réellement, se dérober en donnant le change, hésiter à faire qqc. "

 

a)

Empl. trans. Feindre de + inf. "Se faire prier, prendre du temps pour faire qqc., tarder à faire qqc." : Et le voulois presser de ces naves qu'il nous avoit promises par ce traicté de Verseil, qui estoient en estat de partir (et encores tenoit ledit chasteau de Napples), et il faignoit de les bailler. (COMM., III, 1495-1498, 249).

 

b)

Empl. intrans. ou pronom.

 

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Se feindre de + inf. "Hésiter à, s'abstenir de, renoncer à" : Honniz soit il qui se faindra De ferir si sur les rebelles (Mir. emp. Julien, 1351, 174). ...ens es sains chieux ne remaint Sainte ou saint, Qui se faint De loer a longhe alainne Ta virtu noble et hautainne, Qui n'amenrist ne ne fraint (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 230-231). Se d'amer me repentoie Ne feingnoie, Trop seroie contre mi ; Car tout mon temps perderoie, Que n'aroie Ja mais bon jour ne demi. Si vueil amer mon amy... (MACH., Ch. bal., 1377, 605). DALIDA. Ou est vostre force, Sanxon ? Ne me le cellez plus, beau sire. Pourquoy faignez vous a le dire ? (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 31). Mesmes son mary messire Adolf, qui en mouroit d'ennuy [de la mort de sa femme] convenoit qu'il se feindesist et qu'il se déportast d'en porter le deuil, pour mieux faire. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 217).

 

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[Par litote] Ne pas se feindre à/de + inf. "Ne pas faire semblant de, ne pas rechigner à, faire vraiment (ce qu'exprime le verbe), mettre de l'ardeur à, ne pas renoncer à" : Car puisqu'Amours me grevera Et Fortune qui honni m'a, Ma grant loiauté m'ocira, Si com j'espoir. Car mes cuers ne se porroit feindre D'amer ma dame ne refreindre ; Einsois est toudis l'amour greindre Qui en moy maint, Ne riens ne la porroit esteindre (MACH., R. Fort., c.1341, 52). Juenes homs estoit, lons et drois, Biaus, gracieus, en tous endrois. De bien ferir pas ne se faint, Il abat tout ce qu'il ataint. Enclos estoit de toutes pars ; Si se deffent comme un liepars, Quant on li vuet tollir sa proie. (MACH., P. Alex., p.1369, 69). Certes Moy et mon frere sommes cy Sain et haitié, la Dieu mercy ; Et n'i ara celui de nous Qui ne soit armez avec vous, Ne qui de bien faire se faingne, Et qui l'aventure ne prengne Tele come Dieux la nous donra ; Et quant le tricoplier venra, Se nous les avons desconfis, Liés en sera, j'en suis tous fis. (MACH., P. Alex., p.1369, 161). Si se retraisent arrière oultre le Rin ; mais li Bourghegnon ne se faindirent mies d'entrer en le conté de Montbliar et en ardirent une grant partie. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 144). Ou païs ou ma dame maint Sont mi desir et mi penser Et mes cuers qui pas ne se faint De li bien servir et amer, Car il ne fait fors que penser A s'onneur qui toute autre veint ; Et je aussi, pour li honnourer, Pri Dieu qu'à joie m'i remeint. (MACH., L. dames, 1377, 31). LA MARQUISE [aux courtisans]. (...) pour Dieu, ne vous faigniez mie De servir, chierir et doubter Le marquis, que devez amer ; Ains le servez tres humblement De plus en plus plus loyalment, Et vous ferez vostre devoir. (Gris., 1395, 87). Li duy chevalier s'entre attaignent, Qui entre occire eulx ne se faignent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 77). Point a crier cest mot horride : "Vive le leon," ne se faignent. (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 105).

 

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Ne pas se feindre à/de qqc. "Ne pas se priver, ne pas manquer de faire qqc., ne pas s'empêcher de, ne pas hésiter à, ne pas rechigner à" : BELGIBUZ, SECOND DYABLE. (...) Je leur feray leur veu brisier (...). LE PREMIER DYABLE. Amis doulx, or ne t'en fain pas, Se tu veulx aquerre m'amour (Mir. enf. diable, c.1339, 5). "Et veuil (...) que vous me jurez sur vostre foy et par vostre gentillesse que le chastel, en la forme et maniere que je le tieng, vous le tenrez, ne pour mort ne pour vie ja vous ne vous en fainderez." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 60). NICHODEMUS. La, tirez fort ! JOSEPH. Point ne m'y fains ; Mais aussi, devant, soustenez. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 359). Et madamoiselle, pour luy faire compaignie, ne s'i faignoit point. (C.N.N., c.1456-1467, 188). ...s'elle risit fort au par avant, elle ne s'en faindit pas a ceste heure. (C.N.N., c.1456-1467, 344). ...faisions la plus grand chere de jamais. Et nostre hoste, pour l'amour de nous, ne s'i faindoit pas. (C.N.N., c.1456-1467, 412). Si pourrez clerement choisir Tabor, la puissante montaigne ; Montons dessus, nul ne s'y faingne : Je m'y vueil aler deporter. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 401). Certes, Andry, vous dictes voir : Rien n'y vault ne plourer ne plaindre, Combien que je ne m'en puis faindre Toutes les foiz que il m'en souvient. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 814). Quant au regard de misteres et jeux, Ou de monstrer les espriz couraigeux, A la venue d'un si pondereux chief Par haulx exploitz d'onneur contagïeux, Nul seculier n'autre religïeux Ne s'i faignit nullement (LA VIGNE, V.N., p.1495, 191).

 

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Empl. abs. Ne pas se feindre. "Ne pas se dérober, ne pas se faire prier, ne pas se ménager" : ...se plus m'avenoit que ja la garderoie, Se peüsse exploittier, point ne me fainderoye (Flor. Rome W., c.1330-1400, 178). Volentez vuet perceverer, Et vrais Desirs vuet averer A son pooir perseverance, En gardant adès reverance ; Car vrais Desirs ne se puet faindre ; En bonnes volentez vuet maindre. (MACH., D. Aler., a.1349, 331). LE FOL. Conmenciez, et je vous suivray. (...) LE PRESTRE. Bien sçay que pas ne vous faindrez. Sus, conmençons. (Mir. parr., 1356, 58). Voelliés pensser de vous, ne vous fannyés mie. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 384). Il est chastiaus, il est fortresse A ses gens ; tant en tue et blesse, Tant en abat, tant en pourfent, Qu'il en a ocis plus de cent. Et li autre pas ne se faingnent ; Moult en ocient et mehaingnent, Et tant ont fait qu'il se sont trais A la porte parmi leurs trais, Et que la porte ont conquestée Par vive force et bien fermée... (MACH., P. Alex., p.1369, 94). Et Jedouin de Bouviller Ne se faisoit mie celer, Car fierement se combati, Et plus de XX. en abati ; Et ses freres ne se feint mie, Eins li fait bonne compaingnie. (MACH., P. Alex., p.1369, 152). Li bons roys estoit moult engrans De ses anemis desconfire. Il fiert, il boute, il sache, il tire, Et si fierement se combat Qu'il tue tout quanqu'il abat. Et li princes ne se feint mie Qu'à cent en a tollu la vie ; Et Percevaus si bien s'i prueve Qu'il detranche tous ceaus qu'il trueve. (MACH., P. Alex., p.1369, 207). LE MARQUIS. (...) Sire, alons y [à la chasse] ! Ne nous faignon, Car trop bien sces ce qu'il nous fault. (Gris., 1395, 5). ...tout li fianchierent, par la foi de lor coer que ja ne se fainderoient, mais feroient tant que il i averoient honnour et pourfit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 776). ...Par ta desmerite Es [toi, la Mort] celle qui ne te fains Et ton dart qui est soudains La joye des corps mondains A tort desherite. (TAILLEV., Lai mort Cath. Fr. D., 1446, 245). SECUNDUS PASTOR (...) Et chantons a haulte alaine Une chansonette jolye, Avant, Robin, ne te foing mye ! Pour l'amour de ce nouveau Roy Qui est venu(s) donner la loy Pour la nostre redemptïon. TERTIUS PASTOR Je chanteray sans fiction. (BOSCO, Jeu Neuch. M., c.1481-1503, 87). NYVELET. Je mectz en coche Mes lardons. MALOSTRU. Tu ne t'y fains mye. (Copp. lard., a.1488, 153).

 

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[D'un animal] "Se dérober, éviter de faire qqc." : Quant je vins la bien tost après, Je vi d'iluecques assez près Proie a mon gré bien honnourable Et pour le gerfaut couvenable. Si le laissay tantost aler Et il prist si bien a voler Et si bel que riens n'i failli, Et si asprement l'assailli Qu'a bien po qu'il ne l'ateingnoit. Mais je croy bien qu'il se feingnoit, Car briefment sa proie laissa Et devers terre s'abaissa, Si s'adressa isnellement, Dont je fui esbahis forment, Ou il choisi un chahuant... (MACH., D. Aler., a.1349, 383).

 

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(Se) feindre

 

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"Se retenir, hésiter" : Frappe fort Gaultier, tu te fains. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 34).

 

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"Se dérober, manquer d'ardeur" : Amours, tu scez qu'elle m'a fait mal maint Et que siens sui toudis, vueille ou ne vueille. Mais quant tu fuis et Loyautés se feint Et Pitez n'a talent qu'elle s'esveille, Je n'y voy autre confort Com tost morir ; car en grant desconfort Desdains, Refus, regars qui mon cuer part, Cil troy m'ont mort et elle que Dieus gart. (MACH., L. dames, 1377, 185). Car pour li seul, qui endure mal maint, Pitié deffaut, où toute biauté maint ; Durtés y regne et Dangiers y remaint, Desdains y vit et Loyautés s'i faint Et Amours n'a de li ne de moy cure. (MACH., Motés, 1377, 501). Et faisoient trop bien moustre, li Englès et li Navarois, et ordenance de bataille ; et puis se faindoient et point ne traioient avant, car il ne se veoient à juste pareçon contre les François. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 190). ...l'escuier (...) vey tantost que sa entente estoit voire ; mais il se faindy et tourna sa parolle aultrement, et dist : "Dieu gart le preud'omme". (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 54). ...se il vous demande ou vous vos vodrés retraire, vous vos fainderés et li dirés que vous avés oy nouvelles dou roi vostre mari, et que il vous remande (FROISS., Chron. D., p.1400, 56). SAINCT PIERRE. Qui se faint soit mis a l'amende, Car, quant a moy, je fais devoir. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 63).

 

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"Réfréner son ardeur, rester en retrait" : Mais sur tous Cleriadus passoit tout et touteffoys estoit il si gracieux que aucuneffoys se faignoit pour laisser avoir le pris aux autres compaignons de la court (Cleriadus Z., c.1440-1444, 25). Or, monseigneur mon frere, c'est par vous que je l'ay gaynié, qui vous estes faint (LA SALE, J.S., 1456, 120).

 

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"Manquer de courage" : Li juges doit tout escouter Et ne doit faindre ne branler (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 106). ...quant ilz [les ennemis] veyrent le secour et ayde aux Attainyens, cuidans que ce fuissent gens d'armes, s'encommencherent a esbahir et eulx faindre. Les Athainyens, perchevans la paour que avoyent leurs anemys, se ferirent dedens eulx (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 158).

 

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"Être paresseux" : Tel est assez fort qui se faint ; Tel n'est point las qui se repose (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 93).

 

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Sans (se) feindre. "Sans répit, sans relâche, sans renoncer" : Des s'effance de cuer sans faindre S'amort a Dieu servir et craindre (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 7). Si que d'Amours me vueil loer et pleindre : Loer m'en vueil en tant que sans refreindre Fait mon vray cuer en tel dame remeindre Ou tout bien meint ; Mais je m'en plein pour ce que, pour li creindre, Servir, amer et desirer sans feindre, Ne puis faire qu'a merci puisse ateindre Ne qu'elle m'eint. (MACH., F. am., c.1361, 159). Helas ! mon cuer, bien le doy pleindre, Quant j'ay perdu ce que j'amoie Plus que moy, de cuer et sans feindre ; Trestoute m'entente y mettoie. (MACH., L. dames, 1377, 112). Mais il se puet assez compleindre ; Car sa dure dolour remeindre Ne puet n'estaindre, Qu'Amours, sans feindre, Fait en li meindre .I. desespoir qui le sourveint, Et, pour li plus forment contreindre, Le fait destreindre, Sans joie atteindre... (MACH., Les lays, 1377, 283). ...elle scet que sans feindre Mes cuers tous en li remaint. (MACH., Les lays, 1377, 439). Je ne sçay plus a qui me plaindre Si n'est cryer sans me faindre : Je suis bien en malle heure nee. (Pac. Job M., c.1448-1478, 313).

 

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"Sans hésiter, franchement" : Adont sur le piet ly passa Sy fort comme elle pot, sans faindre, Et ung doit lui ala estraindre Sy fort qu'elle lui fist croquier (Dit prunier B., c.1330-1350, 53).

 

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Se feindre à/de + inf. "Se faire prier pour, mettre beaucoup de temps à, être négligent pour" : "Belle suer, n'est drois que je me faigne, D'acomplir vo vouloir est drois que je m'empaigne, Et je le ferai bien..." (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 20). ...quoique li dus Jehans de Braibant fust cousins germains au roi d'Engleterre, si se faindoit ils de li aidier, ensi que faire deuist, et estoit moult pesans a esmouvoir. (FROISS., Chron. D., p.1400, 292). PILATE. ...S'il y a celui d'entre vous Qui se faingne a bien le secourre, Il ne sçara ja si bien courre Qu'au gibet ne le face pendre. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 361).

 

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Inf. subst. "Manque d'ardeur" : ...Et quant il [les éperviers] viennent pour l'attaindre [le lièvre], Adonc ne parlés pas du faindre, Car les levriers le vont baillant L'un a l'autre et le vont branlant. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 399).

 

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Part. passé en empl. adj. "Indifférent, distant, qui montre peu d'ardeur" : Souvent disoit [Phebus] a vois destainte : "Dane, pour quoi m'es tu si fainte Ne si nuiseuse Quant tu ne me daignes amer ? " (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 96). Quant vous tenez mon serviteur, Et vostre doleur apparçoy, Montrer au doy On me devroit, se tenir quoy Vouloye, comme faynt seigneur (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 391).

 

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Feint de + inf. "Négligent de, qui manque d'ardeur pour" : ...en amour serés de tel courroie sains Que ja de bien amer ne sera vos cuers fains (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 98).

 

3.

"Imaginer, inventer qqc. ; se représenter qqc."

 

a)

"Présenter comme vrai ce qui est inventé, inventer, imaginer qqc." : Sans faille, on pourroit dire que Platon a cautelle, ja soit ce que ce feust a bonne entente, faignoit ce que dit est des esperes du ciel pour mieulx le simple peuple attraire et encliner a vivre honnestement et vertueusement a la fin qu'ilz peussent aprés la mort avoir ou ciel leur part de celle melodie et des grans biens qu'elle signifioit. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 66). ...la fable ancienne qui de Ampheon et de Orpheüs est fainte quant elle dit qu'ilz faisoient les pierres et les arbres et les haultes montaignes courre aprés eulx pour oïr les doulx sons et les grans melodies qu'ilz faisoient (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 88). De ceste Cerés faignirent les pouettes la fable comment sa fille luy fu ravie par Pluto le dieu d'enffer. (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 744). ...ilz [les Anciens] assambloient les poeuples de divers lieux et faingnoyent aulcune chose nouvelle adfin qu'ilz sceussent et se trouvassent en aucune unité (LA SALE, Sale D., 1451, 188). Cestui livre doncques, appellé Dyalogue des creatures , fainct matieres joyeuses affin que la gravité des meurs et la convenableté de la doctrine des auctoritez des sains docteurs soit aournée. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 82).

 

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Feindre que. "Faire croire (en imaginant une situation fictive) que" : [Atlas]...s'en fuy en une montaigne en Grece, qui pour ce est encore appelée Athlas ; et si faignent les poetes que pour sa grant astronomie il porte et tourne le ciel. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 193). A Midas, qui fu puis roy, quant il estoit petit en son barseil, les formis portoient grains de fourment en signe qu'il seroit encores tres riches homs. Dont les poetes si faignirent que, de son actoucement, les choses devenoient d'or. (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 125). ...ilz [les Anciens] assambloient les poeuples de divers lieux et aulcune chose nouvelle adfin qu'ilz sceussent et se trouvassent en aucune unité (...). Si comme fist Cadmus (...) qui faingnist (...) que Pallas la deesse de Sapience lui dist qu'il semast les dens d'icellui serpent (LA SALE, Sale D., 1451, 188). Or nous fault yci laissier le nom du pays, de la terre et de son hostel ou elle aloit (...) mais faindray que son principal hostel fust a une lieue d'une bonne cité (LA SALE, J.S., 1456, 243).

 

b)

"Inventer faussement" : "...De tout ton pouoir [de femme] donc garde ton cuer et eschieve tout che que on peut faindre de toy. Ne laisse pas aler emprés toy le procureur a cheveux crespis, ne le herault qui contrefait la fenme, non la doulceur envenimee du chantre du Dyable, non pas le jovenceau blanc et tendre. Ne te chaille de user de mauvais art, riens de l'abilité ne soit a ton service, aies les soulas de ton sexe", c'est les assamblees des vesves et des vierges. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 387).

 

c)

"Se représenter qqc." : Et avant toutes choses je deprie les oyans que il vueillent faindre et prendre l'exemple de la mouche à miel, et facent aussi comme elle fait (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 36).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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