C.N.R.S.
 
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     FEINTE     
FEW III fingere
FEINTE, subst. fém.
[T-L : feinte ; GD : fainte ; GDC : feinte ; AND : feint ; FEW III, 553b : fingere ; TLF : VIII, 723a : feinte]

A. -

[Comme attitude]

 

1.

"Fait de feindre, de faire semblant" : De l'ueil me soubzris, mais c'est fainte, Et soubz decepte, doulx accueil. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 414). [Jaÿrius :] Or est elle de mal actainte (...) Que j'ay peur que mort s'en ensuyve. [Moab :] Certes, sire, ce n'est pas faincte ; Toutesfoys, on en a veu mainte Aussi malade et encore vivre. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 80).

 

-

De feinte./Par feinte. "En faisant semblant, en apparence" : [Joseph à Marie :] Vostre ventre est fort engrossy. (...) Vous monstrez vous ainsi par faincte Ou se, de fait, estes ensaincte (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 59). [À propos du crucifiement du Christ] Tu n'y as pas frappé [au coeur] de fainte ; L'ouverture y est grande et large. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 425).

 

-

Sans feinte : Dieux immortelz, j'ay devant vostre honneur A proposer une piteuse plainte. Entendés y, je vous supply du cueur Et y mettés le remede sans fainte. (Cene dieux, c.1492, 109).

 

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"Aussitôt (réellement et non en apparence)" : O, douloureuse complaincte Que sans faincte Par contraincte Fist alors le bon seigneur ! (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 205). Mais c'om avise la besongne Sans fainte et sans querir eslongne (Concil Basle B., 1434, 112). Au moustier voy [moi, la mère de Villon], dont suis parroissïenne, Paradiz paint, ou sont harpes et leuz, Et ung enffer, ou dampnez sont bouluz ; L'un me fait paour, l'autre joye et lïesse. La joye avoir me fais, haulte deesse, A qui pecheurs doivent tous recourir, Comblés de foy, sans faincte ne parresse : En ceste foy je vueil vivre et mourir. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 80). [Éd. : «négligence, défaillance, ou hypocrisie ; l'expression porte sur recourir»]

 

-

Sous feinte + adj. : Et vint le premier à lui ledit Empereur du Houx soubz feinte amiable, qui le print par dessoubz le bras icellui Petit Jehan, en le tenant fermement et lui disant qu'il n'eust point de paour des dessudiz et qu'ilz ne lui feroient point de mal. Et, en lui disant ces choses, vint ledit Regnault Goris, qui frappa ledit Petit jehan d'une pierre par la teste (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 59).

 

.

Sous feinte de + inf. "Sous l'apparence de" : Mais prestement, soubz fainte de vouloir estre protecteur et garde des biens de ladicte Marie, sa parente et filleuille, soubz umbre d'amistié et à main forte, il prist en sa main tous les pays de Bourgoingne (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 154). ...et se soient les aucuns desditz pays, soubz couleur et fainte de nous vouloir servir ou autrement, mis sus en armes et assemblé grant nombre de gens de guerre tenans les champs contre nostre vouloir et plaisir, et sans les vouloir despartir quant leur avons mandé. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 226).

 

-

(Ne pas faire qqc.) à feintes . "Faire qqc. bel et bien" : "Trop souvent je trouvoie bonne aventure que me sailloit en la main d'un marchand de Rabasten ou de Thoulouse ou de Rodez ; je ne chevauchoie sans doute point à faintes que je ne presisse quelque chose." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 190).

 

-

Faire la feinte. "Mentir" : ...et de quoy le roy fist toudis la [var. sa] fainte en contraire responce (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 113).

 

2.

"Action destinée à masquer (quelque chose), tromperie, subterfuge" : Posé que ledit son fils presist à titre le voiage de Turquie, sy ne s'en fit-il que farser et dire que c'estoit une fainte et une excusation frivole. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 186). Et leur dit comment sa mere l'avoit pressé de sçavoir le conseil du senat et comment il avoit esté battu pour ce qu'il ne le avoit voulu reveler et que, pour eviter la batteure, il avoit fait ceste fainte et revelé a sa mere, qui(l) luy avoit proumis qu'elle le tendroit secret. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 178). SATHAN. (...)Ma raison totalle E(s)t plus principalle, C'est de les grever [le juif et le chrétien], Car leur face palle Pourchasseray malle. Pour les agraver, Fainctes eslever Et me preserver, Monstres, espouentables faces, Pour vous abruver, Venez approuver Icy voz tirannicques traces ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 123). ...pluseurs personnes treuvent et quierent pluseurs fintes et cautelles et font pluseurs appallacions frivolles à bien petitte occasion (Hist. dr. munic. E., t.3, 1483, 516).

 

Rem. Autres ex. : Abuzé D., c.1450-1470, 101 ; Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 21.

 

-

Se couvrir feinte en qqn. "Se dissimuler de la ruse chez qqn" : Mais ce fay je pour faire le vif personnage de leur dire, en quel se sembloit couvrir fainte. (CHASTELL., ROBERTET, MONTFERRANT, Douze dames rhétor. C., 1462-1463, 130).

 

-

Loc. adv. En feinte. "En mentant, hypocritement" : ...il dist en fainte : « ...je ne suis pas tant coulpable de ce que sus me mettez que vous cuidiés, et s'aucune chose en est, ce a esté sur mon corps deffendant .- Haa ! faulz et mauvais, vous faillés a dire vray, car nullement croire ne vous puis» (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 883).

 

-

Sans (nulle) feinte. "Sans hypocrisie" : ...Mais que sans amour et sans fainte Ne soit en eulz pitié estaint (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 80). La voulenté voire sans fainte Si est reputee pour le fait, C'elle est necte comme jacinte, Le pardon si est tout parfait (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 215). On s'entreamoit de cueur sans nulle faincte (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 27).

B. -

[Comme procédé (au théâtre, dans la narration, en mus.)]

 

1.

"Effet spécial de mise en scène dramatique produit par des machines, des décorations" : Icy s'en aillent la mere de Jhesus et ses femmes et les apostres et disciples deux et deux ou Cenacle, sans en partir jusques aprés la fainte des langues de feu qui leur y seront envoyees pour le mistere de la Penthecoste (Myst. Résurr. Angers S., 1456, 841). Que aucuns d'eux [qui ont perruques] seront d'une faincte, Mais qu'on joue la Passion. Et s'on fait quelque fiction Le jour du Sacrement, l'un d'eux Jouera l'Annonciation, Pource qu'ilz ont si beaux cheveulx ! (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 338). [Éd. « représentation »]

 

Rem. Doc. 1456 ds GD III, 702b.

 

2.

"Histoire inventée pour abuser de la crédulité de qqn, fiction" : ...ung grand livre rimé (...), lequel aucun controuveur a mis en rime par grandes faintes et bourdes controuvées (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1358, 1).

 

-

[En tant genre du théâtre profane] : Faiz es villes et es cytez Farces [Fainctes [var. de l'imprimé de 1489]], jeuz et moralitez (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 131). [note au vers 1704]

 

3.

Au plur. MUS. "Bémols ou dièses accidentels (dont l'utilisation permet d'obtenir des accords que le recours aux seules notes de la gamme ne rendrait pas possibles)" : L'art de musique est plaisant (...) Par fainctes souvent il supplie A parfaire les doulx acors Dont procede la melodie Qui resjoyt ames et corps. (GARIN, Compl., 1460, 77).
 

DMF 2020 - Synthèse Béatrice Stumpf

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