A. -

"Nourriture"

1.

"Nourriture des animaux" : Et non pas pour communiquer en mangier et en boire comme font les bestes d'une pasture. (ORESME, E.A., c.1370, 488). Qu'autrement nul bien ne vueil, S'il ne vient par leur escueil Et par leur gracieus vueil, À cui je sui plus sougis C'un chiennet devant l'orgueil D'un lyon, quant il ha dueil Qu'il n'a pasture en son breuil Pour ses faonnés petis. (MACH., Les lays, 1377, 390). Item, ledit escuïer a en ladicte forest pastures pour toutes ses bestes en icelle forest, excepté chievres et hors deffens, pourveu toutesvoiez que le boiz n'en puisse empirer. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 161). Faire lors du tout abstinence De poisson par espécial, De tout le poisson bestial, Et d'autre qui reçoit pasture De lymon et vit en ordure (LA HAYE, P. peste, 1426, 93). Puis lui dist : "Sire, souviengne vous que les arbres, tant plus sont ilz vers et haulx, de tant plus sont ilz abatuz, et est souvent advenu que les cruelz lions ont esté pasture aux petiz oyseaux". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 64 v°).

Rem. WAUQUELIN, Belle Hélène Const. C., c.1448-1452, 132.

-

Faire pasture aux vers. "Servir de nourriture aux vers, les engraisser" : O Atropos, pourquoy as tu celle ente Mortifiee, et du tout mis envers Pour desormais faire pasture aux vers ? (LA VIGNE, V.N., p.1495, 314).

2.

"Nourriture (humaine)" : Mais chascuns des lions l'onneure Et li fait feste et reverence, Sans moleste, sans violence. La [Daniel] fu sis jours, que creature Pain ne vin ne autre pasture Ne li donna, n'aus set lions, Plus familleus qu'alerions (MACH., C. ami, 1357, 41). Tout fut rifflé par le plaisir d'amours Et tout galé sanz compte et sanz mesure, Et buvoit on de gros cops et de lours Et avoit on souvent grace pasture ; Mès aussi el en devint si tres pure Qu'il n'ot vaillant sur li n'en sa meson, Dehors le [cul], qui vausist .J. ramon. (MACH., App., 1377, 637). Li os [l'armée] ne puet as cans avoir nulle duree, Car pasturez faloient (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 89).

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Aller à la pasture. "Aller manger" : Joieus s'en vont a la pasture, A feste vont et a soulas (Mir. N.D. Rosarius K., c.1330, 144).

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Prendre (sa) pasture. "Manger" : Chiez belle hostesse vois savoir, Ou souvent prennent leur pasture, S'il y seroient d'aventure. (Mir. fille roy, c.1379, 62). Or ay souffert grant pacïence En ceste fosse longuement, En pleurant tres amerement, Sans menger ne prendre pasture (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 808).

3.

P. anal. "Proie" : ...les povres sont la pasture des riches (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 425). SATHAN. A ces deux cy fault que je glane. Voycy droictement ma pasture En ce boys et joly prature. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 8).

-

[Domaine sexuel] : ...quant il avoit apetit de jouer du jeu d'amourettes, il queroit autre pasture que sa vieille, qui n'avoit plus nulles dens (TARDIF, Facéties Pogge D.H.-P., c.1490, 166).

4.

Au fig.

a)

"Nourriture" : Si ne doit plus demander Cils qui a bonne Esperence, Dous Penser, Joie et Plaisence, Car qui plus requiert, je di Qu'Amours l'a guerpi. Dont cils qui vit de si douce pasture Vie d'onneur puet bien et doit mener, Car de tous biens a a comble mesure, Plus qu'autres cuers ne saroit desirer, Ne d'autre merci rouver N'a desir, cuer, ne bëance, Pour ce qu'il a souffissance. (MACH., R. Fort., c.1341, 72). Tant est doulce nourreture D'amer Dieu et son gré faire (...). C'est vie a l'ame et pasture (Mir. st Sev., 1362, 203). Et dont doit bien la menie amoureuse Estre sa jus de vous louer [la Vierge] soingneuse, Quant touz les jours de saintisme pasture La recrée vostre doulce porteure. (Mir. Berthe, c.1373, 255). Tres bonne et bele, mi oueil Joieuse pasture Prennent en vostre figure, Simple et sans orgueil, Et mes cuers en vostre acueil Vie et douce norriture. (MACH., L. dames, 1377, 185). S'à moult douce norriture Qui vit de telle pasture, Qu'amans, qui en li figure D'Amours la droite figure, Fuit et het tous mauvais tours, Pechié, vice, mespresure Et quanqu'il touche à laidure (MACH., Les lays, 1377, 350). Vous me fettes ici une malle pasture (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 572). Mais Dieu, par sa bonté, qui ot de ton arme cure, Te vint amenistrer de son corps en pasture. (Prières saints R., t.2, 1400-1450, 190). O enfant de noble nature, Pain des anges bien eüreux, Tu rendras les humains joyeux En leurs donnant saincte paisture ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 216).

Rem. Myst. process. Lille K., t.3, a.1485, gloss. (peture).

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Amoureuse pasture : ...Car long seray de vo douce figure, Helas ! dolens, et n'aray creature Qui me conforte Ne qui me doint joieuse norriture Ne repaisse d'amoureuse pasture Ne qui sache la tres douce pointure Que mes cuers porte. (MACH., Compl., 1340-1377, 259). De desconfort, de martyre amoureus, De griés soupirs, d'une crueuse ardure, De pleins, de plours, d'un mal tres dolereus Pleins et peüs de triste nourriture, Vuis et geüns d'amoureuse pasture, Vit en morant, dame, li cuers de mi En desirant vostre douce merci. (MACH., Bal., 1377, 542). Mais nuls homs ne m'en doit blamer Ne diffamer, Puis qu'afamer Me vuet d'amoureuse pasture. (MACH., Les lays, 1377, 282).

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Pasture espirituelle : Et, ja soit ce que ces bestes, c'est assavoir lez Sarrazins, ne soient mie subjés, quant a la pasture espirituele, au Pape de Ronme, neantmoins ilz luy sont subjés quant a la seignourie et quant a la puissance (Songe verg. S., t.1, 1378, 317).

b)

"Éducation" : Je vous ay fait nourrir en si bonne pasture, Or m'avés relinqui dont j'ay pitié trop dure. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 572).

Rem. Ordonn. rois Fr. S., t.5, 1371, 419 (GD VI, 36c).

c)

"Satisfaction donnée à qqn (en partic. pour compenser des dommages)"

Rem. GRÉBAN, Pass. J., c.1450, gloss.

B. -

"Lieu où l'on fait paître le bétail" : ...se aucun pasture ou finaige et justice d'autruy et il est prins pasturant en cest lieu et il allegue avoir usage de pasturer en ce lieu et en celle justice par tiltre ou par longue possession, le plait durant, recreance sera faite des bestes et de la pasture par une foiz et par toutes les prinses, sur caucion de pleges (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 90). ADAM. (...) Caÿn, qui est le plus ancien, Sera mis en agriculture, Et Abel, ainsi que je tien, Menra les brebis en paisture (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 90). Nous sommes en bonne paisture Pres de Bethlëen la cité, Pour trouver en grant quantité De nos troupiaux la norriture. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 206).

Rem. Renart contref. R.L., 1328-1342, gloss.

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Vaine pasture. V. vain

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[P. métaph. ou dans un cont. métaph.] : JHESUS. [à Saint Pierre]. Or prens donc cure De mener en bonne pasture Mes brebis, car je te les livre (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 274).

C. -

"Débris d'herbe (qui souille la laine des moutons)" : ...de le lainne a tout le sun, rewardée huers, c'est a entendre dont on oste pasture, rougne, gart et vilainne crote, doit-on avoir pour le pois 13 lb. et demie. (Drap. Valenc. E., 1344, 273).