C.N.R.S.
 
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     PASSAGE     
FEW VII 714a *passare
PASSAGE, subst. masc.
[T-L : passage ; GD : passage ; GDC : passage ; DÉCT : passage ; FEW VII, 714a : *passare ; TLF : XII, 1087b : passage1]

A. -

[Sans idée d'aboutissement] "Action de passer en un lieu, de se trouver là en venant de qq. part et en allant qq. part"

 

1.

Au propre : A ung courrier, envoyé à Masseille et en Arle, ledit jour, adviser lesdites villes du passaige des Gascons qui allaient à Jenne et à Milan. (Comptes roi René A., t.3, 1478, 136).

 

-

Fille de passage. "Femme facile, prostituée" : Vous avez esté en fourrage ["vadrouiller"] Despendre follement le vostre ; En quelque fille de passage Avez fait du paillard avoutre. (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 164).

 

2.

Au fig. "Voie, lieu, circonstance" : Car tes ydoles, Ou tu te affoles Et faiz hommages, Ce sont frivolles Folles parolles Et faulx ymages. En telz passages Ne sont pas sages Ceulx qui font dieux d'or et de pierre, Car ce ne sont que humains ouvrages, Et provient de laches courages De vouloir telles choses croire. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 195). Or advint en quelque passage Que leur pere, tant bon et sage [,] Les vid bien faictz (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 213). Ce temps durant, eust ung desir fort singulier, luy procedant de tout son cueur, de povoir donner une grant pollice en ce royaume, principallement sur la longueur des procès, et, en ce passaige, bien brider ceste court de Parlement : non point diminuer le nombre ne leur auctorité, mais il avoit contre cueur plusieurs choses dont il la haÿssoit. (COMM., II, 1489-1491, 278).

 

3.

"Endroit dans un ouvrage littéraire" : Aucuns dient qu'il escripvit de astrologie et assignent cause, pour ce que Jergis le recite en plusieurs passages. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 20 r°).

 

-

[Dans une pièce de théâtre] : SAINCT MARTIN. Je suis de vivre au monde las (...). (Nota qu'en ce passage conviendra jouer la farce.) Mes freres et mes bons amys, De fievres suis si fort actainct Que mon corps en tel poinct est mys Que mort a mourir le contrainct (LA VIGNE, S.M., 1496, 559).

 

-

"Ce qui est dit en tel ou tel endroit de l'ouvrage" : "Si je ne monstre qu'il soit ainsi que la Vierge Marie soit conceue en peché originel, je vuel que l'on m'apelle Huet", et onques puis icelui nom ne tomba à icelle ordre et nagueres sur ce passage fut faicte une balade (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 149 r°).

B. -

[Avec idée d'aboutissement] "Action de passer, d'aller au-delà (avec plus ou moins de difficulté), de traverser un lieu, de franchir un obstacle"

 

1.

Au propre : S'en ont trop grant merveille eü ; Dont pluseurs y ot qui juroient Que le passage essaieroient, Car bien cuidoient estre tel Qu'il feroient tout autretel. S'il y passerent, plus n'en say. (MACH., D. Lyon, 1342, 235). Moyse par ses merites ou prieres fist deviser la mer et donner sec passage entre lez ondes au peuple d'Israël. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 167). ...le miracle qu'il fit au passage de la riviere de Loire a gué (JUV. URS., T. crest., c.1446, 89). Ha ! dit le curé, je suis perdu, mon fait est descouvert ; quelque ung nous a pourchassé ce passage. [Un piège lui est tendu sur la route qu'il suit pour rejoindre sa maîtresse] (C.N.N., c.1456-1467, 354). Et si garderent l'armee de desordre Par tous les lieulx et pays qu'ilz passerent Pour les raisons qu'entre eulx contrepenserent, Et non sans cause, car en ung tel passaige Qui mal passoit ne se monstroit pas saige. Premier passa monseigneur d'Orleans Jusques en Ast, lequel se tint leans Tant que le roy voulut oultre passer, Pour subjuguer les mutins doleans (LA VIGNE, V.N., p.1495, 150).

 

-

Avoir un passage qq. part. "Avoir une possibilité de passer" : Il faisoit mener sept ou huit petiz bateaux sur charriotz et plusieurs pipes par pièces en intencion de faire ung pont sur la rivière de Seine, pour ce que ces seigneurs n'y avoient point de passaige. (COMM., I, 1489-1491, 45).

 

-

Defendre / contredire / rompre... le passage à qqn. "Barrer la voie à qqn (au propre ou au fig.), empêcher qqn de passer" : Ces deux nuiz (...), je me mis a voie De venir a vous, biau doulx sire, Mais la mére Dieu contredire Me vint ces deux jours le passage (Mir. nonne, 1345, 345). Dyane laissa sa fonteinne Et s'escria a haute alainne : "Dis, tu ne l'en porteras mie ! Tu l'as mauvaisement ravie. Je te deffendrai le passage, Car tu es sus mon heritage. Laisse moy tantost la pucelle !" Quant Dis entendi la nouvelle, Ses chevaus hastë et son erre Et durement, sans mot dire, erre. (MACH., C. ami, 1357, 87). Ledit duc d'Alençon assembla moult grant gent et se ala metre en ladite ville d'Abbeville et rompit le passage audit roy d'Engleterre (CAGNY, Chron. M., 1436, 17).

 

-

Ouvrir le passage à qqn. "Ouvrir la voie à qqn (au propre ou au fig.), le faire passer" : Quant le passage a tous ay bien ouvert, En nostre enffer je les sers a couvert, Sces tu commant ? Par belles legions. (LA VIGNE, S.M., 1496, 477).

 

-

Lettre de passage. "Laissez-passer" : Et nous baillerent lesdiz monseigneur Henry de Bar et monseigneur de Coucy leurs lettres de passage pour retourner en France. (Voy. Jérus., c.1395, 98). ...mon dit seigneur fist les monstres et cassa ceulx qui estoient à casser, et les gens de bien mist en ordennance, et les meschans et tout leur bagage en furent envoyés ; et eurent lettre de passage de mon dit seigneur. (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 188).

 

2.

[L'idée prédominante est celle de difficulté] : Car de .c. encontre .j. i a trop fort passage. Par force fu getés a terre sus l'erbage (Bât. Bouillon C., c.1350, 148).

 

-

Prov. : Commencement n'est point fusee. Au prime vient le dur passaige. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 664).

 

3.

En partic. "Traversée sur un navire"

 

a)

"Traversée d'une rivière, d'une voie d'eau" : Et de là se parti ledit Temir Bey et s'en ala sur la riviere d'Eufrate, qui est une moult grosse riviere, et là fist faire en V jours tant de vaisseaux et de passaiges qu'il passa ses gens en moins de deux jours et demi, qui estoient plus de million et demi. (Doc. 1403. In : H. Moranvillé, Bibl. Éc. Chartes 55, 1894, 454). [Ou faut-il comprendre "ce qui permet de passer la rivière, embarcation, bac ?" ; var. de barches et de passagiers]

 

b)

"Traversée en mer, voyage d'outre-mer" : ...vezla Le maistre [du navire] (...). Je vous dy qu'il vous fault avoir, Se voulez parler du passage, Un homme parlant son langage (Mir. fille roy, c.1379, 57). Pour le haste de mon passage Qu'il me couvient faire oultre mer, Tout ce que j'ay en mon courage A present ne vous puis mander. (CH. D'ORLÉANS, Car. C., c.1415-1440, 140). Abrigés vous, et sans demeure Alons monter sur la naville. Elle est preste et est ja en l'isle Ou nous devons prandre a nater. J'ay ja du passaige accorder ["J'ai de quoi payer la traversée"] : Cent solz en avra le pastron. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 177). ...les Vénitiens (...) traitoient durement et très-austèrement infinité d'hommes, qui par devers eux venoient pour avoir passage, et n'en passoient nuls, sinon de qui ils pouvoient avoir argent. (...) Une chose toutesvoies y avoit bonne devers eux ; car, s'ils eussent livré passage à autant de monde qui venoit devers eux tous les jours atout la croix en leur poitrine (...), il en fust venu si grand playe et si grand foulle tant à eux comme à autrui, et telle desrision à la chrestienté, que jamais n'eust esté réparable (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 48).

 

-

Faire passage à qqn. "Faire traverser la mer à qqn" : ...ou cas que mondit seigneur le Roy ou ses successeurs, pour l'utilité du royaume vouldroient ordonner et mectre sus aucunes armées oudit pais de Flandres, en aucuns des pors d'icellui, pour faire passage à puissance de gens et de navire en Angleterre (Ch. VI, D., t.1, 1403, 251).

 

c)

"Croisade" : [Croisade de Pierre Ier] Il prist ferme conclusion, À grant deliberation, Par maintes fois en son corage, Qu'il entreprenroit le passage. (MACH., P. Alex., p.1369, 11). Se ses peres, qui roy estoit, Et qui coronne d'or portoit, Sceüst dou fil l'entrepresure, Et qu'il metoit toute sa cure En ce passage seulement, Trop s'en courroussast durement, Si l'en peüst espoir retraire, Par force ou par sarrement faire. (MACH., P. Alex., p.1369, 13). Apres fu le roy de Hongrie, Qui promist confort et aïe Au passage, et y mettera, Quant li poins et li tamps sera, Son corps, sa chevance et dou sien Autant comme autre roy crestien. (MACH., P. Alex., p.1369, 41). Si li respondi qu'il feroit Einsi com li rois de Hongrie ; Et de ce ne se doubtoit mie, Qu'il penroit à lui exemplaire, Et feroit ce qu'il vorroit faire, Car il desiroit le passage Et le tres saint pelerinage. Li roys de bon cuer les mercie De leur confort, de leur aïe (MACH., P. Alex., p.1369, 45). Nous disons que vous n'estes saiges, Quant vous voulés faire passaiges Contre Sarrazins ou paiens (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 26).

 

-

Le (saint) passage (d'Outremer) : Comme nous aions veu la grant volenté que le roy nostre sire a a faire le passage d'Oultremer... (Doc. 1334. In : P. Gasnault, Bibl. Éc. Chartes 120, 1962, 177). Premierement, a recehu du tresaurier du saint passage, de la somme de 10000 l. tournois (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1335, 10). ...pour le grant profit et avancement du saint passage d'Oultremer (Doc. 1335. In : J. Miret, Le Moy. Âge 20, 1917-1918, 64). ...Si revenray à ma pensée, Dou damoiset, que Dieus confort, Qui pensoit jour et nuit si fort Au saint passage, que, sans doubte, Il y metoit s'entente toute. (MACH., P. Alex., p.1369, 16). ...de vie à trespassement Li roys de France ala briefment ; Et aussi fist li cardinaus Qui en ce fait estoit legaus. Dont ce fu pitez et damages, Car li sains et devos passages En fu tous au recommencier ; Car on se devoit adrecier À ces IJ. par especial, Comme à seigneurs et court roial. (MACH., P. Alex., p.1369, 23). ...Et pour ce qu'il voloit traitier Comment il li feïst aye De gens, d'avoir ou de navie, Pour le tres saint pelerinage, Qu'on appelle le saint passage, Car cils roys l'avoit entrepris ; Et qu'il aroit honneur et pris, Se o li le voloit entreprendre. (MACH., P. Alex., p.1369, 33). Encores, ma tres doulce dame, je vous recommande le saint passage d'oultre mer et le secours de la Terre Saincte et tous ceulx et toutes celles qui ont devotion, desir et esperance que le saint passage se faisse et que la saincte cité de Jerusalem et la terre saincte soyent delivrees de la main des anemis de la foy (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 397). Ce bon roy, qu'on debvoit amer, Pour le passage d'Oultre mer Les princes christïens aloit Priant (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 69). ...ce très saint passaige de Prusse qui briefment contre les Sarrasins se faisoit (LA SALE, J.S. E., 1456, 292).

 

.

P. ext. "Pèlerinage" : Desquelx nasquist madamoiselle Marie, qui fut mariee a monseigneur Robert, daulphin de Vyenne ; laquelle trespassa a Lesmirre, faisant le saint passaige avecques son mary en Jherusalem. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 179).

 

4.

Au fig. "Fait de passer d'un état à un autre"

 

a)

[À propos de la vie qui conduit à l'au-delà] : Encores est a scavoir que Dieu est aultrement ez creatures de ce monde estans en ceste pelerination et passage, et aultrement ez benois, qui sont ou royaume des cieulz et ou pays de repos eternel. (Somme abr., c.1477-1481, 126). Cestui eut Plaudes à disciple, le plus vif en engin que l'on sceust et, lorsqu'il commançoit, mort lui coppa le passage de vie, dont fut grant dommage. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 108 r°).

 

-

Le passage de mort. "La mort" : En la sueur de ton visage Prandras ton pain et ta substance, Jusques tu retornes au passage De mort, qui t'a en sa puissance (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 64).

 

-

Le passage. "La mort" : ...et avoit d'emprès luy son fils le cardinal d'Authun, qui luy donna toute absolution de peine et de coulpe, telle que le pape, et l'assista de la foy vaillamment jusques au derrenier article du passage (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 214). Certainement ilz demeurent ou bien voulsisse demourer, en jeuz, en festes et esbaz avecques les princes, dames et chevaliers. Mais remede ne sçay, car je suys au passaige. (Livre de Thezeo B., c.1457-1461, 674).

 

b)

"Fait de passer d'un état (psychique, affectif...) à un autre" : S'en entray en une pensée, Sus le tans passé apensée, Ou je pris un courtois deport, Li quels me mena au droit port Pour passer de doleur en joie, Si comme autre fois fait avoie. Quant ce dous passage senti Et que mes cuers se consenti Au penser debonnairement, Je congnu mon aligement. (MACH., D. Aler., a.1349, 384).

C. -

P. méton. "Endroit par où l'on passe (avec plus ou moins de difficulté), lieu de franchissement"

 

1.

Au propre : Et quant je vins seur le rivage, N'i vi pont, planche ne passage Par ou je peüsse passer. Si pris durement a penser Comment et par ou passeroie En vergier, et rapasseroie, Car l'eaue estoit parfonde et large (MACH., D. Lyon, 1342, 163). Si s'en ala a grant eslais Droit devant le triste palais D'enfer ou mainte ame dolente Pleure, souspire et se demente. A l'entree de ce passage Trois dames ot, pleinnes de rage, Et s'estoient si grans maistresses Qu'elles s'appelloient deesses, L'une d'orgueil, l'autre d'envie, L'autre de toute tricherie. (MACH., C. ami, 1357, 82). ...Afin qu'entrée, ne passage Ne truit par terre ne par nage, Par quoy se mette en ce royaume. (Mir. ste Bauth., c.1376, 125). ...les Anglois (...) estre irritez à faire plus grans dommages ou païs environ et ailleurs, et tenir le passage plus restraint et plus estroit, et empescher tous les vivres et marchandises dessusdis et autres neccessités pour ladicte ville de Paris. (FAUQ., I, 1417-1420, 352). ...comme ceste mule, qui de VIIJ jours n'avoit beu, parceut la riviere, courant sans demander pont ne passage, elle de plain vol saulta dedans (C.N.N., c.1456-1467, 313). ...Jardins plaisans, fleurs de doulceurs remplyes, Et de beaultez sur toutes acomplyes, Petiz prëaulx, passages et barrieres, Costé fontaines et petites rivieres Pour s'esjouïr et a la fois s'esbatre, Ou sont ymaiges antiques d'albastre, De marbre blanc et de porphire aussi (LA VIGNE, V.N., p.1495, 248).

 

Rem. Ds l'ex. suiv., passage est du genre fém. (désigne ici un lieu où l'on peut passer moyennant deux navires mis côte-à-côte sur la rivière dont ils occupent la largeur) : Nos navires bien faites sont ; Au lez de la passage sont. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 191).

 

-

Eslire passage. "Choisir un lieu par où passer" : LE PORTIER DE LA VILLE. Que grant deable sçai ge ? SOUBDAN. Puisque par cy avons esleu passaige, Ouvrez nous tost et que plus on ne raille. LE BOURGOIS. Brief congnoistrez que vous n'estes pas sage Si une foys approchez la muraille. (LA VIGNE, S.M., 1496, 231).

 

-

En partic. "Endroit prévu pour passer (souvent moyennant un droit)" : Tant que Nassardins les vint querre Li renoiez, car en la terre N'avoit homme qui les peüst Si bien conduire ne sceüst, Pour ce qu'il savoit les langages, Le païs et tous les passages. (MACH., P. Alex., p.1369, 190). Autretel est il des pontoniers et gardez des passaiges des rivieres, especialment sur la Sone et sur le Roone. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 67). Item, ce jour a esté pourparlé sur la provision des petis pons et passages pour le marrain (BAYE, I, 1400-1410, 220).

 

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Ports et passages : Item, ilz sont frans d'alouages et frans de coustume de vendre et d'acheter es fo[i]rez et marchiéz et es pors et p[a]ssages de toute la terre qui fu au conte de Meullenc. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 104). ...en oultre que es pors, passages et yssues desdis royaume et Dauphiné soient ordonnez et commis diligens explorateurs qui aient povoir de prendre et arrester les personnes et finances que on transportera hors desdis royaume et Dauphiné (FAUQ., I, 1417-1420, 111).

 

-

ART MILIT. "Lieu où l'on peut passer" : Saint Germain est la clef et le passage Ou passer fault, soit a gaing ou dommaige, Et dont se doit saisir et acoustrer Qui au royaume de Napples veult entrer. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 245). Avant que le roy fust joinct à Sainct-Germain, s'en alla le roy Ferrand en grand desordre et habandonna la ville et passaige. (COMM., III, 1495-1498, 92).

 

-

En partic. CHASSE "Lieu où passe le gibier" : ...quant il [le sanglier] saudra par dessus le passoer [var. passoir, passage]... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 158). Tous mes levriers prins (...), allans au passage ; Mais la beste (...) Ouÿt les chiens (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 275).

 

-

[Contexte métaph.] : Mais pas n'avoie bien apris Tous ses tours [d'Amours], quant l'amer empris ; Si faurra que je les aprengne Et que le frein a mes dens prengne, Se je vueil vivre en son servage. Je n'y voy plus seür passage, Car je sens et voy clerement Par mon fait, et non autrement, Que cuer d'amant qui aimme fort Or a joie, or a desconfort, Or rit, or pleure, or chante, or plaint (MACH., R. Fort., c.1341, 32). Tu m'as demandé ung point et passaige qui m'est troup difficile a octroyer, que je doyve relinquir a mes dieux par lesqueulx je me gouverne pour adourer ton seul dieu, du quel tu m'as parlé. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 6).

 

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[Désigne ici l'endroit par lequel le mal peut s'insinuer pour nuire aux hommes, malgré la résistance qu'on lui oppose] : Helas, qui pouroit cloire l'uys Et le trelhis A traÿson et a malice ? (...) Tousjours pertuis Trouve malvaitié, forte espice ! (...) Maulvaitié a divers passaiges. (Pass. Auv., 1477, 111).

 

2.

[Avec insistance sur l'idée de difficulté] "Endroit difficile à passer (au propre ou au fig.)" : Car li chastiaus est fors, felon sont li passage. (Bât. Bouillon C., c.1350, 195). A Olophernés fu conté Comment li Juïf sont monté Sur les montaignes, pour deffendre Le passage (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 218). Et est environnee d'une eaue parfonde et lee, sy que nul n'y puet passer se par ung pont non, si est le plus perilleux passage du monde, car il est si estroit que nul n'y puet passer a cheval. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 70). ...pour faire mon conte du légat archevesque de Milan, qui vint battant ferrant à Brusselles, tout escolé et du pape et du roy, à poste de l'un et de l'autre ; mais trouva bien un fort passage toutesfois, et plus estroit qu'il n'eut cuidié avant venir là. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 352).

 

3.

Au fig. "Difficulté, moment, épisode difficile, douloureux" : Mais le bon sainct, courtois et saige, Pacïemment print ce passage De ceulx qui luy furent nuysans. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 200). ...accoustumé et apprins du fier et redoubté mestier et passaige de champ cloz. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 165). Hellas, s'on m'eust donné doctrine Lors que j'estoye en jeune eage, Chastÿement et discipline, J'eusse evicté ce dur passaige ! Oÿ, ma mere fut peu sage De m'avoir tant amygnoté ; Pleust a Dieu que de malle rage En son corps je fusse avorté ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 320).

 

-

Passer le passage / ce passage. "Passer un mauvais pas (en partic. celui de la mort)" : Nulz advocas pour quelconque replique Ne scet plaidier sans passer ce passage, Ne chevalier tant ait ermine frique ; Tuit y mourront, et li fol et li sage (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 183). Passer m'a fait ce passaige Et paier doulent truaige (Narcissus, p.1426, 302). Pour rachapter nature humayne a poinct, Si ung homme n'avoit la suffisance De satisfaire a ceste dure offence, Ne pouoit Dieu, en son hault paradis, Une ange prandre, voire pour une dix, Et luy donner si grant prehemynence De dignyté et haultayne influence Que digne fust de passer ce passaige (LA VIGNE, S.M., 1496, 338).

 

Rem. Autres ex. ds DI STEF., 651a.

D. -

P. méton. "Droit dont on s'acquitte pour passer, droit dû pour la traversée d'une contrée, d'un pont..." : Des passages du pont Hebert et de St Fromont sur la riviere de Vire, par le compte de Martin l'Ours, viconte et receveur de Carenten (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 51). ...et leur accorda que eulx fussent quictez par tout Engleterre et Normendie de tonnelieu, passage et pontage et pasnage et regart de forest, et de toutes coustumes de leurs choses. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 2).

 

-

(Droit de) haut passage. "Droit de douane" : ...les hault passages et impositions forraines (Trés. Reth. L., t.3, 1418, 14).

 

Rem. Droit de haut-passage : A. Henry, Z. rom. Philol. 59, 1939, 337 ; Ph. Contamine, Guerre, Etat et soc. à la fin du Moy. Age, 1972, 205.

 

-

"Tribut imposé par une armée qui passe qq. part" : ...iceulx escuiers en venant au mandement de mondit seigneur en armes pour le servir et acompaigner furent loigiez sur la terre desdiz Mathelins et y prindrent vivres et forraiges, ainsi que gens d'armes pour leurs vivres et passaige ont accoustumé (Comptes Etat bourg. M.F., t.2, 1419, 425).

 

-

[Contexte métaph.] : Pallas li pronmist grandement Qu'elle le feroit le plus sage Qui au monde deüst passage, Mes que la ponme li jugast, Et qu'a tous jours li demourast. Et Juno qui pas ne fut siche Ly pronmist que tout le plus riche Qui fust au monde le feroit, Se la ponme li offroit Par jugement a la plus belle. (Livre amour. all. F., c.1398-1430, 16). DEUS. (...) Et toy quil reçoix les passaigez, Ensuy moy, sy feras que saige. Plux publicque de toy ne vy, Tu as nom Mathé et le c[r]y ; Suy moy, tes pechiers te pardonne. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 123). [Réf. à Luc 5, 27]

E. -

[Corresp. à passer III C 3] "Action de contracter, contrat" : A dieu te dis, ma mie, sur ce passage Vy et me ayme ! quelque fois nous dirons Autre chose [comme des amants qui doivent cacher leur amour], mais de ce te prions Que ne croies que moins brule que toy Du feu d'amours (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 138).

 

Rem. SAINT-GELAIS, Ep. d'Ov., ds GD VI, 22b.
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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