I. -

[Pilier ou empilement]

A. -

"Pilier" : Et lors se prenoit li veillars a embracher son enfant et monstroit au peuple les despeulles des Curaces qui pendoient ilecques sur une pile qui encores est appelee la pile oraciene (BERS., I, 1, c.1354-1359, 26.10, 44). À Laurens de la Fons et Colin du Molin, paveurs, la somme de 61 l. 9 s. p., qui due leur etoit, pour avoir fait une pille de chaussée sur le chemin de Saint Denis en France (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1424-1425, 58).

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"Pilori" : Dieu, que fu batus en la pile, Maudit il a en l'euvangile Ung home que veul vivre seul. (Fol Mari A., a.1470, 514).

B. -

"Empilement, entassement d'objets de même nature" : Tout (est) a vostre commandement, Quanque il en y a en la pille [la pile de draps], Et n'eussiez vous ne croix ne pille (Path. D., c.1456-1469, 68).

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En partic. Pile de poids de balance. "Poids s'emboîtant les uns dans les autres" : Item, trois pilles de pois de balances, l'un de vint marcs, l'autre de quatre, tout de cuyvre et ung autre de 8 marcs, qui est de plomb, 35 s. (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 271).

Rem. Cf. GD VI, 158a, et FEW VIII, 476b.

II. -

MONN.

A. -

"Coin servant à frapper le revers d'une monnaie" : ...pour avoir remis à point et retaillé la pille dont on fait les getonets pour eulx servir oudit hostel qui estoit resoulée, 22 s. p. (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1443-1444, 383). Et lors ledit receveur bailla audit Laisné ung noble à la rose ; lequel Laisné incontinant se mist à faire lesdiz fers, pille et coings, et les tailla tous prestz, et firent lui et ledit receveur certaine quantité de nobles d'argent fin que ledit Laisné bailla audit receveur et sembloit que lesdiz nobles feussent d'or, mais ilz n'estoient que dorez par dessus seullement. (Doc. Poitou G., t.12, 1482, 554). ...le dechiet, ouvraige et monnoiaige d'iceulx gectons, et pour les trousseaulx et pilles dont ilz ont esté emprains aux armes de ladicte ville (Comptes Paris M., t.2, 1488-1489, 514).

B. -

"Envers d'une monnaie (p. oppos. à la face, ou croix)" : En l'an dessus dit MCCCLIIII, ou mois de janvier, fist faire le Roy florins de fin or appellez florins à l'aignel, pour ce que en la pille avoit un aignel, et estoient de LII ou marc. (Chron. Jean II Ch. V, D., t.1, c.1375, 49). Et dist que avant ce que iceulx coings feussent du tout eschevez de faire et graver, ilz y ouvrerent l'espace d'un mois, à divers jours et heures, et que la croix d'iceulx blans il qui parle grava en la teste d'un gros martel à orfevre, et la pile en une anglusme appartenant audit Robinet. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 489). Maistre prenez vous crois ou pille ? (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 153). ...on fist monnoye à deux blancs, en laquelle avoit par devers la pille les deux escuz de France et d'Angleterre (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.1, c.1437-1464, 29).

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 194 ; t.7, 257 ; 264 ; MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 766, 826.

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N'avoir croix ne pile. V. croix "Être sans le sou" : ...il ne font nul mal a homme qui soit nés, Fors de tollir vitaille quant il n'en ont assez, Car il n'ont croix ne pille ne deniers monnoyés (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 236). LE PREMIER SOIEUR. (...) Nous n'avons touz deux croix ne pille ; Ne partons pas de ceste ville Sanz gaignier ent. (Mir. femme, 1368, 185). ...plus n'avois croix ne pille (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 167). LE DRAPPIER. Or bien Il couvient adviser combien Vous en voulez, premierement ; Tout (est) a vostre commandement, Quanque il en y a en la pille, Et n'eussiez vous ne croix ne pille. (Path. D., c.1456-1469, 68). Et si n'avoient ne croix ne pille ny ne sçavoient à grant peine où ilz alloient (COMM., I, 1489-1491, 202). Hellas, je n'ay pille ne crois (LA VIGNE, S.M., 1496, 545). Mon bon pere, tous les tresors Dont tu m'avois baillé la charge Ay despendus, je t'en descharge ; Je n'en ay plus ne croix ne pille (Myst. st Laur. S.W., 1499, 207).

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Ne prendre ne croix ne pile. "Ne pas accepter un sou" : Les sergens de ceste ville Ne prennent plus ne croix ne pille (Rapp., c.1480, 64).

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"Ne pas exiger d'argent" : Par saint Guillain, Il ha prés de cy un villain Qui demeure au bout de la ville : Il ne penroit ne crois ne pile Et s'a une belle chambrette A .II. lis, qui est assés nette, Ou bien serés et a couvert, Et s'i ara de l'erbe vert. (MACH., Voir, 1364, 336).

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Sans croix ne pile. "Sans un sou, sans rien" : Laissez le aller sans croix ne pille, Le Deable l'ait ou trou Sebille ! (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 517). Combien, au plus fort de mes maulx, En cheminant sans croix ne pille (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 29).

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Croix ne pile. "Rien" : Je ne soubstiens pille ne crois, Mais au jour d'uy, s'il chiet en coche, Il surviendra quelque espinoche Qui relievera nostre dance (LA VIGNE, S.M., 1496, 265).

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Estre ne croix ne pile. "Être sans rien" : LE SAVETIER. De Dieu puist il estre mauldis, Dame, qui le vous y fera. LA LETIERE. Amen, et qui plus en donra Que je soie (,) ne croix [ne] pille (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 31).

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JEUX Jouer à croix et à pile. V. croix "Jouer à pile ou face" : Le Roy, pour jouer à croiz et à pille, 2 frans, bailliez à lui par Pierre Le Borgne, escuier de messire Johan de Harcourt (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1383, 208). Après lequel souper, par les oppressions, ennortements, prieres, requestes et temptacions dudit prisonnier, qui parloit et intreduisoit eulx qui parlent de jouer aus croix et aus piles, et aussi au jeu de dez, disant qu'ils jouassent hardiment, et s'ilz perdoient, qu'il en paieroit la moitié (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 138). Et lors vit que ledit Pelerin, qui estoit moult eschauffé de jouer aus dez ou aus croix et aus piles, requist lui qui parle et lesdiz compaignons qui estoient à ladite table qu'ilz jouassent ausdiz jeux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 141).