A. -

[Idée de calme, de repos, de quiétude]

1.

"Calme (de la nuit)" : Lesquelz sur le serain et requoy de la nuit s'estoient tapis et mucez emprès une porte. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 262-263).

-

"Calme (après la fête)" : Chevaliers, dammes et damoiselles prindrent congé des roiz et des roynes ; et touz et toutes furent retraiz es lieux ou il leur estoit ordonné. Quant le palaiz fut tout vuydé et a requoy, la royne de Duglouse dist a celle de Valentinois (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 78).

-

"Lieu calme" : ...elle [Ysiphile] se jetta du sommet de celle roche en celle mer et la se noya, dont ce fu pitié. Mais sa fortune fu telle qu'en ce meismez jour la mer la porta contre la nef de Jason waucrant encoires par la mer, en un recoy la ou il avoit fait anchrer sa nef pour reposer la nuyt. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 217). LE DYABLE [à la fille du Roi, égarée dans la forêt.] Voulez vous venir a requoy En l'ostel ou je vous merroye ? (Moralité six pers. A., c.1490-1520, 515).

2.

"Repos ; calme intérieur, tranquillité d'esprit" : Aux grans maistres Dieu doint bien fere, Vivans en paix et en requoy ; En eulx il n'y a que reffaire, Si s'en fait bon taire tout quoy. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 38). [Les ambassadeurs d'Orient :] C'est droit cy le prince (...) de qui (...) il [des souverains étrangers] esperent et requierent ayde, confort et garant alencontre du cruel ennemy de Dieu et de sa loy sainte. Et n'a esté autre fin desiree en nous a nostre partement que de nous trouver la ou nous sommes et la ou nous mettons et posons les bonnes de nostre requoy et de tout nostre espoir et acquest. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 290).

-

À recoi. "En repos" : ...ains qu'en Angorie puissons estre a requois Nous faura conquester maint castel maginois (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 541). Sire, jamais ne quier couchier En lit tant qu'esté y aray. Par vostre conseil ouverray : G'y vois sanz plus estre a recoy. (Mir. mère pape, c.1355, 356). Jamais ne seray a requoy Tant que sera l'eau aprestee (Myst. st Clément Metz D., p.1439, 193).

.

"En paix, tranquillement" : Or disne en ceste escuellotte Et mangue tout a requoy. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 61).

-

Se tenir à recoi. "Garder son calme" : SAINCT MARTIN. Frere, tenez vous a requoy, Car au plaisir de Dieu le Pere, Le faulx deable, pour si ne quoy, Ne luy fera nul vitupere. Retirez vous tous, car j'espere, Puisque sans baptesme il est mort, Moyennant de nous la priere, Qu'il passera ce dur remort. (LA VIGNE, S.M., 1496, 381).

B. -

[Idée de lieu retiré, caché]

1.

"Endroit retiré, à l'écart" : Mais si gentement se maintegne Qu'adès honneur en sa main teingne, Humbles, amiables et cois A toutes gens. Et li recois Ou quel il se doit reposer, C'est qu'il doit son cuer disposer En une amoureuse doubtance, Attendans par douce affiance D'Amours et de dame le gré (MACH., D. Aler., a.1349, 262). Hunault vient en la salle si a trouvé le roy, Doulcement l'appella et mist en ung recoy (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 20). Au plus quoiement que je peus M'en vinch en un requoi tous seus, Car n'est pas bon que cascuns sace Les grans anois qu'a soi on sace Quant le mains on s'en donne garde (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 51). O dame, il y a bien raison ; Si vous reciteray pour quoy, Car je viens cy en ce requoy Requerir mercy de l'offence Que j'ay faict a vostre innocence. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 183).

-

À/en recoi. "À part, à l'écart" : Soit en requoi, en chambres et en festes, Riens ne me poet plaire ne resjoïr Se ne vous puis ou veoir ou oïr (FROISS., Orl., 1368, 102). DEUXIESME CHEVALIER. (...) Quelles nouvelles ? REMON. Quelles, sire ? bonnes et belles. Vezci de quoy. LE CONTE. Traions nous ça plus a recoy, Et veons que c'est. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 12). ...et ordena que, pour le travail qu'il avoit eu, souppast en sa chambre à requoy, et il mena avec lui souper le roy des Rommains, les ducs, les princes et chevaliers de l'Empereur, et grant et notable souper y ot (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 105). ...et sur une fenestre se trayrent a recoy pour parler de ce qui leur touçoit. (Cligès C.T., 1455, 138).

-

En son recoi. "Dans son lieu à soi, dans son coin" : LE BOURGEOIS. (...) Saches d'errer ne fineray Jusqu'a tant qu'en maison seray En mon recoy. (Mir. march. juif, c.1377, 210). Guanellon est venu a la tente du roy, Illec l'a trouvé qui fut en son recoy (Galien D.B., c.1400-1500, 42).

-

[À propos d'un hermite qui vit comme une bête sauvage] "Repaire" : Preudon, (...) si vous fas une demande Que me diez raison pour quoy Ou creux faisiez vostre recoy Et s'aviez d'autre loge point. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 132).

2.

"Cachette" : Ho ! Perrotin, ci nous tenons Sanz dire mot chascun tout coy. Seoir me vueil en ce recoy : Siez toy aussi. (Mir. nonne, 1345, 324). Quant cils pensers fu affermez Et dedens mon cuer bien fermez, Je dis en moy : "Ho la !" tout coy, Et puis m'assis en un recoy, Pour cel esprivier espier Qui bel se savoit cointier, Pour vëoir quel part il iroit, Quant de la se departiroit. (MACH., D. Aler., a.1349, 260). ...je vous pry tout avant que vous emportez de ce tresor a tel planté que jamaiz n'en aiez disete et le mettez en recoy bien en sauf (Bérinus, I, c.1350-1370, 395). Le varlet qui la fu se mit en ung requoit, Et quant la veille vit que bien mussé estoit... (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 18). LE PREMIER CRESTIEN. Maistre, monstrés nous ung requoy Ou nous mettrons ces povres corps. LE PREMIER NAVETIER. Mettés les la a ces resors, Près du debout de ma navire. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 164).

-

À/en recoi. "En secret, secrètement, à voix basse" : Mais la dame, ou toute pais a, De ses dous ieus le rapaisa, Si que tost en joie revint Et de son dueil ne li souvint. Lors demandé encor pourquoy Devant les gens et a requoy Li lions si grant dueil faisoit, Et commant si tost s'apaisoit, Et que les bestes li demendent Qui toutes a li honnir tendent. (MACH., D. Lyon, 1342, 224). Adonc se monstra devant moi Une vielle qui en recoi Deles moi s'estoit tenue Et que pas apercëue N'avoie qui moult hydeuse Me fu et moult monstrueuse (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 45). JOSEPH À MARIE. Onques maiz chanter ne vous vi Ne vostre douce voiz n'oui. Et voi qu'il faut, ce m'est avis, Que de vous soie departis Comment que soit celeement, En recoi et repostement. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 57). Ainsi s'image m'envoia Par le vallet qui s'avoia A moi et me dist en recoi : "Sire, voy cy je ne sai quoi Que vostre dame vous envoie, Et bien m'a dit, se Dieus m'avoie, Qu'en autre main la chose n'aille Qu'a vous : tenés, je la vous baille !" Et je la reçus lyement Et la prins honnourablement, Et puis de men or li donnai. (MACH., Voir, 1364, 172). Nuit et jour en tel traveil Est le povre cuer de moi, Car onques tourment pareil Ne senti, si com je croi, Car sans cesser, en recoi, De celli cui sui amie Regrette la compagnie. Car je ne dors ne ne veil Se n'est en pensant a soi, A son maintien sans orgueil, A son gracieus arroy ; Et de son doulz esbanoy Souvent a face mouillie Regrette la compaignie. (MACH., Voir, 1364, 512). ...Ne soies de respondre nice ; Mais en appert et en recoy Dy qu'arse est la fille le roy Pour son meffait. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 20). ...je m'aroie assés plus chier A taire et en requoi muchier Que ja villains euïst dou mien Cose qui li fesist nul bien. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 48). ...maniere apoint arree, Soit a vue ou en requoi, Est volentiers regardee (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 152). Einsi sans aligement Vif pour ma dame à qui sui ligement ; S'en plaing et pleur et souspir en recoy, Quant seur tout l'aim et souvent ne la voy. (MACH., L. dames, 1377, 204). ...Et pour ce einsi nous tourmente Le desroy De Fortune qui n'a loy Que m'eslongne ta jouvente, Dont tous les jours en requoy, Sans arroy, En guises plus de cinquante Me desvoy. (MACH., Les lays, 1377, 355). C'est ta grace vraiement Qui s'estent À tous ceus qui en recoy Pleurent et plaingnent souvent. (MACH., Les lays, 1377, 411). Si que mon cuer saouler Ne puis d'assez remirer Son bel arroy Fors tant qu'amours en recoy, Par desirer, Doucement ymaginer Que je le voy Me fait souvent et que j'oy Son dous parler. (MACH., Les lays, 1377, 443). Et s'il me convient retraire Loing de soy, Ja pour ce ne m'en faut traire Grief n'anoy, Car Dous Pensers en recoy De sa biauté l'exemplaire Doucement me monstre au doy. (MACH., Les lays, 1377, 452). Vous me dites tout en requoy Qu'en ma terre a ung nouvel roy Lequel est né nouvellement (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 39). ...en ce païs, (...) Est venu ung jeune seigneur Qui se fait appeler le Cueur, Qui pour vous a maints maulz souffert Et en recoy et en appert (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 155). Aussi ces povres famelettes Qui vielles sont et n'ont de quoy, Quant ilz voient ces pucellettes Empruncter elles a requoy, Ilz demandent a Dieu pourquoy Sy tost nacquirent n'a quel droit. Nostre Seigneur se taist tout quoy, Car au tancer il le perdroit. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 52). Entre nous deux, cy a requoy, Faictes le tost hardi[e]ment ! (C. Riffl., c.1480-1520, 60). Tous ses seigneurs en de bonnes maisons Furent logez, et des dames cheriz, La ou plusieurs amoureux oraisons, Pour parvenir a fin de leurs raisons, On mist avant, voire absens les mariz. Ilz s'en alloyent tapiz comme souriz, Pour rencontrer quelque beste a requoy ; Se l'on y fist plusieurs charivariz Il y avoit, Dieu mercy, bien de quoy ! (LA VIGNE, V.N., p.1495, 173).

Rem. JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 600.

.

Faire qqc. en recoi. "Faire qqc. secrètement" : ...c'est assavoir quant ilz blasmeront en publie ou en recoy la relacion vraye des nobles chambrieres des dames (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 104).

.

En secret recoi. "Secrètement" : Je pensay en secret recoy, Selonc contrainte oubeïssance, Entremeslée de doubtance, Que s'il muoit de son plumage, Qu'il ne muast de son corage Et qu'il ne fust plus dongereus Que devant, eet meins amoureus. (MACH., D. Aler., a.1349, 282).

-

Au plus recoi. "Le plus secrètement possible" : Et, quant il ont geté leurs testes, il prenent leurs boissons au plus recoy qu'il peuent, pour refere leur testes et leurs gresses (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 59).

3.

"For intérieur"

-

En son recoi. "Dans son for intérieur" : Et che (...) grandement mon coer aisoit, Quant je pooie en mon requoi Souhaidier (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 72).

-

En vostre recoi. "Secrètement, en confidence" : ...une fois me desistes en vostre requoy que jamais n'avriés femme s'elle n'estoit du sang au bon Roy Mehaignié (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 482).