C.N.R.S.
 
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     SOUPIRER     
FEW XII suspirare
SOUPIRER, verbe
[T-L : sospirer ; GDC : souspirer ; DÉCT : sospirer ; FEW XII, 474a : suspirare ; TLF : XV, 770b : soupirer]

Empl. intrans.

A. -

"Faire entendre un souffle, une inspiration ou une expiration plus ou mons forte et prolongée qui rétablit l'équilibre respiratoire" : Pluseurs fois l'oÿ souppirer, Rougir le vit et tressallir, Trembler et suer et fremir Si qu'il n'osoit lever les yeux (Dit prunier B., c.1330-1350, 60). La quarte espece de difficulté de respirer c'est anhelit double ainsi que philocaptus et en enfans qui pleurent que on appelle souspirer (GORDON, Prat., c.1450-1500, IV, 8). BOURREAU. (Il le gecte bas.) Velle la ! Par ma conscïence, Besoing n'a plus de souspirer ; Il se pourra bien essorer Devant que soit le moys passé. (LA VIGNE, S.M., 1496, 317).

B. -

"Pousser des soupirs sous le coup d'une émotion (souvent de peine amoureuse), soupirer" : Et la dame parfondement souspire Et dist : "Pour Dieu, laissiez m'en pais, biau sire ; Car mestier n'ay que me faciez plus d'ire Ne de contraire Que j'en reçoy". (MACH., J. R. Beh., c.1340, 60). Fortune m'est dure, amere et diverse, Qui ma cherrette einsi trebuche et verse. Pour ce m'en vois demourer en l'Empire, A cuer dolent qui tendrement souspire, Qu'en ce païs trop me gaste et essil. (MACH., Compl., 1340-1377, 252). Lors, comme homs qui souvent souspir, Gettay un plaint et un souspir De parfont cuer, acompaingniés De plours et en larmes baingniés, Et tournai vers li a grant peinne Ma chiere teinte, pale (MACH., R. Fort., c.1341, 56). Lors prist a soupirer de cuer tresfondaument. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 729). ...il souppiere et lermoye (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 125). Et quant je pers le soulas et la joie De ce tres dous regart qu'avoir soloie, Se je me plein et souspir et larmoie, Je n'en puis mais, Car s'en ce monde un seul souhait avoie, Riens plus fors li je ne souhaideroie. (MACH., F. am., c.1361, 152). Si en ploura parfondement Et souspira moult durement Le tres gentil et noble roy, Et en fu en moult grant effroy, Quant tout ce estoit empeschié, Qu'à grant peinne avoit pourchacié. (MACH., P. Alex., p.1369, 23). Loing de vous souvent souspir, Douce dame debonnaire, Pour ce que trop fort desir À veoir vo dous viaire. (MACH., L. dames, 1377, 44). Helas ! dolens, souvent souspir et plour, Bien le savez, pour vous qu'aime sans blame, Mais vos durs cuers n'a pité de mon plour (MACH., L. dames, 1377, 193). Des yeux pleure, du cuer souspire, Car laidement m'est mescheu. (Mir. march. juif, c.1377, 202). L'ystoire dit que, quant Elinas ot perdue Presine et ses trois filles, il fu si esbahiz qu'il ne scot que faire ne que penser. Mais fu depuis, l'espace de VIII. ans, qu'il ne faisoit que plaindre, gemir et souspirer, et faire griefz lamentacions pour l'amour de Presine, qu'il amoit de loyal amour. (ARRAS, c.1392-1393, 10). Et Remond commence a souspirer comme cil qui grant douleur sentoit, et celle l'embrace et lui demande : Monseigneur, que vous fault il ? Estes vous malade ? (ARRAS, c.1392-1393, 244). LA MARQUISE [à ses enfants retrouvés]. Ha ! mes doulz enfans, ne puis rire, Mais de joye pleure et souspir, Car tant ay joye que souffrir Ne me puis de vous faire feste. (Gris., 1395, 95). Car souvent souspire et se deult Pour la grant paour qu'il requeult De perdre par aucune voie Ses richeces ou il s'appoie. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 200). Quant j'oy ung amant qui souspire... (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 346). Madame, qui de ce nouvel feu d'amours avoit son cuer enflamé, toute nuyt ne cessa de soy plaindre, gemir et souspirer, tant desirant estoit de reveoir damp Abbés (LA SALE, J.S., 1456, 255). La pouvre fille, de ce grand mal toute affolée, ne scet sa contenance que de plourer et souspirer. (C.N.N., c.1456-1467, 32). De tristesse le cuer me casse, Car de vous suis tant amoreuse Que, quant vostre cher precïeuse Voy souffrir ung si grant martire, La passion m'est si trespeneuse Que d'eure en heure, las, j'espire. Tout jour, mon amy, je suspire En pleurs et larmes sans cesser. (Pass. Auv., 1477, 220). ...car tel ne le congnoissoit ne ne l'avoit jamais veu qui, seulement pour voir doulouser et plorer ceulx qui le congnoissoient et a si grant multitude, estoient contraincts d'estre meuz a pitié et compassion, tant qu'ilz ne se fussent peu tenir de plorer, souspirer, ou du moins regretter ceste piteuse et trop douloreuse amere mort. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 310).

 

-

[En partic. au gérondif] : Quant je vi que c'estoit mes sires, Qui des maus amoureus est mires, Onques de lui ne m'esloingnay, Mais devant lui m'ageloingnay, Et li requis en souspirant, A mains jointes et en plourant, Qu'il me vosist reconforter Dou mal que j'avoie a porter, Et que donner meilleur espoir, Me vosist (MACH., D. verg., a.1340, 26). "Trés douce dame, avez vous en despit Le mien salut ?" Et quant elle le vit, Se respondi En souspirant, que plus n'i attendi : "Certes, sire, pas ne vous entendi Pour mon penser qui le me deffendi ; Mais se j'ay fait Riens ou il ait villenie ou meffait, Vueilliez le moy pardonner, s'il vous plait." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 60). Adont desirs d'estre de li amez En mon cuer fu si trés fort enflamez Que puis m'en suis cent fois chetis clamez En souspirant ; Car tel doleur sentoie en desirant Que ma vigour en aloit empirant Et meint penser avoie, en remirant Son dous viaire (MACH., J. R. Beh., c.1340, 74). Et quant il ne le trouva mie, si ot telle angoisse qu'il voulsist bien mourir, et si grant dueil demenoit, en souspirant et en criant, que Aigre entendi la voix et bien perçut que Galopin estoit revenuz (Bérinus, I, c.1350-1370, 274). Lesquelles parolles proferoit il en soupirant par oppression de tristresse (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 179).

 

-

[Avec un obj. interne (soupir)] : S'en souspir Maint souspir Et m'aïr D'un aïr Trop dur à endurer, Quant souffrir N'obeir Ne querir Son plaisir Ne m'i font que grever. (MACH., Les lays, 1377, 375). Et quant mentir Voy mon souvenir, Amenrir Et fenir Convient mon espoir ; Dont je souspir Maint parfont souspir Par desir Qui fremir Me fait et doloir. (MACH., Les lays, 1377, 444).

C. -

P. méton.

 

1.

Empl. intrans.

 

a)

"Éprouver une émotion susceptible de s'exprimer par un soupir, éprouver de la peine" : LE PERE. Par ce moyen vous m'avez contenté, Mon chier enffant. Pour ce, au departement, Quoy que nature m'aict si tresfort tempté Que mon couraige souspire tendrement, Dire vous veulx vostre gouvernement, A celle fin que vous contregardez (LA VIGNE, S.M., 1496, 190).

 

-

[Du coeur] : Un cuer qui loing d'espoir souspire, N'est il pas en piteuse voye ? (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 380). Alors mon cueur, pour dire voir, De joye souvent soupiroit (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 57). Mon cueur se plaint et souspire Tant est plain de dueil et d'yre (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 45). Et a ces parolles Madame lui donna congié, et par ainsin, les cuers souppirans, les yeulz l'un de l'autre larmoians, s'en departist. (LA SALE, J.S., 1456, 85). Mon povre cueur forment souspire Quant je ne puis trouver sejour Pour alleger ma grief douleur Que jour et nuyt si ne me fine, Je suis bien mis a discipline. (C. Riffl., c.1480-1520, 59). Pour vostre amour mon cueur souspire (Myst. st Laur. S.W., 1499, 257).

 

.

Le coeur me soupire : Neantmoins sens je le cueur qui me souspire (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 80). De ce faire j'ay grant desir, Et me sopire tout le cueur ! (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 72).

 

b)

"Exprimer son émotion" : De paour souspira des beaulx ieulx de son vis (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 118).

 

2.

Empl. trans.

 

a)

"Se lamenter sur" : ...soupirant les mauls que mauvaisement j'ay fais (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 92). ...[il] luy dist (...) le bon vouloir qu'il avoit de luy faire service, plaignant et souspirant pour l'amour d'elle sa maudicte fortune, d'estre allyée au plus jaloux que la terre soustiene (C.N.N., c.1456-1467, 256). Et, au partir dudit lieu des Cordeliers, y avoit grant quantité de populaire de Paris, crians et soupirans moult fort son departement (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 72). Et mesmement le Bastard de Buillon quy estoit en son tref apuyé a une chaere dosiere, la main a son menton, soupirant la mort du bon roy Baudoyn et de ses onclez, ne se povoit appaisier (Saladin C., c.1465-1468, 49).

 

b)

"Désirer ardemment" : ...fault que, ravy en la contemplacion de vostre glorieuse value, vostre humble amy soye, desirant vostre grace, souspirant vostre allyance et requerant les dieux et Fortune que de vous et de moy facent une maison et un lit ou les plaisirs souverains de ce siecle puisse embraissier et trouver amoureuse fellicité (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 150).

 

3.

Soupirer + prép.

 

-

Soupirer à. "Attacher ses désirs à" : Bonnes gens, je vous pry, vuillés moy remirer ; Vuillés mon doux espoux Jhesu Crist adorer ; Priéz sa vierge mere quil nous vuille tirer A son tresdoux enffant ou devéz soppirer. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 78).

 

-

Soupirer pour + inf. "Désirer ardemment" : SAINCT MARTIN. (Il s'en va.) Ains que jamais soit deux jours ne demy, Je parviendray ou que mon cueur desire ; L'amour de Dieu me fent le cueur parmy, Dont pour l'avoir incessamment souspire. (LA VIGNE, S.M., 1496, 359).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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