C.N.R.S.
 
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     TALENT     
FEW XIII-1 talentum
TALENT, subst. masc.
[T-L : talent ; GD : talent ; GDC : talent ; DÉCT : talent ; FEW XIII-1, 36b : talentum]

A. -

[Poids]

 

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P. ext. MONN. "Monnaie de compte équivalant au poids d'un talent en or ou d'un talent en argent" : Aprés eulx retournéz, quant il eult nombréz aux coursaires .l. talentz [trad. lat. talentum], lui estant sur le rivage de la mer, il loua incontinent et sans retarder aulcunes nefz, poursuivit les coursaires, eulx en despartans, et fit tant qu'il les rataignit, print et ramena par force (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 128). ...mais tu donras au peuple romain pour tribut six mil talentz d'argent dont chascun vault cent et .xx. livres ou .lxxii. livres (Mer des hist., t.2, 1488, f° 61a [BnF/Gallica]). Pamphile, le douaire de elle Est dix tallans [trad. lat. talentum] pour une fois Avecques toute la sequelle Des mariés selon noz loix (Therence en fr., 1488, f° 74c [BnF/Gallica]). [Andria 950-951] ...et pour sa grande experience fut baillié pour enseigner et instruire Ptholomée Philladelphe qui puis fut roy d'Egipte et fut stipendié à trois cens tallens d'or fin de pension. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 58 v°). Cestui garit le roy Anthiocus d'une très grieve maladie, en contemplacion de quoy le roy Ptholomée, filz dudit Anthiocus, lui donna cent tallans d'or. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 62 v°).

 

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[P. réf. à Matth. XXV, 14-30] "Symbole des dons que l'homme a reçus de Dieu" (synon. besant) : Il est escript en la sainte evvangile que Jesuscrist recita la parole d'un riche homme qui ala en ung grant pelerinage et bailla a ses sergens ses besans, qui en l'evvangile sont appellez talens, pour faire marchandise et prester a usure, affin que a son retour lesdiz sergens lui rendissent ses besans avec toute l'usure. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 83).

 

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"Capacité, aptitude, don (dans un domaine donné)" : N'estrives a Athalenta Car plus que toy grant talent a De fort cource, c'est son mestier (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 251). [Seul ex. dans la documentation ; FEW «seit 1624»]

B. -

"Sens, conscience, ce qu'on a dans l'esprit ; désir, volonté"

 

1.

"Disposition d'esprit, humeur" : Dame, mis m'avés en tel ploy, Bien le perçoy, Que, vraiement, En vous sens, temps et vie employ Et toudis croy En ce talent. (MACH., Ch. bal., 1377, 624). En chambre de conseil s'ont veü l'errement, Et le mand de Galadre qui tant ot fier talent. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 17). Ce vous vient de mauvais talant, Nourry en courage felon. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 66).

 

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De bon talent. "D'un bon naturel" : Le roy Capaneüs le sage Y fu mort (...) Adrastus trop en fu dolent, Car moult le sot de bon talent. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 325).

 

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Par joyeux talent. "Joyeusement, dans la joie" : A tous le mariage agree, Qui fait fu, par joyeux talent (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 301).

 

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Mal talent

 

Rem. V. maltalent.

 

2.

"Avis, pensée, sentiment" : .. "Biau signeur, or oyés mon tallent..." (Hugues Capet L., c.1358, 32). Et pleust a Dieu que oures fust il icy avecques moy, et puis si Dieu eust ordené que je deusse tantost mourir, je prendroye en gré la mort pour convenant que je luy puisse parler et dire tout mon talent. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 129). S'il ne veult, sans point de mercy, Enferré soit incontinant Qu'il en avra dit son talant, S'il n'est bien dit a vostre guise (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 100).

 

3.

"Souhait, envie, désir, volonté" : Je croy que nulz fors moy n'a tel nature Qu'il puist amer ce dont il est haïs ; Mais j'aim et vueil ce qui n'a de moy cure Si fermement c'onques mais nulz amis, Tant fust amés, n'ama plus loyaument, Qu'en fait n'en dit n'en penser n'en talent Je n'os voloir onques jour de ma vie Que je fausasse à ma douce anemie. (MACH., L. dames, 1377, 61). S'il ne veult, sans point de mercy, Enferré soit incontinant Qu'il en avra dit son talant, S'il n'est bien dit a vostre guise (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 100).

 

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Au talent de qqn. "Selon l'envie, le désir de qqn" : ...Robes portent [les chanoines] a lour talent. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 53). S'en y a une autre partie Qui, ou mercis est departie, Puelent voler a leur talent, Se sont fol cil qui en sont lent : Maintiens, parlers et dous regars. (MACH., D. Aler., a.1349, 332). Pour mieulz leurs chans entendre a mon talent, ou bois me mis au plus hasteement Que onques poc (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 155). Bien doy estre partout gay et joly, Car j'ay amour et dame a mon talent. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 98). ...Je m'aim trop miex tout à paressillier En ma dame servir et honnourer Que j'aie ja voloir ne desirier Ne pensée de li entroublier ; Et miex pour li vorroie definer Que de toutes joïr à mon talent : Tant l'aim je et serf et desir loyaument. (MACH., L. dames, 1377, 145). Or m'aprent à faire einsi Qu'il vuet que mette en oubli Celui qui m'a humblement Doubté, celà, obey Et cheri à mon talent. Pour quoy me bat mes maris ? (MACH., Motés, 1377, 515).

 

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"En n'écoutant que son propre désir, sans tenir compte des interdits" : ...par Orguel si s'est meffait [Adam], Qu'il est sus le pommier monté Que li avoies devëé, Et a mengié a son talent Des pommes (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 12).

 

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De vrai talent. "Volontiers, de bon gré" : L'EVESQUE. (...) Ralez vous ent. SUER YSABEL. Sire, sachez de vray talent Ferons nous vostre voulenté. (Mir. abbeesse, 1340, 79).

 

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Loc. adv. Le plein talent de qqn. "Autant que qqn désire qqc" : Affin que soyes enyvré, Boy de ce vin ton plain talant ! (Pass. Auv., 1477, 207).

 

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Avoir talent de qqc. "Désirer, souhaiter qqc." : Einsi l'ay nouri longuement Et endoctriné tellement Qu'il est toudis en volenté D'acomplir ce dont talent hé, N'il n'oseroit desobeïr, Tant est -desirans d'obeïr Et de faire quanqu'il saroit Qui bon et plaisant me seroit. (MACH., D. Lyon, 1342, 226). Quant souvenirs ne me rent Nul aligement Fors grief torment Qui m'aprent Haïr mes jours et mes nuis, Et je de toy fermement Croy que nullement D'esbatement N'as talent Et qu'an riens ne te deduis. (MACH., Les lays, 1377, 354). En Egipte vint, et, adont, Tholomee le roy, qui moult Cuida a Julïus complaire, Fist Pompee occirre et deffaire, Dont Julïus fu moult dolent, Car n'avoit de sa mort talent (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 27).

 

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Avoir talent de + inf. : As tu de respondre talent ? Que diras tu ? (Mir. ev. arced., c.1341, 138). ...Ossi ferai je, Car de mengier grant talent ai je. (FROISS., Dits Débats F., 1363-1393, 174). Quant li roys fu en milleur point, Et il vit le jour en bon point, Talent le prist d'aler chacier, Pour lui deduire et solacier. (MACH., P. Alex., p.1369, 255). Douce dame, quant vers vous fausseray, Tuit bien devront en mon cuer defaillir ; Car traïtres mauvais et faus seray, Douce dame, quant vers vous fausseray. Et se talent jamais de fausser ay, Vivre et languir puisse je sans faillir ! (MACH., L. dames, 1377, 78). Balhe la moy [l'âme du mauvais larron] pour la maicher ; J'ay talant de luy faire feste. (Pass. Auv., 1477, 249).

 

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[En tournure nég.] : Lors n'eus je talent de dormir, Car je mis mes yeus en agait Qui faisoient adès le gait, Et mes corps estoit attendans, Mes cuers desirans et tendans De celle part ou je pensoie (MACH., D. Aler., a.1349, 270). Quant li citoien entendirent Gieffroy, si n'orent talent de rire ne de moquer de lui, ains avoient grant merveille de ce qu'il disoit (Bérinus, I, c.1350-1370, 94). Je n'ay ne talent ne desir D'ailleurs qu'en ma maison gesir (Mir. chan., c.1361, 170). Talent n'ay de crier : "à l'arme", Quant je vous voy crier : "à l'arme". Car vos fins cuers mon vis alarme, Dont amours en moy se meüre. (MACH., L. dames, 1377, 120). Qant li chevaliers se vei hors de la bataille et sus les camps, il n'ot nul talent de retourner arriere, car riens n'i euist fait, et si ne pooit sçavoir que son mestre estoit devenu. (FROISS., Chron. D., p.1400, 733). Ceste cy, laide vieille [Avarice], bossue et boyteuse, n'a talent de voler au ciel, car sur elle porte ung sac de metail et a son cueur a tousjours soin et sollicitude de le garder et de le multiplier. Pour ce elle a VJ mains et deux mongnons. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 161). ...tout coyement et doulcement hurte a l'huys de la court ; lequel fut tantost oy de celle qui n'avoit pas talent de dormir en celle attente (C.N.N., c.1456-1467, 442).

 

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Avoir talent que + subj. : Quant Solimans l'oy n'a talent qu'il en rie. Lors manda Sarrasyn (...) Et se mist sur les camps banière desploïe, Par deviers Andioche, en la foriest antie. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 103). Amours, tu scez qu'elle m'a fait mal maint Et que siens sui toudis, vueille ou ne vueille. Mais quant tu fuis et Loyautés se feint Et Pitez n'a talent qu'elle s'esveille, Je n'y voy autre confort Com tost morir ; car en grant desconfort Desdains, Refus, regars qui mon cuer part, Cil troy m'ont mort et elle que Dieus gart. (MACH., L. dames, 1377, 185). Et quant j'entens ces poins et note Le dangier felon et cruel Et le tourment perpetuel Que ceuls ont qui seufrent tel vie, Talent n'ay que je me marie. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 30).

 

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Estre au talent de qqn. "Convenir à qqn, lui agréer" : Seigneurs, couchiez le [le mort] sur ce lit, Conme s'il dormist par delit. C'est bien, il est a mon talent. (Mir. femme, 1368, 191).

 

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Estre en talent de qqc. "Avoir le désir de qqc. (de faire qqc.)" : ...Je vous pry, point ne me le cellez [si vous avez un autre ami]. Mon cueur prandroit une aultre voye, Si n'en fut il onc en tallant Puis l'heure que premierement Vous m'accordastes d'estre moye. (Vir. H., c.1400-1500, 66). ...lequel bailli joyeusement accepta la charge, car estoit matère agréable et de tout bien, ce lui sembloit, et n'avoit onques vu ledit duc, ne esté en sa maison, par quoy il en estoit plus en talent. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 23).

 

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Faire de qqn à son talent : SIMEON. (...) Tenez, dame, je le vous baille [ce filz] (...). NOSTRE DAME. Diex en fera a son talent, Sire ; c'est bien raisons et droiz. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 227).

 

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Faire le talent de qqn. "Réaliser le désir de qqn" : Car tant m'avez puisamment enrichi, Tant resjoï, si gari, tant meri, Que vraiement, Se quanqu'il a dessous le firmament Et quanqu'il fu et sera, quittement Me fust donnez pour faire mon talent, Je ne l'amasse Tant de cent pars, que je fais vostre grace. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 81). S'elle m'ocist, c'iert pechiés et enfance, Puis que je l'aim sans nul decevement ; Et s'elle vuet de moy penre venjance, Bien vueil morir pour faire son talent ; Car je ne puis morir plus doucement, S'il plaist Amours, que pour amer m'ocie. (MACH., L. dames, 1377, 117).

 

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Faire son talent. "Agir à sa guise" : Car tous li mons le me devra tenir À grant honneur, se je muir ensement, Et tuit amant devront Amour fuïr, S'elle m'ocist pour amer loiaument. En li en est, face en tout son talent, Car ja pour ce maistié n'en penserai, Puis que pour vous et pour amer morrai. (MACH., L. dames, 1377, 51).

 

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Faire son talent de qqn/d'une communauté. "Assouvir son désir aux dépens de qqn/d'une communauté" : Si s'ordonnèrent pour deslogier de Vierson, quant il eurent fait leur bon et leur talent de le ville (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 4).

 

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Perdre talent. "Perdre l'envie, le désir (de vivre), mourir" : ...Orgueil chevauche a bandon Ou premier front de sa bataille. N'a paour fors que ne s'e[n] aille Honneur, qui n'en a nul talent, Mieux aimeroit perdre talent. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 243).

 

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Se monstrer en talent de qqc. "Manifester le désir de qqc." : Si est vray que le duc, scentant son seul unique filz estre en lieu si perileux, se repenty de l'avoir envoyé droit la, et, (...) luy commanda son retour, de quoy toutevoyes le jeusne conte ne se monstra pas fort en talent (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 140).

 

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[Dans une tournure impers.] Venir à talent à qqn : Or diray de l'estour, si vous vient a talent (Flor. Rome W., c.1330-1400, 165). "...Le roy nous fera bien si lui vient a talent..." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 1). "Je vous requier merci (...) Se mon frerë a fait trop oultrageusëment, Que vous lui pardonnés s'il vous vient a talent." (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 14). «Sire, dist Amauri, chi sont les mien parent Qui me replesgeront, s'i leur viengt a talent». (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 13).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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