C.N.R.S.
 
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     AMI     
FEW XXIV 445b amicus
AMI, subst.
[T-L : ami ; GD : ami ; GDC : ami ; AND : ami1 ; DÉCT : ami ; FEW XXIV, 445b : amicus ; TLF : II, 754a : ami]

A. -

[Dans le domaine affectif, excluant la relation amoureuse]

 

1.

"Celui (ou celle) qui est lié à qqn par des affinités personnelles, l'estime, le dévouement..." : ...l'ami veult a l'amé et fait tant et tel comme l'amé veult a l'amy. (ORESME, E.A.C., c.1370, 426). Haro ! haro ! j'ay esté batu. Lesquelles parolles par lui oyes, il qui parle, pour l'amitié qu'il avoit à lui, qui est son compere, ami et voisin, et qui demeure au devant de lui, print en sa main le baton dont il faisoit son lit, en entencion de aidier à sondit compere (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 410). Ma fille, laissiez ester ce dueil, car, en chose qu'on ne puet amender, c'est folie de s'en donner trop grant courroux, combien que c'est raison naturelle que la creature soit doulente de son amy ou de son proesme, quant on le pert. (ARRAS, c.1392-1393, 120). Ung preudomme fut qui a son filz demanda une foys quans amis il avoit. Le jouvencel respondit que plus de L, voire plus de cent, car il cuidoit comme inexpert, que tous ceulz feussent trop bien ses amis qui luy monstroyent beau semblant de chere, de parole ou de bras. "C'est grant merveille, dist le pere, car (...) je n'en ay peu acquerir que ung demi". (...) "Certes, pere, bien as dit verité, (...) car je suis alé au premier que je cuidoye estre mieulx ton amy pour les biens que tu luy fais. Il m'a respondu qu'il te feroit compaignie jusques au gibet (...). Le tiers a dit que voulentiers te pendroit". - "Or va, dit le père, a celuy qui est mon demy amy, car moins l'ay servi que les autres". Ainsy le feist ; la trouva tout confort, et dist qu'il le delivreroit, et deust mourir pour luy. (GERS., Concept., 1401, 415). Que diras tu de tes congnoissans acointes, que tu as servis comme tes amys, fors que nom d'amy a esté commun a eulx et a toy, maiz l'amitié t'est a toy seul demouree. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 9). Or viennent les parens, amis, voisins de ce dolent hostel visiter et conforter la compaignie (C.N.N., c.1456-1467, 32). Il n'estoit contraire a nul ; jamais ne se mectoit devant ne vouloit estre au dessus d'aucun, et telement se governoit qu'il vivoit sans envie et qu'ilz estoient amis egaulx lui et ses compaignons. (...) Il a establi et commencé sa vie bien sagement, car en ce temps cy, service acquiert amis, et verité hayne. (RIPPE, Andrienne, a.1466. In : Chrestom. R., 207). ...ilz me avoient promis Que pour l'honneur de leurs amis Desquelz ilz ont aide et support, Aujourd'huy feroient leur rapport Commë ont de bonne coustume. (Rapp., c.1480, 58). LE CRESTIEN. Nous n'avons parens ne amys Pour refuge ; tous ennemys Nous queurent sus. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75).

 

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En appellatif : ...a vous, messire Guillaume Douglas, compains et tres grans amis, je vous ai tousjours trouvé fiable, de bon consel et de haute emprise ; je vous prie que vous me voelliés donner .I. don (...). Chiers compains et amis, (...) je voloie faire un voiage sus les ennemis de Dieu (FROISS., Chron. D., p.1400, 165). Vous me verrés a mort donner Advant que la journee passe ; Pour ce advisés une place Pour mectre mon corps, mes amis. (Pass. Auv., 1477, 87). Qu'advés entre vous disputé ? Dictes, amis ! (Pass. Auv., 1477, 162).

 

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Au fém. "Celle qui est liée à qqn par des affinités personnelles, l'estime, le dévouement" : Si fait qu'on puist par bien servir Bon guerdon et los desservir Ou bon ami ou bonne amie, Mais a moy ainsi n'en prist mie. Je ne sçay s'en servant mespris, Car moult petit loyer y pris. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 11).

 

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En appellatif : Or ça, dist elle, mes bonnes voisines et amies, en continuant nostre propos du soir precedent, je vous prie que silence soit faitte (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 89). MARIA. (...) Or adieu, Jhesus, mon amy ! Magdaleine, vien sans enuy, Embrasse moy, ma doulce amie, Et baise la pouvre marrie ! (...) Humblement je vous rens mercy, Mes bons seigneurs et bons amis, Du service fait a mon filz. (Pass. Auv., 1477, 265). LA SECONDE FEMME. Mais trop tard. Que pensés-vous, commere ! Anne ? Le peché est tout pardonné Quant on ne le faict que en cachettes. (...). Par mon serment, m'amye la belle, L'eaue benoiste efface tout. LA PREMIERE FEMME. Vous le dictes. (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 436).

 

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Adj. + ami

 

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Bon / grand ami : ...et pour ce cuidoient les Stoyciens que ce fust une chose estre bons et estre bons amis. (ORESME, E.A., c.1370, 414). [Le roi d'Angleterre apprend l'assassinat de Jaquemon d'Artevelle] son grant amic et son chier compere (FROISS., Chron. D., p.1400, 640). ...c'est ung sages homs, de bon conseil, et bon amy (C.N.N., c.1456-1467, 297). On parle de trouver secours Vers les parens ou bons amis, Mais je les ay trouvé sy cours Que l'ung a l'aultre m'a remis. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 47).

 

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Faux / vrai ami : Le vray amy, se tu faiz mal, Lui saichant, par especial Le te dira pour toy garder. (...) Mais le faulx ami, par ma teste, Blandist, flatte et va decepvent, Et se tourne avecques le vent Et consentira ta folie Pour toy plaire : a ce ne te lie ; (...) Mais s'adverse fortune vient, Et le requiers par adventure, Tu trouveras response dure, (...) De paroles et non de fait Est maint ami qui ainsi fait. Si doit on l'ami tenir chier Qui son avoir fait desmarchier, Et qui l'apporte de son coffre A son ami, ainçois qu'il l'offre, Quant il voit que mestier li est ; Et qui treuve un tel ami prest, Il en doit faire son tresor, Garder et amer com fin or Et le croire, amer et cherir (DESCH., M.M., c.1385-1403, 4-5). Nouvelles ont couru en France Par mains lieux que j'estoye mort ; Dont avoient peu deplaisance Aucuns qui me hayent a tort. Autres en ont eu desconfort, Qui m'ayment de loyal vouloir, Comme mes bons et vrais amis. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 133). ...les faulx amis ne usent que de parolles flateuses. (JUV. URS., Verba, 1452, 320).

 

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Loc. nom.

 

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Ami à la foi de Lorraine : Sy m'est (...) venue présentation d'un viel proverbe des sages qui disent que l'on se doit garder de son amy réconsilié, car tousjours demeure quelque peu de ranceur, quelque petite racine de souvenir à l'injurié (...), comme maintenant nouvelle matière me donne à congnoistre icy, là où je me voy constraint d'escrire des Liégeois (...), puis la victoire que Dieu envoya sur eux au duc Jehan par bataille, ils ont esté amis réconsiliés à cestuy duc Philippe, voires amis, Dieu scet comment, à la foy de Lorrainne, ayans toujours une cuisance et un couvert remors d'amertume en leurs coeurs. [Note de l'éd. : «Au moyen âge, la foi punique était oubliée, et l'on disait : Foi de Lorraine. M. Leroux de Lincy a recueilli, dans son livre des Proverbes français, ce vieux dicton : Lorrain, mauvais chien, Traître à Dieu et à son prochain»] (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 57).

 

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Ami de Pasques fleuries. "Ami d'un jour, des jours de prospérité" ( (DI STEF., 19c)) : Je croy bien que par trop contendre En amytié viennent des troubles, (...) C'est grant dangier que d'amys doubles. (...) De telz gens te fauldra garder, Car, combien qu'ilz te salueront, S'ilz te voyent riens amander, En cueur pas joyeulx n'en seront, Et en mengeant te trahiront Et en feront leurs moqueries ; Pour bien faire mal te rendront : Sont amys de Pasques flories. (ALECIS, Déb. omme mond. P.P., c.1500, 150).

 

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Ami en voie. "Ami en action, qui se dévoue" ( (cf. DI STEF., 20b)) : ...je vous feray ung compte qui vous approuvera que amis en voie est aucunefois propice. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 194). [Ou voie est-il à prendre au sens propre ?]

 

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Appeler qqn ami(e). "Désigner, reconnaître qqn comme étant l'objet d'une relation amicale" : S'amie vous veuil apeller, Trop simple nom vous bailleroye, Celle [que je ne sçay nommer Com a mon gré desireroye.] De ma dame nom vous donner, Orguilleuse je vous feroye ; Maistresse point ne vous vouldroye ; Comment dont doy je a vous parler... ? (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 352).

 

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Loc. adv. (Fait) à l'ami. "De manière complaisante" ( (cf. DI STEF., 20a)) : LA FEMME (quant elle a forgiet). Sçay je riens a le forgerie ? Je croy qu'il [les clous qu'elle a forgés] sont fait a la my [l. l'ami]. Tenez, portez les mon amy, A vostre maistre Cayphas Dictes lui et a sire Annas Que moy meismes les ay forgies. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 182). Ains le saige qui a scavoir, Vertuz, science, sans avoir, C'est le riche de tous les riches (...). Nul ne luy demande son bien, Car aussi ne possede rien. Et je te pry, mon doulx amy, Qu'ensuivez cestuy à l'amy. Oyz-le et entends de bon cueur, Et prens l'affectueux liqueur De sa juste correction Et admirable fruition. Si te corrige aigrement, Souffre-le bien paciamment (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 329).

 

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Prov.

 

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Ami pour autre veille : Non pourtant, Bonne Amour conseille - Et moult souvent le dit on bien - Q'un bon amy pour l'autre veille Au gré d'autruy, non pas au sien. (CHART., D. Rev., a.1424, 307). Sire, on dist en ung commun parler que "l'un amy pour l'autre veille". Je le dy pour moy, qui suis congnoissant des grans services que au duc, mon seigneur, avés fais, et que par deux fois m'avés la vye sauvee (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 168).

 

Rem. Ami pour ami veille : T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 174, n.2, 4.

 

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Ami acquis vaut mieux que vingt prochains parents : ...sans cousin ne parent me voy estre demourant entre les sarrasins. Car ung seul homme je ny cognois en qui je puisse avoir fiance se ce nest en hertan [l. Hertan] (...). Gilion faisoit ses piteuses conplaintes et hertan [l. Hertan] le reconfortoit ou mieulx quil povoit (...). Et pour ce dist on aucune foys que ung amy acquis vault mieulx que ving prouchain parent. (Gil. Tras. W., c.1450, 70).

 

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Ami de vraie amitié suit l'ami en adversité : ...l'ami de vraie amitié Suit l'ami en adversité (DESCH., M.M., c.1385-1403, 4).

 

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Au besoin connoist / voit on l'ami : Et pour tant vous ai dit le meskief que je sai, Qu'au besoing voit li hons son ami de coer vrai. (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 181). Fier vous povez seurement En moy, tout, non pas a demi, Au besoing congnoist on l'ami. (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 272).

 

Rem. Cf. aussi T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 175, n.6.

 

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[Montrer] au besoin qu'on est ami : Pour ce dit ung parler, souvent l'avéz ouÿ, Tel ne fait au premier ne noise ne grant cry Qui bien monstre au besoing qu'il est lëal amy. (Enfances Doon de Mayence P., c.1450-1500, 632).

 

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On doit esprouver son ami : On dit communement que en necessité on doit esprouver son amy. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 248). C'est ung dit commun qu'esprouver convient l'amy ains que l'amer. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 249).

 

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Celui ne semble pas estre ami, qui ne tient ce qu'il a promis : Si tu promés riens, si le tien, Soit d'autrui service ou du tien. "Celui ne semble pas estre amis, Qui ne tient ce qu'il a promis." (Liber Fort. G., 1346, 88).

 

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Il n'est ami si ce n'est dans denier : Charlon et tout cez perre yrai(t) si guerrier Qu'i ne li demourait ville pour habergier. Li duc Herpin mon perre vorai(t) si bien vangier Que ja n'an averai(t) nulz villain reprouver : Il n'est nulz hamis se ceu n'est dans denier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 153).

 

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Il n'est plus d'amis qu'en la bourse : De vous, lieutenans de grans barres Et messeigneurs les allouez, Je me taictz, car vos faictz sont garres Des ce qu'aucun vous a louez Par grans dons ; mais tres mal ouez Les povres, qui n'ont d'argent source. Il n'est plus d'amys qu'en la bourse. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 63).

 

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Il n'est secours que de vrai ami : LE CRESTIEN. (...) N'est secours que de vray amy. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 149).

 

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Il ne sait qui ["ce qu'il"] perd, qui perd ses bons amis : De la mort de Bertran en valu France pis, Car il ne scet qu'i pert, qui pert ses bons amis. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 53).

 

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Nul ne connoist qu'est d'ami jusqu'à tant qu'il l'a perdu : Mais sans cesser larmoy, Quant le roy de fierté, Fleur de chrestienté, Pris et suppeditté Par ses ennemis voy. Nulz ne congnoist qu'est d'ami, Jusqu'à tant qu'il l'a perdu. (MACH., Lays, 1377, 475).

 

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On ne sait que un ami peut valoir jusques à tant que on l'a perdu : ...quant ilh est mors, si en ay teile duelh que je ne puy metre refrain ; partant, dist I proverbe, c'on ne sait que I amis puet valoir jusques à tant que on l'at perdut. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.3, a.1400, 279).

 

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Qui perd son bon ami, plus perd qu'à perdre son avoir : Le tres grant doel pris en parfont Qu'illoec Pompal et Lupal font Pour la mort de lor chier ami, Ne puis dire a quart n'a demi. (...) Et tout lor compaignon et per Autressy ne se faindent pas A plorer pour celly trespas (...). Qui pert son bon ami, pour voir, Plus pert qu'a perdre son avoir. (Pastor. B., c.1422-1425, 106).

 

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Long demeurer ami changer fait plusieurs fois : ...elle (...) commença le lay comme il s'ensieut : Long demourer amy changier Fait plusieurs fois et estrangier, Mais le bon cuer envis l'estrange (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 275).

 

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Mieux vaut (trouver) un ami en chemin / voie que denier en courroie : Que te vaudra celle monnoie Quant seras au tour de ta roie, Qu'en terre seras enfouis ; (...) Donne et rend ce que tu as pris ; Car mieus vault en chemin amis Que ne font denier en coroie. (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 141). Ensi fu respitez l'enfès, qui Diex doint joye. Pour ce, dist .J. proverbes, miex vaut trouver en voie Un boin certain ami, que denier en coroie. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 31). Si vueil prendre le dit du sage Qui dist : mieulx vault amy en voye Que ne fait denier en courroye. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 138).

 

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Mieux vaut un bon ami que...

 

Rem. T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 192-193.

 

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Meilleur fait amis acquerre que nulle chevance conquerre : La grant richoise du roy Mide Qui tout en or muoit par touche, Ja ne fust vallable la bouche Ne les mains de loial amy, Non pas du monde le demy, Dont millour fait amis acquerre Que nulle chevance conquerre. (Pastor. B., c.1422-1425, 122).

 

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On doit aider ses amis : L'ÉVESQUE DE LAON (...). C'est raison que nous contendons De nous tirer en son quartier, Puisque sçavons et entendons Qu'il a de nous si grant mestier. LE DUC DE NORMANDIE (...). On doit ses bons amys ayder, Si concludz qu'aler y fauldra, Et le glorieux Sainct Didier A cent doubles nous le rendra. (FLAMANG, Vie Pass. st Didier C., 1482, 351).

 

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On doit garder son ami quand on l'a : Naymes, ce dist le roy, vous n'y entrerés ja, Tenez vous pres de moy (...) ! Vostre conseil me vault et a valu pieça, Ung autre messaiger querre nous convendra. Car j'ay tousjours ouy dire et bien m'en souvendra Qu'on doit trop bien garder bon amy quant on l'a. (Galien D.B., c.1400-1500, 34).

 

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On doit pour son ami faire priere : Par Dieu, c'est mon voloir et toute ma prïere. Si m'a le roy mandé qui tient France a baniere, Et pour l'amour de luy pourteray ma baniere Dessus ces ennemis, que plus ne m'en requiere : On doit pour son amy fere a peu de prïere. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 7).

 

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On ne peut avoir trop d'amis : La chevalerie et les nobles (...) dois chiers tenir et en amour et leur faire des biens afin de les plus obliger à toy. (...) si que dit Tulles, on ne puet avoir trop d'amis ne pou ennemis (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 92).

 

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Pauvre homme ne trouve ni ami ni parent : Maiz ce fait ne pourroye acomplir nullement Se n'avoyë or fin assés et grant argent Pour tenir grant estat et mener noble gent, Car povres homs ne treuve ne amy ne parent. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 209).

 

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Plus est leger à conquerre ami que à tenir

 

Rem. T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 186.

 

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Plus vaut ami qui point que flatteur qui oint

 

Rem. Cf. : Cellui veoit bien que il ne pouvoit eschapper, et que tous ne le conseilloient fors que pour lui plaire seulement. Sy lui va dire le chambellan : "(...) departez à ses povres des biens que Dieu vous a donnez, tellement que il n'ait que reprouchier sur vous." L'empereur escouta et dist deux motz : "Plus vault amy qui point que flatteur qui oint." Et fust pour ce que ses amis ne lui avoient parlé que de l'esperance de la santé du corps pour lui plaire ; mais cestuy-cy lui parloit du sauvement de l'ame (LA TOUR LANDRY, Livre pour l'enseign. de ses filles, éd. A. de Montaiglon, 1371, 184).

 

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Qui n'a amour et amis, il n'a rien. V. amour1

 

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Tels amis sont comme ceux qui chantent deux et deux : ...en amistié de compaignons qui sont nourris ensemble d'enfance, un seul n'est pas amis à pluseurs. Et pour ce dit l'en en proverbe que telz amis sont comme ceulz qui chantent II. et II. Mais ceuls qui sont amis a pluseurs et qui se rendent familiaires a tous, il semble que ilz ne soient amis a nul. Toutesvoies, l'en puet dire que il sont amis politiques, et telz sont appelléz plaisans. (ORESME, E.A., c.1370, 490).

 

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Un ennemi fait plus que cent amis : PARSEVERANCE. (...) S'ennemis a, ilz ne seront point neux, Et quant viendra a rabatre et compter Amis pourront ennemis surmonter. ENVIE. Ung ennemy fait plus que cent amis Et contre mil[l]e ung ennemy souffit. Tout le traveil que cent amis ont mis Ung ennemy renverse sans prouffit Car l'ennemy qui en son cuer confit Tout faulx moyen ne doubte point l'amy, Et ne puet on avoir feble ennemy. [Note de l'éd. : «À rapprocher de : "Souvent sont plus fors deux amis que ne soient quatre anemis" (Morawski, Diz et proverbes des sages, Paris, Presses Univ., 1924, p. 11)»] (Lyon cor. U., 1467, 54).

 

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Vrai ami plus fait et moins dit : ...Ses bergiers qui pas ne tristoient Quant voient lui et sa compaigne, Ains font tel bruit que la champaigne De la joie qu'il vont menant En vait trestoute resonnant. Pour ce sont sy liet quant le voient Que de ly entendu n'avoient Qu'illoec sy tost les rataindist. Vrais amis plus fait et mains dist. (Pastor. B., c.1422-1425, 148).

 

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Vrais ne sont pas les amis doubles : Au iourduy parents et amys Promettent et mons et merveilles Mais quant voient quon est bas mis Ilz baissent trestous les oreilles (...) Et que vallent promesses telles Vrays ne sont pas les amys doubles (Danse macabre femmes H., p.1480, 88).

 

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Empl. adj. rare. Estre + adv. + ami : Et par aventure est ce bien que l'en ne quiere pas estre tres amy a grant multitude de gens. Mais en doit l'en querir tant comme il souffist a convivre et a bonne conversacion, car il ne semble pas que .I. homme puisse estre tres amy a pluseurs pour ce que il ne puet pas amer pluseurs. Car amistié veult et requiert superhabondance d'amer et tele superhabondance ne peut estre fors a un ou a tres petite multitude. (ORESME, E.A., c.1370, 490). [Robert d'Artois part pour l'exil] Li contes [de Hainnau], qui fu moult amis et honnourables et qui avoit grant pité de li, (...) li fist delivrer et baillier or et argent pour paiier ses menus frés, car il s'en voloit aler en Engleterre. (FROISS., Chron. D., p.1400, 198).

 

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[Dans une litote] : (Or parle ung juis es autres.) Segnieurs, sça tous venés ! Monlx bien avons expletier, Le truant [Jésus-Christ] en la croys avons mys. Ce n'estoit pas nostre amys, Ency que sçavés. (Pass. Autun Roman F., c.1400-1500, 201).

 

2.

"Celui (ou celle) qui entretient un lien favorable avec qqn, de manière durable ou épisodique, dans les rapports idéologiques, politiques, notamment dans la lutte armée ou plus rarement dans les rapports sociaux, ce lien se traduisant généralement par des services rendus" : O, vous, Romain, se onquez me avint que vous fuissiés en bataille ou vous deussiés rendre gracez (...), ce fu, pour verité, la bataille d'ier, car hier vous eustes bataille non pas seulement o vous anemis, mes, que plus est perilleus, o la fausseté et traïson de vos compegnons et fains amis. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 28.4, 48). Lors se arriverent et ancrerent au port, et manderent a l'abbaye que ilz ne se doubtassent pas, car c'estoient amis, et estoit le maistre de Rodes avec. Et quant ceulx sceurent les nouvelles, si furent moult joyeux (ARRAS, c.1392-1393, 91). Les cardinaulx trouverent l'art Pour ce qu'en eüssent leur part, Et pour eulx et pour leurs amis Avoir l'eglise a leur devis. S'en ont tant prins a toutes mains Que par le monde les plus grans Ont ilz eüz pour leurs amis Ou pour eulx, tout a leur devis. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 47). Et encor se sont conseilliez Rommains, tout ainssy exilliez Comme ilz sont, de faire une armee ; (...) Grant foyson serfs, aultres debteurs Orent, si les ont tous franchis (...) ; Chevaliers en font, les enortent De bien faire, et gent a souldee Pregnent. Celle chose ont mandee A tous leur amiz et affins. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 218). ...je produiroye exemples en lieu de raisons et nommeroye les lieux et les villes ou pluseurs des tiens ont habité tant come les vivres et les rappines des biens qu'ilz n'avoient pas acquiz les ont peu soustenir, mais ilz ont failly aux places quant la proye leur a failly, et prins des amis ce qu'ilz n'eussent ozé sur les ennemis chalengier pour laissier les lieux aux ennemis qu'ilz s'estoient chargez de garder aux amis. (CHART., Q. inv., 1422, 39). En laquelle treve estoient comprins les amis et aliez d'icellui de Bretaigne (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 286). ...les aultres, qui sentent en leur conscience ne povoir accomplir le voyaige et sont vieulx et en estat de ne povoir servir, viennent à moy [le Roy] et se facent tous mettre en escript et soit bien certifié et tesmoingné des bons services qu'ilz ont fais, affin que aucuns trompeurs soubz umbre des bons ne se presentent. Et, quant je les congnoistray, je les recueilleray et pourverray comme mes bons et especiaux amys et serviteurs. (BUEIL, II, 1461-1466, 167). Aussi, dit le Roy, tout ce qu'elle a fait, c'est par la force de son chastel et de son beau langaige et de la subtilité et mauvaistié dont elle est pleine. Je n'entens point que par son enchanterie elle sceust rien faire ; mais elle seduiroit tout le monde par son engin. Et, pour ce, renvoyez-la ; car je vous certifie qu'elle a des amyz entour de moy. (BUEIL, II, 1461-1466, 210). Et vous, le conte de Suffort, A quelque renson soyez mis, Je vous auray, soit droit ou tort, Par force d'argent ou amis. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 570). ...qu'il fust fuy devers les Suysses ou devers le duc de Millan, Francisque, qu'il repputoit son grant amy et bien luy monstra par le secours qu'il luy envoya (COMM., I, 1489-1491, 57).

 

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Empl. exclam. [En réponse à une question sur l'identité de la pers. concernée] : LE PRESBTRE DE LA LOY, garde du temple. (...) Hau, pourtier ! ALIFERNÈS. Qui est la ? CUSTOS YDOLORUM. Amis. Je suis celluy qui est commis Pour garder le temple immortel. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 30).

 

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En appellatif. [Surtout dans les rapports soc., notamment professionnels, impliquant une certaine hiérarchie, ami pouvant prendre une nuance fam. dans les rapports entre supérieur et inférieur (ou considérés comme tels)] : LE FILZ. (..) Faites moy voie, je vous pry : Chascun en arez deux ; tenez. PREMIER SERGENT D'ARMES. Il [florins] sont bon, mon ami : passez. (Mir. enf. diable, c.1339, 31). LE CHEVALIER [à l'écuyer]. Perrotin, il m'est moult a fort De ce qu'estre autrement ne peut (...). Doulz amis, a toy me complaing. (Mir. nonne, 1345, 332). LE SERGENT. Sire, par m'ame, je feray Bon serement c'onques encore, (...) Ce que vous dites ne m'avint ; Ne du faire ne me souvint, Ne je ne quier. LE JUGE. Je vous en croy bien, ami chier ; Voir, vous estes le nonpareil. (Mir. enf. ress., 1353, 29). ...à mon très-chier et grant ami messire Jehan de Foleville, conseillier du roy et garde de la prevosté de Paris. Très-chier et grant ami, le roy m'a commandé que je vous die de par lui, comment sur quanque vous le doubtez, que vous faciez mettre à question Le Breton, son chevaucheur (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 523). [Le marquis aux barons] Mes feaulz subgez et amis, La pitié que je ay de vous Et la bonne amour qu'ai a tous... (Gris., 1395, 16). [La comtesse de Montfort encourage les gens de Hainbon à ne pas abandonner sa cause] Bonnes gens et mi bon ami, li corages me dist que nous averons proçainnement bonnes nouvelles d'Engleterre (FROISS., Chron. D., p.1400, 522). [À un valet]. Vous dittes tresbien, mon amy, dist le roy (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 165). Que respondez vous, mon amy ? dit le prevost au prisonnier (C.N.N., c.1456-1467, 160). Et, quant ilz furent devers le Roy, il les fist venir en son conseil, premièrement les cappitaines des gens d'armes de la terre. Et commanda à ung chascun amener deulx ou trois hommes de bien avecques lui. Et leur dist : "Mes amiz, je congnoys les bons et grans services que vous avez fais à ceste seigneurie et à toute la chose publique de ce royaume ; et n'y en a nul, de quelque estat ou condicion qu'il soit, qui ne soit tenu à vous, et de ma personne je m'y repute plus obligé et tenu que le plus petit..." (BUEIL, II, 1461-1466, 165). LE SERGENT. Foy que [je] doy à mes rentiers, Je m'en voys sus Gaultier La Haire Luy porter mes soulliers reffaire. (...) Hau ! Dieu te gard, amy Gaultier ! Comment te va-il puis l'autrier ? Est point le broullas abatu ? (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 230). JOUAN. Et s'il advient que ung seul mot D'aventure ysse de mes dens, Vous direz qu'elle [ma femme] est hors du sens : Elle jure, elle tempeste (...). LE SOT. Helas ! Dieu te doint pacïence, Mon amy, tu en as mestier. (P. Jouh. D.R., a.1488, 40).

 

Rem. Cf. M. Plouzeau, Rev. langues rom. 100, 1996, 314-315.

 

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Au fém. : LA DAME [à la chamberiere]. Adieu, chiere amie Agnesot, Tu n'as mais en moy point de dame (...). Jamais cy ne retourneray. Pour ce a Dieu te commanderay, M'amie chiere. LA CHAMBERIERE. Lasse ! J'ay bien de mate chiere Faire cause et raison sanz faulte Pour vous, ma dame. Adieu ! (Mir. enf. ress., 1353, 39-40). [La marquise à la nourrice] Veoir vous vieng pour secourir Vous et l'enfant, ma douce amie. (Gris., 1395, 50).

 

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Loc. verb.

 

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Avoir / tenir qqn à ami. "Avoir / tenir pour allié" : La .IIe. en Macedoine yere, Dont le roy a secours venoit De Hanibal, qu'a amy tenoit (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 219). Ainsi, Sire (...) se vous le povyez remettre en sa seigneurie [le roi Amidas dépossédé], vous (...) auriez le roy Amidas à amy et tous les Amidoyens, le Jouvencel et toute leur puissance tousjours à votre service. (BUEIL, II, 1461-1466, 159).

 

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Se declarer ami de qqn. "Se présenter comme l'allié de" : ...et disoit on que c'estoit pour ce que auparavant ledit duc de Bretaigne avoit prinse la Toison d'or, en soy declairant amy, frere et alié du duc de Bourgongne (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 234).

 

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Se departir bons amis. "Se quitter en bons termes" : Et, après ledit pourparlé ensuivant, le roy leva sa main dudit arrest et fist tout ledit paiement delivrer audit monseigneur le connestable, et puis s'en departirent d'ensemble bons amys. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 313).

 

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Devenir bon ami à qqn. "Devenir partisan de qqn :" : ...mons. Charles, son frere, et le duc de Bretaigne s'estoient reunys et devenus bons amis et bienvueillans au roy (...). Et ledit duc de Bretaigne offrit bailler au roy les villes que lui et ses gens tenoient en Normendie, en lui rendant et restituant les autres villes et places que les gens du roy tenoient en Bretaigne (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 210).

 

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Estre ami à qqn. "Être en bonnes relations avec qqn" : Et dient ainsi : "quel proffit seroit ce estre ami a un puissant et riche qui ne recevroit nul bien de luy ?" (ORESME, E.A., c.1370, 450).

 

Rem. Dans cet empl., ami tend vers l'adj.

 

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Estre (l')ami / le bon ami de qqn. : Et, chier sire, pour le grant honneur et la grant noblesce qu'ilz ont veue en vous, ilz desirent a estre voz bons amis et que vous les ayez pour recommandez, et vous envoient quatre cens hommes d'armes et cent arbalestriers d'estoffe, paiez pour VIIJ. mois, pour aler avecques vous tout partout ou il vous plaira. (ARRAS, c.1392-1393, 177). ..c'est vostre povre peuple [du roi] qui vous a loyalment servy et esté vostre ami (JUV. URS., Loquar, 1440, 368). ...c'estoit qu'il luy conseilloit, s'il vouloit estre amy d'Angleterre, qu'il meïst peine de mettre la paix, non point la guerre (COMM., I, 1489-1491, 199).

 

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Trouver qqn bon ami. "Bénéficier des bonnes disposition de qqn" : Le Regent respondist : "(...) Mais vous estes bon et saige ; je ne vous en conseille ne commande riens et m'en rapporte à vous. Mais soyez seur que, se vous avez à faire de moy, vous me trouverez bon amy tousjours et ne vous fauldray point." Le Mareschal respondist : "Monseigneur, je le scay bien ; n'en parlons plus." (BUEIL, II, 1461-1466, 219).

 

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Prov.

 

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Amis doivent l'un l'autre à leur besoin aider : C'est le roy Dagoubert qui France a a bailhier, Qui maint a emcombrier et main et a nuytié, Quar Vendres et payans l'ont venu assiegier Et luy font son royaulme gaster et eschiler (...) : Or vous requiert et prie que luy veulhés aider (...) ; Quar j'ay souvent ouÿ ung parler retraittier : Amis doivent l'ung l'autre a leur besoing aider. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 6).

 

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Il n'est secours que de loyaux amis : Et de Castille ung prince redoubté, Fort augmenté, sera graffé, enté, Mis et planté sus ung margaritier, Pour exauchier Noblesse et renforchier Et rabaissier orguilleux ennemis : Il n'est secours que de loiaux amis. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 338).

 

Rem. Quoique sa valeur affective s'affaiblisse en I A 2, ami reste teinté d'affectivité et semble garder une connot. cordiale, même dans les rencontres occasionnelles entre étrangers.

 

3.

"Celui (ou celle) qui est lié à qqn par des rapports familiaux, proche parent" : Après lesqueles vendues, delaissement et quittance ainsi faites, touz les freres, oncles, cousins et amis dessusdiz, lesquiex sont les plus prochains de char desdiz enfanz, ont juré devant nozdites genz et tresoriers, lesdites ventes, quitance et delaissement estre proufitable ausdiz enfanz (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.2, 1340, 70). ...Glaude, avant qu'il eust fait ceste fole entreprise ne encommencié, nous assembla et nous dist : Beaulx seigneurs, vous estes tous de mon lignaige, et je du vostre ; c'est bien raisons que nous nous entramons comme cousins et amis. (ARRAS, c.1392-1393, 210). A trespuissant prince et cremu, Le noble conte de Panice, Mon chier frere, que Dieu garisse, Et a sa femme, la contesse, Ma suer, a qui Dieu doint lÿece, Je, de Saluce le marquis, Leur feal freres et amis, Salus mande et dilectïon. (Gris., 1395, 23). Leurs corps en terre sera mis, Les biens demeuront aux amys, Souventesfois aux estrangiers. (...) L'avaricieulx se meurt : lor Aux heritiers demeure l'or (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 46).

 

Rem. Dans l'assoc. amis et parents ou amis et prochains, on ne sait trop si ami renforce l'idée de proche parenté ou s'il se réfère aux sens I A 1 ou I A 2 : : ...le duc Aubert et son frere et l'evesque de Liege (...) trouverent le duch qui estoient tous esbahis (...) car on luy avoit dit que ceste grosse assamblée que l'empereur de Romme avoit fait et faisoit encoires, se retournerent toutte sur luy, se ses bons amys et prouchains n'y pourveoient. Quant ces seigneurs furent venus devers le duc, il en fut tous resjoïs et grandement reconfortez et, par especial, pour la venue de ses deux cousins germains, le duc Aubert de Baviere et le duc Oste son frere, car bien sentoit que ilz ne luy lairoient avoir nul deshonneur (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 168). Il est bon que nous le mandons a noz amis et parens et a tous ceulx qui ont esté de ceste fole aliance. (ARRAS, c.1392-1393, 207). ...pareillement qu'il se sentoient assez seurs d'aucuns de la compaignie de monseigneur de Torcy, desquelx monseigneur du Lau avoit pour lors la charge, et dont aucuns estoient ses amis et parens (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 185).

 

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Au fém. : LE MARQUIS [au sergent]. (...) Or, le maine [l'enfant] a ma bonne amie Et suer, de Panice contesse. (...). LE SERGENT [à la comtesse de Panice]. (...) Dame, le marquis mon seigneur Et vostre chier frere et amé, (...) Cestui enfançon vous envoie (Gris., 1395, 67).

 

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Ami charnel / ami de chair : ...sera chargié un de noz amis de char à lour accoistre et parfaire sur notre dite terre là où nous vouldron, si ils en avoient mains que lour droit (Cartul. Laval B., t.2, 1334, 185). Si seroies trop mieulx servis De cellui qui tes servens est (...). Ne te puelent plus de bien faire Tes amis charnelz, tes parens Et tes serviteurs apparens, Qui sont par nature obligez Les aulcuns, les autres liez Par loier et par droit servaige A toy garder en ta malaige Mieulx c'une femme, qui toudis Gette de grans mos et despis Au languissant qu'elle despoire (DESCH., M.M., c.1385-1403, 66). ...notre bailli de Menreville, acompaigniéz du frere du dit Grart Du Baquelerot, de deux ses cousins germains et autres ses amis charnelz, prinrent de fait ou dit pays de Laleue Gauwain Du Bos, subget et justiçable d'icelui pays (Hist. dr. munic. E., t.3, 1395, 65). ...et a ordonné et ordonne que les amis charnelx dudit Deniz s'assembleront et esliront un curateur (BAYE, I, 1400-1410, 199). Or, estoit le bastard de noble et haute parenté et avoit des amis beaucoup en court et acquis et charnels (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 105). Et aprez, quant vous retournerez, vous trouverez la terre où vous avez esté nez, puissante de vous nourrir ; voz amyz charnelz, qui seront en vie, vous recueildront doulcement et à grant honneur (BUEIL, II, 1461-1466, 167).

 

Rem. Cf. J.-M. Turlan, Amis et amis charnels d'apr. les actes du parlement au XIVe s., in : R. hist. de dr. 4e sér. 47, 1969, 645-698. «Qui sont ces "amis charnels" ? (...) Il semble qu'il s'agisse plutôt de la parenté par le sang à laquelle s'ajoute l'alliance limitée au conjoint (...). Sous le règne de Charles VI, au Parlement, on énumère les amis charnels, père, mère, soeur, frère, puis les consorts ; ainsi à Tournai, ils se trouvent nettement distingués des alliés» (Cl. Gauvard, De grace especial : crime, État et société en Fr. à la fin du Moy. Âge, 1991, 643). «L'ami peut donc être un parent, et en particulier un parent par le sang. (...) On peut se demander si, plutôt que de désigner une parenté large dont les liens seraient vaguement perçus (...), la référence à l'amitié ne trace pas au contraire le cercle choisi au sein de la parenté. Les amis seraient alors les proches par le coeur et par le sang, élus privilégiés dans le réseau de parenté» (Cl. Gauvard, De grace especial : crime, État et société en Fr. à la fin du Moy. Âge, 1991, 675).

 

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En appellatif : LE SEIGNEUR. A Dieu, chier filz et ami doulx, Vous conmant jusqu'au reveoir. (Mir. enf. diable, c.1339, 28). ...orendroit dit le pere a son filz et le voisin a son prouchain : "Beaux amis, le temps est merveilleux et ne savons comment l'estat des choses presentes tournera, si fault mucier (...) noz avoirs et noz chevances." (CHART., Q. inv., 1422, 32). ...quant le Jouvencel eust prins port, le roy Amydas vint au devant de lui et le acolla et print entre ses bras et lui dist : "Mon filz, mon amy, vous soyez le très bien venu ; je vous offre ma fille, je vous offre mon royaume..." [Ici futur gendre, ami par alliance] (BUEIL, II, 1461-1466, 178). Mons. le grant maistre, mon amy, vous m'avez bien monstré que m'aymez et m'avez faict le plus grant plaisir et service que vous pourriés faire (...) A nostre très chier et amé cousin le conte de Dampmartin, grant maistre de France. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 216).

 

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Au fém. : Bon seroit, doulce amie, de vous communier chascune sepmaine ou au mains a la quinzaine, se faire le pouez sanz l'escandre de vos sereurs. [«Le "Chastel perilleux" est (...) écrit (...) par un chartreux pour sa cousine, nonne à Fontevrault. (...) s'adressant à sa cousine, la "belle amie" des manuscrits les plus anciens, vers 1400, disparaît dans les manuscrits plus tardifs au profit de "suer" ou "cousine", preuve d'une évolution sémantique» (P. Bourgain-Hemeryck, Bibl. Éc. Chartes 136, 1978, 136-137). Toutefois, on peut se demander si dans cet empl. de "amie" à propos d'une cousine religieuse, l'idée de relation spirituelle, de communion dans une même foi ne l'emporte pas sur l'idée de parenté] (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 120).

 

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Prov. Gens hors de leur pays sont amis comme freres : ...et ainsy que l'en dit communement : gens hors de leurs paiis sont amis comme frerez (Comte Artois S., c.1453-1467, 108).

 

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P. iron. Estre de nos amis. "Être cocu" : Le marchand [dont la femme a eu un enfant en son absence] cogneut tantost qu'il en estoit noz amis (C.N.N., 128).

 

Rem. Plus loin, l' "ami" est désigné par "cousin" ; v. cousin. GD V, 540c, nozamys.

 

4.

[Dans le domaine relig.] "Celui (ou celle) qui voue sa dévotion à tel être spirituel ; être spirituel accordant sa protection à tel individu"

 

a)

Qqn est ami de Dieu / Dieu est ami de qqn : E ! glorieux martir et vray, Ami de Dieu, sire saint Pry, M'ame en ta sainte garde ottry (Mir. prev., 1352, 234). Autrement fait ton bon amy, o ame devote, et vray Dieu de saincte amour, et le Filz de ceste Vierge au jour d'uy sainctement conceue, car en luy n'a riens de faintise, et en adversité point ne deffault, et si ne demande fors ton amour. (GERS., Concept., 1401, 409). O dont, ame inprudente, (...) tu devroies mieulx perdre tout le monde que la compaignie de l'amour du dateur des [var. : de] ces biens (...). Et certes, se tu aymes lez choses mondainnes, tu les dois amer comment subjettes, et les dois amer comment dons et aires de ton espoux ou comment guerdon de ton bon amy ou benefice de grant seignieur. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 265). Et regardant soy en ceste povre misere et extreme necessité, abandonna vertu et courage (...), pensant seulement a dieu, en luy priant qu'il eust mercy de son ame. Mais luy qui est tant misericordieux, qui esprouve et essaye ses amis en diverses peines et tribulacions en ce monde et puis les esleve quant les trouve fermes envers luy et entiers, ainsi comme luy plut permit que en iceluy lieu vint une barque de pescheurs (Belle Maguel. C., 1453, 88). LA FEMME. Sainct Nicolas, amy de Dieu, Requerons ton ayde et confort. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 77).

 

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Prov. Dieu sait bien au besoin ses bons amis aider

 

Rem. T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 181.

 

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Au fém. Amie (de Dieu) : ...l'umble vierge Marie En qui temple de ses precieux flans Le fil Dieu prist char vierge et d'omme vie Pour mettre en paix amies et amans. (Mir. Theod., 1357, 129). De grant eur vint li voloir plaisans D'amours, d'amant et de dame sanz per, Quant Dieu, qui est amours pour touz amans, En dame voult amant son fil fourmer (...), Lors fu de nient en vierge humain corps pris, Et lors fu dame en grace resjoie Pour resjoir amies et amis. (Mir. st Sev., 1362, 237). Puis doncques que ainsy a esté la loy faicte par toy souverain juge et droiturier, que toute la lignie de Adam et Eve (...) sera subjette a pechié originel comme dit est, se ton amie, que tant belle veulz faire, est conceue par Joachim et saincte Anne, (...) je fais doubte pour Justice que elle ne feust conceue en la tache de pechié originel et qu'elle n'eust pas ceste purté, innocence et beauté qui appartient a celle qui doit estre ta mere, ton espouse et amie singuliere. (GERS., Concept., 1401, 399). ...je expedieray la seconde partie de nostre sermon en faisant une amonicion a toute ame devote que elle soit belle et amie de Dieu perseveremment. (...) He Dieu ! comme a icy haulte noblesse de estre amie ! De qui amie ? Non pas amie de homme mortel, non pas d'ange ou d'archange, mais de Dieu, le Roy des roys, et des seignourissans le Seigneur. C'est le bon amy qui oncques ne faillit au besoing, qui oncques ne reproucha son amour, qui ne requiert de son amie fors estre amé (GERS., Concept., 1401, 408-409). MARIA. (...) Plus ne tiendrey entre mes bras Le Messïas, Mon filz, tout le bien de ma vie. Las, mon amy ; moy, vostre amie, De cuer vous prie Que me veulhés arregarder. Adieu, ma plaisance jolie ; Plus ne me fie En ce monde vous embrasser. (Pass. Auv., 1477, 199).

 

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En appellatif. Ami Dieu : Ami Dieu (...) Et vous, mere Dieu debonnaire, Jettez me hors de ceste haire (Mir. enf. ress., 1353, 21).

 

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Loc. verb.

 

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Avoir Dieu ami. "Être en relation d'amour spirituel avec Dieu" : Roÿne des cieulx, qui en vous Servir met son entencïon, Dieu a ami et les sains touz (Mir. enf. ress., 1353, 62). Par ce point sauverez vostre ame, Chier sire, et arez Dieu ami. (Mir. Clov., c.1381, 268).

 

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[De Dieu] Estre ami à qqn. "Être le protecteur bienveillant, le guide moral de" : Priez vo fil [de Nostre Dame] qu'il me sequeure E qu'a m'ame vueille estre ami. (Mir. mère pape, c.1355, 397). Entres en la chaudiére a plain Et je [Dieu] te tenray par la main, Et verras que pour toy feray Et combien ami te seray. (Mir. st Panth., 1364, 355). Or me vueille Dieux estre amy, Pour eslire la meillour voie (DESCH., M.M., c.1385-1403, 340).

 

Rem. Dans cet empl., ami tend vers l'empl. adj.

 

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[De Dieu] Clamer qqn ami(e) : Les ames sont qui se marient Au vray espoux, qui tant les aime Qu'amies et filles les claime (DESCH., M.M., c.1385-1403, 245).

 

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[De Dieu] Tenir qqn à ami(e) : Du vray espoux (...) Qui tient la bonne ame a amie (DESCH., M.M., c.1385-1403, 236).

 

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P. ext. "Celui (ou celle) qui est lié à une autre pers. par l'intermédiaire de la foi en Dieu, coreligionnaire"

 

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En appellatif : DEUXIESME NONNE. Chiére dame, s'il vous agrée, Un petit ici demourray, Car uncore un po a dire ay De mon service. L'ABBESSE. M'amie, je seroie nice Se dire ne le vous laissoie. (Mir. nonne, 1345, 330).

 

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Mon ami (en Dieu) / (mon) ami + adj. : Mes chiers amis en Dieu et freres, Vous savez comment nos sains peres, Mes seigneurs saint Pol et saint Pierre, Vindrent cy nostre salut querre, Et comment furent desprisiez, Tourmentez et martirisiez (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 160). LE JUIF. Touchant le siege apostolicque, Le chef capital de l'eglise, G'y crois fermement. MATHATIEL. Sans faintise. LE PRESTRE. Or, vous despouillés, mes amys, (...) Si serés dedans ces fons mis Pour recepvoir crestienté. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 154). LE PRESTRE [à Rifflart]. Bel amy, j'ay de toy pitié, Or vien ung peu plus près de moy Et tout premier confesse toy (...). Beaux amys, de tous tes pechez Dont tu as fait confession Requiers tu absolution ? (...) Tu es absoubz presentement, Mais mon doulx amy debonnaire, Il te fault penitence faire. (C. Riffl., c.1480-1520, 60).

 

b)

[À propos d'êtres spirituels autres que Dieu] : Or ne peut estre uns cuers amans fievez De biens par quoy soit en gloire meriz, S'il n'est de ceste vierge ami trouvez (Mir. enf. diable, c.1339, 55). LE JUIF. Sainct Nicolas est mon amy Et ay en luy tres grant fiance (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 92).

 

-

En appellatif : O princesse, doulce Vierge Marie, Ma deesse, ma maistresse, m'amye, Gardez moy bien que je ne me mescompte (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 179).

 

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Loc. verb.

 

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Estre ami(e) à qqn : Je requis la vierge Marie Que garant vous fust et amie (Mir. enf. ress., 1353, 26).

 

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Faire de qqn un ami. "Établir une bonne relation spirituelle avec qqn" : [Ici p. antiphr. dans la bouche du diable] SATHAN. (...) Car tous deux [les deux chrétiens] les emporteray En Enfer sans point de respit, Et pourchasseray, en despit De Nicolas, mon ennemy, D'en faire quelque bon amy Dedans la grant salle infernalle. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 123).

 

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Tenir qqn [ou un être spirituel] un vrai ami / à son ami. "Considérer qqn comme digne d'un amour spirituel" : NOSTRE DAME. Preudomme, entens a mes recors : Saches a toy cy endroit vieng Pour tant qu'a mon ami te tieng. (Mir. abbeesse, 1340, 88). MATHATIEL [à Saint Nicolas]. (...) Gardes moy que jamais je erre, Seure pierre, Car en terre De Dieu te tiens ung vray amy. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 156).

 

5.

P. anal. [À propos d'un animal]

 

-

En appellatif : ...si son limier tret au vent (...), il ne le doit pas suyr mes doit demourer tout coy et le retirer arriere aux routes et li fere mettre le musel a terre, en moustrant au doy et disant "vez le ci aler, biau frere" ou "mon ami" (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 174). Et quant j'euz tout le cerf deffait, La teste je prins et le cueur, Car a mon chien doit estre faict Le premier devoir par honneur. (...) "La, vaulcy, va avant, Briffault ! A route, a route, aller y fault ! Cy fuyra, compaings, cy fuyra ! Vous estes celuy qui tant vault. Briffault, mon amy, la yra !" (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 46).

 

6.

Au fig. [À propos d'une chose]

 

a)

Qqn est ami de qqc. / qqc. est ami de qqn. "Qqn/qqc. est en affinité avec qqc./qqn" : Il n'est pas amis de nature Ne prodoms, qui tant de maulx dit Des femmes (DESCH., M.M., c.1385-1403, 276).

 

-

Ami de + subst. (à valeur favorable ou défavorable) : Moult sont d'amis et de parens Qui se moustrent plus apparens De paroles a leurs amis, Quant Fortune hault les a mis, (...) Ce sont les amis de Fortune, Qui suient l'estat et l'avoir, Non pas le corps, je vous di voir, Mais l'ami de vraie amité Suit l'ami en adversité, Non pour remuneracion, (...) Ne pour chose que cilz li donne, Fors pour l'amour de sa personne (DESCH., M.M., c.1385-1403, 4). C'est le bon amy qui oncques ne faillit au besoing, qui oncques ne reproucha son amour, qui ne requiert de son amie fors estre amé seulement, et non pourquant tres habondamment guerdonnee. Ce n'est pas icy l'amy de bouche seulement, l'amy de bras, l'amy de bourse, l'amy de court, l'amy de cheminee, l'amy de genglerye et de adulacion et de flaterie. (GERS., Concept., 1401, 408).

 

b)

Qqc. est ami à qqc. "Qqc. a des analogies, des rapports favorables avec qqc." : Chaut (...) aide tres grandement a ceulx qui ont plaie en la teste, aide a tous les membres qui sont mortiffiez par froidure (...) ; et aussi comme le froit leur est anemy, le chaut leur est amy ; chaut est amy de nature et vivifiant, froit est anemy et occiant. (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 83).

 

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Empl. adj. "Favorable, bénéfique" : En Jourdain baptesme rechut Par Jehan et ne donnoit mie Ouye aux sours, jadis perie, Lumiere aux cecz tant seullement N'aux langoureux santé amye, Mais suscitoit mors plainement. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 175).

 

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Estre + adv. + ami de qqc. : Le sanguin quant il est pur et net a bon sens subtil et chault mouuement pour les operacions corporelles et a lentendement bon et bien arreste, et si est le sang plus amy de vie naturelle..., car la vie se tient et est conseruee en chaleur et en moiteur. (CIB., p.1451, 218).

 

Rem. Ami s'applique fréquemment à des abstractions personnifiées. Ainsi dans le tour tenir (pour son) ami qqc. : : Raison est et sera des miens (...), Et Espoir mon chier amy tiens, Qui a maintesfois, par proesse, Bouté hors d'avec moy Destresse (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 48). Plaisant Beauté mon cueur nasvra (...), Un bon medecin qu'on appelle Nonchaloir, que tiens pour amy, M'a guery, la sienne mercy (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 90). ...se tu n'aimmes l'amie de Paix, c'est assavoir Justice, Paix ne te aimmera ja (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 236).C'est le cas notamment dans le tour estre (+ adv.) + amie à qqn "se montrer favorable à qqn" : Et aussi, se fortune et bonne aventure nous vouloit estre amie, nous avons bien voulenté de conquerir terres et pays. (ARRAS, c.1392-1393, 82). Ainssy leur fu Fortune amye Un tendis, qui leur fu rebourse Aprés moult durement... (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 74). Las, Fortune m'est ennemie, Qui est aux desloiaulx amie, Quant lessier ne me pouoit mie - Dieu la confonde - Une seule joie en cest monde, Qui en mal a nul ne redonde. (CHART., L. Dames, 1416, 220). ...pour ce que Fortune ne nous est pas si amye que de nous avoir permis longuement vivre (C.N.N., c.1456-1467, 166).

 

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En appellatif : Comment Repertoire de Science (...) escript une epistre a Franc Vouloir, son disciple (...). Chers amis, j'ay ta lettre veue, Bien advisée, et bien leue, Et te voy ja plungié en l'onde Des flos perilleus de ce monde (...). Treschier filz, enten que tu fais Et des nopces le grant dommaige Qui puet venir par mariaige (DESCH., M.M., c.1385-1403, 40). Servitute, amie, parlez (DESCH., M.M., c.1385-1403, 327). M'amye Esperance, Pour quoy ne s'avance Joyeux Reconfort ? (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 475).

B. -

[Dans le domaine des relations amoureuses]

 

1.

"Celui qui est lié à une femme par un attachement essentiellement sentimental, par un amour platonique, courtois ; bien-aimé, chevalier servant" : Le premier [point] est que le loial amant, quant ce vient a l'amer, doit s'amour mectre et son cuer tout entier en une seule singuliere personne (...). Le second point de bonne amour loial, c'est que elle, de son droit, doit estre perdurable et doit durer sanz fin, tellement que fortune ne autre chose n'en puist separacion faire, fors la mort seulement, car "tousdiz aime cely qui est bons amis", sy come il semble que Aristote veult dire. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 594). Belle que je tiens pour amye (...), Non pour tant, voulentiers j'auroye Le guerdon de loyal amy, Qu'oncques ne trouvay jusqu'a cy En vous, se dire je l'osoye. Je vous ay longuement servie, Si m'est advis qu'avoir devroye Le don que de sa courtoisie Amour a ses servans envoye (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 33). ...ung josne chevalier nommé messire Floridam estoit tres fort embrasé en l'amour de la dicte pucelle, (...) messire Floridan et la pucelle ne estoient que ung coeur, une amour et une voullenté. Le dit josne chevallier frequentoit et visitoit sa belle et doulce amie, la dicte pucelle (...). Entre leurs doulces et amoureuses paroles estoit souvent regardé et devisé par quel art (...) leur souverain desir porroit estre acomply, c'est assavoir comment ilz porroient estre joinctz et unis par bon et leal mariage ; (...) elle envoya (...) secretement querir messire Floridam, son ami pour traictier et savoir (...) comment elle porroit estre conjointe par mariage a son dit ami. (RASSE BRUNH., Flor. Elvide B.N. C., a.1456, 6). ...Madame en sousriant a ses femmes lui dist : "Or ça, maistre, ça, par la foy que j'ay de vous, dictes moy, tout premiers, combien a il que vous ne veistes vostre dame par amours ?" (...) Et tant l'en pressèrent qu'il dist : "Ma dame, je n'en ay point." - "N'en avez vous point ?" dist Madame, "et qui seroit la bien eureuse qui un tel ami avroit ? Puet bien estre que n'en avez point, bien le croy. Mais de celle que plus vous amez et vouldrié qui fust vostre dame, puis quant ne la veistes vous ?" (LA SALE, J.S., 1456, 8).

 

-

En appellatif : DEUXIESME NONNE. (...) Doulz ami chier, A vous m'en vien. LE CHEVALIER. Doulce amie, puis que vous tieng, Je sui hors de toute tristesce Et plain de joie et de leesce (...). Pour Dieu, dame, que vous hastez, Car pour voir espouser vous vueil (Mir. nonne, 1345, 334). Je ne vous puis ne sçay amer, Ma Dame, tant que je vouldroye ; Car escript m'avez pour m'oster Ennuy qui trop fort me guerroye : "Mon seul amy, mon bien, ma joye, Cellui que sur tous amer veulx, Je vous pry que soyez joyeux En esperant que brief vous voye." (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 56). Autre balade que le prisonnier donna a une damoiselle pour l'envoyer a son amy. Adieu, mon amy gracieux, Adieu, celluy que je desire, Adieu, l'amour que j'ayme mieulx Par qui souvent mon cueur souspire, Moult me tarde que puisse rire Avecques vous joyeusement, Car je vous ayme loyaulment. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 93).

 

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Loc. verb.

 

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Clamer / nommer qqn (son) ami. "Désigner, reconnaître qqn comme étant l'objet de son amour" : Et comment me puis je excuser Nullement de cellui amer Qui, sans sejour, M'apelle sa dame et sa flour (...) ? J'aroye en moy trop grant riguour, Quant il m'a cuer, corps et vigour Fait presenter (...), Se je ne faisoye parler Octroy pour ly reconforter De sa dolour. Pour ce a li me doing sans folour Et le veil mon ami clamer. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 232). Contez moy comment fait la belle : L'avez vous point oy parler De moy, et amy me nommer ? A elle point mis en oubly Ce qu'il lui pleut de m'acorder, Quant me donna le nom d'amy ? (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 50).

 

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Faire (de qqn son) ami. "Choisir un soupirant (en la personne d'un tel)" : La Roynne de Hongrie oÿ La grant honneur et le grant cri Que partout aloit le sermon Du Beau Chevalier au Lyon. En son corage se pensa Que son amit elle en fera, Car le plus bel le vit du monde Et que tout bien en li habonde (...). La roynne ne pot longuement celer l'amour qu'en li avoit (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 272). S'amant s'esloigne Ou qu'il meurt en haulte besoigne, L'onneur la loyauté tesmoigne ; Maiz je pers le mien en vergoigne Honteusement, (...) Vif et sain, je pers mon servant Et son honneur qui va devant (...). Au renouvel, La premiere [dame] en fin de l'anvel, Pour recouvrer joie et revel, Sans tort puet faire ami nouvel. (CHART., L. Dames, 1416, 291).

 

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Retenir qqn pour ami : Guy, qui tant la veoit belle et douce au regart des autres, et qui encores ne savoit qu'estoit nature d'amour, par son doulx regart fu alors si espris soudainement de l'amour d'elle que bien luy semble que s'il ne peut venir jusques a aquerir sa grace, et qu'elle ne le vueille pour amy retenir, que sa fin couvient estre prouchaine. (Guy Warwick, c.1400-1450. In : Chrestom. R., 96).

 

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Tenir qqn pour son ami. "Considérer qqn comme son chevalier servant" : La fleur, de tous biens enrichie, Qui estoit ma Dame, m'amie, Et qui de sa grace m'amoit Et pour son amy me tenoit (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 86).

 

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Prov. Il n'est point loyal ami qui n'aime le bien de sa partie comme le sien : ...ilz estoient enssamble disans aucunes gracieuses devises, mais la pucelle en fin dist qu'elle doubtoit moult la venue du roy son pere (...). "Ma treschiere maistresse, dist le chevallier, je vous responderay sus ce. Et vous dy que je me vouldroye emploier a garder vostre honneur comme le mien propre, car il n'est point leal amy qui n'aime le bien de sa partie comme le syen. Et puis qu'il plaist au Dieu Souverain et que nous avons telle amour enssamble que jamais ne peut estre departie, nous devons vouloir le bien et l'onneur l'un de l'autre tellement qu'en nous ne ait que ung vouloir..." (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 117).

 

2.

Au fém. "Celle qui est liée à un homme par un attachement essentiellement sentimental, par un amour platonique, courtois ; en partic. celle à qui le chevalier fait hommage dans les tournois ; bien-aimée, dame" : ...le roy Artus (...) demanda a la dame quelle part elle vouloit aller, et la dame luy respondi : "Beau sire, je vous vouldroye mener (...) a une des plus belles cours que vous veissiez oncques (...). Et si avra bien .Vc. chevaliers des meilleurs de la contree, qui sont ja venus pour voir la court, qui est ordonnee en tel maniere que celluy qui avra la plus belle amye et le pourra monstrer pour armes, si avra ung papegault (...). Mais il y vient ung chevalier qui tous les aultres de la contree a conquis par armes. (...) et leur fait faire a luy hommage par force et sans droit et sans raison, et puis aprés il a une amye, la plus laide creature que vous oncques mais veissiez, et il leur fait dire par force qu'elle est la plus belle et la plus courtoise..." (Chev. papegau H., c.1400-1500, 5). N'a pas longtemps qu'escoutoye parler Ung amoureux qui disoit a s'amye : "(...) Je meurs pour vous, je le vous certiffie !" Lors respondit la plaisante aux doulx yeulx : "Assez le croy, dont je vous remercie, Que m'aymez bien, et vous encores mieulx. (...) Je ne vueil pas de ce vous destourber Que ne m'amiez de vostre courtoysie ; Mais que pour moy doyez mort endurer, De le croire ce me seroit folye..." (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 167).

 

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En appellatif : E ! doulce amie, en convenant M'aviez d'estre a moy venue : Par deux nuiz vous ay attendue Et a toutes deux musé ay (...). Doulce amie, pour vostre amour Ne m'en vueil je pas courroucier, Mais je vous pri, dame, et requier Ennuit venez. (Mir. nonne, 1345, 330). LA FIANCÉE. (...) Or dictes : M'amye, ma mignonne... MAISTRE MIMIN (respond si cler). "Or dictes : M'amye, ma mignonne." LA BRU. Mon cuer et m'amour je vous donne. MAISTRE MYMIN. "Mon cueur et m'amour je vous donne." (Maistre Mim. T., c.1480-1490, 265).

 

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Belle amie. "Femme à laquelle un homme rend hommage" : Ne luiteray je aux pastoureaux Quant vouldray en lieu de tournoy ? Je pense estre de tel conroy Que g'y conquerray belle amie. (Gris., 1395, 47).

 

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Prov. Couard (homme) n'aura jamais belle amie. "Un homme timoré ne saura jamais se faire aimer d'une femme" : Mes savés vous de quoi je me soussi ? De ce qu'on dist, oubliié ne l'ai mie, Que couars homs n'avra ja belle amie. Mes sans faille, dame, ma couardise Ne me vient point de mal ne de faintise, Fors que de tres parfette loyauté Que Bonne Amour a en mon coer enté. (FROISS., Orl., 1368, 90). Ja couart n'ara belle amye. On ne poeult aidier les chetifs, Fortune leur est ennemye Et tousjours aide les hardis, Qui de ruer ne sont tardis, Ou ardant desir les semont. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 659).

 

Rem. Cf. T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 182.

 

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Loc.

 

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S'appeler l'amie de qqn : Pour le plus eureux soubz la nue Me tiens, quant m'amye s'appelle ; Car en tous lieux ou est congneue Chascun la nomme la plus belle. Dieu doint que, maugré le rebelle Dangier, je la voye briefment (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 70).

 

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Avoir qqn à amie : ...elle [Hermine] ne puet yssir de la pensee de Uriien, et le desire tant a veoir, pour le bien que on lui dit de lui, qu'elle dit a soy mesmes que, se il avoit le visaige plus contrefait C. foiz que il n'a, si est il tailliez, pour sa bonté et pour sa prouesse, d'avoir la fille du plus hault roy du monde a amie. Et ainsi pensa la damoiselle toute la nuit a Uriien, car amours la fait penser par son hault povoir. (ARRAS, c.1392-1393, 104).

 

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Estre l'amie de qqn : Unne dame aim plainne de grant beauté. Lonc temps avoit, que ne l'avoie veue, Trop me doutoi, coer de fenme tost mue. Quant ving vers li, doucement m'apella (...) - Amis, dist elle, en vus n'a demouré, Que n'aie fet amit nouvel et gai, En verité de mot n'en mentirai, Un chevalier faitic a grant devise Si me requist par la soie francise S'amie fusse, ne l'en falisse pas, Et a ce faire n'estoit il mie gas. Quant m'ot requise, que je fusse sa dame, Et miens seroit sans penser a diffame, Lors je li dis hardiement m'amast, Mes que mon bien de riens n'en enpirast. (...) Mon anelet li donnai volentiers (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 139). Avez vous point ma Dame veue ? (...) Pour m'oster de merencolie, M'escrivy amoureusement : "C'estes vous de qui suis amye." (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 69).

 

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Tenir qqn pour amie : Tous maulx suy contant de porter, Fors un seul, qui trop fort m'ennuye, C'est qu'il me fault loing demourer De celle que tiens pour amye ; Car pieça, en sa compaignie Laissay mon cueur et mon desir ; Vers moy ne veulent revenir (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 61).

 

3.

"Celui qui est lié à une femme, notamment par des relations charnelles hors mariage" : ...ledit Hainsselin, son ami, nonobstant qu'il feust mariez, retourneroit à elle, et l'ameroit autant comme fait avoit paravant. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 339). ...et, en après, merlast lesdites cire et poix ensamble, et, iceulx ainsi par elle merlez, meist auprès et lez du lit où elle et son ami, ou celui que elle vouldroit avoir à mary, coucheroit. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 323). Et la avoit dedens la forterece une damoiselle gentil fenme, qui enclose s'i estoit pour l'amour de son ami Jehan de Manni (...) et estoit des damoiselles de l'abeie de Denain. Et estoit si enchainte que sus ses jours et moult avoit esté destourbee (...) tant que tout li compagnon en avoient eu grant pité. (FROISS., Chron. D., p.1400, 398). Le mary avoit la bouche seullement, et son amy le surplus ; et si d'adventure le mary se servoit aucunesfoiz des aultres membres, ce n'estoit que par maniere d'emprunt, car ilz estoient a son amy par le don de sa dicte femme. (C.N.N., c.1456-1467, 318). ...si fut sa bonne femme contrainte (...) en lieu de mary user d'amy, actendant le rappaisement de son dit mary (C.N.N., c.1456-1467, 421). Jehanneton la Chapperonniere, Gardez qu'amy ne vous empestre ; Et Katherine la Bourciere, N'envoyez plus les hommes paistre (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 58). Pour aussi vray que euvangile, quant une femme voeult estre de son baron ou de son ami bien amee, se elle lui fait mengier rachines d'erbe de chat, il sera de elle tres amoureux. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 122).

 

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En appellatif : L'ABBEESSE. (...) Je croy convenant bien vous tieng, Amis, quant je si tost revieng. Or venez en ma chambre ça Seurement : nul n'y venra, Je n'en doubt mie. LE CLERC. Ha ! ma chiére dame et amie, Deceu m'avez et trahy Se vous n'avez de moy mercy, Que vous vueillez par vostre grace Que de vous ma voulenté face (...) ? L'ABBEESSE. Certes, amis, tant de soubtil Sens n'ay pas que le contredie, Car vostre amour si me maistrie Que tout mon sens surmonté a : Faites tout quanqu'il vous plaira, Amis, de moy. LE CLERC. Je vous mercy de cest ottroy (...). Vez la donc : delez vous me couche (Mir. abbeesse, 1340, 72). LA FEMME. A ! mon Dieu, amy, entrés dedens Hardiment. Mon mary est dehors, S'en est alé ; ne craignés fors Que de faire le passe temps. Mon mary est alé aulx chans ; Aujourd'uy pas ne reviendra. Par quoy, amy, il vous plaira Coucher ensemble entre deulx dras, Tous nus, nous tenans par les bras. Voulés-vous poinct ? L'AMOUREULX. Ma doulce amye, Vous obéir pas ne denye (...). Baisés moy. (Retraict T., c.1490, 212).

 

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Loc. nom. Ami par amour. "Amant" : ...ung gentilhomme (...) tant et si longuement se trouva en la compaignie d'une belle fille qu'il luy fist le ventre lever (...). Si fut force a nostre gentilhomme d'abandonner sa dame et avecques les aultres aller au service de mon dit seigneur (...). Et quand vint environ ung mois après le partement de son amy, desir luy eschaufa le cueur (...), Amour envoya nostre marchant devers sa patiente (...). Il ne fut pas escondit (...). Et tant trouva en luy de bonne chevalerie, de proesse et de vertuz, qu'elle oublya de tous poins son amy par amours, qui a ceste heure gueres ne s'en doubtoit. (C.N.N., c.1456-1467, 146). Belle, se vous prenez amy Par amour, au jour la journee, Vous serés vestue, aournee Autant a l'endroit qu'a l'envers (P. moyne, a.1500, 46).

 

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Loc. verb.

 

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Clamer qqn son ami. "Désigner, reconnaître qqn comme étant son amant" : On m'a dit (...) Que nostre abbesse le clerc ayme Et qu'autrement point ne le claime Que son ami. (...) Dame, encore est si grant ce cas Qu'elle est grosse, ce me dit on, Et n'a qu'un po que l'enfençon Senti mouvoir. (Mir. abbeesse, 1340, 73).

 

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Faire (de qqn son) ami. "Prendre un amant" : Si est vray qu'au commencement Une chacune de ces femmes Lors prindrent, ains qu'eussent diffames, L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moyne, Pour estaindre d'amours les flasmes Plus chaudes que feu saint Anthoyne. Or firent selon ce decret Leurs amys, et bien y appert : Ilz amoient en lieu secret, Car autre d'eulx n'y avoit part. Touteffoiz ceste amour se part, Car celle qui n'en avoit q'um De celluy s'eslongne et depart Et ayme mieulx aimer chascun. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 62).

 

4.

Au fém. "Celle qui est liée à un homme, notamment par des relations charnelles hors mariage ; amante, amoureuse, maîtresse" : Honnie soit qui ne sera Ceste nuit s'amie et sa drue (DESCH., M.M., c.1385-1403, 95). Pis vault avoir femme qu'amie, Car d'amie se depart on Franchement, mais de femme non (DESCH., M.M., c.1385-1403, 98). ...amour excellente (...) ne peut estre a pluseurs, come Aristote dit, ainz doit de son droit tousdiz estre d'une seule a un seul et d'un tout seul aussi a une seule (...). Pour ceste cause aussi dit Ovide ailleurs que "qui a une amie, il en a cent, et cely qui en a cent, il n'en a nulle". Et pour ce aussi conseille il au contraire, entre pluseurs autres regles qu'i baille a cest propos, que cely qui se vouldroit d'aucune fole amour retraire doit procurer, s'il peut, pluseurs amies et mectre en pluseurs lieux l'ymaginacion, car l'une amour l'autre divertira. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 678). La eut une autre vielle qui dist : Je me donne grant merveille de ces amans par amours qui suivent leurs amies longtemps, puis reviennent et cuident estre amez comme devant. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 143). Il faict bon aymer, non pas trop aussi, Auprés de s'amye fait il bon dormyr. (LA VIGNE, S.M., 1496, 264). LE MARY. (...) Je m'en voys tout à cest heure A mes affaires pourveoir (...). L'AMOUREUX. Si fault-il que je voise veoir, Quelque chose que l'on en dye, Se je trouveray mon amye Pour affin de la gouverner ["avoir un commerce coupable avec elle"] Et avec elle raisonner. (Bad. loue T., c.1500, 47).

 

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En appellatif : Puis qu'ainsi est que loingtain de vous suis, Ma maistresse, dont Dieu scet s'il m'ennuie, (...) Qu'il vous plaise de vostre courtoisie, Quant vous estes seule, sans compaignie, Me souhaidier un baisier amoureux (...). Quant en mon lit doy reposer de nuis, Penser m'assault et Desir me guerrie ; Et en pensant maintesfois m'est advis Que je vous tiens entre mes bras, m'amye (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 29). LA FEMME (se rend en disant :) Je ne sçay si rude personne De femme, pour le faire court, S'une foys l'oreille abandonne, Qu'on ne gaigne la basse court. Plus ne puis faire le cueur sourt (...). L'AMANT. Repeu suis de tous entremetz, Puis que vo cueur ay d'abandon (...). Prenez en gré ce petit don De vingt escus que je vous baille ; Et de Colin, le bon preudon, Vostre mary, plus ne vous chaille (...). M'amye, de tout mon avoir Vous serviray, je vous affy (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 155). L'AMOUREUX. Certes, m'amye, je vous asseure Que, depuis environ huyt jours, J'ay fait plus de quarante tours Icy entour vostre logis. Mais tousjours vostre grand longis De mary present y estoit. LA FEMME. Il me pense tenir estroit Les mains, comme on fait une oye. (Bad. loue T., c.1500, 51).

 

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Loc. nom. Amie par amour / belle amie. "Maîtresse" : ...durant le temps desdites espousailles, elle a plusieurs fois ouy dire audit de Ruilly, son mary, que une femme venderresse de poisson, demourant à la porte Baudet, nommée Gilete La Verriere, avoit esté longtemps son amie par amours, et de li avoit eu deux enfans (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 317). L'AMOUREULX. Nul en ce monde tel temps n'aura Jamais, car j'ey tout à souhaict Se c'un amoureulx doibt avoir. J'ey belle amye, j'ey or, monnoyee, J'ey jeunesse, sancté et joyee. (...) Or sus, ma mye, faisons grand chere (...). LA FEMME. Grand mercy, syre. (Retraict T., c.1490, 214).

 

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Loc. verb.

 

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Avoir (à) amie / tenir qqn amie. "Avoir / considérer qqn comme (sa) maîtresse" : L'ABBEESSE. (...) Que feray je sainte Marie ? Amours m'assault et me guerrie Pour mon clerc qui de cy s'en va, Car sodainement monstré m'a Son maintien, qui par est si gent Qu'il doit bien plaire a toute gent (...). Et quant je repense a la joie Qui de mon clerc me peut venir Si me veult amie tenir, Qu'amours me face tant valoir, Ce me fait mettre en nonchaloir Touz autres maux et touz annuiz. (Mir. abbeesse, 1340, 66). Car tu verras en maint histoire Plus de chevaliers et de clers Larges, vaillans, saiges, appers, Qui a leurs temps mariez furent Et qui firent mieulx ce qu'ilz durent Que ceuls qui ne le furent mie Ne que ceuls qui eurent amie. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 317). ...jà pieçà, lui ayant à amie une fille de pechié nommée Museau de Brebis (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 143).

 

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Estre à qqn vraie amie. "Se comporter en amante fidèle, loyale " : L'ABBEESSE. Biaux doulx amis, pour sainte Helaine, Esté avons grant piéce ensamble, Si qu'il est bien temps, ce me samble, Que je revoise a mes nonnains. Pour Dieu vous pri a jointes mains, Si chiérement com vous m'amez, De moy estez sur touz amez Et si vous seray vraie amie, Que reveler ne vueillez mie Nostre secré. LE CLERC. Ma chiére dame, a vostre gré Faire du tout en tout m'atour. (Mir. abbeesse, 1340, 74).

 

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Faire une / des amie(s). "Prendre une/des maîtresse(s)" : ...et fu mis example de fole amour charnel contre laquelle, selon Ovide, un remede est faire pluseurs amies. Et donques l'en ne puet pas chascun de pluseurs amer parfaictement. (ORESME, E.A., c.1370, 490). Dame [Yole] ! Bien sçay que chier avez Vostre mary [Hercule] et bien devez L'amer, car, certes, bien le vault, Mais il fera maint divers sault Par le monde. Ne croyez mie Qu'il ne face encore autre amie Que vous, et vous oubliera, Et une autre dame amera (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 22).

 

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Prov. Onques ne fut ne laid amant ne laide amie. V. amant

 

Rem. Ce prov. peut se rattacher également à II B 1.

 

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Prov. : Car longue demoree, on le dit mainte fie, Fait mainte foys changer et amant et amye. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 371).

 

Rem. Cf. T. Matsumura, Trav. Ling. Philol. 37, 1999, 182 et 188.

 

5.

"Celui qui est lié à une femme par des rapports matrimoniaux, époux" : De telz manierez d'entremez estoit la noble contesse servie pour l'absence de son seigneur ; (...) elle se prist a faire sez lamentacions et dire : "A ! A ! Mort aspre et rigoureuse qui riens ne espargne, est ta puissance perdue ? (...) mon amy m'a seule hanbandonnee sans donner esperance d'estre en sa gracieuse compaignie jamais !" (...) s'y n'en passoit la leale dame comme en riens son anoy, anchois continua sez regrés par l'espase de .VI. mois aussy dolereusement a painez que le premier jour du partement son tres amé mary (Comte Artois S., c.1453-1467, 100). Pourquoy doncques veulx tu habandonner et delaisser moy [Dido] ta donnee desconfortee, preste a mourir, et t'en fouir oultre passant (...) ? Hee ! Je apparçoy bien que de toy je cuidoie mon amy, mon loyal espoux et mari et ne me demeure de present fors seulement que le nom de hoste. (Eneydes, 1483. In : Chrestom. R., 232). Après que les nopces furent passeez, le roy de France vint au roy d'Espaigne et la royne, present leur fille sa femme, si leur dit : "Beau pere, et vous, belle mere, vous sçavez comme j'ay grant charge de mon royaulme gouverner (...). Pource, si est de vostre plaisir, me donnerez congié, et doubtant vous desplaire, ne vous oze demander licence d'emmener ma mye, car si c'est vostre plaisir qu'elle demeure, je la vous recommande (...)." En disant ces parolles la jeune dame fondoit en lermes, voyant qu'elle estoit pour demeurer, et que son amy s'en alloit sans elle. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 92).

 

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En appellatif : LE MARI. Ma suer, ma compaigne loyal, M'amie chiere, acole moy ! Certes, j'ay moult esté pour toy Plain de tristesce. LA FEMME. E ! Diex, or double ma leesce ; Mon chier seigneur, mon ami dous, Voir quant il m'a membré de vous, Plus grief douleur au cuer sentoie Que de la mort que j'atendoie (Mir. enf. ress., 1353, 74). Haa, Remond, la journee que je [Melusigne] te vy premiers fu pour moy moult douleureuse (...). Las ! Mon amy, or sont noz amours tournees en hayne, noz doulceurs en durté, noz soulaz et noz joyes en larmes et en plours, nostre bon eur en tres dure et infortuneuse pestillence. Las ! Mon amy, se tu ne m'eusses faussee, je estoye gettee et exemptee de paine et de tourment, et eusse vescu le cours naturel comme femme naturelle (ARRAS, c.1392-1393, 256). Il (...) trouve sa femme qui se plaignoit (...). "Comment va, dit il, m'amye ? - Je me meurs, mon amy, dit elle." (C.N.N., c.1456-1467, 136). Et adoncq parla le Jouvencel à sa femme et lui dist en ceste manière : "(...) Pour ce, je vous pry, madame ma mye, que vous lui dictes qu'il [le roi, son pere] n'ait point de souspeçon contre moy (...)." Et adonc la dame lui respondist en disant : "Mon amy, qui vous a dit cecy ?" (BUEIL, II, 1461-1466, 254). LA FEMME [au chrétien, son mari]. Fort je prise Vostre oppinion, cher amy. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 83).

 

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Loc. verb. Estre vrai ami à qqn. "Être un mari fidèle pour qqn" : LE CHEVALIER. Doulce amie, espousé avons Et esté si lonc temps ensemble Que deux enfans, si com me semble, Avez de moy qui sont ja grans (...). DEUXIESME NONNE. Mon treschier seigneur, je m'assens A tout ce qui vous plaist a faire (...). LE CHEVALIER. Dame, de ce vous croy je bien ; Et je vous seray vraiz amis, Si com je le vous ay promis, Jusqu'en la fin. (Mir. nonne, 1345, 337).

 

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P. iron. Nos amis. "Maris trompés" : Le marchand de blé faindit retourner de son voyage (...). Si vint hurter a sa porte et hucher sa femme, qui se trouva bien esbahie (...). Et tant ne le fut qu'elle ne print bien le loisir de mucer son amoureux le curé en ung casier qui estoit en la chambre. (...) Le bon homme (...) voulut aller en sa chambre (...). Premier dit que pour la suspicion qu'il avoit de la desloyaulté d'elle, craindoit tresfort estre du reng des bleuz vestuz, qu'on appelle communement noz amis, (...) le curé estoit son lieutenant tantdiz qu'il alloit marchander. (C.N.N., c.1456-1467, 443). ...une foiz, ainsi que son mary avoit demouré deux ou trois jours routiers (...), cuidant que pour ce jour ne deust point retourner, (...) mist son amoureux au logis, et commencerent a boire d'autant et faire grand chere. Gueres n'avoient [esté] assis a table que nostre mary vint bucquer a l'huys (...) : "Ouvrez, ouvrez, dit le mary. - Ha mon mary, (...) les sergens ont esté ceans plus de deux heures et demye pour vous mener en prison. (...) - Voire mais, disoit noz amis, ne vous ont ilz point dit quelle chose ilz me vouloient ? - Nenny..." (C.N.N., c.1456-1467, 508).

 

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Loc. Estre de nos amis / se trouver nos amis : - Monseigneur, dit elle, quand il me veult baiser et parler d'amours me fait en ce point habiller (...). - Madame, dit il [le clerc], vous avez raison ; et aussi vous me faictes souvenir que c'est la maniere des chevaliers d'en ce point faire adouber leurs dames. Mais les clercs ont tout aultre maniere de faire (...). Lors la fist despoiller (...), et il pareillement se deshabilla, et misrent a point le beau lit qui la estoit, et se coucherent tout dedans et se desarmerent de leurs chemises et passerent temps deux ou trois heures bien plaisamment. Et avant partir, le gentil clerc monstra bien a madame la coustume des clercs (...) depuis luy monstra foison d'aultres tours, dont monseigneur en la fin se trouva noz amis. (C.N.N., c.1456-1467, 282). Faulte se doit dire tout hault (...). Mais nos dames ont a repreuve Quant leur deffaillance se preuve, En disant que par nos blasphemes Elles sueffrent dolleurs extremes. Et, par ma foy, qui ne diroit Ce que sur femme on scet et voit, (...) Toute femme bien cuideroit Que nulz homs ne le congnoisteroit : Aussy tout leur seroit permis. Il seroit bien de noz amis, Celui qui tant seroit submis A celer leurs faultes couvertes Que meismes en auroit les pertes [Note de l'éd. : «On qualifiait de "nosamis" les gens qu'on regardait comme des sots, par opposition à "nosseigneurs", qui se disait des personnes auxquelles on devait obéissance et respect», mais le sens exact n'est pas ici celui de "benêt, sot" (K. Baldinger le signale à juste titre ds R. Ling. rom. 46, 1982, 39), même si l'on peut considérer qu'un mari trompé est parfois un benêt] (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 68). LE SOT. Qu'est ce la ? je n'en parle mye. Il en est bien de noz amys. (P. Jouh. D.R., a.1488, 19).

 

Rem. Nos amis peut désigner simplement un niais, sans qu'il soit question d'infidélité conjugale, quoiqu'il y ait bien une innocente tromperie dans le texte suiv. : : ...nostre gouge, auprès de son mary couschée, se commenca a plaindre et faire si tresbien la malade qu'il sembloit que une fievre continue luy rongeast corps et ame. Noz amis, son mary estoit bien esbahy et desplaisant ; si ne savoit que faire ne que dire. Si manda tantost sa belle mere (...). "Pour Dieu ! n'y espargnons rien, dit elle ; j'ay encores de l'argent que je n'ayme pas tant que ma fille. - Espergner ! dist noz amis ; creez, si on luy peut aider pour argent je ne luy fauldray pas..." (C.N.N., c.1456-1467, 134-135).

 

6.

Au fém. "Celle qui est liée à un homme par des rapports matrimoniaux, épouse" : Gentil chevalier Pierre, mon cher et doux seigneur, donnez vous plaisir et joie, car veez cy vostre loyale femme et amie Maguelonne (Belle Maguel. C., 1453, 95). Si se devalla l'ame dudit Orpheus en enfer, ou il retrouva sa femme et s'amye Erudice. (Ovide mor., 1466-1467. In : Chrestom. R., 202).

 

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En appellatif : Ensi fuit Ollivier d'Espaingne corronnér, Et si ot la pucelle ou grande est li biaulteit, Et l'espousait li anffe qui tant fuit naturéz. (...) "Sire, dit la pucelle, pour Dieu ne me cellez, Dite moy le pays ou vous fuitez nez (...)." Et Ollivier respont : "Damme, vous le sarez. Je vous jure sur Dieu qui en croix fuit penéz Que je ne sa, amie, ou mez corpz fu nez..." (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 785). Mais quant il fu un pou revenu en sa memoire, et il voit Melusigne devant lui, si s'agenoille et joint les mains en disant ainsi : Ma chiere amie, mon bien, mon esperance, mon honneur, je vous supply (...) que vous me veulliez pardonner ce meffait, et veulliez demourer avec moy. Mon doulz amy, dist Melusigne... (ARRAS, c.1392-1393, 257). JOUHAN [à sa femme]. Que voullez vous avoir M'amye, ma doulce rassotee ? AFFRICQUEE. Sus, sus, que soye frotee Doulcement, ung peu au front, Malade suis (...). JOUAN. Voulentiers, ma tresdoulce amye. Par bieu, elle me fait bien paistre (P. Jouh. D.R., a.1488, 37). MUNYER. Vous allez Puis chetz Gaultier, puis chetz Martin ; L'un gauldissez, l'autre gallez, Aultant de soir que de matin. Pencez que, dans mon advertin, Les quinzes joyes n'en ay mie. FEMME. L'avez-vous dit, villain mastin ? Vous en aurez ! (Elle fait semblant de le batre.) MUNYER. Dictes, m'amye, Au nom de la Vierge Marie, Maintenant ne me batez poinct (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 199). LA PREMIERE FEMME. Je ne suis que trop advenante Pour le sainct à qui je suis offerte. (...) LE PREMIER MARY. Dea, m'amye, je ne vous dis rien. (...) Ma femme, ma doulce poupine, Corps advenant, plaisant, et belle, Fassonnée comme une chandelle, Je vous ayme tant que c'est raige. (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 454).

 

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Loc. Appeler / clamer qqn son amie : Ha ! Mon bon seigneur, quant ce fait Sarez, au cuer arez grant rage. (...) Ne jamais ne venrez a temps Que plus vous voie, ami loyal. (...) C'est ce qui plus me desconfit, Car onques homme tant ne fist Pour femme come il a pour moy ; N'onques homme n'ama, ce croy, Autant femme aussi qu'il m'amoit. Touzjours s'amie me clamoit. (Mir. enf. ress., 1353, 41). LA FILLE. Plourer doy bien : mes bonnes heures Et touz mes bons jours sont passez, Car je voi qu'Aubin [mari de la fille] trespassez Est. Lasse ! lasse ! que feray ? (...) Lasse ! mére, il ne m'appelloit Touz jours que s'amie ou sa suer (Mir. femme, 1368, 193).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Michèle Clarendon

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