A. -

Au propre

1.

"Instrument servant à actionner une serrure, clef" : Li prince fist fermer la porte, Et les clés avec li enporte, Pour ce qu'entrer on n'y peüst, N'issir, se bien ne li pleüst. (MACH., P. Alex., p.1369, 158). ...entra en ycelle chambre, ala au lit de la dame, et à sa petite cote print les clefs qui pendoyent à un petit fermillet ; de l'une desquelles clefs, pour ce qu'il en y avoit plusieurs, et à très grant pene il ouvry un grant coffre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 32). ...elle n'a peu entrer en sondit hostel, ne ouvrir son huis de sa clef de quoy elle l'avoit acoustumé à ouvrir. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 526). Et Gieffroy cercha tant qu'il trouva les clefs et vint a la geole et l'ouvry. (ARRAS, c.1392-1393, 267). ...trouva le moïen de avoir les clefs par Perre Fefavre, qui les roba à son pere soubz son chevet (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 152 v°). ...qui estant à Couci fut trahy par une chambriere, laquelle que ung bon prisonnier qu'il avoit la print à femme, print les clefz derier son chevet et ouvrit la prison et eulx deux vindrent au lit et le tuerent. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 153 r°).

-

Clef de (d'une porte, des portes de la ville, d'un local, d'un meuble...) : ...vez ci la clef qu'elle m'a De sa chambre en privé baillié (Mir. femme roy Port., c.1342, 169). ...et ay prises les clers [graphie pour clefs, r non audible] des huis et portes de ladite maison (Chartes communes Bourg. G., t.1, 1366, 72). ...il a mal prins et emblé à sondit maistre certaine quantité de blé froment qu'il avoit en sa granche, dont lui qui parle portoit la clé (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 352). Appoincté a esté que ladicte fyole sera mise en ung coffre dedens l'eglise de Paris, et aura ledit evesque une clef dudit coffre, et chapitre d'icelle eglise l'autre (FAUQ., II, 1421-1430, 124). ...et adont luy fu delivré lez clefz dez robbes et joiaulx du conte d'Artois (Comte Artois S., c.1453-1467, 110). ...et lors vendrez et ouverrez l'uis de mon preau quant vous verrez que je m'en seray par nuyt en ma chambre retournee : et veez en cy la clef. (LA SALE, J.S., 1456, 64). ...si bien vint a ces bons freres qu'ilz trouverent la clef de la chambre aux femmes dedans l'huys (C.N.N., c.1456-1467, 202). ...malgré voz visaiges, nous porterons ["emporterons"] les clefz de voz maisons et vous en bouterons dehors, vous et les vostres, et, se vous en caquetez, nous sommes assez pour estre maistres de vous. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 114). Se je meur, je leur escripré Que la grant clef de nostre huche Est ou pertuys ou je la muce Et qu'ilz gardent bien ma besace. (Sots gard., a.1488, 103). Et, ce fait, bailla ledit conte son prisonnier en garde à Guynot Vigier, et puis, sur la nuyt, ledit Voyau s'en alla en laditte ville par devers ung nommé Thienon Gillet, qui avoit en garde les clefz de ladite ville, et luy ordona fermer les portes de laditte ville et mettre guect et garde sur les murailles d'icelle, et print les clefz et les aporta audit chastel. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 180).

-

Ni clef ni serre : Faites tost, si vous aprestez, Et espandez m'ire sur terre. Il n'y avra ne clé [Ms. : cler] ne serre Qui contre moy puisse durer. (Jour Jug. R., c.1380-1400, 240).

-

Fermer à clef : ...aumaires (...) Fermans a clef (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 301). Ce vaillant homme monta en ce colombier, qui se fermoit pardehors a clef et se fist illec enfermer (C.N.N., c.1456-1467, 510). ...mais si bien leur advint qu'ilz trouverent ung jeune clerc, qui alloit à matines, qui estoit à la porte, auquel ilz demanderent si les portes ouvreroyent bien tost ; et, en ce disant, le clerc regarda à icelle porte s'elle estoit fermée à clef, et trouva que non (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 174).

.

Fermer à double clef. "Fermer par deux serrures" : Et a celle heure se presenterent au devant de ma pensee, vers la partie senestre et plus obscure de mon lit, troys horribles semblances en figures de femmes espoventables a veoir (...). La premiere portoit sur son bras ung escrin de fer fermé a doublez clefz, que elle tenoit enserrees en son poing (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 5).

-

Sous clef. "Dans un lieu fermé à clef"

.

Estre sous clef : Ma plus chier tenue richesse Ou parfont tresor de Pensee Est soubz clef, seurement gardee (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 477).

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Estre sous clef et sous serre : Mieus te vaurroit tirer les dans Ou tu yès. Einsi le te prueve. Et qui bien estat, ne se mueve. Ou tu fusses en Engleterre En prison sous clef et sous serre, Ne peüsses venir n'aler, Et n'eüsses a qui parler, Se n'apreïsses le langage En ta prison et en ta cage. (MACH., C. ami, 1357, 100).

-

Apporter / bailler / porter / presenter / rendre / tendre ... les clefs (d'une ville) à qqn. "Porter solennellement les clefs d'une ville à qqn en signe de soumission ou pour l'honorer comme hôte de marque" : ...sitretos conme il senti que les Englois venoient, il lor vint au devant et lor aporta les clefs de la ville et dou chastiel, et se mist en l' obeisance dou roi d'Engleterre (FROISS., Chron. D., p.1400, 625). Tuit a lui se venoient rendre Les haulx barons, et les clefs tendre De leurs citez (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 216). Et lesquelz prevost des marchans et eschevins vindrent aux champs rencontrer et faire la reverence au roy. Et proposa devant lui pour ladicte ville ledit prevost des marchans nommé maistre Henry de Livres, qui lui bailla et presenta les clefz de la porte Saint-Denis, par où il fist sadicte entrée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 24). ...aprez ce qu'ilz nous ont fait l'obeissance du dit pays et aussy de la dicte ville d'Arras, es mains de noz commis et depputéz et que puis, en demonstrant par effect plus grant et effectuelle obeissance, nous ont apporté et baillié entre noz mains les clefz de la dicte ville d'Arras (Hist. dr. munic. E., t.1, 1477,,, 427). Roy d'Engleterre, faictes raison au Roy du ciel de son sang royal : rendez les clefz a la Pucelle et toutes les bonnes villes que vous avez enforcees. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 413). ...Luy apportant des portes de la ville Et du chasteau, en maniere serville, Toutes les clefz (LA VIGNE, V.N., p.1495, 247).

-

Fausse clef. "Clef fabriquée dans un dessein illicite" : ...le Mareschal et moy avons appointté avec ung homme de la ville d'Escallon de lui faire faire une faulce clef, dont je vous apporte l'emprainte en cire (BUEIL, II, 1461-1466, 122).

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Loc. fig. Sans fausse clef. "Sans tromperie, loyalement" : Jugement de Jenniat, le chaivrier de Staixon, d'une pairt, et de Jaicomatte la chandelliere d'autre pairt, que dit que, se ons font ung don a une parsonne, il convient qu'il retingnet son don boin et loialz et sans faulce cleif, jai soit ce que cil qui le don a fait soit mort. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1330], 82-83).

-

Clef du roi. "Passe-partout"

.

[P. réf. à la clef de la maison de David, Is. XXII, 22 et Apoc. III, 7] Faire la clef du roi. "Ouvrir de force ou avec une fausse clef" : Le Saint Esperit aucune fois use de son droit : il rumpt les huis et les fenestres, il fait la clef du roy. O ! que telle force et telle violence vousist faire en mon ame chascun jour le Saint Esperit, qu'il rumpist tout pour y entrer ! (GERS., Pent., p.1389, 79).

Rem. Loc. absente de FEW II-1, s.v. clavis ; T-L atteste faire la clef le roi ; sur l'orig. de la loc., cf. J. Knobloch, Z. rom. Philol. 74, 1958, 88-115, 425-428 ; L. Spitzer, ibid., 423-425, 428-429.

-

[Représentation d'une clef, en partic. en hérald.] : ...qui portat d'or a ung aigle d'azure et II cleifz de guele. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 9).

2.

Loc. fig.

a)

[Ds la loc. fig., clef a le sens propre]

-

Avoir la clef / les clefs (de) (pour faire usage de son bon droit, de son droit d'accès) : Jugement (...) que dit que ung homme vuelt avoir une cleif, ou il ait son allee et sa venue toute fois qu'il li plait d'une porte qui est en son hosteis ; et li autre dit qu'il n'en ait point a avoir, pour ce que ciaulz que ont demourés en la maison n'en o(r)lrent onsque point, ni ne li vuelt point empelchier l'allee ne la venue qu'il i ait. Il fut dit que le premier n'ait a avoir la cleif qu'il demande (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1370], 451).

-

Mettre les clefs sous la porte. "Partir furtivement, déménager"

Rem. Doc. 1432 ds GDC IX, 107a.

-

Ruer la clef sur la fosse de qqn. "Renoncer à la succession d'une personne endettée (littér. en jetant la clef sur la fosse où on l'enterre)" : Jugement (...) que dit que, se ung home doit debte a ton peire et cil que li doit vat de vie a mort et ton peire en porte lez bien du mort par estault en descontant de sa debte, pour ce n'est ce mie qu'il ne puist encor bien chaissier lou remenant de sa debte a l'eritaiges que la femme du mort thient, ne ne s'en puelt deffendre comme pour dire : qu'elle rue la cleif sur la fosse et acquictes moibles et debtes, et que son marit ne povoit obligier l'eritaige qu'elle debvoit tenir en dowaire, ne pour plussieurs autres deffences (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1352], 299).

Rem. Sur l'expr. jeter ou mettre les clefs sur la fosse, cf. LA CURNE IV, 47b, s.v. clef.

b)

La clef des champs. "La liberté d'aller et de venir" : Mieulz vault la clef dez champs quant on guerrie ainsi Qu'a demourer en fort de vivrez desgarni. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 146). Moult desirent la clef des champs, Car trop sont ou parc court tenus. (Pastor. B., c.1422-1425, 160).

-

Avoir la clef des champs. "Être libre" : Se tu pues sentir ou vëoir Que tes anemis assëoir En bourc, en chastel ou en ville Te vueillent, aies tant de guille Qu'adès aies la clef des chans, S'orras des oisillons les chans, Et ne te laisse par un siege, Einsi comme un leu, penre au piege. (MACH., C. ami, 1357, 119). ...celle nuit aussi, tandis qu'ils avoient la clef des champs et n'avoient nul correcteur sur eux, en mauvais propos, faisoient grand chière aussi, buvans, mangeans et sifflans, jurans inhumains serments (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 259).

-

Prendre la / les clef(s) des champs. "S'échapper, fuir, décamper" : Quant aux aultres, qui ne se se peurent [l. ne se peurent] sauver assez à temps dans icelle ville, ils prindrent les clefs des champs à l'adventure, les ungs par eaue et les autres par terre. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, c.1437-1464, 8). ...les autres qui peurent eschaper prindrent les clefz des champz, aulcuns par eau et autres par terre. (WAVRIN, Chron. H., t.5, p.1471, 246).

Rem. MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 433 ; t.2, 570.

-

P. plaisant. Demander la clef des champs. "Demander la sortie" : ...il fut contraint de soy bouter en une vieille masure inhabitable, pour faire ouverture au clistere qui demandoit la clef des champs. (C.N.N., c.1456-1467, 469).

Rem. Sur l'origine de cette loc., cf. G. J. Brault, Romania 82, 1961, 106-111.

B. -

En partic. [Dans des contextes métaph. ou dans des contextes allusifs]

1.

[Dans des contextes métaph.] : ...qu'Amours mon cuer mais ne desserre, Qu'est enserrez En vo prison où il n'a clef ne serre... (MACH., Compl., 1340-1377, 261). La clef de m'onneur emportez Et de la vostre : or en ouvrez De vostre sens. (Mir. femme roy Port., c.1342, 165). ...Je croy que ce seroit profis, S'il les savoit si bel attraire Qu'il peüst de leur bouche traire La clef pour leurs frans cuers ouvrir... (MACH., D. Aler., a.1349, 246). Ses cuers est fermez en la tour D'Amours, sous la clef de Tristesse (MACH., J. R. Nav., 1349, 205). La fu la clef ouvrée et acomplie Dont la prison d'enfer voult defermer Et paradis ouvrir pour y mener Les vrais amans qu'Amours a en baillie. (Mir. chan., c.1361, 186). Et, quant ledit Empereur l'eut longuement regardée, le duc de Bourgoigne luy commença à dire ces parolles : "Sacrée majesté, voyez vous bien ces fleustes icy [l'artillerie] ? Ce sont les clefz de quoy je pense ouvrir les villes du royaulme de France." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 340).

-

[Contexte grivois] "Pénis" : Dame, le coffre ["parties sexuelles de la femme"] moult me plet, Mais la serure me desplait, Car ma cleif n'est point par mesure Grande assés selon la fendure. (Six dessins dialogués à double sens, éd. K. Baldinger, c.1470. In : Trav. Ling. Philol. 31, 1993, 12).

2.

[Dans des contextes allusifs, domaine de la religion, gén. au plur., p. allus.à Matth. XVI, 19 : clefs symboliques du Royaume des cieux confiées à Pierre et à ses successeurs en signe d'autorité sur l'Église et du pouvoir spirituel de pardonner les péchés]

a)

[En signe d'autorité sur l'Église, en relation avec la papauté]

-

[Pour distinguer le pouvoir temporel du pouvoir spirituel de la papauté] Office des deux clefs. "Charge apostolique confiée à Pierre, exercice de la papauté" : ...unie a l'eglise de Romme, qui lors saintement exercoit l'office des deux clefz (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 357).

b)

[En relation avec la rémission des péchés]

-

La double clef de saint Pierre / Les deux clefs (de saint Pierre). "Pouvoir de rémission des péchés, pouvoir d'ouvrir et de fermer les portes du Paradis" : Vous povés voir quel doit estre l'usage des clés de saint Pierre et de sez aultres ministres, et quel pover il a de remettre ou pardoner le pechié d'aucun pecheur. (Songe verg. S., t.1, 1378, 83). Et que plus est, la double clef de saint Pierre en sa dicte seigneurie se trouva tousjours enrouillye pour la serrure desvoyee, dont mainte ame fu perie. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 281). Et la possession de l'eritage susdit de tous a l'un sera recogneue, qui selon Dieu des deux clefz pourra par tout ouvrir et refermer. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 294). Et ne sera ja contempte se les enfans de son maistre par une importunite n'auront un chappeau a deux cornes, voire des plus riches du royaume, et les clefz de saint Pierre pour pardonner les grans offenses des brebiz du royaume et mectre les ames en paradis ou en enfer (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 272). ...a saint Pierre furent bailliez les deulx clefz : l'une de discretion pour discerner les indignes d'avec les dignes, l'autre juridition espirituelle pour absouldre et lier par vicariat divin excercé en terre et approuvé es cieulx (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 28).

-

[Contexte métaph.] : [C'est la vieille Orgueil qui, par dérision, s'adresse à la reine Verité] Quel merveille ! car en la rigoreuse fulminacion de mes sentences et en publiques denonciations je me delicte fort pour avoir la victoire et moustrer la puissance de mes II clefz et de ma juste balance. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 323).

-

Clef spirituelle. "Pouvoir de priver (un laïque) des sacrements de l'Église, pouvoir d'excommunication" : ...lesquelx [faux clercs] nous attrairons a nous et de fait par l'une de noz clefz, et en ferons justice, non tant seulement par nostre espee espirituelle, mais par nostre temporelle. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 302). ...car avec ce que dit est, se le prelat par sa clef espirituelle justement ou autrement par sentence pugnira [l. privera] des sacremens de l'eglise aucuns de noz seculiers, s'il semblera a nostre court de parlement par son seculier jugement que la sentence ne soit pas fulminee justement (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 305).

-

Clef de discretion. "Pouvoir de distinguer ceux qui sont dignes de pardon de ceux qui ne le sont pas" : Touz ceulx, donques, que le Pape ou sez aultres ministres lient ou absoulent en terre justement, selon lez clés de discrecion, seront liez ou absouz ou jugement divin. (Songe verg. S., t.1, 1378, 83).

-

Clefs du Royaume des cieux. "Pouvoir de donner ou de refuser l'absolution" : ...Jhesu Crist ne luy bailla pas [à la Vierge] les clefz du royaulme des cieulx, mais les bailla aux appostres (JUV. URS., T. crest., c.1446, 49).

-

Clef du saint sacrement de penitence. "Pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de pénitence" : ...et ot [saint Pierre] la souveraine auctorité de clorre et ovrir paradis par la vertu et par les clefs du saint sacrement de penitence qui enclost confession. (GERS., P. Paul, a.1394, 486).

-

Pouvoir / puissance de la clef / des clefs. "Pouvoir de remettre les péchés" : Et entendés sainement ce que je diz, que le Roy est subject au prestre, en prenant ["en considérant"] la puissance dez clés, que Diex bailla a saint Pierre (Songe verg. S., t.1, 1378, 91). ...lezquelles choses toutes devent estre entandues que le Saint Pere a pover, es cas dessudiz, de coustume, quant il euvre du pover dez clez justement et selon raison, aultrement non. (Songe verg. S., t.1, 1378, 100). Et sy ne dois pas oblÿer Que, quanques tu vouldras lÿer En terre, sentence sera Que au ciel lÿé se trouvera ; Et, quanques deslÿer vouldras Ou de la sentence absouldras, De la clef auras pouoir tel Qu'i sera deslÿé ou ciel, Tant sera ton pouoir haultain. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 382).

3.

[P. allus. au fait qu'à Rome le mari confiait à la jeune épouse un trousseau de clefs] "Charge, responsabilité" : ...femme doibt l'omme servir, Porter la clef de la despense, Faire a l'ostel le pot boullir (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 187).

C. -

P. anal.

1.

[Anal. de forme] "Clavicule" : Et [aucunes significacions] sont de diverses raisons et especes, si comme par equivocacion l'en appele clef un membre qui est ou col d'une beste et appelle l'en clef ce a quoy l'en ferme les huis. (ORESME, E.A., c.1370, 276).

2.

[Anal. de fonction ; ce qui sert à serrer, à maintenir ensemble plusieurs pièces]

a)

"Partie du robinet qui se tourne" : ...deux brocherons de queuvre appellez clefz tenans lieu ou grant vaisseau de plonq servant esdictes estuves (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 616).

Rem. Doc. 1401 (Amiens) ds HAVARD IV, 756, s.v. robinet ; doc. 1430, IV, 805 ; W. Hering, Z. rom. Philol. 57, 1937, 407.

b)

"Pièce de l'arbalète servant à la détente" : A Pierre Houset, pour vint et chinc clés, vint et chinc estriés, vint et chinc sommes et vint et chinc clous, tout de fer, pour tout cheu chinquante s. t. (Clos galées Rouen M.-C., t.1, 1367, 96). ...par le hurtement dudit boulouart et la legereté de la clef de ladicte arbalestre, icelle arbalestre se decocha et ala le vireton d'icelle assigner ledit deffunct Marquet par la teste. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1424, 149).

c)

"Pièce servant à actionner un dispositif ; p. méton., automate" : Ainsi entra Satine en la ville et a l'entree de la porte de la ville, il y avoit deulx clefz qui soutilement estoient faiz, lesquelx luy assirent une couronne sur sa teste (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 13). [cf. p.185 : ...lors veïssez merveilles, comme hommes vollans en l'air, apportans chapeaulx]

d)

Clef (de voute). "Pierre plus étroite à la base qu'en haut que l'on place en dernier pour fermer la partie centrale d'une voûte en arc de cercle" : La haute voute dudit tabernacle (...) est de ij ars croisiez qui partent des iiij grans pillers du tabernacle devers le haut, et ou millieu du haut se ferment à la clef de ladicte voute (Doc. 1374. In : H. Moranvillé, Bibl. Éc. Chartes 62, 1901, 211). A Willaume Bullant et Henry des Fontaines pour l'ouvrage de machonnerie par eulx faitte à une voulte, ouvré sur les chintres, estoffé de six branques de ogives, les formerés y servans, et une clef portant ung Agnus Dei (Comptes seigneurie Lucheux D.W., 1467-1468, 107). Audict maistre Anthoine pour IIII jours à continuer tailler et faire une clef de voote... (Doc. cathédr. Troyes A., 1472-1473, 402).

D. -

Au fig. "Ce qui donne accès à qqc."

1.

[Domaine milit.] "Lieu de passage, point stratégique" : Sy fault bien y faire devoir Que Orleans est besoing d'avoir Pour parvenir a nostre emprise, Que c'est la clef, a dire voir, A tout perdre ou a tout avoir, Et la fin de nostre entreprise. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 216). Saint Germain est la clef et le passage Ou passer fault (LA VIGNE, V.N., p.1495, 245). ...une place nommée Archies, laquelle estoit petite, mais bien forte et defensable, assise sur la riviere de l'Escau, entre Mons et Valenciennes, et estoit bien nuysable à ceulx de Valenciennes pour ce que c'estoit une clef par où leurs vivres venoient en laditte ville de Valenciennes. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 374).

-

[À propos d'une ville, d'une place forte...] Clef de (un territoire, un pays). "Lieu commandant l'entrée d'un territoire, d'un pays" : ...la dite ville de Niort, qui est et pourroit estre clef et garde de Poitou, de Touraine, d'Anjou (Doc. Poitou G., t.2, 1347, 343). Londres (...) est la souverainne cité et clef de tout le royaulme d'Angleterre (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 24). Nous, pour pourveoir à la bonne seurté et defense de nos chasteaux et fortresces de Caen, Faloize, Vire, Bayeux, Touque et Saint Sauveur le Vicomte, qui sont clefz et chiez de la Basse Normandie... (Mand. Ch. V, D., 1378, 864). Brest est la clef de Bretagne (FROISS., Chron. D., p.1400, 469). Et après ce, asségèrent très puissamment la ville de Harfleu, qui estoit et est la principale clef sur mer de toute la duchié de Normendie (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.3, c.1425-1440, 83). ...[le] chastel de Rethest, qui est clef de pais, comme dit est (Trés. Reth. L., t.3, 1429, 98). ...icelle ville maintenir en réparacion et fortifficacion, attendu qu'elle est une des clefs de nostre païs (Cartul. Laval B., t.3, 1443, 118). Lesquelz, grandement aournés et pourveus de grand nombre de charroy, vivres, artilleries et autres habillemens de guerre, furent par ledit duc et ses capitaines, conduis et menés devant la ville de Vaudémont, chef lieu et clef de ladite contée. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 454). ...dudit Auxonne, clef et principal passaige de noz duchié et conté de Bourgoingne (Chartes communes Bourg. G., t.2, 1477, 56). Les Anglois nous font beaucoup peine ; Tant du matin comme du soir, Nous boutent souvent hors d'alaine, Voulant aquerir le demaine D'Orleans, et la noble cité Qui est une clef souveraine De France et de l'auctorité. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 243). ...Angers est assise en pays de frontiere, qui est la clef et ville capital de nostre pays et duché d'Anjou (Lettres Ch. VIII, P., t.3, 1491, 188).

-

Clef des rivieres. "Ponts (en tant que points stratégiques)" : Et dés par avant, le roy avoit recouvré les principalles places d'entour Paris, et les clefz des rivieres dessus et dessoubz, et y tenoit grant nombre de gens de guerre qui estoient a ses despens (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 198). [G. Roussineau, Z. rom. Philol. 110, 1994, 248]

2.

"Ce qui donne accès à qqc., ce qu'il y a de plus important" : Sapience de bonne vie Se doit confermer par clergie, C'est la clef [var. clief] et le fondement. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 109). ...c'est la clef du mestier, que d'avoir pinchons bien apelans (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 302). Quelles choses sont neccessaires et aussi comme les clefs de philosophie [titre] (FOUL., Policrat. B., VII, 1372, 375).

REM. Une première version de cet article a été rédigée par Bernadette Suty.
 

"Portier" : ...vraiement cellui roy se devoit bien apeller vray conduiseur de son peuple et garde-clef et fermeure de chasteaux et citez et villes (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 27).
 

"Celui qui est chargé des clés (en partic. gardien de prison)" : Clauiger (...) clacelier, autrement porte clef (Aalma R., c.1380, 68). ...claviger (...) porte cleffz (LAGADEUC, Catholicon G., 1499, 6).