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Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) - ATILF - CNRS & Université de Lorraine - http://www.atilf.fr/dmf
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     GITTE-JEU     
FEW XXIII o.i.
GITTE-JEU, subst. fém.
[GD : gittejeus ; FEW XXIII, 116a : o.i.]

Région. (Lorraine) "Garde-malade, infirmière" : ...ilz furent condampnez, eulx V, à paier VJxx lbz d'amande ou à perdre chacun ung poing, et à paier le barbiez et la gitte-jeu des deux qui estoient blessiez. (AUBRION, Journal L., 1492, 311). [seul ex.]
 

DMF 2020 - Synthèse Hiltrud Gerner

 Article 2/2 
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     JEU     
FEW V jocus
JEU, subst. masc.
[T-L : jeu ; GD : gieu ; GDC : jeu ; DEAF, J324 jeu ; AND : ju1 ; DÉCT : jeu ; FEW V, 42b : jocus ; TLF : X, 699a : jeu]

I. -

"Activité à laquelle on s'adonne librement"

A. -

[Activité sans règle établie et sans enjeu]

 

1.

"Activité qui n'a d'autre but que le plaisir qu'elle procure ; divertissement, amusement" : Avez en l'autre siecle esté ? (...) Y boit on ne menjue point ? Ne les gens y font il a point Jeuz ne solaz ? (Mir. ev. arced., c.1341, 136). " (...) Soit une vielle bourderesse ou ung fol viellart, chascun se veult mesler de parler de l'Escripture, soit en presumant ou en deschirant, en enseignant anchois qu'on l'ait apris. Et est chose qui fait bien a comparer a jeu d'enfant, voloir enseignier che que on n'a pas apris et scavoir che que on ne scet pas". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 51). Par force du mal amoureus Non pourquant a sa douce bouche Fis lors une amoureuse touche, Quar je y touchai un petiot. Certes, onques plus fait n'i ot, Mais un petit me repenti Pour ce que, quant elle senti Mon outrage et mon hardement, Elle me dist moult doucement : "Amis, moult estes outrageus ! Ne savés vous nulz autres jeus ?" (MACH., Voir, 1364, 240). Souvent pensoie, sus et jus. Et alefois a aucuns jus, As quels s'esbatent jone gent, Jeuoie de coer liet et gent, Mais que ma dame y fust, pour voir, Ou qu'elle m'i peuïst veoir. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 81). Et aucune foiz quant le corps repose, ne repose pas la pensee pour les sollicitudes et les cures precedentes que l'en ne peut pas tousjours legierement deposer ne oster. Et pour ce est en tel cas tres utile et tres proffitable gieu et esbatement pour teles sollicitudes deposer a temps, jusques a tant que la pensee soit aussi comme reposee et recrëee, et que les esperis repreingnent leur vigeur. (ORESME, E.A.C., c.1370, 270). Mais je n'ay en li trouvé En lieu d'amours que desdaing et durté, Et quant elle me deüst estre amie, Elle me het et est mon ennemie. Si ay perdu tout bien, toute douçour, Joie, soulas, geu, ris, esbatement, Mon doulz espoir, mon deduit, mon labour, Pour bien servir et amer loyaument. (MACH., App., 1377, 653). Si vueil bien qu'à ma dame appere Qu'elle ma joie en doleur change Et que sa bele face clere Me destruit, tant de meschief sen je, Et que gieu n'ay, revel ne chant, N'einsi com je sueil plus ne chant, Pour ce qu'Amour, mi oueil et son corps gay M'ont à ce mis que pour amer morray. (MACH., Bal., 1377, 539). Mon seigneur, nous venons a vous (...) Non pas pour ruse ne pour jeu, (...) Mais pour donner crestienté Ce juif cy. (Mir. march. juif, c.1377, 221). Mais tant en puis je bien dire et le scay bien, que s'elle eust acomply le commandement de son mary, lequel il faisoit plus pour jeu et pour essay que pour prouffit, elle eust mieulx gardé son honneur et mieulx lui en eust pris. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 87). La dame qui toute honneste sera vouldra que ses femmes le soyent, sur peine d'estre mises hors de sa compaignie. Si vouldra qu'elles s'esbatent a jeux honnestes, et non telz que hommes s'en puissent moquier ne tenir leurs paroles, si que font voulentiers de femmes, quoy que ilz se rient et jeuent avecques elles (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 72). C'est temps perdu que de moy enorter A m'esjouïr, rire ne deporter : On ne me puet nouvelles apporter Ne langage si plaisant qui me plaise ; Plaindre et plourer sont mes jeux et mon aise. Je n'ay soussi jamais comme tout voise (CHART., Compl., 1424, 323). Combien ay je aujourd'huy regardé et perceu de peres estans aux jeuz de leurs enfans qui se diroient treseureux (C.N.N., c.1456-1467, 556).

 

-

[En parlant de Fortune] : Bien est voirs qu'elle [Fortune] se debat Pour eaus avancier, et combat, Et leur preste honneur et estat Ne sai quens mois. Mais partout ou elle s'embat, De ses gieus telement s'esbat Qu'en veinquant dit : "Eschac et mat !" De fiere vois. (MACH., R. Fort., c.1341, 43). Pour ce, dame, je vous demant Qu'a moy vueilliez dire commant Je me porray de li deffendre, Car si gieu [de Fortune] sont pour un cuer fendre, Mais qu'il soit de loial amant, Et fust plus dur que dyamant, Et s'aus autres est si diverse Et de nature si perverse Comme a moy, qu'elle eüst occi, Se Dieus ne vous eüst tost ci Amenée, pour moy destordre Dou mors dont elle me volt mordre. (MACH., R. Fort., c.1341, 87). Je [Fortune] afflue et me depart sans bonne, Telz est mes jeus ou je me donne. (MACH., Voir, 1364, 714).

 

-

[Chargé d'une signification partic.] : Et en ce disant la guerre des piez de l'un a l'autre estoit sans cesser, et quant il vist Madame sousrire et guinoyer, sceust bien que le jeu a Madame plaisoit, si dist... (LA SALE, J.S., 1456, 279). ...quand il veoit son point, il prestoit ses yeulx a l'ostesse, sans espargner par dessoubs la table le gracieux jeu des piez (C.N.N., c.1456-1467, 219).

 

-

Au plur. "Divertissements organisés à l'occasion d'une fête" : Si avint que, quant Berinus et Cleopatras furent espousé, chascuns se pena de faire joye et revel, ne nulz ne vous pourroit dire ne deviser les diverses manieres de jeux qui y furent faiz, ne nulz ne pourroit croire le grant pueple qui y estoit assemblé de pluseurs païs, pour le renon de la feste qui y devoit estre. (Bérinus, I, c.1350-1370, 187).

 

-

P. anal.

 

.

"Divertissements propres aux amoureux" : Quant li dieu par amors amoient, Et les deesses se jouoient Aus dous gieus, courtois, savoureus, Qui sont fais pour les amoureus, Li clers solaus, la belle lune, Et des estoiles la commune, Li XIJ. signe et les planettes, Qui sont cleres, luisans et nettes, Ordenerent un parlement, Fait de commun assentement. (MACH., P. Alex., p.1369, 1). Et quant il eust donné l'eaue benoite, closes les courtines et donnee la bonne nuyt, il s'en ala en sa chambre, ou il demeura tant que la tresdesiree heure vint que Madame et lui furent ensemble. Lors de baisier et de rebaisier, de jouer et de deviser aux jeux et devises que le dieu d'amours leur avoit commandé. (LA SALE, J.S., 1456, 232).

 

.

"Amour physique" : ...S'il advient qu'un homme soubmette Bietrix, Mahaut et Guillemette, Sans marier de prime face, Et chascun jour troys foys leur face Le jeu continuellement... (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 56). Celle fit son voloir, quar elle avoit grand peurs. Je ne sçay si ly bers luy joua de ses jeux, Car toujours vers les dames estoit guaiz et songneux De faire ces besongnes dont on est sy honteux, Mais de demorer la n'estoit pas trop esmeux. (Flor. Octav. L., t.1, c.1400, 350).

 

.

Le jeu gaillard : M'amye, il y a un novice, J'entens ung nyais, ung coquart, Qui veult toujours que j'acomplice Avecques luy le jeu gaillart. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 279).

 

.

Le jeu de nature : JOYEUX. Retournons a nostre propos Quant emprès vous se vint coucher ? BEAUCOP. Vous le povez assez penser, Entre nous deux selon droicture Jouasmes des jeuz de nature. JOYEULX. Ainsi vous eustes ce tatin. BEAUCOP. Et puis (le) l'endemain au matin Quant j'euz usé de son amour, Me fist lever au point du jour... (B. veoir, p.1480, 17).

 

.

Le jeu d'amour : ...ung Hollandois (...) ne cessoit d'assaillir sa femme au jeu d'amours (C.N.N., c.1456-1467, 4). ...il me souvient tres bien que aujourd'uy, au matin, vous feistes de tresbon appetit le jeu d'amours. (C.N.N., c.1456-1467, 266).

 

.

Le jeu des bas instruments : ...en pluseurs religions y a de bons compaignons a la pie et au jeu des bas instrumens (C.N.N., c.1456-1467, 534).

 

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Le jeu des reins : LE MOYNE. Quant a moy je vueil soustenir Qu'il a desjà son temps passé Et qu' il est rompu et cassé Pour suivir les amoureux trains, Et qui pis est, le jeu des rains Ne luy est duisant ne propice. (P. moyne, a.1500, 49).

 

.

Le jeu d'asne / de l'asne : Nulx autres jeux ne sont estables : Se l'un s'an rit l'autre est troubléz, Mais jeu d'asne est si karitables C'on y est joyeulx de tous lés : Pour ce, s'antendre me vouléz, Amer doivent joisnes et vieulx Le jeu de l'asne sur tous autres jeulx. (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 126). Item, varletz et chamberieres De bons hostelz - riens ne me nuyt ! - Feront tartes, flans et goyeres Et grans ralïatz a mye nuyt - Riens n'y font sept pintes ne huit Tant que gisent seigneur et dame -, Puis aprés, sans mener grant bruyt, Je leur ramentoy le jeu d'asne. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 122).

 

Rem. Cf. autres expressions dans G. Hasenohr, M. fr. 14-15, 1984, 255 et 257.

 

-

Prov. : Le temps passe comme le vent, Il n'est si beau jeu qui ne cesse, En tout fault avoir finement Sans grant espargne [de liesse !] (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 174). Comme j'oy que chascun devise : On n'est pas tousjours a sa guise ; Beau chanter si ennuye bien ; Jeu qui trop dure ne vault rien ; Tant va le pot a l'eaue qui brise. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 322). Tant dura le tournoy fort et pesant et plain de haultes proesses que chascun fut constraint de partir, car leurs chevaulx (...) demouroient en la place sy las que plus ne pouoient, et tant que les chevaliers de mendre estat demouroient a piet. Et pour ceste cause et aussi qu'il fait bon cesser tandis que le jeu est beau, le roy fist departir le tournoy... (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 48). Il n'est jeu que de chat a singe. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 195). C'est ung ebat que de veoir tel sabat, Tel s'en combat qui n'en a fringe : C'est beau jeu que de chat et singe. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 594).

 

Rem. Cf. autres ex. dans Prov. H., 140, J11.

 

-

[En mauvaise part] "Divertissement qu'on se procure au détriment d'autrui" : PRUNELLE. Il ara pis, Devant que nostre geu desparte. CINELLE. Mieulx luy vauldroit la fievre quarte Que d'estre mis entre noz mains ! [Dans le langage des bourreaux, à propos d'une séance de torture] (Pass. Auv., 1477, 192). SATHAN. Tost, Astaroth, aproche, aproche, Il nous fault juer de nos jus, Vecy son ame qui descoche. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 299).

 

2.

Au fig. "Ce qui présente un ou plusieurs caractères du divertissement"

 

-

"Comportement frivole" : Rendez compte, Viellesse, Du temps mal despendu Et soctement perdu Es mains dame Jeunesse. Trop vous court sus Foiblesse ; Qu'est Povair devenu ? Rendez compte, [Viellesse, Du temps mal despendu.] Mon bras en l'arc se blesse Quant je l'ay estandu ; Par quoy j'ay entendu Qu'il couvient que jeu cesse (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 344).

 

-

Par jeu. "Par plaisanterie" : Et sont aucunefoiz les jennes et folz mariz si meschans que sans raison que par petites et inutiles achoisons dont les commancemens sont venuz par jeu et de neant, et par continuelles desobeissances de leurs preudefemmes, ilz amassent et amoncellent un secret et couvert couroux en leurs cuers, dont piz vient a tous les deux. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 83). Et par adventure elle dist par esbatement aux autres : "Vous me pressés si fort que bien la moictié de mon con me ride." Et jasoit ce qu'elle l'eust dit par jeu et entre ses amis, cuidant faire la galoise, toutesvoyes les autres sages preudefemmes ses parentes l'en blasmerent a part. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 129).

 

.

[Par opposition à à certes] : Le premier membre dit que vous soiez obeissant : qui est entendu a lui et a ses commandemens quelz qu'ilz soient, supposé que les commandemens soient faiz a certes ou par jeu, ou que les commandemens soient faiz d'aucunes choses estranges a faire, ou que les commandemens soient faiz sur les choses de petit pris ou de grant pris ; car toutes choses vous doivent estre de grant pris puis que cellui qui sera vostre mary le vous avra commandé. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 70). N'entendoient ilz l'Escripture, Qui dit a humaine nature Que "verité si est la somme Des vertus ?" Ce doit noter homme, Car, certes, li homs mençongieux Soit ou a certes ou par jeux, Se souvent il s'i accoustume, Ne peut, s'il a ceste coustume, Estre vertueux, bons, ne sage, Et sanz grant fraude, et ce bien sçay ge. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 48). Frere vueillez moy baptiser Tout a certes non mie par ieu Par vous ie croy la loy Iesus : Voire chrestienne ie vueil estre. (Myst. st Martin K., a.1500, 234).

 

-

À jeu ou à certes : La .IIIe. particularité est actendre que cellui qui sera vostre mary vous deffendra, supposé que sa deffense soit faicte a jeu ou a certes, ou que sa deffense soit faicte sur chose de petit pris ou de grant value, gardez que aucunement vous ne faictes contre sa deffense. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 70).

 

-

Sans jeu. "Sans plaisanter" : MARCABOTH. A bon essient et sans jeu Est il bien ? RIPHAT. Ouy, par le grant dieu. (Myst. Incarn. Nat. L., t.1, c.1454-1474, 104).

 

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Sans point de jeux. "Sans plaisanter" : Et, se m'aist Dieux, Se vous voulez, sans point de jeux, A mon retour, Ce vous diray et sans sejour Qu'il m'en semble pour vous, pastour, ou pour vous pasteure d'atour, Et tellement Que je croy bien que nullement Je ne faudray... (RENÉ D'ANJOU, Regn. et Jann. R., c.1457-1461, 96).

 

-

Il n'y a point de jeu à + inf. : Et mesmes entre vous, sergens, N'oppressez le peuple de Dieu. A mal faire n'a point de jeu. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 66).

 

-

Ce n'est pas jeu : Qui tient en fieu De tel seignieur, ce n' est pas gieu. (CHART., L. Dames, 1416, 266). Il nous convient aussi entendre Aux Tourelles, ce n'est pas jeu ; Que nul n'y voise sans adveu Et penser de se bien deffendre (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 169). Que pencez vous ? Se n'est pas jeu De si longuement vous actendre ; Despeschez vous ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 551).

 

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Ce n'est que jeu : ...Ayez tousjours le cueur en Dieu ; De commancer se n'est que jeu Et si tost n'est la chose faicte (LA VIGNE, S.M., 1496, 153).

 

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Ce n'est pas jeux d'enfant : Beaux fieux, Estre chevallierz n'est pas gieux D'enffant ! Gardes que tu emprens ! (Dit prunier B., c.1330-1350, 70).

 

Rem. Cf. autres ex. dans Prov. H., 140, J13.

 

-

Tenir qqc. à jeu. "Tenir qqc. pour une bagatelle, prendre qqc. à la légère" : PREMIER MAISTRE. Seigneurs, je ne tiens pas a jeu Ce que ce garçon dit nous a : Le peuple nous en moquera (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 242). LE LARRON. Gourmis, ne le tiens mie a jeu : C'est acertes que dit le t'ay. (Mir. march. larr., c.1349, 111). A jeu ne tien pas ne a feste Ces paroles que vous me dittes, Monseigneur ; mais bien sont escriptes En mon cueur et en ma pensée. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 113).

 

-

Prendre qqc. à jeu. "Considérer qqc. comme une plaisanterie" : LE PÉRE. Biau filz, qui que le prengne a jeu, Après le vueil porter noier [Mahom], Et d'ilec me vueil avoier D'aler droit en Jherusalem (Mir. st Panth., 1364, 333). O inhumains et dommaigeux, Qui nom portez de seigneurie, Vous prenez les pleurs d'homme a jeux, Mais pas n'est temps que seigneur rye, Quant on voit charité perie, Qui est des vertus la maistresse. Povres gens ont trop de destresse. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 54).

 

-

Tourner à jeu

 

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[D'une pers.] Tourner qqc. à jeu. "Tourner qqc. en dérision" : Et celui qui superhabonde et est appelé bomoloche il est mendre en mauvaistié que n'est le deriseur, et ne se depart ou ne delaisse pas ses fais ou diz ne les fais ou diz des autres ou cas que il les peut tourner et convertir a gieu ou a risee. (ORESME, E.A., c.1370, 272). Eu grec, c'est bien ou bon, et trapeles c'est tournant. Et pour ce, eutrapele est celui qui scet bien a point tourner les paroles a gieu et esbatement. (ORESME, E.A.C., c.1370, 270).

 

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[D'une chose] Tourner à jeu à qqn. "Se révéler plaisant pour qqn" : ...le bon curé se mettoit a point pour faire la farse, qui ne luy tourna pas a jeu (C.N.N., c.1456-1467, 404).

 

-

Ni jeu ni ris

 

.

Il n'y a ni jeu ni ris. "Il n'y a lieu ni de rire ni de plaisanter" (Éd.) : Icy [au cimetière des Innocents] n'y a ne riz ne jeu. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 133).

 

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N'y avoir en qqn ni jeu ni ris : Sire, (...) ne me rusez N'a moy rigoler ne musez ; Car en moy n'a ris ne jeu, certes. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 65). Si dis alors : "Joie de cuer, ayse de corps, Mes dames, et bons reconfors, Meillieurs qu'ilz n'appairent dehors, Vous octroit Dieux !" Lors en hault leverent les yeulx Et une ou il n'a riz ne gieux M'a dit : "Dieu doint qu'il vous soit mieulx, Sire, qu'a nous (...)" (CHART., L. Dames, 1416, 210).

 

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N'entendre jeu ni ris : Ne savoie, Quant fui pris, Se j'estoie Mors ou vis ; N'entendoie Gieu ne ris, Eins sambloie Homs ravis ; Ne queroie Paradis, Autre joie (MACH., Lays, 1377, 427).

 

-

Faire jeu de qqn. "Se moquer de qqn" (Éd.) ou "s'amuser de qqn" (G. Roques, R. Ling. rom. 56, 1992, 632) : Tel vie trop souvent demenoit, Tant que mont grant gieu en fesoient Ceulz du païs qui ce veoient (Vie st Evroul S., c.1350, 134).

 

3.

P. méton. "Joie, plaisir" : Grande fut la bataille, perilleuse et rebeste, Ne d'une part ne d'aultre n'y ot ne jeu ne feste (Tristan Nant. S., c.1350, 158). S'ainsi faittes, je vous crëant Que vos joies verrez doubler ; Par ce pourrez faire muer Toutes vos tristesses en gieu (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 169). MAGDALAINE. Marthe, chiere seur, mes jeuz sont Tournéz en lamentacion. Divine visitacion S'est dedens mon cueur imprimee, Qui de tous poins m'a reprimee De la povre vie et inmonde Que long temps ay menee au monde. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 187).

 

-

"Réjouissance, joie collective" : Mais en mil jour ne vous diroie Le gieu, la feste et la grant joie Que ceuls d'Alixandre menoient, Des prisonniers qui revenoient, Car l'un y avoit son voisin, L'autre son frere ou son cousin, Et l'autre son oncle ou son pere. (MACH., P. Alex., p.1369, 189).

B. -

[Activité supposant des règles définissant un succès et un échec]

 

1.

"Activité réglée, comprenant des règles, et où l'on perd ou gagne"

 

a)

Au propre : A ces mos sen compte fina, Le vin de congiet demanda Pour faire les gens departir Qui se ralerent rasseïr Parmi la salle qui mieux mieux, Afin de juer d'aucuns jeux, As dez, as tables et eschez. (Dit prunier B., c.1330-1350, 64). Et lors vit que ledit Pelerin, qui estoit moult eschauffé de jouer aus dez ou aus croix et aus piles, requist lui qui parle et lesdiz compaignons qui estoient à ladite table qu'ilz jouassent ausdiz jeux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 141). Deffendez leur [aux chambrières] le mentir, jouer a jeux illicites, de laidement jurer, et de dire parolles qui sentent villenies ne parolles deshonnestes ne gouliardes... (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 128). Si luy demanda qu'elle avoit a plorer, et a quel jeu elle avoit perdu ses cheveulx ? (C.N.N., c.1456-1467, 239). Qui a telz gens prent accointance, Il s'en treuve mal adoubé : Il pert tout a dez ou a chance, Il desrobe ou est desrobé ; De vin ou femme est attrapé, Et le plus souvent du gibet. Le jeu vault tant comme on y met. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 393).

 

-

Prov. : Dieu mercy, j'ay tant fait que je puis dire ou faire ce que je veil, car la darraine parolle me demoura, soit tort ou droit. Mais il n'est jeu que aux joueux et n'y a que faire, car, m'amie, je vous jure qu'il n'est home si enragé que sa femme ne face franc et debonnaire, si elle est telle que elle ait entendement. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 20).

 

Rem. Cf. Prov. H., 140, J12.

 

-

Un jeu de trois mailles. "Un jeu où l'on ne risque que trois mailles" : Ce n'est pas [l'action de voler] ung jeu de troys mailles, Ou va corps, et peult estre l'ame. Qui pert, riens n'y font repentailles C'on n'en meurre a honte et diffame, Et qui gaigne n'a pas a femme Dido, la royne de Cartaige. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 129).

 

-

En partic. [En vue de gagner de l'argent] : ...et à icellui jeu gaignerent audit compaignon deux frans. Et dist qu'il n'est pas en la poissance d'omme, quel qu'il soit, s'il ne scet la maniere comment l'en jeue audit jeu, qu'il ne perdist à icellui. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 169). La .VIe. branche d'avarice si est le hazart. Si est quant on joue aux dez pour gaignier l'argent d'autruy ; et y a moult de barat, de couvoitise, et d'avarice et de decepcion : si comme faulsement compter et de argent prester pour gaignier, comme prester XII. d. pour XIII. d.. Et en telz jeux sont faiz moult de seremens et de mauvaiz, comme de jurer Dieu et Nostre Dame et tous les sains de Paradis, et sont faiz et diz moult de maulx. Pour ce s'en doit l'on garder. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 34). Sa terre n'a pas vendue Ne perdue Par jeu ne par grant despence, Deux ans a esté en mue En la grue, En prison en grant souffrance, En dangier, en grant balance Et doubtance, La chose est assez congneue ; Perdu y a sa chevance A oultrance, De desplaisir en tressue. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 170).

 

.

A bon argent bon jeu : Mais j'ay grant peur qu'il n'y ait quelque faulte. Faulte vault quinze et au besoing le jeu Qui le joueur en jouant desconforte, Et qui pert paye, a bon argent bon jeu, A tout le moins se ce sont gens de sorte. Qui argent n'a, il fault que gaige sorte En belle place, ou le corps on arreste. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 130).

 

-

[Jeux de questions et réponses] : La dame, qui savoit maint tour Pour ung jone honme enamourer, Les fist entour lui assambler Pour juer a Roi qui ne ment, Ung jeu qu'on appelle autrement Par ung second langage enneux. De ce jeu sage et amoureux La riche dame fu roÿne, Sy vault savoir tout leur convine, Car tous les fist a tour venir Et leurs secrez d'amours jehir. (Dit prunier B., c.1330-1350, 62). Item, et sy ne jouerez Au siron ne a cligne mussettes, Au jeu de Mon amour aurés, A la queuleuleu, aux billettes, Au tiers, au perier, aux buchettes... [Ce jeu "doit être assez analogue aux ventes d'amour ; ce devait être un jeu de questions et de réponses" (Éd.)] (Amant cord. M., 1490, 75).

 

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Jeu de + substantif

 

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[Jeux de hasard] Jeu de faille./Jeu de sort : Ce [C]e mois de May, [ne joyeux, ne dolent Estre ne puis ; auffort, vaille que vaille !] Qui Soussy suyt, au derrain s'en repent ; C'est ung mestier qui ne vault une maille, Avantureux comme le jeu de faille (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 392). Il n'est pas bon qu'on la despiece, Veu qu'elle est d'estrange facture, Tout d'une piece et sans cousture ; Mais jouons nous a jeu de sort Qui l'ara. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 342).

 

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Jeu de paume. V. paume

 

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Jeu de la bille / de bille. V. bille

 

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Jeu de l'espee à deux mains. V. épée

 

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Jeu du tranchoir. V. tranchoir

 

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Jeu de la chevillette : Item, dist que, six sepmaines a ou environ, lui et un compaignon nommé le Grant Bourguignon, en alant de Paris à Estampes, assez près de Montlehery, trouverent un compaignon sur le chemin, à une taverne près dudit lieu de Montlehery, beurent ensamble, ouquel lieu ilz jouerent et firent tant qu'il firent jouer ledit compaignon au jeu de la chevillete, et à icellui jeu gaignerent audit compaignon deux frans. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 169).

 

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Jeu de dés : S'il [les hommes riches] ne sont loiaus et preudommes, Hardi, large comme Alixandre Pour leur grant richesse despendre, Et sages aussi pour vëoir A leurs grans fais et pourvëoir, Sans gieu de dez, sans taverner, Il ne puelent bien gouverner. (MACH., F. am., c.1361, 185).

 

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Jeu du dringuet : En laquelle ville de Vaily, et en l'ostel dudit Roy des Ribaux, il a continuelment esté durant icelles vendenges, et aucune foiz porté la hoste en vendenges, afin de gaignier de l'argent, lequel argent, quant il avoit gaigné, il le aloit employer à l'aventure au jeu du driguet, que lors tenoit en icelle ville de Vaily Jehannin Belenfant, lequel jeu il a le plus du temps d'icelles vendenges frequenté et suy, et à icellui gaignié sa vie au mieulx qu'il a peu et sceu. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 155).

 

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Jeu des eschecs. V. échec

 

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Jeu de table. V. table : ...Car ilz sont desraisonnables Et muables Plus que n'est un jeu de tables, Que l'on tient a l'aventure (GARENC., Poésies N., 1407, 93).

 

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Court jeu de table. "Jeu comparable au jacquet, au tric-trac" (J.-C. Mühlethaler, Ch. d'Orléans, 1992, 161) : Au court jeu de tables jouer Amour me fait moult longuement ; Car tousjours me charge garder Le point d'atentte seulement, En me disant que vrayement Se ce point lye sçay tenir, Qu'au derrain je doy, sans mentir Gaangnier le jeu entierement. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 68).

 

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Jeu de pelote. V. pelote

 

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Jeu des quilles. V. quille

 

Rem. Cf. J.-M. Mehl, Les Jeux au royaume de Fr. du XIIIe au déb. du XVIe s., 1990, 55-56.

 

b)

P. anal. [Désigne une situation ou une action mettant en jeu des intérêts divergents]

 

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[Désigne la guerre, un combat] : ...au devant leur furent, si qu'ilz assemblerent à bataille delez le mont, que on dit Cotherel, en laquelle ot moult fiere meslée de la quantité de gent et moult d'occis, comme coustume est de telz jeux, de toutes les .II. pars (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 122). ... lesquelles [bastilles] toutes furent laissées en leurs gardes, et commises à estre bien maintenues sur bon espoir de victoire, dont n'y avoit celluy qui bien et vaillamment ne se acquitast en sa charge et qui ne montrast bien, avant que le jeu départist, que char de Bourgongnon et de Picard n'estoit pas molle en adverse fortune, mais fière et de grant pris... (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 95). Du jeu de guerre prie qu'on se deporte, Car bien souvant on y demeure en reste. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 130).

 

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Jeu de hache / de la hache. "Combat à la hache" : Messire Symon de Lalain et le chevalier escossois furent deux puissans chevaliers et n'estoient tous deux guieres duitz de soubtiveté de jeu de hache, et, comme deux chevalliers vaillans et hardis, se queroient l'ung l'aultre et se trouvoient si souvent, qu'en peu d'heure ilz empirerent les visieres de leurs bassinetz, et leurs bastons et leurs harnois, des coups qu'ilz avoient donnez et receuz, et perdoient peu de terre l'ung sur l'aultre. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 108). Les deux chevaliers s'assemblarent au millieu de la lice et s'entre rencontrerent moult fierement ; et au regart de la personne du chevalier allemant, il estoit grant et bel homme d'armes, et combien qu'il fust viel, si se monstroit il prompt et de noble couraige, et queroit fierement son compaignon, sans touteffois estre guieres duit ne aprins du jeu de la hache (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 122).

 

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"Entreprise visant à servir les intérêts propres de qqn" : Grant bien firent a la contesse d'Artois lez doulcez parollez de son seigneur oÿr ainsy amiablement dire et au vray entendre ellez servoient bien a son jeu, sy luy respondy, comme celle qui par grant sens et subtillité conduisoit sa poursieute, desirant la fin d'icelle... (Comte Artois S., c.1453-1467, 138).

 

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[A propos de la vie conjugale] La règle / le droit du jeu : Ainxin fait la dame ses complaintes, qui ne pense point au gouvernement que elle y a mis, aux robes et joyaux qu'elle a voulu avoir, aux festes et aux nopces ou elle est allee quant elle devoit estre a la maison a penser de son menage, mais met tout sur la faulte du pouvre homme, qui a l'aventure n'y a coulpe dont elle ne soit cause efficient, et auxi il est si abesté pour le droit du jeu qu'il ne cognoist point que elle y ait faulte. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 13). Voiez cy la plaisance qu'il a trouvé en la nasse de mariage. Chacun se moque de lui : l'un dit qu'il est bien Jehan Beausire, l'autre le monstre au doit, l'autre dit que c'est grant dommage pour ce qu' il est bon home, l'autre dit qu'il n'en peut challoir et que ce n'est que la regle du jeu et qu'il n'est que une beste. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 65).

 

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Estre un fort jeu. "Constituer une rude tâche" : DEUXIESME CHEVALIER. (...) Sire, vez en ci venir un, Certes, qui se fait bien le maistre De dire conment il [leur Dieu] voult naistre Et homme et Dieu. L'EMPERÉRE. Par ma teste ! c'est un fort jeu. (Mir. st Ign., 1366, 76).

 

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Aider au jeu. "Faciliter les choses" : Estant Saintré en la grace du roy, de la royne, des Seigneurs et de Madame, et de tous autres, pour abregier, le plus amé, le plus honnoré escuier de France a cause de sa grant doulceur et humilité, et aussi de sa largesse, qui aide bien au jeu. (LA SALE, J.S., 1456, 187).

 

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Ne pas empirer le jeu. "Être un élément positif dans une affaire" : ...et disoit, affermoit et juroit sur son honneur qu'il portoit le plus beau membre, le plus gros et le plus quarré qui fust en toute la marche d'environ ; et avecques ce, et qui n'empire pas le jeu, il s'en aidoit tellement et si bien que les quatre, les V, les VJ foiz ne luy coustoient non plus que s'on les prinst en la corne de son chaperon. (C.N.N., c.1456-1467, 407).

 

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Ne pas nuire au jeu. "Ne rien gâter, constituer un facteur favorable dans une affaire" : Il n'y avroit point de raison que a chacune foys Madame y deust disner, ne aussi loeroye je point que de foiz a autre elle ne preist l'offre en gré, car sur ma foy il le fait de tresbon cuer (...) et, qui ne nuyt pas au jeu, j'entens qu'il a bien de quoy. (LA SALE, J.S., 1456, 254). ...[il] fist allyance a une jeune fille, belle, gente, gracieuse et en bon point (...) et, qui pas ne nuysoit au jeu, tant estoit en la grace de la royne du pays qu'elle estoit son demy lit (C.N.N., c.1456-1467, 192).

 

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Emporter le beau du jeu. V. beau2 "Se sortir à son avantage d'une mauvaise situation"

 

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Jouer son jeu. "Tenir son rôle" : ...quand il vit ce, il se pensa qu'il estoit heure de jouer son jeu. Si fist maniere de vouloir mectre son chapperon (C.N.N., c.1456-1467, 238).

 

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Accomplir son jeu. "Aller jusqu'au bout de l'action entreprise" : ...Amour (...) inspira tellement l'entendement du bon et loyal servant qu'il trouva moien d'accomplir son jeu. [L'homme feint une maladie pour échapper à sa femme] (C.N.N., c.1456-1467, 366).

 

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Jouer (d')un jeu à qqn. "Agir d'une certaine manière envers qqn" : LE DYABLE. (...) Elle a le cuer trop fort espris De requerir la mére Dieu. Mais je li pance d'un tel jeu A jouer qui fort li nuira : Se je puis, son oncle gerra La nuit qui vient avecques elle (Mir. marq. Gaudine, 1350, 131).

 

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Jouer du jeu de la fausse compagnie à qqn. "Tromper qqn par de fausses apparences" : Plaisir mondain a joué a eulz du jeu de la fausse compaignie, il les a laissiez au besoing en purgatoire ou en enfer (GERS., Déf., 1400, 244).

 

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Jouer vilain jeu à qqn. "Agir au détriment de qqn" : Biaulx seigneurs, la roÿne m'a fait trop villain jus : Ennuyt fu en sa chambre ung faulx garçon repeus, Avecqu'elle gisoit le faulx garson tout nuz. (Flor. Octav. L., t.1, c.1400, 20). La endroit confessa la vielle au cueur hydeux Comant a la roÿne joua de villains jeux Qu'elle la fit banir par ses faiz orgoilleux Et aller en essil et ses enfans tous deux, Aussi comme envoya le varlet mallereux Couchier avec la dame au gent corps gracïeux ; Toute la traïson et sez faits engigneux Compta la faulce vielle en presence de ceulx (Flor. Octav. L., t.1, c.1400, 295).

 

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Faire un jeu à qqn. "Agir d'une certaine manière envers qqn" : "Par ma foy, dit Foquars, or estes vous my dru ! A present sommes nous droit de Rome ly esleu, Car si Florent revient, nous ly ferons tel ju Que de tous poins l'arons occis et confondu." (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 492).

 

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Faire beau jeu à qqn. "Faire bon accueil, bonne mine à quelqu'un" : Quelle souchie ! Prophete, l'as tu point sentu ? Hau, prophete, fay moy beau jeu, Ve la mon cop et mon assay, S'il ne te siet, j'en referay. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 171).

 

c)

Jeu parti

 

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"Poésie lyrique consistant en un débat sur un sujet relatif à l'amour" : Ainsi fu accordé, et vindrent a Romme et trouverent les unes devisans, les autres jouans au bric, les autres a qui fery, les autres a pincemerille, les autres jouans aux cartes et aux autres jeux d'esbatement avecques leurs voisines. Les autres, qui avoient souppé ensemble, disoient des chançons, des fables, des contes, des jeux partis. Les autres estoient en la rue avecques leurs voisines, jouans au tiers et au bric ; et ainsi semblablement de plusieurs jeux. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 53).

 

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"Alternative"

 

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Faire à qqn un jeu parti. "Donner un choix à qqn, lui présenter une alternative" : Je vous fas ce jeu parti tel : (...) Se (...) Vous me voulez par mariage Prendre et le plevir par la foy, Mon corps et m'amour vous ottroy ; Autrement non. (Mir. nonne, 1345, 320). Or regarde que tu feras ! C'est un gieu parti que je te fais : se tu ne sers ton droit seigneur en sa guerre contre ta dame, tu es deshonnoré ; et se tu le sers contre ta dame, jamés ne t'amera pour bon servise que tu li saches faire, puis que tu aras esté a la destruission de ses parens. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 110).

 

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"Condition égale"

 

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Ne pas avoir de jeu parti. "Ne pas être dans une condition égale (à celle de l'adversaire)", d'où "Être dans une situation difficile" : Or estoient-ils grant route, et les gentilshommes n'estoient que cincq ou six, par quoy n'avoient point de jeu party et ne leur sambloit point que nullement pussent résister contre les autres. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 436).

 

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Il n'y a pas de jeu parti pour faire qqc. "La situation est défavorable pour faire qqc." : Seigneurs, aller s'en faut et quérir sauveté : icy n'a mais nulle seure demeure, ne jeu party pour un tel péril attendre. Donc, ce m'est regret, le plus que j'eus oncques, d'ici partir sans deffense. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 507).

 

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Estre en jeu parti étrangement. "Être dans une situation difficile" : Mon dommage scet bien tost espier, Elle m'assault sans point me deffier : Par mon serement, oncques ne congneu telle ! En jeu party suy si estrangement Que je me rens et n'y voy sauvement, Se je ne fais une Dame nouvelle. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 83).

 

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Jeu mal parti. "Situation dans laquelle les conditions des protagonistes sont inégales" : Ainsy fist chilz, dont je vous conte, Son grant damaige et sa grant honte, Tant qu'encor en dure le blame, Pour faire forche a une fame, Ou il n'ot plaisanche ne bien, Car li delis ne valu rien, Quant gieu y ot si mal parti, Que la dame au gieu ne parti. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 195).

 

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"Situation défavorable" : LE ROY. Je doy bien estre esmerveilliez De ce que cest escript me conte. Se c' est voir, je feray a honte Tantost la royne morir. Sa, dame, il vous convient venir A moy parler. LA ROYNE. Il ne vous fault que conmander, Mon chier seigneur, sachiez le voir, Que ne face vostre voloir Du tout en tout. LE ROY. Dame, je vous amoie moult Hyer matin, quant de vous parti. Or voi je le jeu mal parti Par ceste lettre. LA ROYNE. Je ne vueil ci nul debat mettre : Vostre seneschal ay ocis, Si ay le corps et le chief mis Dedans ce puiz. (Mir. femme roy Port., c.1342, 193). ...et meismement le conte d'Urgel fist sonner la cloche de crier alarme pour aler au secours du noble conte, son bon amy et vray deffenseur, duquel il faisoit grant doubte, pour ce que a sy forte partie avoit a besongnier ; sy poez croire que trop eust esté le jeu mal party pour lez siens, non obstant leurs deffence et aide du conte d'Artois, se ceulx de l'ost eussent esté garnys de leurs armeurez ; mais enfin le furent (Comte Artois S., c.1453-1467, 32).

 

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Jeu bien parti. "Situation dans laquelle les conditions des protagonistes sont égales" : Dez Ronmains i out poy, que .XX. mile n'estoient, Et il i out .C. mile Barbarins fervetis. Pour ce furent Ronmains chu jour mout esbahis : D'un honme contre .v. n'est pas gieu bien partis. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 155).

 

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Avoir pour soi le jeu bien parti. "Être dans une situation favorable" : ...si vous combattés a moy, qui sui mortelz, vous qui estes si treshault et si tres puissans, je aray le jeu tresbien parti pour moy, car se par vostre vaillandise vaincre me poés, ja loenge n'en averés conquestee, pour quoy vous vous tenés comme dieu (...). Et se je vous puis vaincre (...) je y acquerray une tresescellente loenge, pource que averay vaincu ung tresvaillant, poissant et redoubtet empereur... (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 203).

 

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Le mieux parti du jeu. "Celui qui a la meilleure part dans une affaire" : ...si d'adventure mon maistre ou ma maistresse venoient icy (...) et vous trouvassent, je seroie perdue et gastée, et vous ne seriez pas le mieulx party du jeu. (C.N.N., c.1456-1467, 122).

 

Rem. 1. Jeu en fonction de compl. prép. de partir peut prendre le sens de "situation" : "Sire, par ma foy, il jousta nagaires a moy tellement que par la jouste je suis ou present dangier, ne onques ne le vis puis. Bien pourroit estre qu'il est parti de tel jeu que moy, car je croy mieulx qu'il soit prins que le contraire. (...)" (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 108). 2. On relève également dans la documentation jeupartie, au sens de "danger, risque" (?). Cf. angl. jeopardy : Et Salomon auci te dit, Q'ove folhardy pour nul excit Tu dois aler, car pour petit Il te metra la jupartie, Dont tu serres en malvois plit (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 58). Rachel se mist en jupartie De son honour et de sa vie, Quant de Laban en tiele guise Avoec Jacob s'estoit fuié, Et par Larcine avoit saisie Les dieus son piere (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 82). Car qant visconte ad l'orr resçu Pour tort aider de sa partie, Lors jeuera la jeupartie De fraude, siq'au departie Le droit, ainz q'om l'ait aparçu, Met en deslay par tricherie De son office, ou il le plie, Au fin q'il serra tout perdu. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 275).

 

2.

P. méton.

 

a)

"Partie" : Or sçay je bien que elle ne mengera jamais ne que elle n'a mestier de saingnier, et puis que elle est morte, morte soit ; car le cuer ne m'en duelt gaires, et moult seroye ores fol, se je laissoye pour ce mon jeu (Bérinus, I, c.1350-1370, 17). Quant le varlet senti le cop, si fu tous esbaÿs et se mist tantost a la voye, courrouciez et enflez, ne pas n'en osa dire son pensé. Et Berinus demoura en jeu, si prist les dez par aïr et getta un tel cop qu'il lui en convint perdre le jeu, dont feri un tel cop sur le tabler qu'il sembla qu' il fust tous enragiez, et commença a jurer uns si orribles seremens, que chascuns avoit honte de l'oÿr. (Bérinus, I, c.1350-1370, 17). ...mais se il eüst esté bien advisez et il eüst contrepensé quel meschief lui en peüst estre avenu, il n'eüst pas emprins le jeu. Il estoit ja sur l'avesprer quant cilz derrains jeu fu encommenciez, et le bourgois, qui moult estoit malicieux et du jeu bien apris et endoctrinez, mena si le jeu que Berinus en fu au pïeu (Bérinus, I, c.1350-1370, 44). ...debat se meut entre eulx sur un de leurs jeux, telement que le dit Gilet dist au dit Chauvet que il avoit perdu un jeu, et icellui Chauvet lui respondi que non avoit. (Doc. Poitou G., t.7, 1404, 50).

 

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Avoir encore part en un jeu. "Avoir encore des chances de gagner une partie" : Et, par Dieu, cella me plait bien ! Encore ay je part en ce jeu. [Les bourreaux jouant aux dés pour se partager les vêtements de Jésus] (Pass. Auv., 1477, 202).

 

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Tenir jeu à qqn. "Continuer à jouer avec une personne qui perd ; donner sa revanche à qqn" : Ou quel hostel il trouva ung appellé Mathé Barbier, qui (...) l'assailli et jouer aux cartes pour passer la serée. Lequel suppliant, après ce qu'il l'eut pluseurs fois refusé, se y acorda et jouerent ensemble telement qu'il gangna l'argent dudit Mathé ; mais icellui Mathé en ala querir de l'autre, et dist audit suppliant qu'il lui tendroit jeu, et finablement se remistrent à jouer (Doc. Poitou G., t.8, 1442, 136).

 

-

Coucher qqc. en jeu. "Faire entrer qqc. comme enjeu dans une partie"

 

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[En contexte métaph.] : Que puis je comparer plus chier Qu'i mectre cuer, vie et courage ? Je n'ay mieux pour en jeu couchier, Si bon plege ne tel hostaige. Mais ma dame a trop l'avantaige, Dont la chose est pis departie, Car el garde mon cuer pour gage Et fault qu'el soit juge et partie. (CHART., D. Rev., a.1424, 315). Car j'aime mieulx loing m'enfouïr Que souffrir tousjours et oÿr Si grant reproche De Villain Cuer et Male Bouche, Qui nuit et jour en gieu me couche, Par raison qui n'est gueres douche. (Chev. dames M., c.1462-1477, 92).

 

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Avoir le plus beau d'un jeu : ...ja sçavez vous que depuis que cy vindrent voz ennemis que riens ou tout peu y ont fait de leur prouffit et comme l'en dit communement quant on a le plus beau d'un jeu on ne le doit point laissier (Comte Artois S., c.1453-1467, 38).

 

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P. anal. [Renvoyant au déroulement d'une action quelconque] : Cellui jour Grec sont desconfis, Mal vait li jeux a leurs prouffis. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 78). Li jeux yra d'autre façon En peu d'eure, et, se voulsist Fortune, cellui qui s'en ist De la cité, en petit d'eure, Auroit mis Troyens au desseure, Mais Meseür ne le volt pas, Qui vouloit Troyens mettre au bas, Par leur tollir un tout seul homme, Qui de leur confort ert la somme. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 101). ...pour ce que ceste compaignye devant qui vous estes a esté la premiere de toute ceste année à cheval pour commancer le jeu, nous sommes deliberés de les en faire les premiers repentir. (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1487, 190).

 

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Quitter jeu à qqn. "Renoncer au profit de qqn" : Je vous quicte jeu et entente. Puis que vostre voulloir contente Tant de gens pour ung mesme bien, Autant m'est de vous que de rien : Je n'y ay plus espoir ne actente. (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 190).

 

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Le bon du jeu. "Le moment le plus amusant, le plus passionnant" : "Taisiez vous," dist Madame, "encores n'est il pas quictes : le bon du jeu ne fait que venir." (LA SALE, J.S., 1456, 60).

 

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Avoir le mieux / le pire du jeu : Puis s'entre batent main a main En champ arrengiez, l'endemain ; Et ainsi, tous les jours, le font, Tant que pou a pou se deffont, Ne on ne peut appercevoir Qui peut du jeu le mieulx avoir : D'ambe .II. pars ont grant dommage L'un sur l'autre, a peu d'avantage (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 316). Le consule l'assault tantost, Car de ce ne se donnoit garde ; Tost ot desconfit l'avant garde, Voire tout son ost, a voir dire, Et ot Bremus du gieu le pire, Car occis y fu mesmement, Et tous ses gens mis a tourment De la terre de Gaule, qui Dicte est France (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 197).

 

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Mettre qqc en jeu. "Faire entrer qqc. comme enjeu dans une partie" d'où, p. anal., "Risquer de perdre qqc. (au cours d'une action quelconque)" : Et en oultre se Alixandres li non vaincus eust guerroié contre ces ducs non vaincus, il eust mis en jeu et en peril toutes les richesces de sa fortune ! Et certes de tant en plus grant peril comme li Macedoinien n'avoient que un seul Alyxandre, liquelz estoit sousmis, ainçois qui s'espousoit, a toutes aventures ! (BERS., I, 9, c.1354-1359, 18.17, 35).

 

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"Faire intervenir qqc." : ...par quoy donc de le [l'amant devenu cordelier] vouloir contraindre maintenant a la [la dame] veoir et parler a elle soubz umbre de renonciacion n'y avoit apparence, et estoit trop tard de venir aprés la dite reduction ramentevoir et mettre en jeu de present les dites aliances, promesses et folies du temps passé. (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 167).

 

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"Faire que qqc. ait lieu" : Ce procés (...) fut en suspens tenu et maintenu assez et longuement ; non pas que a son tour de rolle ne fust bien renvoyé et mis en jeu, mais le juger fut differé (C.N.N., c.1456-1467, 37).

 

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Venir en jeu. "Intervenir dans une partie" d'où, p. anal., "Intervenir dans une action quelconque"

 

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[D'une pers.] "Être le sujet de l'action" : Après le tour du chevalier, le prestre vint en jeu, dont elle s'accusa bien humblement. [Une femme luxurieuse se confesse] (C.N.N., c.1456-1467, 465).

 

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[D'une chose] "Être l'objet de l'action" : Motz rigoreux vindrent en jeu par la bouche de monseigneur, quand il perceut que par doulceur il ne faisoit rien (C.N.N., c.1456-1467, 116).

 

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[Var. de ce tour] : Lesquels, après pluseurs devises, monterent et vindrent en jeu d'unes et d'aultres materes [Un repas réunit le seigneur, le curé et d'autres "gens de bien" = lesquels] (C.N.N., c.1456-1467, 426).

 

Rem. Vérard corrige le texte : Devises monterent en jeu d'unes et d'aultres materes.

 

.

[D'une chose] Revenir en jeu. "Être de nouveau objet d'action" : ...cinq ou six jours ensuyvans, tousjours revenoient ces pastez en jeu, dont il estoit desja tout ennuyé. [Un homme est condamné à ne manger que des pâtés d'anguilles] (C.N.N., c.1456-1467, 82).

 

-

[D'une pers.] Entrer en jeu avec qqn. "Entrer dans la partie avec qqn", et, au fig. "S'attacher à qqn" : Or estoit entré en jeu aveuc son maistre nouvellement un autre nommé Waste, son premier vallet de chambre de viel temps, qui estoit son tout et son seul secré, et signoit mesmes toutes lettres en son nom. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 214).

 

b)

"Lieu où l'on joue"

 

-

Jeu de paume. "Espace délimité et aménagé pour la pratique du jeu de paume" : ...pour paver la nuefve cuisine, la cuisine delés la grande salle, la petite cuisine dessous la garderobe de monseigneur, le gieux de paume (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 607). ...il estoit devenu proprietaire d'une petite maison et jeu de paulme, seant à Paris (Comptes Paris M., t.2, 1473-1474, 298). Audit Symon Bodet, le XVe dudit moys de juin, la somme de vingt cinq florins, sur les ouvraiges qu'il fait en ce moys, à ladite bastide, tant au jeu de paulme estant en icelle, que en la gallerie, par la main du trésorier et sindics d'Aix, pour ce, XXV fo (Comptes roi René A., t.1, 1477, 17).

 

c)

"Ce qui sert à jouer"

 

-

Jeu de cartes : De rechief donne a Perrenet, J'entens le bastart de la Barre, Pource qu'il est beau filz et net, En son escu, en lieu de barre, Trois dez plombez de bonne quarre Et ung beau joly jeu de cartes. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 93). Au religieulx qui fait la vaisselle d'albastre (...). Pour ung jeu de cartes de Lyon, pour Hellène, II go. (Roi René vie L., 1476, 375).

 

-

[Les cartes dont dispose un joueur, en tant qu'elles déterminent ses chances de succès] : Toy [le prêtre] et Labeur faictes vos doleances ; L'un se dit povre et l'autre mal pourveu, Et regettés sur moy seul vos grevances, Comme se j'eusse en ma main tout le jeu. (GAGUIN, Déb. labour. T., c.1480, 359).

 

.

[En contexte métaph.] : Je ne me sçay jamais garder des tours De Fortune, qui maintesfoiz changier A fait mon jeu et tourner a rebours ; Mon dommage scet bien tost espier, Elle m'assault sans point me deffier : Par mon serement, oncques ne congneu telle ! (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 83).

 

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Au fig. Avoir beau jeu. "Être dans une situation favorable" : Il advint doncques aprez ladite convencion d'Arras que les Francois se resvigourerent et recoeillerent nouvel corage, esperans que par le moyen de ceste paix ilz auroient beaucop plus beau jeu (WAVRIN, Chron. H., t.4, p.1471, 105).

 

-

Jeu d'eschec / de table : ...pour IJ paire de geux de tables et d'eschetz, l'un de bois et l'autre de fresne (...) pour garnir les tabliers dudit seigneur (...). Item, pour une bourse de cuir, pour mettre et porter les diz geuz avec les tabliers dudit seigneur (...). Et pour avoir fait ferré un tablier de bois aux quatre cornes d'icellui (Comptes argent. rois Fr. D.-A., II, 1387, 225).

 

-

"Pièce servant à jouer aux échecs" : ...1 eschequier de bateure et de cristal, à perles dedens, garny des jeux de cristal et de marbre vermeil (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1353, 323).

 

d)

"Nombre de points obtenus par un joueur au cours d'une partie de dés" : Or sa, Malque, recontons donc. Deux six et quatre seze font ; C'est mon jeu. Mes quines et six Est le tien, que ne vault rien pis Ne mieulx ; par ainsi il est per. (Pass. Auv., 1477, 204).

 

e)

"Somme d'argent engagée dans une partie d'un jeu où l'on risque de l'argent" : ...et puis par malice et cautele ledit Nobis fist efforcier le jeu et fist ledit jeune homme, dit duppe en leur jargon, envier le jeu, disant qu'ilz gangneroient, et fist perdre audit jeune homme (...) ne scet icellui suppliant combien (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1426, 369).

C. -

P. méton. "Façon de jouer"

 

-

[En contexte métaph.] : Roy des Françoys, gangné as l'avantaige ! Parfaiz ton jeu, comme vaillant et saige, Maintenant l'as plus belle qu'au rabat. De ton bon eur, France, Dieu remercie (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 158).

 

-

Au fig. "Façon d'agir" : LE COQUIN. Tout n'en valloit pas ung festu, Nous fusmes bannis en tous lieux En la malle grace des dieux, Et puis ces paillards boulengiers Qui vendoient sept ou huit deniers Le pain qu'on a present pour ung, Quant je vy ce train et ce jeu Je ne fus fol ne negligent, Mais [courus] a Sainct Innocent Me fourrer avec les maraulx. (Sots gard., a.1488, 104). L'evesque dessusdit disoit que ledit roy Edouard avoit promys foy de mariage à une dame d'Angleterre (qu'il nommoit) pour ce qu'il en estoit amoureux, pour en avoir son plaisir, et en avoit faict la promesse en la main dudict evesque. Et sur ceste promesse couchat avec elle, et ne le faisoit que pour la tromper. Toutesfois, telz jeux sont bien dangereux : tesmoing ces enseignes. (COMM., II, 1489-1491, 305).

 

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[Avec un adj. mélioratif ou péjoratif] : " (...) S'en Mahon ne creés, mal estes embatus ; Ains que vous m'esquapés, vous ert le chief tolus, Ou dessus les crestiaus par le geule pendus, Si que bien vous verra Dodekins li chenus." "Sire", dist li Bastars, "trop seroit lais li jus ! Pour estre ensi paiét ne sui pas chi venus." (Bât. Bouillon C., c.1350, 176). Et adoncq le cappitaine de Crathor vint et dit au Jouvencel : "Hurtons de poittrine de cheval à la barrière ; car vous savez bien qu'elle ne tient point. Et que ces compaignons saillent tous à pié, qui derrière vous sont. Et, se Dieu plaist, vous verrés tantost beau jeu." (BUEIL, I, 1461-1466, 139).

 

-

"Manière de jouer d'un instrument de musique" : Bon clerc estoit, et bien entendans gieux de harpes et de tous autres instrumens, de chanter, de danse, de deduit de boys et de rivieres. (Guy Warwick, c.1400-1450. In : Chrestom. R., 94).

II. -

"Spectacle"

A. -

"Activité attrayante, numéro présenté par une personne" : ...elle s'en ala en la compaign[i]e d'icelle Jehennette veoir les jeux que les menesterelz fesoyent ès hales. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 265). ...huit livres cinq solz (...) que il bailla (...) au Turc de monseigneur de Bourbon, pour don à lui fait par ledit seigneur, pour considération de plusieurs jeux et esbatemens que il a faiz davant luy (Comptes roi René A., t.3, 1451, 37).

 

-

Jeu des bateaux. V. bâteau : ...icellui prisonnier, sur ce juré et par serement, cogneut et confessa que, oudit jour d'yer, ainsi comme l'en moustreoit le jeu des basteaux à la foire du Lendit, il se approcha auprès d'une femme qui regardoit lesdiz jeuz... (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 280).

B. -

"Représentation théâtrale d'une pièce en vers (dramatique ou comique)" : Il entent ici par comedies aucuns gieux, comme sont ceulz ou .I. homme represente saint Pol, l'autre Judas, l'autre un hermite, et dit chascun son personnage et en ont aucuns roulles et rimes. (ORESME, E.A.C., c.1370, 271). Farce, broulle, joue des fluctes ; Faiz es villes et es cytez Farces, jeuz et moralitez ; Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles, Aussi bien va, or escoutez, Tout aux tavernes et aux filles. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 131). ...ledit supliant et autres estoient au carrefour Saint-Hilaire veoir jouer les jeux, et puis s'en allèrent hors ladite ville, pour estre à une repetition de certain jeu qu'ilz voulloient jouer de la Sainte Hostie, où ledit suppliant receut ung rolle pour estre du jeu. (Doc. Poitou G., t.12, 1476, 88). Ce faict, chascun se retira a son enseigne et commancerent les deux messagiers a ouvrir le jeu ainsi que au devant de ce present registre est escript. (Procès-verbal de la représentation. In : LA VIGNE, S.M., 1496, 120).

 

-

Au plur. : Et le mardi et mercredi ensuivant, second et IIJe jours de juing, vindrent en l'ostel de Neelle, acompaigniez de ducs, contes, duchesses, contesses, chevaliers, dames et nobles de France et d'Angleterre, veoir les jeux et personnages de la Vie saint Georges, à la supplicacion d'aucuns habitans de Paris qui s'entremetoient d'iceulz jeux, qui durerent par les deux jours dessusdis, feriers de Penthecouste. (FAUQ., II, 1421-1430, 50).

 

-

[Dans le dialogue d'un mystère] : LE PRESCHEUR. Bonnes gens, vous avez veu Une partie de no jeu. Demain verrez aultres misteres Tout en poursievant nos matieres, Mais que Dieu par sa digne grace Nous en donne temps et espace. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 74). Nous prierons Dieu devotemant Qu'il nous doint par sa digne grace Avoir si bom advisemant Que de pechié fuyons la trasse, Y en nou jeu prandre tel advis Et si le mectre en memoyre Qui a la fin tous en paradis Nous puissons sus trouver en gloyre. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 15).

 

-

[Désignant, en explicit, le miracle par personnage] : Icy jeuent les menesterez, et s'en va le jeu. Explicit. (Mir. roy Thierry, c.1374, 338). Et lors s'en vont le roy, la royne et touz les autres, et chante l'en devant eulz, et ainsi se fine le jeu. Explicit. (Mir. ste Bauth., c.1376, 167).

 

-

Jeu de personnages : C'est tout pour rire, mais qu'il n'y eust peril, leur ouir dire leurs raisons où le plus fol parle premier à tout son tablier devant soy. Ce semble un droit jeux de personnages fait par mocquerie, et sur ce fondent ilz en leurs contenances et parlers pour ce que ilz les ont ouy en ces farces que on fait, cuident que on doie par tel maniere prononcer et asseoir son langaige, un pié avant et autre arriere, tenant les mains au costé, il n'est plus d'egalle. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 131). À Colart le Beuf, bourgois de Hesdin, pour don à luy fait par MdS, pour récompensation de certains frais et dommaiges qu'il a eus en sa maison, pour ce qu'elle a esté rompue affin de veoir les jeux de personnaige (Comptes Lille L., t.1, 1440-1441, 380). Autre taille de vers sizains se font en moralitez et jeux de personnages, souverainement en reproches ou redargutions ; et sont communement de six lignes, de cinq et de .vj. sillabes. (MOLINET, Art rhétor. L., c.1482-1492, 218).

 

-

Au plur. Jeux de la Passion. "Représentation théâtrale, à la fois drame et enseignement moral, qui paraphrase la Bible" : Et lors, ainsi comme elle qui parle tenoit lesdiz deux chapeaux, fais oudit jeudi ou vendredi, en une de ses mains, s'apperu à elle un annemi en façon et estat des ennemiz que l'en fait aus jeux de la Pacion, sauf tant qu'il n'avoit nulles cornes. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 356).

 

-

Au plur. Jeux sceniques. "Représentations dramatiques des païens" : ...les orribles sorceries et supersticions que les Paiens, rois et empereurs, grans et petis, faisoient en leurs eglises et gouvernemens, si comme les vilains et orribles jeuz seniques et autres pluseurs recitéz ou livre de Titus Livius, si comme le recorde plainement saint Augustin en son Livre de la Cité de Dieu. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 112).

 

Rem. Cf. FEW XI, 295a : scenicus.

 

-

Jeu de parture. "Pièce de théâtre, comédie" : SAINT PIERRE. J'ay paour de ma peau, touttefoiz. Jehan, ce n'est pas jeu de parture ; Mais, au fort, voit a l'adventure : Je m'enhardiray avec vous. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 257).

 

-

Meneur du jeu. "Celui qui dirige une représentation théâtrale" : LE MENEUR DU JEU. Mes Seignieur, vous n'en aurez plus Pour le present de nostre hystoire, Car nostre petite memoire Ne vous pourroy pas exposer (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 82).

 

-

Messager du jeu : Ilz luy apportent le reliquaire du Corpus Christi et une hostie non sacree en la maniere acoustumee et se mectront trois des disciples devant et trois derriere atout leurs torches alumees. LE MESSAIGIER DU JEU. Messieurs, pour le vray vous produyre, Ce qui est de ses mains tenu, Ainsi que voyez nu a nu, Pour debouter ydolatrie, Quoy qu'en honneur soit maintenu, Le corps Jhesucrist n'y est mye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 566).

 

-

"Texte de la pièce de théâtre" : Et ceulx qui ont veu le miracle disent, en ensuivant le jeu, ce qui s'ensuit ; et sainct Martin tost apprés se devestira. (LA VIGNE, S.M., 1496, 552).

 

-

P. méton. "Scène de théâtre" (synon. champ)

 

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[Dans une indication scénique] : Cy fine la premiere journee. Prennent la roÿne et la portent hors du jeu. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 215). Pausa. Pierre et Paul s'en vont parmi le jeu et l'emperiere Noiron fait envoier querir ces tirans pour les prendre (Mart. st Pierre st Paul, fragm. Anholt R., c.1480-1500, 190). Ilz s'en vont soir en quelque lieu du jeu a l'opposite dont ilz viennent. (LA VIGNE, S.M., 1496, 377). Ilz le meinent poussant a travers le ieu (Myst. st Martin K., a.1500, 229).

C. -

"Joutes sportives livrées devant des spectateurs" : Et puis moult bien [le roi] les festia, Et fist jouster en leur presence Ses chevaliers maint cop de lance. Li Sarrazin se mervilloient Coment il ne s'entretuoient ; Car il sont dou gieu desapris, Pour ce qu'il ne l'ont pas apris. (MACH., P. Alex., p.1369, 126).

 

-

Jeu de geste. V. geste "Tournoi"

D. -

HIST.

 

1.

HIST. GR. "Compétition" : Adont par Fortune avenu Est ainsi que la fu venu Layus, qui de Thebes fu roy, Avec sa gent, en noble arroy, Pour veoir les jeux ; cil fu pere Edippus, qu'aventure amere Mena celle part (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 288). Cestui fonda une cité nomée Aclydem, assize au pié du mont Olympus, jouxte Macedone, et y ordonna les jeux que ce faisoit de V ans en V ans que l'on appella Olympiades (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 26 v°).

 

2.

HIST. ROMAINE "Spectacles et réjouissances collectives organisées périodiquement" : Car il ot, en ce temps, a Romme, ung grant et sollempnel jeu ; et, pour le veoir, par son conseil y alla tresgrant quantité. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 36).

 

-

Au plur. : Si dissimula Romulus jusquez a tempz et se [fainsoit] malade ; et puis ordena uns jeus solennez a Neptune le Chevaucheur, lesquelz il appela lez jeus consuaus (BERS., I, 1, c.1354-1359, 9.6, 15). Dont il a fait et establi lieu et espace aus jeus que on dit les jeus Circeus, lequel lieu fu appelé Circus ; entour lequel (li) il a doné pooir aus peres et aus chevaliers de la cité que il peussent faire et edefier lieus et chafaus pour les jeus regarder, et iceus lieus furent appelé Fore (BERS., I, 1, c.1354-1359, 35.8, 62). Un jeux a pris a aviser Et, en mains lieux, crier a fais Les beaulx tournois, qui seront fais A Romme, et joustes nouvelles ; "Si viengnent dames et pucelles, Pour veoir les gracïeux jeux, Que feront les fors couragieux". (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 182). Sus un mont, au dehors de Romme, A ces gieux s'assemble tout homme. La, a plusieurs fais s'essayerent Les chevaliers, qui s'esgayerent (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 182).

 

-

Jeu lupercal. "Les Lupercales" : Et, premier, de la nativité de Remus et de Romulus (...) et puis du gieu lupercal (LA SALE, Sale D., 1451, 14).

III. -

MOULINS [Désigne un ensemble de pièces d'un mécanisme ; cf. sous I. - B. 2. c. jeu au sens d'"ensemble" dans jeu de cartes] "Lanterne, roue d'engrenage qui se compose de deux plateaux reliés par des fuseaux parallèles" (Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 712) : ...pour avoir livré du bois appellé en flamenc "cammen" et "spillen" servant a la roe et jeu (Doc. 1410. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 712).

 

-

[Même sens] Grant jeu

 

-

Petit jeu. "Prob. roue d'engrenage du monte-sacs, par opposition au grand jeu" (Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 712) : ...pour avoir vacqué au dit moulin pour y faire tout de neuf l'alee en la roe du dit moulin et les engins nommez "le grant et le petit jeu" (Doc. 1410. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 712).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Corinne Féron

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