A. -

"Couvert de sang, taché de sang" : [Le géant Polyphème] quanqu'il attaint il cravente Pour paistre sa gueule senglente : Quant les hommes prent, il les tue, Puis les deveure et les mengue, Si que li sans aval degoute Parmi sa barbe goute a goute. (MACH., Voir, 1364, 620). Jamais dÿable ne verrés Si forsené, si enragié De son oeil qu'on a arragié. [Polyphème] Ne portoit perches ne bastons, Ainçois aloit a atastons, Querant les voies et les sentes A ses ordes mains et senglentes. (MACH., Voir, 1364, 626). Et quant il le [Claude] vit, il le congnut bien et le voit tout senglant et toillié de sang. Si lui demanda qui ainsi l'avoit attourné. (ARRAS, c.1392-1393, 201). ...advint ainsi que ung prebtre chantoit messe, après qu'il ot sacré le corps Jhesu Crist, en le voulant prandre apparut souldainement tout senglant, ce que sceut le roy Philippe qui y courut (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 119 r°).

B. -

[Accompagnant un subst. qui désigne une chose susceptible d'être couverte de sang ; pour renforcer la valeur dépréciative d'un subst. ; avec un subst. quelconque] "Détestable, horrible, maudit" : SECOND DIABLE. J'ay la male sanglante hart : Je n'ay fait qui vaille un festu. (Mir. ev. arced., c.1341, 135). LE LARRON. Et qu'est ce ci ? sanglante terre ! Il a ja près d'un moys entier Que je ne poi gangnier denier (Mir. march. larr., c.1349, 100). SECOND DYABLE. (...) mais nous l'i trainnerons. En sanglante heure nous fault il Porter sur noz colz tel ostil. (Mir. prev., 1352, 247). ...et, en tirant, ledit Jehannin Pelart dist audit Robin Vasselin que par le sanglant foutre Dieu il n'emporteroit point ladite houpelande. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 355). Ha, allez, que le sanglant col Vous puissez vous casser tous deux ! (Jehan A., c.1400-1500, 134). Garissez moy ou me tuez Et l'ame en infer emportez, Finez ma sanglante de vie ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 62). J'en crieve de dueil et d'ayr, Tout le cuer du ventre me tremble A peu que je ne m'en estrangle Par mon sanglant crapaut musel. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 92). Sus avant, senglante maignie ! Temps est d'accomplir l'ordonnance De monseigneur et sa plaisance. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 120). Pendu soye s'aultre l'a prins, Mon drap, par la sanglante gorge ! (Path. D., c.1456-1469, 160). Or, Sathen, ors de meyson ! or t'en va ! Che en mal ant soyes tu entrée Toy et ta sanglante vie ! (Trois comm. M., c.1475, 539). Tout le sanglant dyable le saiche ! Il [Jésus] m'a trop bien fait cuysiner ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 618). De ton sanglant gibet Qui le col te puist encorder, Le te fault il tant recorder ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1033). Mais ou, sanglant gibet, est elle ? (P. Jouh. D.R., a.1488, 30).

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[Renforçant une injure] : Tei te, senglant, merdous garçon, vilain mastin, meschant paillart, cornart qui tu es, ou tu en auras des horions, que tu les sentiras de cy à quatre jours. (Man. lang. G., 1396, 85). ...couroucé et indigné, eust appellé ledit Billart, "sanglant villain ! treiste jaques !" (Ch. VI, D., t.2, 1403, 49). La malle passion te fiere ! Comment ! Je croy que tu te truffes Et cy ne nous serfz que de buffes, Sainglant villain, puant gerboiges. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 32). Ha ! le sanglant villain parfait ! Qu'on le puist tout vif escorchier ! (Narcissus, p.1426, 299). Entre vous Angloiz et Normans, Estans léans dedens Pontoise, Fuyez vous en, prenés les champs, Oublyez la rivière d'Oise Et retournez à la cervoise De quoy vous estes tous nourriz, Senglans, puans, mezeaulx porriz. (Doc. 1441. In : CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2 c.1437-1464, 29-30). Le dyable t'en puisse pourter, Sanglant laron. Alame ! Alame ! Sire, que le mal noustre damme Vous puisse mangier la servelle. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 49). Va, sanglante bote ["maudite savate", comme injure], Va foutre, va, sanglant paillart ! (Path. D., c.1456-1469, 134). Tu mens, senglant filz de putain, Dyffameurs de gens, par le sang Dieu ! (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 177).

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[Intensif et dépréciatif de l'extrême] : LE DYABLE. Haro ! que j'ay le ventre plain De dueil et de sanglante rage Quant je ne puis en mon servage Mettre la femme du marquis ! (Mir. marq. Gaudine, 1350, 131). Le murdre du [l. au] sanglant larroncel ! Quelles nouvelles il aporte ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 92). C'estes vous [qui parlez haut], par ma verité ! Vous mesmes, en sanglante estraine ! Par le sanc bieu, vecy grant paine ! (Path. D., c.1456-1469, 106). Prenons qu'il [en] ait affolé Six ou sept [des moutons], ou une douzaine, Et mangéz, en sanglante estraine : Vous en estes bien meshaigné ! Vous avez plus que tant gaigné Au temps qu'il les vous a gardéz. (Path. D., c.1456-1469, 178). Mesdames, donnés leur a boyre Ou leur donnés, en leur estraine, La sanglante fievre quartaine. (S. fol, c.1480-1490, 8).

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[Dans une formule d'imprécation, avec mort ou un nom de maladie] : Que la sainglante male fievre Te puisse rompre la guargette Et ta grosse grasse millette, Et te puist l'on es forches pendre(s) ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 76). De la sainglante pute mort Soit il sarré et contrepris, Car, de l'eure que je le pris, Il me chuuça cy durement Que je n'an puis tenir mon vent. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 158). Sanglante passïon te fiere, Meschante fame ! (Mart. st Pierre st Paul R., c.1430-1440, 145). Sanglante fievre Te doint Dieu ! (Path. D., c.1456-1469, 164). Or pays que de sanglante mort Puyssés vous estre sobterrés Je croy que vous estes ferrés (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 62). Tien ! Laurens. De senglante rage Puisse tu ennuyt enrager ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 226). Assault me baille de langaige, Langaige cuisant comme feu, Feu ardant, ensanglante [l. en sanglante] raige [lecture appuyée par un autre passage du même texte, p. 226 : «De senglante rage Puisse tu ennuyt enrager»]. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 230).

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Faire du sanglant pire/pis à qqn. "Faire le plus de mal possible à quelqu'un" : Je toy prïe que tu me faces Du sanglant pis que tu porras (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 84). Tousjours enforcez son tourment, Et puis soit pendu par la langue Vistement, et que on l'estrangle ; Et luy faictes du senglant pire Que vous pourrez (Myst. st Laur. S.W., 1499, 277).