C.N.R.S.
 
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     SENTIR     
FEW XI sentire
SENTIR, verbe
[T-L : sentir ; GDC : sentir ; DÉCT : sentir ; FEW XI, 467,468a,471a : sentire ; TLF : XV, 342b : sentir]

A. -

[Domaine des sensations physiques] "Percevoir par l'intermédiaire des sens"

 

1.

Empl. intrans. "Percevoir (par n'importe quel sens)" : Et les philosophes determinent ou diffinissent vivre en disant que vivre est puissance de sentir quant est as bestes (ORESME, E.A., c.1370, 486). ...et quant as hommes c'est puissance de sentir et de entendre. (ORESME, E.A., c.1370, 486). Et pour ce, quant nous senton nous sentir et quant nous entendon nous entendre, adonques nous senton et entendon que nous sommes (ORESME, E.A., c.1370, 487). Aprés ce que Dieu t'a donné estre et bel estre et aprés vivre il t'a donné sentir, et puis t'a donné discrecion (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 274).

 

-

Inf. subst. "Fait d'avoir des sensations physiques" : N'as pas l'omme communication de son estre communicant avecquez les pierres, son vivre avecquez lez plantes, sentir avecquez lez bestes, et entendre avecquez lez anges ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 92).

 

2.

[Par le toucher ou par sensation interne]

 

a)

Sentir qqn/qqc.

 

-

"Avoir des relations charnelles avec (une femme)" : Or sai ge bien, en bonne foy, Vous n'estes pas grosse de moy, Quil, pour celluy Dieu quil ne ment, Je n'oux oncques le hardiement J'ossasse vostre corps samtir. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 58).

 

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[D'une femme] Se sentir. "Connaître le plaisir amoureux" : "Par Dieu", dist Synamonde, la dansele au corps gent, "Bien doit dame estre lie qu'o tel homme se sent ! Pleüst a Jhesucrist qui fist le firmament Que j'en eüsse tel en mon gouvernement..." (Bât. Bouillon C., c.1350, 98).

 

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[Un corps matériel, un objet...] : Il me fault clore la fenestre, Il pleut, j'ay santu une guoute. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 28). ...il advint au dit Thomas une adventure, car il sentit soubz sa cuisse le dyamant que le dit Jehan Stotton y avoit laissé [dans le lit] (C.N.N., c.1456-1467, 391).

 

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Faire sentir qqc. à qqn : Il est ainsi et tellement : Quant [Villon] mourut, n'avoit q'un haillon ; Qui plus, en mourant, mallement L'espoignoit d'Amours l'esguillon ; Plus agu que le ranguillon D'un baudrier lui faisoit sentir (VILLON, Test. M., 1461-1462, 151).

 

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Sentir qqc. + adj. attribut : De nous ne vient fors que pechié ; Et j'en sens mon cuer empeschié D'un dont je vueil qu'il soit curé. (Mir. mère pape, c.1355, 353). ...au taster qu'il fist hurta sa main d'aventure a son tetin, qu'il sentit tresdur et poignant (C.N.N., c.1456-1467, 250).

 

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Sentir un élément + inf. : Et ce dient Ptholomee et les autres aucteurs qui ont tractié des poies des choses, et le prouvent par ce que se un honme est bien en parfont en eaue, il ne la sent en rien peser sus soy aussi comme non fait celui qui est pres de la superfice de l'eaue. (ORESME, C.M., c.1377, 706).

 

-

[Un coup, une arme, un heurt...] : Et Gieffroy le fiert de l'espee sur l'espaule, car il ne pot actaindre sur la teste, et lui trenche les mailles du jaserant, et lui entra bien plaine paulme en la char. (...) Quant le jayant sent le coup, si lui escrie : Maudit soit le bras qui de tel vertu scet ferir. (ARRAS, c.1392-1393, 264). Et cil leur respond : Un pou sui je bleciez, mais bataille n'ay je pas eue, mais j'ay trop bien esté batuz, et si ne scay de qui, car je n'y vy oncques personne, mais j'ay moult bien sentu les horions. (ARRAS, c.1392-1393, 306). ...elle vouldra, moy la venu, sentir et taster la lance dont j'entens fournir mes armes [Cont. grivois] (C.N.N., c.1456-1467, 107).

 

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Sentir qqc. (des coups) + inf. : Et lors senty descendre sur lui, aussi dru que pluie chiet du ciel, coups et horions d'un costé et d'autre, et fu moult defroissiez de coupz orbes... (ARRAS, c.1392-1393, 306).

 

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Faire sentir son espee à qqn. "Transpercer quelqu'un d'une épée" : ...a grant alaine pour sez gens esjoÿr et, quant il tint l'espee ou poing, Dieu scet comment il la faisoit sentir amerement a sez ennemis, lesquelz le fuioient comme la mort et disoient par lez merveilleux fais d'armez qu'i lui veoient achever : «Fuions !" (Comte Artois, c.1453-1467, 75). Cil seroit bien outrecuidier Quil le roy deffïer vouldroit. Certes, mou'chier le conparroit, M'espee luy feroie santir. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 105).

 

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Sentir que + action de heurter : ...comme elle ot dormi son premier somme, senti que l'en la bouta du genouil, et, en soy esveillant, oy et entendi que c'estoit ledit Thevenin (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 57).

 

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Empl. abs. Sans sentir. "Sans ressentir, sans qu'on éprouve (une douleur)" : C'est (...) Taisible bruit et secret descelé, Coup sans sentir Et penitance avant que repentir, Et vray cuider qui se lesse mentir, Vouloir sans vueil et sans gré consentir (CHART., D. Fort., 1412-1413, 191). Doux yeux qui poingnent sans sentir, Doux yeux de piteux entremès, Qui font semblant de departir Et sy ne bougent jamais... (Amant cord. M., 1490, 66).

 

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[Un phénomène physique] : ...quant icelle Gilete vouloit que ledit de Ruilly, qui avoit esté son ami, empirast de la maladie que il avoit et sentoit, elle prenoit iceulx voult de cire et crapoux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 293). La peussiez oïr et veoir grant pitié, car, si tost que les moines sentirent le feu, ilz commencierent a faire piteux criz et tres amers et doulereux plains (ARRAS, c.1392-1393, 251). Quant Melusigne ouy ce mot, si ot tel doulour ou cuer qu'elle chey pasmee. Et fu bien demy heure qu'elle ne rendy ne que on ne senty en elle poux ne alaine. (ARRAS, c.1392-1393, 256). GRISELDIS [au marquis] Ja maiz pour dolour que je sente Ne diray, ne demanderay, Ne feray, ne ne penseray Chose que je puisse savoir Qui soit encontre ton vouloir. Ne ja maiz rien ne me feroies, Non pas se morir me faisoies, Que je ne souffre voulentiers, Et telz est mes vouloirs entiers (Gris., 1395, 38). Je vous veulz compter les demainnes De ceulx d'enfert, quel doleur sante. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 147). Il ne sent poim de la challeur. Par dieu, c'est ung droit enchanteur Qui use de enchantemant ; Il c'est ousté le senctemant. Il ne sent ausi peu que pierre. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 240).

 

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En partic. [Une douleur] : ...il sembloit mieulx hors de son sens que aultrement, tant sentoit grand doleur. (C.N.N., c.1456-1467, 535). Si sent tel douleur que bien cuide Ardoir (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 65).

 

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Sentir qqc. (un membre) + attribut : Doulz Saint, je vous pry que ma voie Aie cy endroit emploïe Tant que ma jambe soit garie. Dieu a fait vertu bien pleniere : Ma jambe sanz toute legiere. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 36).

 

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Empl. intrans. "Souffrir" : ...en la dicte prison a esté et est le dit suppliant si blecié des fers qu'il a euz en une jambe qu'il ne sera de toute sa vie qui ne sente. (Doc. Poitou G., t.4, 1372, 115).

 

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[Un mouvement] Sentir qqc./un animal + inf. de verbe de mouvement : Et quant Gieffroy sent le cheval fondre soubz lui, si sault jus appertement, et s'en vient vers le jayant, l'espee traicte, et le joyant lui vint, la faulx empoignie. (ARRAS, c.1392-1393, 246). Je sans l'arche aller sur les undez (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 28).

 

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Sentir que + sub. : Uriien (...) sentoit que son cheval aloit par terre... (ARRAS, c.1392-1393, 138).

 

-

[À propos de grossesse]

 

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[D'une femme enceinte ou qui se croit enceinte] Sentir qqc. : ...ce que elles cuidoient avoir sentu et que elles disoient estre enfant, estoient mauvaises humeurs acumulées ensamble en son corps, par quoy elle estoit ainsi ronde (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 297).

 

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Enfant sentant. "Enfant que l'on sent bouger (en cours de grossesse)" : SUER MARIE. Sire, nous prenons sur noz testes Qu'elle [l'abbesse] est grosse d'enfant sentant. (Mir. abbeesse, 1340, 79). LA DAME. (...) Je suis grosse de vif enfant, Et si l'ay ja porté sentant Plus de deux mois (Mir. enf. ress., 1353, 10). ...elles, à grant diligence, ont veue et visitée Jehanne La Cordiere, prisonniere detenue en Chastellet, et tiennent et croyent fermement et en leurs consciences que icelle prisonniere est grosse d'enfant sentant de cinq mois ou environ. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 297).

 

-

[Avec une idée de menace] Faire sentir qqc. à qqn. "Faire subir qqc. à qqn" : Et avec ce il lui manda qu'il vuidast tost le regne et le païs ou, se ce non, il lui feroit briefment sentir et appercevoir le pouoir de lui. (Bérinus, I, c.1350-1370, 156).

 

b)

Sentir de qqc. "Profiter, jouir de qqc." : Le petit Saintré qui encores, comme dit est, n'avoit senti ne gousté des amoreux desirs nullement (LA SALE, J.S., 1456, 8). ...mon plus grant regret si est qu'il fault que je meure avant que savoir et sentir des biens de ce monde. (C.N.N., c.1456-1467, 347). ...disent les maistres qu'elle eschappa de mort a cause d'avoir senty des biens de ce monde. (C.N.N., c.1456-1467, 351).

 

c)

Empl. pronom. réfl.

 

-

"Avoir conscience de son état physique"

 

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Se sentir (en tel état) : ... je me sentoye (...) en tel point que en moy n'avoit point d'esperance de vie. (ARRAS, c.1392-1393, 141). ...combien que je me sentoie ancores sain et entier, et n'estoie ne rompu ne froissié, mais seulement ploié (BAYE, II, 1411-1417, 273).

 

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Se sentir tel mal. "Avoir conscience de tel mal dans son corps" : ... le roy se bouta ou lit soubdainement, et dist qu'il ne se sentoit nul mal. (ARRAS, c.1392-1393, 119).

 

-

(Se) sentir de qqc. "Se ressentir de qqc., éprouver les effets, les conséquences (physiques, morales...) de qqc." : Dame, dame, trop se meffist Le chetif qui le martira, Et je croy qu'il s'en sentira A touzjours mais. (Mir. ev. arced., c.1341, 142). ...à peinne puet l'en trouver povre ne riche, et par especial à Paris, qui ne se sente de ceste maladie (BAYE, I, 1400-1410, 89). Les quelles choses representent aux enfans, qui aprés viennent, les maulx et griefs que les ennemis de la contree firent a leurs predecesseurs, dont ilz se sentent (Bouciquaut L., 1406-1409, 210). ...et avec ce faisoit paier si grans amendes et si pesantes que tous ceulx qui venoient entre ses mains s'en sentoient toutes leurs vies (Journal bourgeois Paris T., 1421, 159). A brief parler, Toute la sinagogue en sent [de l'influence de Jésus] Et n'en y a pas ung de cent Qui ne soit seduit par ce point. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 181). Se tu ne le fais à ceste foys, tu te pourras bien sentir de ta negligence (MIÉLOT, Mir. N.D. L., 1456, 139). ...tant de maux advinrent que toute la chrestienté s'en sentoit de la playe (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 345). Que fist il de sa telle piteuse adversité et de quoy toutes regions cristiennes se sentoient du meschief ? (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 133). LE NEPVEU. Hellas, ma cousine, m'amye, Du mal ne se sentoit hÿer, Car je fus une heure et demye Avecques luy m'esbanoyer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 489).

 

d)

Au fig. Sentir avec qqn. "Prendre contact (avec qqn)" : Ont donné charge iceulx conseilliers dessuz nommez au devant nommé François Buclet de sentir et praticquer avec aucun personnage de la Court a ce cappable et convenable pour avoir accez et entree de parler au roy (Entrées roy. G.L., 1476,,, 224).

 

3.

[Par l'odorat]

 

a)

Empl. intrans. "Exhaler une odeur" : Mais quant elle et ses femmes dedens la chambre entrerent, veirent une tresmerveilleuse clarté monter en sus et sentirent une odeur sy grant, que toutes les fleurs, les espices et les plus fines odeurs du monde y fussent, ne pourroient mieulx sentir. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 167). ...le banda et envelopa de draps linges, et le dora d'aucun oignement tresfort sentent (C.N.N., c.1456-1467, 535).

 

b)

Sentir qqc.

 

-

"Percevoir par l'odorat, respirer l'odeur de qqc." : Si ne me doit a folour Tourner, se je vous aour, Car sans mentir, Bonté passés en valour, Toute flour en douce odour Qu'on puet sentir. (MACH., R. Fort., c.1341, 127). ...Passelyon (...) se trouva en la plus orde piscine qu'il eust jamais sentue, car tout l'escloy d'une grant vacherie avecquez toute la merde du fumier se accumulloient la endroit. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 879). Tenez, sentez a la narine : Se vous semblera, sans mentir, Ung paradis a le sentir. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 801).

 

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[D'un animal] "Flairer qqc. ou un autre animal" : ...s'il [le limier] assent d'aucune beste [var. sent auc. b.] et y crie, toutes les bestes qui sont ou païs en sont effrees (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 25). Et la cause pourquoi nous ne le oiions pas, ce n'est pas pour l'acoustumance, si comme aucuns disoient, mais est pour ce que nos sens ne sont pas bien disposéz a ce, aussi comme les chiens veneurs sentent et oudourent telles choses que nous ne povons sentir. (ORESME, C.M., c.1377, 472). ...nul riens ne leur peult tant plaire [aux chiens] Que de sentir le cerf fuyant. (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 34).

 

-

"Avoir, dégager une certaine odeur, sentir qqc." : Cest choux sante je ne say quoy, Tu as mise malvoise herbe. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 61). Mangue ! - Fort, il sant la merde ! Tresmeschant villain, craiche ! craiche ! (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 61). Sy alé voir en Taillevant Ou chappitre de fricassure, Tout au long, derriere et devant, Lequel n'en parle jus ne sure [des langues cuisans, flanbans et rouges] ; Mais Macquaire, je vous asseure, A tout le poil cuisant ung deable Afin qu'il sentist bon l'arseure, Ce recipe m'escript sans fable (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 113). Quant morte sera ta charongne Puante, quier qui ta char ongne D'aulcune odorante liqueur : Homme ne vouldra, car ly cueur Ne pourroit durer a sentir Tel odeur, ne s'y assentir. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 38). LE LADRE. (...) Langueur, rigueur me tient soubz las De douleur et extreme raige, Fort sentant mon muguelïas ; Pourry suis pour tout ralÿas, Dont souvant je me descouraige. (LA VIGNE, S.M., 1496, 464).

 

4.

[Par le goût] : Onc cy bonne eaul ne santy Par mon Dieu, comme ceste cy (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 38). Syre roys, la teste levés Et de bon vin aigre beuvés ! Et puis le ly faisient sentir, Mais onques boyres n'an voulit. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 117).

 

-

Se sentir de qqc. "Avoir le goût de qqc." : ...les champs qui sont loing de montaignes et les valees ou il n'a pas trop d'eau portent plus de vin ; et les champs et les costieres emprés ces champs, et qui se sentent de eulx, si portent plus noble vin. (Rustican H., 1373-1374, 72).

 

5.

[Par l'ouïe] Sentir qqn/qqc.

 

-

"Entendre qqn/qqc." : Il dist que nature n'a pas fait sentir la musique du ciel aus oreilles des mortelz et pour ce l'en ne peut pas dire proprement quelle elle est. (ORESME, C.M., c.1377, 478). Il a esté pris au trapas, Car je l'ay bien senty crier. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 46). Quant Gadiffer senti la friente des chevaulx, il se retourna. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 6).

 

-

"Entendre, apprendre qqc.par ouï-dire" : ...et je, sentant tellez nouvelles, racontai ycelles a messeigneurs les dis empereurs (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 38). "Toutefois, pieça, je senti Que oncques Verité ne menti, Ne si ne volu querir angles, Ne raconte[r] bourdes ne gengles..." (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 14). Le roy en ce temps-cy sentant la fame et grant voix qui couroit en ce royaume [que le duc de Bourgogne devait partir en croisade] (...) moult lui commença à attendrir le coeur et à doloir de le perdre (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 31).

 

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Faire sentir un ban. "Diffuser une proclamation" : Ensi per le pays fist on se ban sentir. [que le gagnant du tournoi épouserait la fille du roi] (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 37).

 

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Empl. abs. "Prêter l'oreille, être à l'écoute, chercher" : Elle luy dist : "Mon amy, empruntés Pour aller hors aucune hacquenee !" Aux assistens il dist : "Par tout sentés, Et que aucune me soit tost empruntee." (SAINT-GELAIS, Eurial. Lucr. R., c.1490, 119).

 

6.

[Par la vue]

 

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Sentir qqn. "Apercevoir qqn" : ...ledit dauphin envoia aucuns des plus grans de sa maison au-devant de luy, et luy-mesme quant le sentiroit près de la porte, délibéra d'y aller en personne (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 206).

 

-

Sentir que + complét. "Constater concrètement que" : Se tu pues sentir ou vëoir Que tes anemis assëoir En bourc, en chastel ou en ville Te vueillent, aies tant de guille Qu'adès aies la clef des chans, S'orras des oisillons les chans, Et ne te laisse par un siege, Einsi comme un leu, penre au piege. (MACH., C. ami, 1357, 119). Et le voiement n'est pas pour ce deceu, car il ne sent ou voit fors que mouvement est. (ORESME, C.M., c.1377, 536). En allant vous rencontrera Ung homme, lequel portera Ung vaisseau d'eaue remply ; Suivez le et alez avec luy Et entrez ou propre demoure Ou vous sentirez qu'il demoure. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 233). Ore pour ce que voi et sens A voz maintiens que vous m'amez... (Mir. nonne, 1345, 320). Mais (...) je suis seure que si tost qu'il sentira que je seray hors de l'ostel il s'en ira a la taverne (C.N.N., c.1456-1467, 527).

B. -

[Domaine des états affectifs, des impressions, des intuitions, des croyances...]

 

1.

"Ressentir qqc." : ...car ceuls qui ont vertu sentent les passions et de [l. de ce se m. d'apr. ms. X, 33c] se meuvent aucunement, tant comme il convient et non autrement et selon toutes les circonstances qui y pueent et doivent estre mises par raison. (ORESME, E.A., c.1370, 153). Et de ceste delectacion ici le corps ne en sent ou sueffre aucune chose principalment, mais la pensee s'i delicte. (ORESME, E.A., c.1370, 220). Amours a qui de leur pouoir ne chault Leur fait sentir un desir trop plus chault Que feu de pailles, Qui entre ou cuer et dedens les entrailles (CHART., D. Fort., 1412-1413, 160). ...lequel sentit ces dures nouvelles si asprement, et par telle emprainte au cueur et ès entrailles, qu'il en cuyda soubdainement mourir (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 201).

 

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[Une douleur morale] : LA FEMME. (...) Voir quant il m'a membré de vous, Plus grief douleur au cuer sentoie Que de la mort que j'atendoie (Mir. enf. ress., 1353, 74). Car je suis si mis à desconfiture Pour Loyauté et Amours maintenir Qu'en monde n'a si dure creature, S'elle savoit quelz maulz j'ay à sentir, Qui grant pité n'eüst de moy veïr (MACH., L. dames, 1377, 60). Et sachiez que je sens ou cuer plus de doulour de nostre departie Cm. foiz que vous ne faictes... (ARRAS, c.1392-1393, 258). Et le roy, qui tost senty la destrece de la mort, ne se pot plus tenir sur le destrier, mais chey a terre a la renverse tout mort. (ARRAS, c.1392-1393, 180). Pleust a Dieu que peussiez sentir Une fois la dure grevance Que m'avez fait long temps souffrir Par vostre plaisant accointance ! (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 21).

 

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[De la joie] : Alez ci devant moy chantant Que son cuer soit joie sentant En vous oir. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 151). Mais vo douce figure, Vo fine biauté que j'aour Et vo noble faiture Parée de plaisant atour En plour tiennent nuit et jour, Sans joie sentir, Mon cuer qui vit en tristour, Dont ne puet garir. (MACH., Ch. bal., 1377, 584).

 

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Se sentir de qqc. "Éprouver qqc." : Mére de Dieu, (...) De ta bonté tresexcellente Est il nulz homs qui ne se sente ? Nanil voir, se puis je bien dire. (Mir. prev., 1352, 266).

 

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Sentir + inf "Éprouver intérieurement que" : "Hélas ! ma dame," dist le seigneur de Saintré, "et pour quoy dictes vous cecy ?" - "Je le dy car vous sentez avoir tort et il est ainsin." (LA SALE, J.S., 1456, 282).

 

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"Avoir conscience de l'état dans lequel se trouve qqn/qqc."

 

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Sentir qqn/qqc. + attribut : LA DAME. (...) Car je sens ma condicïon Müee, et ma complexïon, Si que ce que souloie amer M'est maintenant sur et amer. Pour ce, d'estre grosse doubte ay (Mir. enf. ress., 1353, 6). La fille, voyant et sentant celuy dont elle se doubtoit emprisonné, poursuyvoit roiddement le prevost qu'il luy feist justice (C.N.N., c.1456-1467, 159). Et elle, sentant son mary desja vieil et ancien, et ayant la promesse desusdicte, se reputoit desja comme sa femme. [Elle a un amant] (C.N.N., c.1456-1467, 415). J'ay sentu mon cueur en tel point Qu'on ne le sauroit concepvoir. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 929).

 

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Se sentir + attribut. "Se considérer, se voir + attribut" : Et certes, pour trés tout l'avoir Qu'on porroit desirer n'avoir, Ne vous eüsse respondu, Tant me senti je confondu De scens, de force et de parler. (MACH., R. Fort., c.1341, 133). ...et lors li dist ledit visconte que s'il se sentoit proudome, il faisoit folie de prendre francise de l'eglise, et qu'il alast hors et parlast à luy (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 382). Et cil, qui fu moult joyeux, lui dist : Par ma foy, m'amie et ma dame, je me sens tous assouagiez de vostre venue. (ARRAS, c.1392-1393, 244). Quant le gallaffre se sent ainsi souspris, si se part de la bataille, lui Xe, le plus coyement qu'il puet, et s'en vint a la mer. (ARRAS, c.1392-1393, 138). Je ne lui sauray ja mal gré de cela, car puis qu'il se sent puissant de lui mesmes, et il est hardiz et emprent hardiement, ce n'est que bien, car chose hardiement entreprise et ensuye est a moitié faicte. (ARRAS, c.1392-1393, 283). Item, a maistre Ytier Merchant, Auquel je me sens tres tenu, Laisse mon branc d'acier tranchant, Et a maistre Jehan le Cornu, Qui est en gaige detenu Pour ung escot sept solz montant ; Je veul, selon le contenu, Qu'on leur livre... en le rachetant ! (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 16). ...elle se sentoit la plus forte en la place. (C.N.N., c.1456-1467, 244). Les chevaliers qui l'ont trahy S'enfuient, ilz se sentent coulpables. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 184).

 

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Se sentir + inf. : Entre les cas ou il se sentoit l'avoir courroussée, luy declara comment il estoit bien recors qu'il l'avoit troublée (C.N.N., c.1456-1467, 515).

 

2.

[Idée de conviction]

 

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Sentir qqc. "Être persuadé de l'existence de qqc." : Ne proferez pas telz langaiges Se vous n'y sentez fondement (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 85). ...Ne propherez pas tel loquence Se grant verité n'y sentez. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 98).

 

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Sentir qqn/qqc. + attribut. "Être convaincu que qqn/qc. est + attribut" : Et pour ce je vous prie que, s'il a en ceste place homme qui ne sente son cuer ferme pour actendre l'adventure qu'il plaira a Jhesucrist de nous envoier, qu'il se traye a part, car par un seul couart failly est aucunesfoiz une besoingne perdue. (ARRAS, c.1392-1393, 108). ... il le sentoit de si grant cuer qu'il ne lairoit point qu'il n'y alast [combattre un géant]. (ARRAS, c.1392-1393, 239). JUSTICE. ...A la fin de vostre procés Jamais ne me consentiroye Jusqu'a ce que le droit aroye Que je me sentoye estre deu (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 452). ...et sy sentoien le Chevalier Doré pour l'un des preux que l'en sceut. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 301).

 

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Sentir que. "Être persuadé que" : Et d'autre part, je sens et congnois que vous, qui estes mes hommes, qui veez plus cler en mes besoingnes que je ne fais, ne me conseilleriez chose qui ne feust mon prouffit et mon honneur (ARRAS, c.1392-1393, 170). Mais il fu moult doulent de la perte de sa mere et de la douleur de son pere. Et senty que la premiere racine de ceste grief mesaventure mouvoit par le conte de Forest, son oncle, et jura la Trinité qu'il le comparroit. (ARRAS, c.1392-1393, 268). ...car il [Pâris] scet et sent Qu'a Troye l'amenra [Hélène] (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 63).

 

3.

[Idée d'intuition, d'impression]

 

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Sentir qqn. "Deviner la présence de qqn" : ...madamoiselle le sentent tout la dessus, fait ung sault jusques a l'huys [Le retour du mari la surprend en compagnie de son amant] (C.N.N., c.1456-1467, 243). ...ceste dame sentent son serviteur le chevalier dessusdit en son hostel, devers lequel elle ne povoit aller (...) s'advisa de luy mander par la damoiselle qu'il eust encores ung peu de pacience (C.N.N., c.1456-1467, 268).

 

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Sentir qqc. "Avoir l'intuition, le sentiment de qqc." : L'amoureux malade, sentent l'heure tresdesirée, se met au chemin devers l'ostel a la merciere (C.N.N., c.1456-1467, 50). ...le pouvre patient (...) oublyoit la moitié de son mal quand il sentoit la presence de sa dame. (C.N.N., c.1456-1467, 503). Lors s'en part [le mari] et fait semblant d'aller hors et s'embuche et se met en lieu que, s'il va rien en sa meson, il savra bien. Et la dame, qui a senti de ce que l'en lui a dit, a mandé a son amy qu'il ne viennet pas pour nulle chouse qui soit, car elle s'en doubte bien. Ainxin se gouverne la damme si sagement que, Dieu mercy, son mary n'y trouvera ja faulte. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 61). LE JUIF. Quant à moy, Sans point varier en nul pas, En Jhesus et sa foy je croy, Car entendement apperçoy Que Jhesus est vray redempteur. LE PRESTRE. Se vous sentés aucun erreur, Declarez lay cy en ce lieu. LE JUIF. Je croy tres fermement en Dieu (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 152).

 

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Sentir qqn (estre) + attribut. "Avoir le sentiment que qqn est tel" : Et, pour ce, veult qu'en cel affaire A leur bon vueil, en toutes sommes, Facent, car moult les sent preudommes. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 154). Et eulx partis de là, parlèrent à pluseurs seigneurs, et aultres de grant auctorité, qu'ilz sentoient estre bons amis à leur seigneur et maistre le comte, en leur requerant conseil sur ce qu'ilz avoient à faire (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 65). Et aussi print ledit grant maistre grant peine pour trouver le moyen de l'avoir, pour ce qu'il le sentoit estre bon et vaillant chevalier, et qui pourroit bien servir le roy ; ce qu'il fist depuis au faict de la guerre. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 377).

 

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"Reconnaître intuitivement une évidence" : ...vous sentez le tort, et il est ainssy ! (LA SALE, J.S. E., 1456, 416).

 

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Sentir que. "Avoir le sentiment que" : Monseigneur (...) sentant aussi que assez longue espace a laissié son hostel et sa femme, que moult la regrecte et desire (...) dispose son partement (C.N.N., c.1456-1467, 110). ...par ce compte avez oy que les trois advis que le bon pere bailla a son filz ne sont pas a oublier. Si les retienne chacun pour autant qu'il sentira qu'il luy peut toucher. (C.N.N., c.1456-1467, 337).

 

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Sentir + prop. inf. : ...il print regle et coustume de la venir visiter a toutes les foiz qu'il sentoit le mary estre absent (C.N.N., c.1456-1467, 441). Ce faisant [tout en priant], je m'entroubliay, Non pas par force de vin boire, Mon esperit comme lÿé. Lors je sentis dame Memoire Reprendre et mectre en son aulmoire Ses especes colaterales, Oppinative faulse et voire Et autres intellectualles (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 28).

 

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Empl. intrans. "Avoir une intuition" : Et toutevoies, aucune fois en tenant un faulz opinion l'en sent et est l'en aussi comme contraint a confesser aucune verité (ORESME, C.M., c.1377, 382).

 

4.

"Donner l'impression de qqc., avoir les apparences de qqc., dénoter, indiquer qqc."

 

a)

[D'une chose] Sentir qqc. "Donner l'impression de qqc., avoir les apparences de qqc., dénoter, indiquer qqc." : Deffendez leur le mentir, jouer a jeux illicites, de laidement jurer, et de dire parolles qui sentent villenies ne parolles deshonnestes ne gouliardes (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 128). Et sentoient lesdictes lettres aucunement menaces (Ch. VI, D., t.2, 1418, 67). Item, la matiere de Dieppe touchant les lettres que monseigneur le Daulphin a escriptes à ceulx de Bruges, et pareillement Charles des Mares ausdiz de Bruges et à ceulx de l'Escluse, qui sentent deffiances. (Ecorch. Ch. VII, T., 1445, 185). Astiages s'esmerveilla du conseil de Cirus qui lui sembloit sentir verité. (VASQUE DE LUCÈNE, Cyropédie G.-G., 1470, 202).

 

-

Sentir opposition. "Présenter les apparences de la contestation" : Sur quoy la Court l'a requiz qu'il venist et seist entre les seigneurs de ceans, veue la response par lui faicte qui n'estoit pas bien raisonnable, maiz sentoit opposition (BAYE, I, 1400-1410, 193).

 

b)

[D'une pers.] Sentir (de) tel lieu. "Être originaire de tel lieu" : Il a evidamment apparu en vostre fait que vous sentez de la Haute Bretaigne [«Dans BC, sentir est employé sans de, leçon plus conforme à l'usage...» (Éd.)], ou toutes les femmes sont enchanterresses ! (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 231).

C. -

[Domaine de l'intellect]

 

1.

Sentir (de) qqc.

 

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"Penser qqc." : Verité aussi y doit estre, car comme dist Seneque a Lucille : "C'est laide chose de dire une chose et sentir ung aultre, mais encore plus laide est une chose escripre et l'aultre sentir". (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 133).

 

-

"Prendre conscience de qqc., comprendre qqc., s'apercevoir de qqc." : ...De tout autant est la veüe Plus noble, quant est bien agüe, De tous les autres quatre sens. Par le philosophe le sens, Et aussi dit il que voler Est plus noble chose qu'aler. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 496). Et les haulx princes veoient plus cler en leurs affaires par les sciences qui lors estoient aprinses en temps deu, que s'ilz feussent innocent des sciences, et sentoient en brief le vif des conseulx que on leur monstroit. (ARRAS, c.1392-1393, 17). Et se j'ay adjousté chose en ceste hystoire qui semble a aucuns increable, si le me veullent pardonner, car, selon ce que j'ay trouvé et peu sentir des anciens autteurs, tant de Gervaise comme d'autres anciens autteurs et philosophes, je repute ceste histoire et la cronique a estre vraye, et les choses faees. (ARRAS, c.1392-1393, 310). ...aucuns de messeigneurs de ceans iroient devers le chancellier de Bourgoigne, les autres devers le chancellier de Guienne, les autres devers le Roy Loiz, autres devers monseigneur le Dauphin, autres devers le prevost de Paris, pour sentir de l'entention de nosseigneurs de France (BAYE, II, 1411-1417, 45).

 

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Sentir que. "Comprendre que" : Dont respondy le duc et dist : "Messire Jehan, vous devez bien savoir et sentir que les Franchois prendront sur vous et sur noz gens, ou cas que ilz nous voyent dangier, tout l'avantaige comme ilz pourront..." (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 115). Qant il vei et senti que morir le convenoit, il manda tous les barons de son roiaulme, voire ceuls ou il avoit la grignour fiance. (FROISS., Chron. D., p.1400, 164). ...et s'il sembloit expedient, que le roy de Sicile seul assemblast premierement devers nosdis seigneurs audit lieu de Mante, l'en a assez senti que par ce ne demourra pas si grant bien. (BAYE, II, 1411-1417, 120). HERODE. ...Mais j'ay maintenant bien sentu Qu'il n'a puissance ne vertu Et que son fait n'est q'un abus. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 298).

 

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Faire sentir/donner à sentir à qqn que. "Faire comprendre à qqn que" : Il pria que on vosist donner a sentir au roi d'Engleterre que il envoiast honme notable parler a lui, car il voloit entrer en trettié. (FROISS., Chron. D., p.1400, 835). Par foy, dist le roy, cest homme me devoit Dieux pour rescourre mon pays des felons Sarrazins, et pour saincte crestienté soustenir et essaucier. Et, par Dieu, je feray demain sentir au soudant que le secours m'est près et que je ne le doubte gueres. (ARRAS, c.1392-1393, 103).

 

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Sentir de + inf. "Se rendre compte de, comprendre que" : ...que diront tous ses compaignons quant ilz sentiront d'avoir perdu la compaignie d'un sy preu chevalier ? (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 174).

 

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Sentir + interr. indir. : Et le landemain, par matin, vint a Saint Pierre, et la trouva le pape Benedic, qui pour lors regnoit, et se tira par devers lui. Et cil lui fist moult humble recueillete quant il ot senty qui il estoit. (ARRAS, c.1392-1393, 270). Or povez sentir en quel estat estoient povres gens qui n'avoient ne pain, ne vin, n'argent, ne busche, et qui avoient povre mestier et foison d'enfans. (BAYE, I, 1400-1410, 213).

 

-

"Prendre connaissance de qqc., connaître qqc." : Mais j'estoie lors pour le tamps Toutes nouveletés sentans (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 62). Dont quant ilz orent sentu la teneur des lettres, ilz furent moult joyans, et louerent Jhesucrist de l'onneur et de la bonne aventure qu'Il donnoit par sa saintte grace a leurs enfans... (ARRAS, c.1392-1393, 145). Amours est crüel losengier, Aspre en fait et doulx a mentir, Et se scet bien de ceulx venger Qui cuident ses secrez sentir : Il les fait a soy consentir Par une entree de chierté (CHART., B. Dame, 1424, 342). C'est grant tenance d'estre et demourer tousjours en l'eglise et jamais ne s'en departir ne sentir et savoir les choses qui se font au monde ! (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 110).

 

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"Reconnaître qqc." : ...s'aucuns bourjois ou bourjoise, ou aucuns enfés de bourjois estoit sievis de le justice à veue d'eschevins et li justice li met sus cas criminel, li dite justice doit faire sentir le cas, ou renommée ou presumption vehemente, dedens trois jours (Hist. dr. munic. E., t.2, 1334, 85). Sy puet veoir qui la verité sent Que je n'ay dit ne ne diz mie De Dieu ne des siens vilenie, Ne de chose qu'ait ordenee. (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 77).

 

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"Savoir qqc." : Mon gracieux cousin, duc de Bourbon, Je vous requier, quant vous aurez loisir, Que me faittes, par balade ou chançon, De vostre estat aucunement sentir (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 135). NACHOR. ...Mais encor y gist le dangier Qu'ilz n'y vueillent consentir. NATHAN. Je cuide bien d'eulx tant sentir Que si feront, sauf vostre grace. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 403). Et aussi, a mon simple sens, Ad ce que du mistere sens, Deux prophecies decorees Furent en ce veriffïees (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 122). En la maniere que vous avez oÿ trouva le preu Lyonnel son compaignon Troÿlus, dont il fut moult joyeulx pour la haulte chevallerie qu'il sentoit en lui. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 331).

 

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Se sentir + attribut : Or ça, qui se sent endebté De tribuz, de droiz ou de restes Viengne paier ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 149).

 

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Sentir + inf. : Qu'as tu que tu ne leur respons Ou ne leur fais aucuns respons Qe tu scens avoir quelque droit ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 275).

 

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Empl. abs. : ...s'aucune persone sacle, par yre faite, espée, ou coutel ou arme esmolue sour autrui et li justice le fait sentir, jugiés doit estre a soissante lb. au pourfit du seigneur (Hist. dr. munic. E., t.2, 1334, 83).

 

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Sentir + interr. indir. : Toutesfoiz ilz ne luy pouvoient refuser par raison et desiroient bien sentir de moy que le roy en disoit (COMM., III, 1495-1498, 65).

 

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"Évaluer, apprécier, estimer qqc." : Et, se vous veez un bon homme d'armes qui soit povres et en petit estat de vesture ou de monteure, donnez lui du vostre selon ce que vous sentirez vostre aisement ["possibilité"] et selon ce qu'il sera de value. (ARRAS, c.1392-1393, 85). ...se fera craindre a eulx et vouldra que ilz lui portent grant honneur, les araisonnera pour sentir de leur entendement et de leur savoir, et saigement les enseignera. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 60).

 

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Sentir + interr. indir. : Diables, il vous fault enveïr Ceulx que Dieu fist a sa sanblance. Serpent, de la aler t'avence Sentir s'on les peult decevoir. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 15). ...el est contente qu'il entre vers elle, mais qu'elle sente et sache premier de quelles lances il vouldra jouster encontre son escu. (C.N.N., c.1456-1467, 107). Et, au regard de luy, langueez le en chemin et sentez s'il [vouldroit] point faire le traicté de son frere et faire que le duc laissast les Bourguignons de tous poins pour tousjours et faire ung bon traictié ainsi que vous saurez bien adviser (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 287).

 

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"Examiner, discuter qqc." : ...car n'estoit pas encores (...) la chose toute finablement terminée, ny conclue, fors tant seulement amiablement pourparlée et sentue d'une part et d'autre. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 85).

 

2.

Empl. abs.

 

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"Comprendre, penser, juger" : Il fault dire que c'est miracle Le plus noble a tous vrais sentens qui fust monstré passé cent ans (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 174). Aucunes gens qui bien peu sentent, Nourriz en simplesse et confiz, Contre le vouloir Dieu attentent, Par ignorance desconfiz, Desirans que [vous, Marie d'Orléans] feussiez ung filz (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 41).

 

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"Juger, porter un jugement" : Car la malice opposite a vertu pervertist le jugement et fait mentir et sentir faulx vers les principes pratiques. (ORESME, E.A., c.1370, 357). ...il sent tres honnestement es conseilz et determine, et es deliberacions tres profitablement (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 238).

 

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"Donner son avis" : Fais donc et prens hardiesce de sentir et savoir entre ceulz ici, et tantost une grant main de flateurs te venra et, aussi comme les Juis, il te contraidront de t'acorder a leur tourbe. (FOUL., Policrat. B., III, 1372 , 238).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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