C.N.R.S.
 
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     ATTEMPRER     
FEW XIII-1 temperare
ATTEMPRER, verbe
[T-L : atemprer ; GD : atemprer ; AND : atemprer ; DÉCT : atemprer ; FEW XIII-1, 173b : temperare]

I. -

[Domaine concret : idée de mélange, surtout de liquides ; idée de trempe]

A. -

[Idée de mélange]

 

1.

Attemprer qqc. (de qqc.). "Mêler, mélanger (pour tempérer, pour modérer)"

 

-

Attemprer le vin (d'eau) : Et, s'il [le vin] est fort, est chose seure Qu'il soit attrempé d'eaue pure Pour mieulx blandir nature à droit, Maiz plus en esté qu'en temps froit. (LA HAYE, P. peste, 1426, 99). Paris ne mengoit gueires, quar il penssoit aultre part que a menger, puys se faisoit donner au frere du vin molt bien atrempé d'eaue, qu'il avoit mys a part pour soy. Si en bevoit molt souvant pour fayre boyre les aultres (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 272).

 

-

Attremper qqc. de qqc./avec qqc. : Et pour le commun prennent les cuisses de beuf et sy en prennent tant grant foyson qu'il en hayent pour servir tout homme, et si soient les maistres patissiers si saiges et bien advisiés qu'ilz actemprent leur sel avecques leurs espices affin qu'il ne soit tropt salé. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 140). Et se soit tresbien advisé le maistre qui fera ledit pasté qui hait ses bonnes espices, gingibre blanc, granne de paradis et ung pou de poyvre, de saffran pour donner couleur, et si l'atremper du sel par puncer tout le grein dudit pasté dessusdit. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 174).

 

-

Au fig. S'attemprer à qqc. "Se tempérer de qqc." : Et sachiez que la cruaulté Qui s'atrempe a la loyaulté Vault trop mieulx que ne vault simplesse ; Car cruaulté les drois adresse Et les torfais souvent remue La ou simplesse est toute mue. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 57).

 

2.

P. ext.

 

a)

"Irriguer (des cultures, un jardin, des arbres...)" : En cedit jardin a une belle fonteine de quoy ledit jardin et arbres sont arrousés et attrempez (Voy. Jérus., c.1395, 49).

 

-

"Préparer, couler (un bain) (?)" (Éd. "Réchauffer, tempérer") : O com de coeur entier un baing li attrempasse ! O comme volentiers l'yaue a mon col portasse, Et a sa doulce mere de coeur administrasse, Et du petit enfant les drappellés lavasse ! (Livre Rossignol. N., c.1400-1420, 61).

 

b)

"Diluer (une humeur)" : ...un honme songe que il tramble lez fievres, lequel, toutevoies, ne lez tramble pas aprés, pour aucune cause survenant, laquelle amenuise et atrampe celle matiere colerique, ou l'en y ajouste aucune medicine qui l'enpeche. (Songe verg. S., t.1, 1378, 383).

 

3.

Attempré (de)

 

-

"Mêlé de qqc." : En ce frefel et en celle rihote Fai maint souspir, maint plaint et mainte note Qui ne sont pas de sons melodïeus, Mes attemprés de chans maladïeus. (FROISS., Orl., 1368, 103).

 

-

"Mêlé de, assaisonné de qqc." : ...et faictes tout boulir ensemble, et soit plus sur le jaune que sur le brun, agu de vinaigre et actrempé d'espices (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 220).

 

-

"Imprégné, rempli" : Atempré sont [mes yeux] d'un tel convoi ["regard"] Que pour Polixena jadis Fu Achillés. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 112).

B. -

[Idée de trempe]

 

-

Attemprer du fer. "Durcir (le fer) en lui donnant une certaine trempe" : ...pour avoir arondi et atempré le grant fer de ce dit molin (Doc. 1451. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 484).

 

-

Part. passé "Trempé, qui a reçu la trempe" (cf. GD I, 469a)

 

.

[Dans un contexte métaph.] : Aux Italies jadiz fist mains beaulx faitz De son fier bras et de sa dure espée ; En rencontre mortel portoit les faitz Par sa force de vertuz attrempée. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 396).

II. -

[Idée de modération]

A. -

Attemprer qqc./qqn

 

1.

[L'objet désigne une chose]

 

a)

[D'une pers. ou d'une chose personnif.] "Adoucir, modérer qqc." : Et d'un vent dous et couvenable A tout corps humain, delitable, Plein de plaisence et de tout aise, Atempra [var. atrempa] l'angle la fournaise (MACH., C. ami, 1357, 23). L'ire des vens et leur tempeste Dont le serain air se destrempe, Et la mer qui fort se tempeste Et mine le rivage et trempe, Amours amodere et atrempe, Et, par sa grant doulceur, acoye. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 99). Console mon exil, attempre ma doleur (Internele consol. P., 1447, 211). Et se les payens doncques attrempoient et moderoient ainsi leurs vaines et mondaines leesses, certes, par plus fortes raisons, nous, cristiens, devons icelles reprimer et moderer. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 179).

 

-

"Rafraîchir, maintenir frais (une habitation)" : A che s'acordent les medechins comme Rasy : «Garder santé, dist il, est observer mesure en mouvement et en repos, en mengier et en boire et en expulsion ou reboutement de superfluitéz, actemprer les maisons et autres lieux ou l'en demeure, obvier ou resister aux mauvais accidens ains que ilz prendent croissanche, rebouter pensees bestiales et garder bonnes acoustumanches». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 346).

 

-

Attemprer sa langue : Amesure ton cuer en bonne voluntey Et Atrempre ta lengue par saigement parler. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 234). ...amorte ire et chalour charnel, attrempe et refrene ma langue de vain parler. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 31). O aveuglez, vous vous rïez Quant aulcun homme avez trompé ; Mais une fois vous vourrïez N'avoir mangé que pain trempé En bel eaue , et qu'atrempé Eussez vos langues ailtrement. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 64).

 

-

[Une querelle] : ...Dieu priez devotement Que (...) Tellement leur querelle affine Et attrempe conme vray juge, Que chascune partie y juge Prouffit avoir. (Mir. ste Bauth., c.1376, 136).

 

-

[Un règlement, une contrainte...] "Modérer, rendre moins rigoureux" : ...celuy doit, selon lez loys, juger de chose juste et injuste et cognoistre, lequel puet lez loys faire, avoir, interpreter et exposer, faire garder, aggrever et atemprer, selon lez circunstances dez persones, du temps et dez lieus. (Songe verg. S., t.1, 1378, 28). Et se le Roy prent indignacion contre aucune persone de l'Eglyse, par la priere dez evesques, le mautalent et l'indignacion si est remisé et rapaisié. Par le moïen d'eulx, la riguer de justice est attrampee, le clameur dez povres si est essaucé (Songe verg. S., t.1, 1378, 238). ...neantmoins pour aucunes bonnes raisons ad ce nous esmouvans, lesdictes ordonnances attemperons et consentons que nous, ou leur juge, puissons avancier ou tarder de jours ou de heures, selon les disposicions du temps (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 214).

 

-

[Dans un contexte métaph.] : ...Espoir qui doit attemprer celle ardure [d'ardent désir] (MACH., Motés, 1377, 501).

 

b)

[D'une chose]

 

-

"Calmer, rafraîchir qqc." : Nous supposons aussi que le Soleil fut crëés en son ange, c'est la partie du cercle du Soleil plus loingz et plus eslevé de la terre, et ce fu convenable chose pour atremper la chaleur de Soleil (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 229). Et donqes si le prent homme [l'eau de roses] et moille les temples pur attempler les sens de la teste ; et l'odour si conforte moelt. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 150). ...ilz voient une nue eslever qui cuevre et atrempe la chaleur du soleil (Mir. st Ign., 1366, 72). ...combien que la lune soit froide et moiste de sa nature, toutevoies recoipt elle la chaleur du souleil qui attrempe sa froidure et seche sa moisteur (CORBECHON, Soleil Lune S., 1372, 352). ...et languissoient de soif en telle maniere que ilz gettoient la langue traicte en demandant une seule goutte d'eaue pour attremper leur chaleur (Horloge de sapience S., c.1389, 103). Le tamps estoit pour ce jour si doulx et tant attempré par l'empeschement des nuees qui evitoient la challeur du soleil qu[e]... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 2).

 

-

[Dans un contexte métaph.] : L'homme, toutes fois qu'il est en fureur et en yre, est hors de son corps, c'est a dire hors du sens. et pour ce, par ses amis doit estre attrempez et refroidiez par le doulz vent de bon conseil jusques a ce qu'il soit osté de sa fureur (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 98).

 

2.

[L'objet désigne une pers., son caractère, ses sentiments, son comportement, son activité...] "Modérer, apaiser, tempérer" : ...Fabien le Grant avoit esté maistre conseilleur de soy et de son aiel et de son besayel et de toute son ancessorie, et toutevoies fist il tout son pouoir que son filz n'eüst pas celle office aprés lui, non pas qu'il se deffiast de son filz, car il estoit noble preudome et sage, mais pour ce que .I. lignage ne tenist touz jours ceste office. Qui puet estre plus atrempé que cestui qui atrempa s'amour naturele qu'il avoit en son enfant en tele guise. (FERRON, Jeu eschaz mor. C., 1347, 213). Mes pour ce que i [veoyt] que cestes choses ne se pueent faire en corages acoustumés a guerres et efferonchez par chevaleri, il se pensa car il couvendroit que la fierté des corages fust avant toute euvre atrempee et amolie par desacoustumances d'armes. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 19.2, 30). Mes pour ce que il cremoit que les corages du peuple par pays et par ociouseté se habandonnassent a superfluités et a luxures, lesquelz le paour des anemis et la discipline de chevalerie et le labour des armez avoient jadis contenu et atrempé, il li sembla car en celle multitude, ignorant et rude, la creinte des dieux seroit souvereine (BERS., I, 1, c.1354-1359, 19.4, 31). [continere] Dont est Paours a l'amant neccessaire, Car elle fait attemprer son afaire, Et le nourist en cremeur d'entreprendre Chose dont nuls ne le peuïst reprendre. (FROISS., Orl., 1368, 89). Sire, atrempez vostre courage. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 237). Elle [la Tempérance] attrempe et adoulcist tout (JUV. URS., Nescio, 1445, 475). Dont, tant que en luy fust, il adoulcy et atrempe de sa propre tranquilité l'amertume et angoisse de la publicque confusion (LA SALE, Sale D., 1451, 211). Pour ce voulloit Dieu icellui Jouvencel estre prisonnyer et faillir à son entreprinse pour aucunement moderer et actemprer le couraige, corrigier et reffraindre les challeurs de jeunesse. (BUEIL, I, 1461-1466, 74).

 

-

S'attemprer. "Se modérer" : Amors et pitié font son corage attremper (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 12). Lors getta [les dés], de courroux tressue, .IX. poins, et .XV. a demandez. Le coup gaingne, s'est atrempez ["il s'est modéré, calmé"] (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 255).

 

3.

Attemprer à qqc. "Obtempérer à qqc." : Ausquelles Coriolanus, pour obeÿr se mere et pour l'amour de sa femme, atempera a leur humble et doulce priere (LA SALE, Sale D., 1451, 217).

B. -

Attempré

 

1.

[D'une chose] "Doux, modéré"

 

a)

[Concr.]

 

-

[Du temps qu'il fait, du climat, du vent, de la lumière...] : ...Quant par atempree caleur A tant Nature labouré Que le domage a restouré Qu'en yver avoit receü... (ACART, Prise am. H., 1332, 4). Et li jours fu attemprez [var. attrempre] par mesure, Biaus, clers, luisans, nès et purs, sans froidure. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 58). ...atemprez et seris Est li airs (MACH., D. Lyon, 1342, 195). Se l'air est pur et attrempée en ces qualitez il est moult prouffitable a la conservation de la vie (CORBECHON, Propriétés, 1372, XI, 1, 183 r°). ...le royaulme de France est (...) raempli de gros villaiges, de biaux pays, de doulces rivieres, de bons estans, de bonne prayeries, de courtois vins substancieux pour gens d'armes eux nourrir et raffresquir, de soleil et d'air à point atempré, et nous avons cy tout le contraire. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 86). Et pour ce, elle [une partie de la terre] est attrempee et habitable et l'autre non, si comme il sera plus a plain declaré vers la fin de cest livre. (ORESME, C.M., c.1377, 352). ...fortune se leva en la mer, et uns orages et tempeste si horrible que Sarrasins furent moult esbahiz. (...) Et le landemain, environ heure de prime, le air fu pur et le vent fu attrempez et luisy le soleil beau et cler. (ARRAS, c.1392-1393, 128). ...ce propre jour, sur le soir, elle estoit issue de son chastel pour ce que l'aer estoit moult bien atempré. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 228). ...tant estoit le lieu d'attempree clarté (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 552). ...les flourettes par l'humeur de la terre eschauffée et reprenant la vigeur de generation procedant des influences du solleil, qui lors sont moderées et attrempées, pour ce que le cercle equinecial est en egalle portion vers orient et vers occident, decorent et embellissent les prez pour adoulcir les pasturages aux bestes mues (BUEIL, I, 1461-1466, 19). Et se te dis que l'annee qui vient sera plus atrempee et la plus fertile que tu vis jamais. (MACHO, Esope R., c.1480, 159). Je te dis que tu [l'air] diz mal et a tort te complains du vent, car, combien qu'il te bate et refroide, toutes fois, par ce, il te rend cler et attempré. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 99).

 

-

[D'une épice] : De celui naporte [l. n'aporte] on point en ce pays, car ilz le retiennent pour euls, pour ce que cest le meilleur et de plus atrempee nature que le noir ne soit, et si nen [l. n'en] y a mie si grande habundance de blanc que de noir. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 325).

 

-

[Du vin] "Tempéré" : ...Il [le vin] reconforte les malades ; Mais quant il n'est bien atrempé Homme n'est qui n'en soit trompé. (Serm. quatre vents K., c.1500, 516).

 

-

[Du visage] "Doux" (Éd. "modeste") : Et avoit le visage si atrempé, Sosia, si bel et si gracieux que je n'en vis oncques nul plus cler. (RIPPE, Andrienne, a.1466. In. Chrestom. R., 208).

 

b)

[Abstr.]

 

-

[D'une rémunération, d'une imposition] "Qu garde la mesure, modéré" : ...nous ordonnons que ces sergens praignent salaire atrempé : c'est assavoir ceulx à cheval III solz, ceulx à pié XVIII deniers de la monnoie courant ; et plus n'en pourront prendre par jour pour leur salaire, combien qu'ilz facent pluseurs execucions ou autres procés de leurs offices par pluseurs personnes (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 81). Et si ordonna que si sondit patrimoine n'y pouvoit suffire, son peuple en icellui cas pour la necessité publicque y contribueroit par atrempée cueillecte, sans exaction excessive (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 390).

 

-

[D'une punition] : Mais quant doulce misericorde entremeslee avecques droicturiere justice donne sur les princes et sur le peuple le decret de plus attrempee punicion, l'orgueil de trop oultrecuidié povoir qui se descognoist est rabaissié par puissance ennemie, la superfluité des biens mondains, qui est nourrice de sedicions et de murmure, est chastiee par sa mesmes nourreture et l'ingratitude des dons de Dieu est punie sur les hommes par sustracion de sa grace que aprés bon amendement et loiale correction a renvoyé et redrecié les seigneuries et les peuples en parfaitte paix et restitucion de leur disposicion premiere. (CHART., Q. inv., 1422, 1).

 

-

Attempré à qqn. "Doux, agréable à qqn" : Cil qui songe qu'il ait espendue semence de forment en la region qu'il cognoist et que la semence ait germé ou temps qu'il appartient a germer, et cil qui ce songe soit du nombre de loyaux et debonnaires crestiens et religieus, signifie que ses operacions seront attrempres a Dieu. (Expos. songes B., 1396, 231).

 

2.

[D'une pers.]

 

-

"Modéré, mesuré, pondéré" : Il fust au conmencement bien atrempé, mais après il fut monlt desrivez en tous maulx. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 240). Aigres, qui estoit sages homs et moult bien atrempez, ne respondi adonc nul mot ne oncques ne mua contenance ne maniere, ains regardoit le roy afin qu'il eüst responce de lui. (Bérinus, I, c.1350-1370, 301). Cesti Servius Tullius regna quarante et deus ans par tele meniere que se il eust horez en successeur roy bon et atrempé, si fust il assés grief de l'avoir resemblé. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 82). Et sachiez que ja ce fust que il fust deboinaires et tant atrempez, si avoit on autre fois le volu deposer, si comme aucun dient, pour ce que mal leur sembloit que si grant empire fust en pooir d'un homme, et eust esté fait pour cause du paÿs delivrer de la servitute des roys, se ne fust le fourfait, l'outrage privé dessus dit qui li sourvint. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 82). ...en folour te voels aherdre. Or te cuidoi je plus seür, Mieuls atempré et plus meür ! (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 79). Ha ! messires Loeis de Sansoirre, je vous quidois plus atrempé et mieux amesuré que vous ne soiés (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 17). La premiere devant assise Fait la personne estre rassise, Sage, attrempee et bien parlans (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 26). Qu'atrempé et pacient estre Doie le prince et le grant maistre, Seneque dit ou premier livre De Clemence, et sagement vivre. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 254). Et pour ce, est tresneccessaire chose aux principes qu'ilz eslisent bien et advisent a qui ilz donrront la charge de leurs guerres. Car il fault, premier et avant toutes choses, qu'il soit vray crestien et bien avecques Dieu, et apprès saige, dilligent en armes et attemperé et es battailles experimenté (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 241). ...mais il ne fault que viriliter agere et sustinere dominum et estre froit et attrempé (JUV. URS., Nescio, 1445, 447). Soiez donc saiges et prudens ! Soiez atrampez et constans ! (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 555).

 

.

Attempré en qqc. : Sur quoy, belle seur, sachiez que toute personne qui s'eschauffe en sa parole n'est mye bien atrempé en son sens. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 105). Vindicatif n'est ne soubdain, Mais si atrempé en tous fais Que homs ne puet estre plus parfais. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 148). Eutrope dit que nul ne fut plus envieux en bataille, ne plus actrempé en paix. (BUEIL, II, 1461-1466, 226).

 

.

"Maître de soi, calme" : Car il fuioit plus delectacions que en faisoient pluseurs autres que estoient vertueus et actrempéz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 498). Vecy noz ennemis qui sont frais et nouveaulx, qui sont frois et atemprez, et nous sommes pou de gens, fort travailliez et eschauffés de combatre. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 626).

 

.

Empl. subst. "Celui qui est maître de soi" : Car le continent a puissance de non faire contre raison pour delectacions corporeles, et tele puissance a l'actrempé. (ORESME, E.A., c.1370, 397).

 

-

[Du comportement, des sentiments, de l'activité... de qqn] : Contenance bien attrempee Est de bonté bien esprouvee. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 204). Bon conseil avez et seür, Bien attempré et bien meür. (MACH., J. R. Nav., 1349, 253). Certes, di jou, ma dame chiere, Tant prise vous et vo maniere Et vostre atempree doctrine Dont vostre grans sens me doctrine, Qu'a tous jours mes j'en vaudrai mieulz. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 59). Et ainsi devenons nous justes et sommes fais justes en faisant operacions justes et actrempés en faisant operacions actrempees et fors en faisant operacions fortes. (ORESME, E.A., c.1370, 147). La est sobre et attrempee leesse, sanz legiereté ou ventance (GERS., Mendicité G., 1400-1401, 274). ...en tels coses on en puet mieuls sçavoir la verité par les victorieus que par les desconfis, car il ont plus grant loisir et l'avis plus atempré (FROISS., Chron. D., p.1400, 735). C'est le chemin pour venir a proesce Qui fait les bons a hault estat tirer Et met en eulx atrempee lÿesce, Courtois parler et loyale promesse, Sans varïer, chanceller ne virer. (CHART., B. Nobles, c.1424, 398). Mais vous devez oultre avoir Attrempance ou Esperance, et est moult neccessaire, car supposé que on se voye aucunement irrité par aultruy la maniere attrempee de respondre adoulcist la personne et le fait contenter et dominer les ymaginacions vicieuses (JUV. URS., Nescio, 1445, 474). SALOMON. Par meur atrempé jugement, Devant ung chacun je declere que... (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 328). Ardent desir de veoir pays, (...) si fort eschaufa l'atrempé cueur et vertueux courage d'un bon et riche marchant de Londres (...) qu'il abandonna sa belle et bonne femme (C.N.N., c.1456-1467, 126). Il prenoit deux repas le jour seulement. Il parloit et buvoit peu. Il avoit gravité honeste, familiarité atrempée et diligence efficacieuse. (BAUDE, Eloge Ch. VII, V., p.1484, 129).

 

.

[Du désir] "Adouci" : Mervilleusement dona grant foy li peuples a cesti homme denunchant ceste chose, et des lors le desir qu'il avoient a Romulus leur roy, oÿe et faite foy de sa immortalité, fut assés atrempez et assoagiez. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 16.8, 26).

III. -

P. ext. [Idée d'arrangement, d'ordre, d'harmonie]

A. -

Attemprer qqc.

 

1.

"Régler, arranger, ordonner qqc."

 

-

[Une chose concr.] : ...Car li yviers maladieus, Qui diversement le desrobe, Li avoit tollue sa robe [à la terre] ; Or le recoevre belle et noeve, N'a plus le froit vent ne le ploeve, Le gresil, le nege et le glace, Ançois se deduit et solace A rechevoir, soit tart ou tempre, Le rousee, qui li atempre Ses rieules et ses instrumens A ouvrer de ses elemens Foelles, flours (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 114). ...si en leva un [engin, machine de guerre] ou chastiel, qui n'estoit mies trop grans et l'attempra bien et a point et ne le fist jeter que trois fois (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 65). Maintes ames sont dont appellez et entrent en l'Esglise, en laquelle mains sacremens il reçoivent comment bonnes et sainctez onctions pour attramper les ornemens des amez. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 281).

 

-

[Une chose abstr.] : Gardez la rouhe de fortune Parmy le compas de mesure. Atremprez vostre sapience. Cilz qu'est maistre des aventure Vous gardera vostre fortune, Se vous y mettez diligence. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 217).

 

-

Attemprer que. "Ordonner que" : ...par nosdiz chappiltres et ordonnances de present, attemperons, voullons et ordonnons que lesdiz combatteurs puissent partir aux heures par nous ordonnees (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 212).

 

2.

Attemprer des choses. "Accorder des choses ensemble" : Il [Amour] ala es cieulx accorder Leurs dessemblables mouvemens, Qui ne se poeuent descorder Pour le bon accord qu'il mit ens. Les hauls, les bas et les moyens Ensemble attrempa de tel point Que, par dessus tous instrumens, Font melodieux contrepoint. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 96).

 

-

En partic. "Accorder (un instrument de musique)" : Chils qui trop bien harper savoit, Se harpe atempra douchement (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 158). "Il vauldroit trop mieulx assez, Beau Filz", dist la royne, "au commaincement atremper la vielle d'une atrempeure doulce et moyenne que l'atremper si hault que en la fin de la chantiere elle perde son chant..." (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 342). Alors Gerart, que moult estoit descongneus par ung erbe dont il s'estoit frotté le visage et les mains, sailly avant et attempra sa vyole (Gérard de Nevers L., c.1451-1464, 33). ...et y ouy ung homme ou une femme qui attemproit une harpe et commença a jouer le lay qu'il avoit songié (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 916).

 

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Attemprer sa voix. "Rafraîchir sa voix" : Mais je vous conseille en la fin, Pour mieulx attemprer vostre voix Faictes obeissance au vin. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 103).

B. -

Attempré

 

1.

"Bien réglé, accompli" : ...et ne pensez a riens fors a demain bien matin oyr vostre messe et aprez ce rendre compte a vostre confesseur de tous voz pechiez par bonne, meure et actrempee confession (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 12). Le bien que puis avecques elle [la vieillesse] avoir N'est que d'un peu d'atrempee sagesse ; En lieu de ce, me fauldra recevoir Ennuy, Soussy, Desplaisir, et Destresse (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 168). Puis Justice au champion baille L'espee quelle avoit gardé Long temps, et si lui dit sans faille : "Adfin que soyez regardé Comme homme bien recommendé Pour sa hardiesse attrempee, Et pour ce vous a l'en mandé, Vous avrez ceste belle espee." (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 33).

 

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"Équilibré" : ...les fames qui ont les marrices atrempees es unes et es autres qualitez sont generatives. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 87). Se l'air est pur et attrempée en ces qualitez il est moult prouffitable a la conservation de la vie (CORBECHON, Propriétés, 1372, XI, 1, 183 r°). Et toutes telles choses sont apellees des medicins anodines c'est a dire atrampees et mitigatives de doleur (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, II, 24).

 

2.

[De sons, d'une musique] "Harmonieux" : Mes de une ou de .II. policies qui sunt bien instituees l'en peut dire que elles sunt comme une armonie ou comme une musique bien attrempee. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 169). ...tout ainsy donc les sons qui sont trop eslongniez ou trop prochains aussy du moien dessus dit appertenant aux sons ou regard de l'oÿe l'offendent et lui nuisent. Et ceulx qui sont en ce bien attrempez et de bonne mesure, au contraire, lui plaisent et lui font grant confort. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 57).

 

3.

Attempré en qqc. "Gouverné par qqc." : Je croi donques que cesti home, c'est a dire Numa Pompilius, ne fu pas Pictagores ne n'aprinst point avecquez Pictagore, enchois croi car de son propre engin il ot le corage atrempé en vertu et entroduit en sciencez extrangez (BERS., I, 1, c.1354-1359, 18.4, 29).

 

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Attempré par qqc. "Gouverné de manière équilibrée par..." : A celi temps estoit la cité de Rome puissant et atrempee par les ars et par les sciencez de bataille et de pays. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 21.6, 34).

 

4.

Attempré de + inf. "Disposé à" : Se Ligois chu ne font, et soient actempreit De restreindre la forche qu'il ont acostumeit, Je me dobte en la fin ( pourquoy seroit celleit ?) Ne se truewent dechuys si com ilh ont esteit Maintes fois chi-devant, par Dieu qui fut peneit ! (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.6, a.1400, 696).

 

5.

"Qui convient, qui est justifié" : Ne quelle chose nous peüst estre plus attrempee que ceste vengance (LA SALE, Sale D., 1451, 257).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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