C.N.R.S.
 
Famille de despectus 
Liste des articlesStructure des articlesArticles sans exemplesArticles complet
 16 articles
 
 Article 1/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPIT     
FEW III despectus
DESPIT, subst. masc.
[T-L : despit ; GD : despit1 ; GDC : despit1 ; AND : despit1 ; DÉCT : despit ; FEW III, 54 : despectus ; TLF : VI, 1155a : dépit1/dépit2]

I. -

Empl. subst.

A. -

[Sens actif] "Fait de regarder qqn ou qqc. de haut, de mépriser qqn ou qqc., de provoquer qqn par mépris"

 

1.

"Fait de mépriser qqn ou qqc.

 

a)

"Mépris, dédain, arrogance" : ...il convenoit (...) qu'il [Jésus Christ] preïst, Dame, en vous nostre humain habit. Certes, c'est chose voire. Car il le fit Sans nul despit, à tel profit Qu'onques mais homs si grant ne vit (MACH., Les lays, 1377, 400). Paix, n'accort Scipïon trouver Ne pot pour dire, ne rouver, Fors tout orgueil et tout despit (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 239). Jamais de dame gracïeuse N'ait il ne mercy ne respit, Qui dit de voix presumpcïeuse Qu'en dame ait orgueil ne despit. (CHART., E. Dames, 1425, 368). Quant le roy se veyt en ce dangier, il sailly sus piés le plus tost qu'il peut, puis tira son espee et print son escu et s'en vint envers le tirant qui escumoit d'orgueil et de grant despit (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 112). ...[les ambassadeurs du duc de Bourgogne auprès du roi de France] aians bien en leur souvenir leur recueil qui avoit esté estrange, ly en racompterent [au duc] toutes les manieres et les samblans qu'on leur avoit monstré, qui tous tournoient a fierté et a despit envers eulx. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 152).

 

-

Avoir despit de qqn. "Mépriser qqn" : ...elle puet avoir despit De gent qui mainnent vie obscure, Qui n'ont de nulles honneurs cure - Despit, non quant a despiter, Mais leurs ouevres soupediter, Eschuer et bouter arriere, Sans faire a euls samblant ne chiere. (MACH., D. Aler., a.1349, 263). J'ai grant despit de celle garce (MACH., Voir, 1364, 226).

 

.

Avoir qqn en despit : ...car ceuls qui soustiennent ou honorent leur ennemis, il ont communelment en despit leurs amis, et converso. (ORESME, E.A.C., c.1370, 261). Quant Passelion eut entendu ces mots, il fut moult doulant et eut Bruyant en sy grant despit qu'il ne le peut regarder ne respondre, ains lui tourna le dos en grattant sa teste par grant courroux. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 286). Un jour vint le plonc devers l'or, moult animé et fort courrouchié, et lui dist : "Pour quoy te enorgueilles tu et exaulces tant par dessus moy ? Ne scez tu que je suis du nombre des metaulx comme tu es ? Pour quelle cause me as tu en despit...?" (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 117).

 

.

Avoir (un ennemi) en despit. "Sous-estimer la valeur (d'un ennemi)" : N'aiez ja nul de voz ennemis en despit, tant soient petiz, mais soiez tousjours sur vostre garde. (ARRAS, c.1392-1393, 153).

 

-

Avoir despit de qqc. "Se montrer arrogant au sujet de qqc." : Une autre filleresse dit que nulz homs jamais ne debvroit monter sur asne tant en a despit pour tant qu'il porta le Saulveur du monde, mais tres bien sur cheval ; car qui chiet de sur asne par terre, l'asne dist : "Crieve !", et le cheval nous dist : "Lieve !". (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 123).

 

-

Avoir en despit si sub. "Considérer comme outrageant, prendre en mauvaise part le fait que" : Orgueil, n'aiés pas en despit Se je parle un petit de vray De la science que je say (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 17).

 

-

Prendre qqn en despit. "Mépriser qqn, avoir qqn en aversion" : Car puis qu'amours l'aroit pris en despit Et loyauté, qui tant par est seüre, Faudroit en li, jamais n'aroit delit, S'il n'estoit dont de trop maise nature, N'amer nulz ne le devroit. (MACH., L. dames, 1377, 40).

 

-

Tenir qqn en despit. "Avoir une piètre estime de qqn, mépriser qqn" : ...li Englès ossi, qui sont orguilleus et presumptueus (...) les tiennent en grant despit et vieuté. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 92). Et nous ont tenu ung temps (...) en tel despit que ilz rompoient nos coffres et prendoient tout le nostre devant nous, et violoient nos femmes et nos filles. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 133).

 

-

"Malignité" : Le cueur et le corps lui estoient tant enflez de despit et de felonnie que elle [la femme] fust crevee, se elle ne se desgorgast par tençons et reprouches, ainsi comme ung moust qui boust en tonnel, et par faulte d'event ront la barre et le bondel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 6).

 

b)

"Attitude de détachement, d'indifférence à qqc."

 

-

Avoir qqc. en despit.

 

.

"Considérer comme négligeable (une chose qu'on ne juge pas digne d'intérêt)" : Il n'est nul si grant cuer comme cellui qui a tout le monde en despit, car il est en pais, puis qu'il ne craint rien ; il est trop riche car il ne couvoite rient (FERRON, Jeu eschaz mor. C., 1347, 182). Et ainsi, pour ce que ilz ne les peuent bien porter [les bonnes fortunes], ilz cuident superexceller, seürmonter et plus valoir que les autres qui ne ont pas teles fortunes et les ont en despit. (ORESME, E.A., c.1370, 252).

 

.

Mettre/tenir qqc. en despit : C'est ce qui tenir en despit Me fait le monde et ma contrée, Car fuir ne puis l'encontrée De la mort par nesune voie Si est le meilleur que g' y voie De touz terriens heritages Guerpir, car de telz habitages A mainte ame male merite : Si vault miex que m'en desherite Et relenquisse telz deliz (Mir. parr., 1356, 8). Le Xe que le monde mis en despit, c'est doulce chose servir a Dieu. (Internele consol. P., 1447, 56).

 

-

"Faire peu de cas (d'une chose qui mériterait qu'on s'y intéresse, qu'on la soutienne)" : Depuis qu'om a eu science en despit Et que les grans l'ont du tout despitée, Devenuz sont lasche, povre et petit Et leur marche a esté desheritée (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 116).

 

c)

P. méton.

 

-

"Acte ou propos désagréable, méprisant ou outrageant, outrage, affront" : Lors s'est a ses hommes clamé, De qui il estoit moult amé, De cest despit et du dommage Et les mist en moult bon corage D'eulx venger par ces parler ci... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 76). Ma dame, je feroie envis Riens encontre vostre voloir. Et que me porroient valoir A faire tels menuz despis ? Bien say que j'en vaurroie pis. Si m'en devez bien escuser. (MACH., J. R. Nav., 1349, 164). ...dame debonnaire Qui a adressié son affaire A loyaument amour amer, Et que forfais li soit amer, Despis et villeinnes paroles, Bourdes, mensonges et frivoles, Tant qu'on la dit courtoise et sage... (MACH., D. Aler., a.1349, 351). Rois, or saches certeinnement Que Daniel communement Aoure son dieu a genous Trois fois le jour. Chascuns de nous Le scet, l'a veü, l'a prouvé, Et tantost li avons trouvé, Et nous t'en portons tesmognage De ce despit, de cest outrage, Qu'a ta loy nulle riens n'aconte, Et si vous fait despit et honte. (MACH., C. ami, 1357, 39). ...il se contrevengeroient des despis et damages que li Englès leur avoient fais. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 170). Et abatirent et ardirent toutes les maisons des gentils hommes (...) Quant li gentil homme (...) entendirent ces nouvelles, si en furent durement courouchiet (...) et dissent au conte que il convenoit que cils despis fu amendés. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 227).

 

-

En partic. "Outrage fait à une autorité par un refus d'obéissance" : La [juridiction] feodal est celle que l'en a pour cause de son fief ; pourquoy il doit faire droit des plaintes qui appartiennent à son fief et de toutes les quereles qui sont meues contre ceulx de son fief, fors que de celles qui appartiennent au souverain, si comme de juridicion et de garde enfrainte, du despit du prince, de crime de lese majesté et de pluseurs autres juridicions. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 103).

 

-

Avoir despit. "Subir un affront" : Messires Jehans de Hainnau, qui premiers avoit eu les damages et despis, tretta tant et fist que on s'acorda a ce que il averoit les premieres contrevengances (FROISS., Chron. D., p.1400, 356).

 

-

Faire despit à qqn. "Faire subir un affront à qqn, humilier qqn" : Je le dy orez pour Regnard Qui tant m'a fait de grans despis (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 37). ...Car jà femme ne sera aise Se son mary lui fait despit, Jusqu'à tant, sans aucun respit, Que rendu lui ait doublement (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 42). Grant despit m'a fait et grant ire, Mais (...) Je li renderay bien sanz faille Ce refus ci. (Mir. st J. Cris., c.1344, 270). Mais par mes oultrageus despiz Le haioie de pis en pis (...) tant qu'il [curé] m'esconmenia (Mir. parr., 1356, 41). L'ANEMI. (...) Avoir la cuiday [Theodore] sanz respit Quant faire li fis ce despit Que l'abbe hors de son abbaie La bouta (Mir. Theod., 1357, 109). ...vengier de ce despit que on m'a fait (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 196). ...il contrevengeroient leurs compagnons et les despis que on leur avoit fais. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 112). ...pluisseur aultre orent un conmandement secré et especial de par le roi de France que il fesissent as Flamens tous les contraires et despis que faire lor pooient, puisque ils ne voloient retourner a raison. (FROISS., Chron. D., p.1400, 368). Messires Robers d'Artois (...) ne pooit oubliier ne mettre arriere de son coer les despis et les vituperes que li rois Phelippes li faisoit et avoit fais (FROISS., Chron. D., p.1400, 228). ...je voel que li despis que on nous a fait, vous et moi, soit contrevengiés, et bien hasteement. (FROISS., Chron. D., p.1400, 355). (Onques mais homs ne l'ot plus griefve !) Tant lui firent de grans despis Ses .II. enfens de mal en pis (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 295). Pour ce pensa il de les pacifier ains que le pis luy avenist, veu qu'il estoit forment haïs des chevaliers de Francq Palais pour les dommages et despis qu'il leur avoit souvent fais. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 322). ...[elle] ne le fait que pour me faire despit, et a la pouvre fille blasme [Une femme rapporte à ses hôtes qu'elle a surpris son mari au lit avec leur servante] (C.N.N., c.1456-1467, 370). Allés y, il n'y a pas presse, Mon bel amy, je vous en prie. RIFFLART. Par Dieu, Mehault, ma doulce amye, Vous m'avés fait tres grant despit. Avez vous ores dont ce dit Pour me faire abreger ma vie ? (C. Riffl., c.1480-1520, 58).

 

-

Dire despit de qqn. "Tenir des propos outrageants contre qqn" : LE ROY. Or regardez la grant laidure Qu'il a de moy ci dedans dit ! Veez vous bien le grant despit Qu'il dit de moy ? (Mir. st J. Cris., c.1344, 294).

 

2.

"Attitude de défi (dictée par l'orgueil, le mépris...)"

 

a)

"Provocation"

 

-

(Faire qqc.) au/en despit de qqn.

 

.

"(Faire qqc.) avec l'intention de provoquer, de narguer qqn, de faire affront à qqn" : Ce m'a fait vostre filz, chier sire (...) Et sachiez qu'il nous dit ainsi Qu'en despit de vous le faisoit. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 20). ...ou despit du roy, ilz ont occis honteusement messire Robert Trimilien, son chevalier (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 60). "...Pour tant qu'il a mis à mort villainne si vaillans chevaliers (...) en mon despit, je di et voel porter oultre qu'il a enfraint et brisiet les triewes que nous avions ensamble..." (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 40). "Alés, dittes à vostre roy que Guillaumes de Montagut vous a mis en tel point en son despit..." (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 129). Devant la cité fist tantost fourches drecier. Les prisons fist droit la aler et convoier Et pour faire encroer et au vent baillier, En despit de la ville et pour eulx couroucier. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 305). Adont compta le roy d'Ausais aux deux freres comment le roy Fedric avoit esté mort en bataille et comment le roy de Craquo avoit fait ardoir le corps ou despit de toute crestienté ; et pour ce avoit il fait ardoir le roy Selodus et tous les Sarrasins. (ARRAS, c.1392-1393, 187). Va, dist il, dire a tes roys et a tes soudans que de leur trieves n'avons nous que faire, et s'ilz n'y avoit que lui et ses gens, si vous combatroit il, et me dist que je vous deisse, tantost que je vendroye a vous, qu'il vous rendoit voz trieves et que vous vous gardissiez de lui, et qu'en despit de vous, il yroit assaillir Japhes et qu'il mettroit le feu par tout et mettroit tout a l'espee, et aussi que je leur deisse au passer ; si fiz je. (ARRAS, c.1392-1393, 224). "...Et par ma foy, se je tenoye Charlez (...) je le feroy escorchier vif." Dist Helisent : "Je couperoye les chiefz des II messaigiers en son despit." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 33). De ces nouvelles fu li rois d'Engleterre durement courouchiés, et li sambla que li rois de France l'euist fait en son despit, et tint que parmi ce fait les trieuwes acordees et donnees devant Vennes en Bretagne estoient enfraintes et brisies. (FROISS., Chron. D., p.1400, 598). ...il a fait morir vilainnement tels chevaliers que le signeur de Cliçon (...) la quelle cose me desplaist grandement, et samble a auquns de ma partie, et a moi aussi, que il l'a fait en mon despit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 599). En outre a maintes fois dit au seigneur de Hammes et à plusieurs autres, auxquels il tenoit mauvais termes, que c'estoit à cause qu'ils estoient mes serviteurs, et qu'en mon despit il leur feroit du pis. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 138). Item, donne a maistre Lomer, Comme extraict que je suis de fee, Qu'il soit bien amé - mais d'amer Fille en chief ou femme coeffee, Ja n'en ayt la teste eschauffee ! - Et qu'il ne ly couste une noix Faire ung soir cent foiz la faffee, En despit d'Auger le Danois. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 137).

 

.

"(Faire qqc.) au mépris de qqn, en bravant qqn, malgré qqn" : Celle jura ses dieuz que ne laissera mie Qu'elle ne passe mer a nef et a galie, (...) Et iroit sur Oursaire qu'Alemaigne maistrie ; Et que s'elle povait, il perderoit la vie, Et sa fille Aragonde seroit en fu bruÿe Ou despit Ciperis qui tenoit Normendie (Cip. Vignevaux W., p.1400, 177). Maiz - c'est ce qui me desconforte - Pourquoy ne m'as aussi tost morte, Qui ne suis mie la plus forte, Que mon doulz per ? Ne comment te puis je eschapper ? Que ton dart ne me vient frapper, Ou brief ne tens a m'atrapper Sans tel langueur ? Maiz son ennuyeuse longueur Lui abregera sa vigueur En despit de ta grant rigueur Qui entreprent Contre moy que Douleur esprent, De quoy tresgrandement mesprent. (CHART., L. Dames, 1416, 216). Et pour ce distrent lesdiz Corbin et Coquengne a icellui du Vyevre que c'estoit mal fait a lui de la batre et qu'il sembloit que ce feust en despit d'eulx. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1424, 110). S'en mez mains une foiz vous tiens, Pas ne m'eschaperés, Plaisance, Ja Fortune n'aura puissance Que n'aye ma part de voz biens ; En despit de Deuil et dez siens, Qui me tourmentent de penance (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 315). Et y vint aussi plusieurs saumons, esturgons et du herenc frès, en despit et maulgré de tous lesdiz Bourguignons, Bretons et autres ainsi estans devant Paris, qui avoient menacié ceulx de ladicte ville de leur faire menger leurs chas et leurs ras par famine. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 105). Et vendrez, quant vous aurez gaigné ce hault, tous en belle bataille jusques devant la ville, là où il y a ung siège devant une de noz portes, qui s'appelle la porte de Bonne-Grace ; et là descendrez à pié et marcherez en despit de tout le monde jusques à nous, et nous jusques à vous. (BUEIL, I, 1461-1466, 182). SATHAN. Longuement en vain je labeure Sans trouver sentier ne moyen D'atirer quelque faulx crestien Pour tresbucher dedans mes las. Mais, en despit de Nicolas, Ung crestien si bien tempteray Et par moyens tant je feray Qu'i fera ung tour de ma main. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 107). En despit de Dieu et des jeux (...), En despit de l'orde fumelle A tous les deables me commande. (LA VIGNE, S.M., 1496, 386).

 

-

En despit des dents/du visage de qqn. "Malgré qqn" : Et (...) je dy que ceulx qui sont logiez devant la porte de Bonne-Grace, n'y sont seullement que pour nous tenir encloz, que nous ne puissions saillir aux champs ne mettre gens dedans nostre place. Mais, la merci Dieu ! vous estes si belle, si grande et si bonne puissance que vous y entrerez en despit de leur visaige, s'il plaist à Dieu. (BUEIL, I, 1461-1466, 182). Et lors ledit suppliant jura que si auroit, en despit de ses dens, en l'appellant villain, et tantost se prindrent de parolles injurieuses l'un contre l'autre, et tellement que, au moien d'icelles, icellui suppliant, eschauffé et esmeu comme dit est, bailla audit Jehan Labbez, aliàs Villeneufve, d'un vouge sur la temple et l'enversa à terre. (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 367). Sans paier argent ne truage, Tres volantiers les nous rendront, Voire en despit de leur visaige, En nostre injure repareront. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 573). Rien n'en sera, en despit de leurs dens (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.3967). LUNA. Il n'y a remede, il se fera Ainsi en despit de vos dens, Juno, les signes evidens En sont manifestes desjà. (Cene dieux, c.1492, 125).

 

-

(Faire qqc.) par despit

 

.

"(Faire qqc.) en manière de défi, pour provoquer" : Li oisiaus fu aparilliez Et en la main dou roy bailliez, Et li roys en l'eure le prist. Or diroit aucuns qu'il mesprist, Car en tel maniere en ouvra Que la teste li dessevra Tantost en l'eure de son corps - Einsi m'en fu fais li recors - Et le geta sans nul respit Jus a la terre par despit. Dont tuit cil qui ce fait veïrent A merveilles s'en esbahirent, Et moult le damage peserent. (MACH., D. Aler., a.1349, 358). Et venoient à chiés de fois as murs et as crestiaus, et les frotoient et passoient de leurs caperons par despit. Et puis crioient, quanqu'il pooient, en disant : "Alés, alés requerre et raporter vos compagnons qui se reposent au camp de Camperli !" (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 171).

 

.

"Avec malignité" : Nous trois seiens a une table Pour nossoier et pour mengier. Mais Discorde se vint vangier, Car par despit, c'en est la somme, Getta devant nous ceste pomme, Et pour la court troubler dist qu'elle Fust donneë a la plus belle. (MACH., F. am., c.1361, 216).

 

b)

[Avec une idée de profusion et d'ostentation] Par (grand) despit. "En quantité, en abondance, à profusion" : Sur leurs chevaulx, d'or et d'argent clochettes, Orphavreries par despit mesurees, Chanfrains dorez, plumes a grans brochettes (LA VIGNE, V.N., p.1495, 212). Autour du col chaynes, coliers, carcans, Bagues de pris richement emaillees, Gros braceletz, signetz, boucles, brocans, Ymaiges d'or de grans espritz taillees, Exquises soyes par despit fretaillees (LA VIGNE, V.N., p.1495, 218). Clochettes d'or, d'argent, fines cymballes, Larges plumaulx blancs, noirs, rouges, pers, vers, De grant richesse avoit plus de dix balles Dessus coursiers, sur genetz entr' ouvers, Qui les grans saulx de tort et de travers Sur le pavé par grant despit gettoyent (LA VIGNE, V.N., p.1495, 218). Les rues furent tendues et parees Si bien ou mieulx que ay dit ici davant : Es grans maisons tendant d'estre emparees Drap d'or fut mis par despit a l'esvent (LA VIGNE, V.N., p.1495, 220).

B. -

[Sens passif]

 

1.

"Sentiment provoqué par une déception, un malheur, une humiliation..."

 

a)

"Colère" : La dame, oyant le chevalier, commença a rougir de despit pour l'outraigeuse requeste du chevallier. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 353). Si survint Alexandre, meu de despit, comme il le trouva sur la rive des fossez, le precipita dedans, et lors ses gens gecterent tant de perres sur lui qu'il mourut et nos calumpniateurs, par ramposne, aleguent commant peut ung astrologien bien ouvrer pour aultrui en icelle science, quant pour lui ne le scet fere. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°).

 

-

"Chagrin, amertume" : Je suis la mere maleureuse ; Plus non ay enfant ne marit. (...) Je usarey mon temps en despit. (Pass. Auv., 1477, 130).

 

-

Avoir despit de qqn/qqc. "Éprouver de la colère, du ressentiment à propos de qqn/qqc." : Et puis crioient (...) : "Alés, alés requerre et raporter vos compagnons qui se reposent au camp de Camperli !" De quoi, pour ces parolles, messires Loeis d'Espagne et li Genevois avoient grant ireur et grant despit. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 171). Si en eurent les estrangiers largement, car il convenoit par l'ordonnance du ban que ilz en feussent servis avant tous autres. Encores eurent les Espaignols grant despit de ceste ordonnance. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 137). Mes tres chiers seigneurs, plaise vous savoir que le roy d'Ausay l'a demandee a femme, mais elle ne s'i est pas voulu assentir, pour ce que autrefoiz avoit esté mariez. Lequel roy d'Ausay en a eu tel despit qu'il a deffiee la damoiselle et son pays, et y est entrez a force, et banniere desploiee, faisant guerre de sang et de feu (ARRAS, c.1392-1393, 150). Sy tost comme les huit princes eurent entendu le langaige du murdrier, ilz en eurent sy grant despit qu'ilz se teurent atant, car ce leur sambloit trop grant honte de ainsi estriver sans ferir (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 214). JOYEULX SOUDAIN. Beau sire, en avez vous despit Se je me tiens honnestement ? (B. veoir, p.1480, 15). Et, pour ce, renvoya le roy ledict Symon avecques très maigres parolles, sans riens vouloir jurer, dont ledict duc se tint fort mocqué et mesprisé et en eut très grant despit. (COMM., I, 1489-1491, 230). Le roy d'Angleterre, qui avoit grant despit de ce que ledict duc n'avoit voulu accepter sa trève et estoit adverty que le roy en traictoit une autre avecques ledict duc, envoya ung chevalier, nommé messire Thomas de Montgommery (COMM., II, 1489-1491, 81). SATURNE. Vecy la cene preste, Mes hostes, bien soyés venus. Je n'ay despit que de Venus. (Cene dieux, c.1492, 109).

 

.

Avoir despit de + inf. : Et [mes barons] vont ensemble murmurant Depuis que tu eüz enfant, Car ilz ont desdaing et despit D'avoir dame de si petit Estrasse et si basse lignie (Gris., 1395, 52). A qui tu t'en prendras ? je ne scay, fors que a faulte de cognoissance, et a ce que les haulx et puissans hommes, entre les grans abondances qu'ilz ont de toutes choses, ont le plus de souffrete et de despit de ouir dire verité et que par leur puissance ilz finent de toutes autres besoignes, de langues veritables sont ilz tousjours diseteux. (CHART., Q. inv., 1422, 43).

 

-

Faire un despit. "Se mettre en colère" : Quant pareseux fait ung despit, Granz menaces fait en son lit Et dit qu'il fera tout riber. Or est li monde en grant peril (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 177).

 

-

(Faire qqc.) de/par/pour despit. "(Faire qqc.) par ressentiment, par colère (suite à une contrariété, une déception...)" : Voi le Cornumarans, sy mua son samblant. Par despit et par ire, se va d'iluec partant. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 42). Quant il furent dedens, il quidièrent avoir merveilles gaegné, mais il ne trouvèrent rien fors que povres gens, femmes et enfans, et grant fuisson de bons vins. Dont par despit et par envie Breton et Bourgignon boutèrent le feu en la ville. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 246). Adonq sera le compaignon forclos D'en approuchier, Ne la porte regarder ne toucher, Quant il s'orra telz choses reprouchier, Et s'en yra de fin despit couchier. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 188). Mais le senat qui fut grandement indigné contre Pillate, car ne avoit premierement escript a eulx, sy reffusa la consecracion et fist ung edit par despit, que incontinent manderent en Jherusalem prendre et persecuter tous les disciples et croyans en icellui Jhesus de Nazareth. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 66). Je l'eusse tresvoluntiers bouté dedans [le chien], mais il n'a oncques daigné lever la teste ; si l'ay laissé la dehors tout par despit et fermé l'huys a son visage. (C.N.N., c.1456-1467, 196). Et, quant ledit admiral eut ouvert lesdittes lettres et veu le signet dudit conte, lequel il congneut bien, sans aucunement veoir la substance les getta par terre, comme par despit, en regardant autour de luy s'il verroit personne de ses gens pour le faire prendre, en disant audit Voyaul qu'il le feroit getter en ung sac en la riviere. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 145).

 

-

(Faire qqc.) au/en/par/pour (le) despit (de qqn/qqc.) "(Faire qqc.) par ressentiment contre qqn/qqc., en haine de qqn/qqc." : Elle fu si desesperée, Si hors dou sens, si forcenée, Que deus enfans qui sien estoient, Pour ce que Jason ressambloient, Occist en despit de Jason, Puis mist le feu en sa maison. (MACH., J. R. Nav., 1349, 233). Se le tenoie sy, doulce dame royaulx, Escorcher le feroye et pendre par ses piaux ; Maiz en despit de luy et de ses grans travaux, Feray cestuy cy pendre ou maittrë en anniaux. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 130). ...ne jamais bien ne plaisir ne ferai a nul homme que je saiche qui aime par amours moi ne autre fame sur qui j'aie pooir, ainçois leur ferai tout l'anui et tout le destourbier que je porrai, et tout en despit d'Amours qui tant de maulz m'a fait. (MACH., Voir, 1364, 674). Le feu boutay en ma maison En despit de la traison Que l'anemi m'y avoit fait (Mir. st J. Paulu, c.1372, 135). Mais le senat qui fut grandement indigné contre Pillate, car ne avoit premierement escript a eulx, sy reffusa la consecracion et fist ung edit par despit, que incontinent manderent en Jherusalem prendre et persecuter tous les disciples et croyans en icellui Jhesus de Nazareth. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 66). Non obstant faittes bonne chiere, car je aideray a destourner son emprinse pour le despit d'ung chevalier que m'a deceue villainement, car qaunt je fus enchainte de vif enffant, il me planta (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1096).

 

-

Prendre despit contre qqn. "Se mettre en colère contre qqn" : Lesquels, jusques au nombre de bien IIII mil hommes, saillirent sur les gens dudit grant maistre ; mais tous lesdits Bourguignons furent durement rechassez dedans la ville, à leur grant honte, perte et confusion ; de quoy le commun print si grant despit contre eulx, qu'ils leur volurent courir sus. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 377).

 

-

Prendre/tenir qqc. en despit. "Éprouver de la colère à propos de qqc." : ...le duc Yorth et le duc de Glocestre tenoient ce fait en grant déspit. Mais nonobstant leur hayne, le duc d'Irlande n'en faisoit compte (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 47). Or vindrent les nouvelles assez hasteement au roy Richard d'Angleterre et au duc d'Irlande qui se tenoient à Brisco, que messire Robert Trimilien en estoit mort honteusement. Et prist le roy ceste chose en grant despit, et dist et jura que la chose ne demouroit pas ainsi (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 58). Ainsi avoit prins ce conte de Charroloys en très grant despit ce rachapt des terres dessusdictes. (COMM., I, 1489-1491, 75). Et vecy les occasions qui y font les troubles : les serviteurs ne se peuent tenir de parler des choses passées ; les ungs ou les autres les prennent en despit (COMM., I, 1489-1491, 141).

 

2.

P. méton.

 

-

"Situation, état qui provoque la contrariété, la colère, le ressentiment" : Les bien vestu[s] y ont leur lieu [près du feu] Et les maulx vestus sont au vent. Cecy arrive souvant : Ceulx qui ont meilleur appetit De manger ont le plus petit. C'est grant despit et desconfort. (Pac. Job M., c.1448-1478, 222). MALBEC. Mes seigneurs, certes tresfort crains Que la croix ne puisse porter, Et pour tant nous fault appointer Qu'il se repose ung petit. CAYPHAS. Ce seroit ung fort grant despit Si demeuroit cy a my voye. (Pass. Auv., 1477, 192). Et, par Dieu, veez la grant despit, Q'ung dé se soit mis desus l'aultre ! Trois des faire bezas, c'est faulte ! (Pass. Auv., 1477, 202).

 

-

"Ce qui porte atteinte à qqc."

 

.

Estre despit à qqc. "Porter atteinte à qqc." : Dezquellez choses il appiert clerement que ce n'est pas nouvel que un Roy ou un aultre doie amer la science d'Astrologye ne y estudier, mez que il n'y vaque tant que il en soit depys a la chose publique. (Songe verg. S., t.1, 1378, 403). Mez, certes, ce n'est mie grant prudence de faire si grant duel que il en soit depiz au corps ou a l'ame. (Songe verg. S., t.2, 1378, 267).

II. -

Empl. adj.

A. -

[Sens actif ; d'une personne, d'un aspect de la personne]

 

-

"Hautain, dédaigneux" : Ha ! biau filz, en douleur amére Des ores mais pour toy seray. Lasse, dolante, que feray ? Je pers mon filz, je pers ma joie. Ne cuit que jamais plus le voie. Bien fui despite et orgueilleuse, Bien fui mauvaise et oultrageuse, Quant a l'ennemi don en fis (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 28). Et pour che que grant et petit Te tienent en si grant despit, Je croi ossi, se Diex m'ayt, Que tu ies si despite. (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 177). Et aussy ilz le firent en partie pour eschever les debas et les rihottes qui se peuissent mouvoir entre eulx, car Portingalois sont chault, bouillant et mal souffrant, et aussy sont Anglois fellé [l. felle], despit et orgueilleux. (FROISS., Chron. M., XV, c.1375-1400, 88). Galiachim ung hermite estoit qui vivoit en povreté, pour acquerir l'amour de Dieu ; mais il estoit fel, despit et orgueilleux, par quoy le bien qu'il faisoit ne luy pourfitoit gueres. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 95).

 

.

"Irritable" : ...a nulle heure n'appere felle, male ne despite, ne a servir trop dongereuse ; a ses femmes et serviteurs humaine et amiable, non trop haultaine, en dons large par raison ordonnee (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 111).

 

-

"Violent, hostile, malfaisant, agressif" : De parler d'eaus ne me puis taire, Car tant estoient de pute aire Et tant faisoient a blamer Que dela mer ne desa mer N'avoit gent qui fust si maudite, Plus vil, pieur, ne plus despite. (MACH., D. Lyon, 1342, 212). J'ai entendu que madame la prevoste est une tresmalvaise bourgongnongne, samblablement la Cosinette, et leur put le nom de Bourguignon au nez et n'en peuent sonner mot ne veoir homme de la nation. Et pourtant, par mal-talent aussi envers elles et par vengance aussi de leur felle et despit corrage, je leur envoie par vous a chescune ung diamant, lesquelz je vous prie que vous leur portez et leur en faictes present de par moy, disant que ung Bourguignon les leur envoie par despit d'elles, mes il n'est pas si deable qu'il est noir. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 239). Sur les murs nous fault mectre gens Et faire garder les Tourelles, Que plus depiz sont les Anglais [les Anglais] que chiens Dont leurs besoignes sont ytelles, Qui leur sont rudes et cruelles A leur voir souffrir ceste chose, Que de leur chappeau et querelle Il ont perdu leur belle rose. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 478).

 

.

[De la Mort, de la Fortune] "Cruel, funeste" : "...Mort despite et oultrageuse, que je te doy bien haïr, quant tu ma mere me tolis, car par toy sui je en ceste angoisse et en cest peril". (Bérinus, I, c.1350-1370, 51). ...et se vous estiez pris, il vous convendroit recevoir villaine mort et despite, et je et vostre suer serions honnies et deshonnorees. (Bérinus, II, c.1350-1370, 1). Contre toy, Mort doloreuse et despite, Angoisseuse, maleureuse, maudite, Et en tes fais merveilleuse et soudaine, Ceste complainte ay fourmee et escripte De cuer courcié, ou nul plaisir n'abite, Noircy de dueil et aggrevé de peine. (CHART., Compl., 1424, 321). Fortune despite Soit de Dieu mauldicte, Qui m'a mis en fuyte De joye petite Dont mon cueur le mauldira. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 42). ATTROPOS. Mort enragée et plaine d'yre, Mort furieuse, mort despite, Mort tempestative et subite, Reçoy les poisons poecené(e)s Yssue(e)s de la gueulle et des né(e)s Du chien infernal Cerberus. (Cene dieux, c.1492, 128).

 

-

"Dangereux" : Roy, vecy le truant herite, Personne laide et mout despite, Quil presche autre loy que la nostre. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 101).

 

-

[D'un animal] "Fier, indépendant" : - Et puisque sui tes fils, biaus peres, A gouvrener ton kar me peres. - Non ferai, fils, car li ceval, Quant il vont amont et aval, Sont orguilleus et trop despis : Ne te congnoissent, c'est dou pis. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 97).

 

2.

[D'une chose]

 

-

"Néfaste, fatal" : Bien me doit li cuers fondre en lermes, Car de ma vie est brief li termes, Et la fin honteuse et despite. (Mir. enf. ress., 1353, 42). Vers les toreaulx vait seurement, Qui, par moult lait murmurement, Le cuident venir envayr, Et Jason, sanz soy esbahir, ..II.. grosses pelotes confites De glus atachans et despites Leur a ens es gueules fichees, Qui tantost ensemble attachiees Les machouëres leur a si Qu'ilz sont du tout a sa merci. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 43). N'il n'est venin de serpent ou de aspis, Ne de dragon, tant soit lais et despis, Qui peust au cuer në au corps faire pis Ne plus d'aÿr. (CHART., D. Fort., 1412-1413, 185). Et par voz guerres despites, Leurs merites Ne deffaittes ou desdittes, Qui escriptes Sont et durent jusqu'a ore. (CHART., L. Paix, a.1426, 412). Faulx dragon, faulx mastin fuytiz, Parverse tortue mortelle, M'apportes tu ceste nouvelle, La plus despite et plus mauvaise Que jamais en l'ardant fournaise Gorge de diable nous publie ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 339). En ce point n'a pas de reffuite Tant que desconfitte, Deffaicte et destruicte Soit par mort subitte Ou fievre despitte La vie des humains en tous lieux. (Cene dieux, c.1492, 131).

 

.

"Violent" : Mais assouvye Sa fureur ne fut mye, Car vraye amye De Dieu fut Theospite Qui lors despite Ceste fureur despite (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 203).

 

-

"Honteux" : Je ne sui pas ignorans, dist il, o vous, consul, que, non pas pour cause d'onneur mais de vergoingne, l'en m'a commandé le premier parler et, non mie tant comme senateur mais comme coulpable de ceste guerre maleuree et de ceste pais despite et confusible ! (BERS., I, 9, c.1354-1359, 8.3, 13).

 

-

"Mauvais, corrompu" : Il [Jhesu Crist] a pour moy suffert mainte collee, Mainte durté, mainte peinne engoisseuse, Et son saint sanc aloit a la volee Pour rachetter la faulce et orguilleuse Char despite, puente et envieuse, Plainne de maulx et de corupcion. Pour moy faire remuneracion, Son droit costé se lessa entamer. (Jeu quatre pers. L., a.1465, 197).

B. -

[Sens passif]

 

-

"Piqué au vif, vexé, en colère" : Le vieulx herault adoncq s'en rit, Dont le villain ainsi s'avence. Lors le jeune vassal despit Lui dist : "Beau sire, quant je y pense Il me semble que ces villains Ont trop beau compter sans rabatre, Car ilz ne sont jamaiz contraings [ De soy ] faire tüer ne batre". (CHART., D. Her., p.1415, 435). Et Courroux, qui moult estoit despit de ce que le Cueur l'aloit ainsi aspregent, lui rebailla et rendit des coups souvent et menu (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 63).

 

-

"Abandonné, misérable" : Et nous fuitifz, exiliés et dispers, Avons tous maulx essayés et expers, Et tous lez jours en douleurs gemissons, Povres, chassés, a honte viellissons, Desers, despiz, nuz et desherités, Pour droit suïr et amer verités, Portans en cueur dur regrait et remors Du temps perdu, païs conquis, amys mors. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 2).

 

-

[D'une chose] "Laid, horrible" : Et, se le lieu est bien terrible, Portiere y a aussi orrible, Car oncques mais, ce n'est pas fable, Ne fu riens plus espouantable A veoir, ne dont creature Eust si grant orreur par nature. La façon d'elle est trop despite, Jamais ne l'aroie descripte, Ne je n'ay pas le sentement De bien descripre proprement Trestoutes ses condicions Plaines de grans afflictions, Mais son corps et son estature Est de trop orrible faiture (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 103).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

 Article 2/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPITABLE     
FEW III despectus
DESPITABLE, adj.
[T-L : despitable ; GD : despitable ; FEW III, 54b : despectus]

A. -

"Méprisable" : ...ceulz qui rien ne valent et sont gent despitable (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 366). [aussi p.419 (39)] ...il convient mettre une autre cause de corruption. Et est ceste : que pluseurs telz roys sunt faiz de legier contemptibles et despitablez. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 241). Contemptibilis (...) : despitable (Aalma R., c.1380, 84).

 

Rem. GD III, 630c (ex. d'a.fr. et gloss.).

B. -

"Qui méprise, qui pousse au mépris" : ...car posons que une creature fust toute perfaicte, si ne souffreroit point la despiteable envie qui se fiche ou cuer humain que la personne fust au gré de tous ne amee de chascun. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 62).

 

-

[D'une pers.] Despitable à qqc. "Qui ne tient pas compte de qqc., qui refuse d'obéir à (un ordre donné par une autorité)" : ...despitable au commandement, le dit Saudry en fu condempné ou dit parlement en XX livres ; et ledit Hugues, qui se fist garant, fu condempné en LXV livres d'amende pour cause de la desobeissance. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 116).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

 Article 3/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPITER     
FEW III despectus
DESPITER, verbe
[T-L : despitier ; GD : despiter ; AND : despiter ; FEW III, 54b : despectus ; TLF : VI, 1155b : dépiter]

A. -

[Sens actif ; correspond despit I A]

 

1.

[Idée de mépris] Despiter qqn/qqc.

 

a)

Despiter qqn. "Traiter qqn avec dédain, mépriser qqn" : Le commandement donc de discipline est humilité, de laquelle espetialment trois enseignemens appartiennent a la lechon, asscavoir qu'il ne repute auchune scienche ou escripture vile, qu'il pas n'ait honte d'aprendre de chaschun et, quant il ara acquis sapience, qu'il ne despite les aultres. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 44). Et se ma dame en mon mal se delite, Ou se Dangiers, qui me het et despite, Pour moy grever, li enorte ou endite Qu'elle me tue... (MACH., F. am., c.1361, 159). Item, soustenir celui qui est injurieus et fait injures et despite ses familiers, c'est condicion miserable et servile. (ORESME, E.A., c.1370, 261). Amis, qui ore es despité Et qui n'as de nullui confort, Ne te lamentes plus si fort. (Mir. fille roy, c.1379, 107). Mais quant Agar vit et sceut qu'elle avoit conceu de Abraham, elle despita sa dame et se portoit grossement contre elle. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 60). A ceste fable devroient les jeunes du temps present prendre exemple, qui ne ont ou pou ou riens de reverence envers les anciens, ains les despitent et se mocquent d'eulx et de leurs prudens enseignemens. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 230). ...celui qui despite chascun ja n'aura secours de neïz un. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 218).

 

-

Despiter qqn comme + attribut. "Marquer du mépris à qqn en le traitant de" : ...et là despescèrent et dessirèrent leurs croix et enseignes qu'ilz portoient du roy Charles dessusdit, en despitant à haulte voix ceulx de là qu'il leur avoit envoyez, comme faulx parjures. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 137).

 

-

[Dans le langage courtois, de la femme aimée] "Rejeter, dédaigner (un amoureux)" : Mais Amours ha en moy planté Si grant plenté De loiauté Que fausseté Ne feray ; car, se Diex me saut, Se despité M'a sans pité, Tost respité M'ara ; mais qu'elle me consaut. (MACH., Les lays, 1377, 287). Las ! resgarde com longuement J'ai langui dolereusement En dueil, en tristece, en tourment, Et que toudis m'a despité Ma dame que j'aim loyaument, Et comment j'ay tout humblement Enduré sans aligement Et sans nul samblant d'amisté. (MACH., Les lays, 1377, 310).

 

-

Se despiter. "Se considérer comme n'étant rien (au regard de la mort)" : Afin que tu ne soies orguilleux, remembre toy que tu morras, regarde dont tu viens te [l. et] ou tu vas, si te despiteras. (LA SALE, J.S., 1456, 18).

 

b)

Depiter qqc.

 

-

"Mépriser, dédaigner qqc. (qui devrait être respecté ou recherché)" : Il [celui qui a commerce avec des vieilles femmes] se submet, quoy que tu dices, Au prince de trestous les vices, Et Dieu si lui demandera, Quant temps et lieu si en sera, Car il despite sa nature, De generacion n'a cure (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 20). Et pour ce t'enseingne que tu Aies cuer vray, tant com vivras, Car grant joie et gloire en avras ; Et loiauté ja ne despite, Se sa jus n'en as la merite, Qu'elle ne puet estre perdue Qu'a cent doubles ne soit rendue. (MACH., R. Fort., c.1341, 103). Pour che est il dit es Proverbes ou .XXIIIe. chapitre : «Ne parle pas es oÿes des non sages car il despitent la doctrine de ta parole». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 73). Bien doit estre villains tenuz Qui escript ne dit de sa bouche Laidure de femme ou reprouche, Car il ordoie sa maison : Pour ce n'est pas homs de raison Qui despite ou a despité Le lieu ou il a habité Par .IX. mois, en femme par grace (DESCH., M.M., c.1385-1403, 294). ...homme est justisié : quant il passe terme qui lui est mis à faire ce qu'il doit, quant il despite justice et quant il fait [tort] à autruy. (Cout. bourg. glosé P.M., c.1380-1400, 105). Il fait vaines choses, par quoy il despite les ordenees choses, les prouffitables choses, les necessaires choses. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 75).

 

-

En partic. "Renier, rejeter, outrager (la foi, une croyance)" : Caïphes, vez ci le traïte Qui toute nostre loy despite Et dit qu'elle est fausse et malvaise. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 151). Dont li vient ceste auctorité, Qu'il nous tient en si grant vilté ? Doit il avoir seur nous maistrie, Avantage ne signourie ? En tous cas nostre foy despite, Eu monde n'a si bon hermite Qui ne se deüst mieus offrir A mort que tel chose souffrir. (MACH., P. Alex., p.1369, 125). Bien vueult [Joseph d'Arimathie] nostre loy despiter Quand il a veu excecuter Cest homme cy par malice et mourir par vraye justice, Au gibet de la croix pendant, L'a voulu estre despendant Et sans nous evocquer au faire. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 371).

 

-

"Dédaigner, mépriser qqc. (qui ne semble pas devoir mériter le respect)" : ...il vous convient Despiter et tout mettre au nient Ce monde, et vous de li retraire (Mir. emp. Julien, 1351, 213). Et Cathon dist : «Cilz ne crient pas la mort, qui scet la vie despiter». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 350). En aprés le sage doit pourveïr les biens a venir pour deulx raissons, asscavoir affin qu'il les quiere soigneusement de tout son estude et de tout son desir, et que au regart d'iceulx il despite les biens presens, selonc le dit de saint Gregoire : «Aprés le goust de l'esperit toute char saveure mal», c'est a dire volupté charnele. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 353). Congnoistre le monde est entendre Que chascuns le fuie et despite (DESCH., M.M., c.1385-1403, 206). Mais assouvye Sa fureur ne fut mye, Car vraye amye De Dieu fut Theospite Qui lors despite Ceste fureur despite (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 203). ...car qui bien les estudieroit [des livres], la joye mondaine, qui legierement trespasse, despiteroit, et les trés grans biens de paradiz pardurables de tout son cuer desireroit. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 127). Sy prit tel dueil ledit maistre Roland que, en despitant sa vie, se quéroit à défaire et à perdre l'âme et le corps. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 191). C'est vertueuse operation que tu despites les basses choses qui pendent en fortune et qui n'ont point de duree. (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 175).

 

-

"Ne pas faire attention à qqc., juger qqc. peu important, sous-estimer l'importance de qqc." : Sincopiz en nulle maniere ne doibt estre despitee ou negligee car elle est voye a la mort et est dicte envers tous petite mort. (PANIS, Guidon, 1478, tr.III, doct.1, chap.1).

 

2.

[Idée de défi, d'outrage]

 

a)

Despiter qqn./qqc

 

-

"Défier, braver qqc." : Je despite la generacion Qui en ce poinct m'a faict infortuné. (LA VIGNE, S.M., 1496, 373).

 

-

En partic.

 

.

"Défier, braver, blasphémer (un être céleste, une divinité...)" : Et Cristine fut de roial lignie Qui les faulx dieux des paiens despita (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 115). ...et en jouant juroyent [des seigneurs] et despitoyent Dieu et les benoitz sains (JUV. URS., T. rever., 1433, 76). ...que nostre juge s'avance De faire serchier par tous lieux Ces crestiens, qui tous noz dieux Despitent et tiengnent a despris (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 69). Haa, traïstre, qui t'a esmeu Ne mis en telle oultrecuidance, Quant les dieux qui t'ont soustenu Despites...? (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 171). Je regnye Amours et despite Et deffie a feu et a sang. Mort par elles me precepicte, Et ne leur en chault pas d'un blanc. Ma vïelle ay mis soubz le banc, Amans ne suiveray ja maiz ; Se jadiz je fuz de leur renc, Je declaire que n'en suis maiz (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 69). Encores de ce non comptent Le pere [juif] le meit dens ung four [son fils qui a assisté à un office catholique] Tout ardent, en Dieu despitant Et l'y feit tenir pres d'ung jour. (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 129). LE JUIF. Je suis en point, Sans gaige ne le feray point [vous prêter de l'argent]. LE CRESTIEN. Gaige n'ay que sainct Nicolas, Que vous bailleray, en ce cas, Par serment fait sur son hostel. LE JUIF. Je prendrai bien ung gaige tel. Sainct Nicolas est mon amy Et me firay tres bien en luy. Mais je voy les crestiens parjures A vostre Jesus faire injures En le maulgreant, despitant. Parquoy, je ne m'y fie pas tant. Je vous dy la cause pour quoy : Car n'y a loyaulté ne foy. Plusieurs crestiens voy jurer Leur Dieu, mais aussi parjurer (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 89). [Titre] COLIN qui loue et despite Dieu en ung moment à cause de sa femme (Colin loue dép. Dieu T., c.1485, 125).

 

.

"Défier, blasphémer (un objet, un élément religieux)" : Mais, s'il eust pleu a Dieu que vous feussiez venu deux jours plus tost, vous eussiez trouvé monseigneur mon pere en vie, que le roy Selodus a mis mort, et puis a fait ardoir le corps, pour plus despiter la foy catholique. (ARRAS, c.1392-1393, 186). O Francoys, Francoys, vous avés par une damnee et aconstumee blapheme despité le nom de celui a qui tout genoil se doit flechir, et il vous a par l'usance de sa justice mis en blasme et en reprouche de nations, et fait ploier voz corps et encliner voz testes devant vos ennemis. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74). J'ay despité et renoyé Leurs crucifis et leurs maroles Et si me suis esbanoyé A danser des dieux les caroles. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 69).

 

-

"Offenser, outrager, insulter qqn" : Et porte honneur a toutes femmes, Soient damoiselles ou dames, Grandes, moiennes ou petites ; Garde que nulles n'en despites, Car plus d'onneur te porteras Qu'a elles, quant tu le feras. (MACH., C. ami, 1357, 124). Dont il fist mal et villenie, Qu'à fil de roy on ne doit mie Dire pour chose si petite, Chose de quoy on le despite. (MACH., P. Alex., p.1369, 256). En sa presence le vallet, Qui po savoit et po valet, De dire outrage et villenie Au conte de Triple en Surie, Qui fils dou roy de Chypre estoit, Et telement le despitoit. (MACH., P. Alex., p.1369, 258). ...comme Anhoine li despitast [à Auguste] une foiz son linage de par sa mere en disant qu'il estoit de ceulz d'Affre et filz d'un boulangier, il porta tout tres paciaument en riant et li donna sa suer en mariage (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 244). ...se tu ne viens a Paris, Charles viendrat cy a cent milz hommez, sy seras escorchiéz ! - Roy des Danois, dist il, par vous suys despiteit ! (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 212). Sire [Jésus], quel mal puet il avoir Se de noz espees petites Nous frappons sur ces satalites Qui ainsi vous sont despitans ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 253). Nul n'est parfait sinon le dieu des dieux, Qui pour nous fut durement despité (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 534).

 

.

"Harceler, tourmenter qqn" : Quant leur deffensë [des amoureux] est petite, Desirs les assaut et despite Et les fait a martire offrir, Si n'ont confort fors de souffrir. (MACH., Voir, 1364, 330). ...Fortune, qui trop despite, Het, honnit, destruit et deçoipt Tous ceulz qu'en sa grace reçoipt (MACH., Voir, 1364, 716). Ainsi s'acquicte Mon triste cuer que Mort despite. (CHART., L. Dames, 1416, 229).

 

b)

(Se) despiter

 

-

Despiter de qqc. "Se révolter à propos de qqc" : Et si de ce voit aucun despiter, L'un pendre fait, l'autre decapiter. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 131).

 

-

Se despiter contre qqn. "Se révolter contre qqn" : Incontinent par grant solemnité, En rabaissant leur temeraireté Et leur vouloir de soubdaine chaleur Dont ilz s'estoyent contre luy despité (LA VIGNE, V.N., p.1495, 208).

B. -

[Sens passif] "Être pris de ressentiment, de colère contre qqn"

 

1.

[D'une chose] Despiter qqn. "Susciter l'irritation, l'exaspération de qqn" : NATHAN. Son nom [de Jésus] tant fourment nous despite Que n'en pouons oÿr parler. JUDAS. Tantost l'arez beau reparler : En voz poins le vous livreray. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 252).

 

2.

Se despiter à/contre qqn. "Se mettre en colère contre qqn" : AFFRICQUEE. Si fault qu'a vous je me despite, Je vous mettray tout en beau point. (P. Jouh. D.R., a.1488, 36).

 

-

Se despiter de/contre qqc. "S'irriter, se mettre en colère pour qqc., à propos de qqc." : Espoir me fuyt, Deuil me conduyt, Je despite contre secours. Le jour m'est nuyt, Joye me nuyst, Repos ne me sont que labours. (Poés. lyr. court. XVe I., c.1454-1456, 129). Sy se despita le comte de Charolois durement de sa parole du matin [de ne pas poursuivre les agitateurs], laquelle toutesfois n'osoit enfreindre ; et se crucifia de quoy il les falloit laisser aller sans combattre et de quoy il ne seroit jamais après sans regret (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 325). Qui que s'en irrite, Courrouce ou despite, Vous serés poursuitte O nostre conduicte D'acomplir le vouloir des dieux. (Cene dieux, c.1492, 131).

 

-

Empl. abs. : Homme ne peut a la mort contredire, Riens ne nous vault despiter ne mauldire (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 9). GESTAS (mauvais larron). Je ne crains ne Dieu ne le dyable Ne homme, tant soit espoventable, Quant je me despite une foys. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 149).

 

-

Estre despité vers qqn. "Avoir du ressentiment contre qqn" : Je n'entens point ceste raison, Je loge bien en ma maison Pour une nuit tant seullement, Ergo, il s'ensuit clerement S'aulcun est vers moy despité Que je seray demain cité En mettant ung peu de papier Soubz la porte, c'est beau mestier. (Sots gard., a.1488, 108).

 

-

Estre despité de qqc. : J'en suis si despitee Que creveray, se Ire ne se desbonde. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 6).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

 Article 4/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPITEUR     
FEW III despectus
DESPITEUR, subst. masc.
[T-L : despitëor ; FEW III, 54b : despectus]

Despiteur de qqc. "Celui qui méprise qqc." : En cel livre veras moult de bielles matères Et moult de biaus exemples : si seras despitères De cel siècle malvais qui des armes est lères. (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.1, c.1347-1353, 177). Si doncques ung prince, soubz ceste inscription, mue les monnoies en poix ou en composition, il est veu ostensiblement estre menteur, commectre parjurement et porter tesmoingnaige faulx ; et encores est prévaricateur et deppiteur de celluy legal commandement de Dieu (ORESME, Monnoies W., c.1365, XLII). ...despiteurs du jugement divin (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 107).

Rem. Ex. d'a.fr. ds T-L II, 1701. Crainte amour. et beat. cel., 1457, ds GD II, 631a.
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

 Article 5/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPITEUSEMENT     
*FEW III despectus
DESPITEUSEMENT, adv.
[T-L : despitos (despitosement) ; GD : despiteusement ; AND : despitousement ; *FEW III, 54b : despectus]

A. -

[Sens actif] "Avec dédain, arrogance" : Car Dangiers orguilleusement Respont et despiteusement Tout premiers que celle requeste N'est bonne, belle, ne honneste, Eins est outrages et folie (MACH., D. verg., a.1340, 40).

 

1.

"Avec insolence" : Monseigneur mon pere et madame ma mere ay par mon ire courrouciez et despiteusement a eulx parlé ; et par yre les ay par mal regardez et desiré la fin de leurs jours. Aux povres ay moult despiteusement parlé, et par mon ire les ay appelé truans. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 28).

 

-

[Avec une idée d'abondance] "Copieusement" : Et la dicte artillerie, bien afutee et mise en estat qu'il appartenoit, fut tellement et despiteusement bastue, que tous ceulx qui estoyent dedens, ou la pluspart, furent contrains d'eulx enfouyr et quitter la place (LA VIGNE, V.N., p.1495, 252).

 

.

[Détermine un autre adv.] "Très" : Car quant se vint a passer par la rue ou estoit le roy et les seigneurs, ilz aguillonnerent si aigrement les dictz beufz qu'il sembloit que tous les dyables les deussent emporter, et tirerent si despiteusement droictement vis a vis du logis ou estoit le roy, que le dict maistre varlet tumba si grant sault qu'il se cuida rompre les bras et les jambes (LA VIGNE, V.N., p.1495, 302).

 

2.

"Avec colère" : Dont y vint l'empereur et regarda, si aperceut bien qu'il estoit moult amenuisez et avalez, lors fu si courcié, avecques l'ire qu'il avoit de ses hommes qui estoient occiz, que par un pou qu'il n'erraga, et lui tressua tout le corps de maltalent, et prinst a menacier et a jurer moult despiteusement. (Bérinus, I, c.1350-1370, 384). D'un regart fier et orguilleux La regarda de ses deux yeulx, Et quant il ot un pou pensé, De folie s'est pourpensé. Lors parla despiteusement Et dist devant touz haultement : "Haä, serpente, ta lignie Ne fera ja bien en sa vie !..." (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 237). JACOB. Mère, l'invencion est bonne Pour representer la personne De Esaü a l'atouchement [Il est question d'envelopper les mains de Jacob de peau de chevreau pour faire croire à son père Isaac qu'il est en face d'Esaü], La voix en rien n'y consonne, Par quoy j'ay peur qu'il ne soupçonne Qu'on le faict par desprisement, Par tant qu'il ne voit nullement, Et que pour ce despitement Dessus moy malediction Ne getast despiteusement, Et que j'eusse maudissement En lieu de benediction. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 153). Adont se tinst Huon comme pour asseuré d'estre ainsi ou plus villainement jugié a morir. Salhadin le regarda lors non mie despiteusement, car ja estoit son ire comme passee puisque mors estoit le Bastard de Buillon. (Saladin C., c.1465-1468, 63). Jadiz un anneau d'or portoit en soy enchassé une precieuse et riche emeraude. Pour quoy pluiseurs nobles hommes la regardoient convoiteusement. Advint une foiz que l'anneau moult despiteusement parla a l'esmeraude et dist : "Desja par long temps as demouré et esté en moy et en ma stacion et oncques pour ce ne m'en donnas pris ne loyer..." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 108).

B. -

[Sens passif]

 

1.

"Cruellement, impitoyablement" : ...tu [la mort] n'avoyes point jurisdictïon Sur elle en riens, ne de correctïon, Et touteffoiz ton execucïon Y as faicte tres despiteusement Et m'as tolu tout mon avancement (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 59). Or estoit messire Jehan de Luxembourg avec aucuns des seigneurs à Aussy, accueilli d'un trouppeau de dauphinois qui le congnoissoient, et ne chassoient que à luy faire très-mauvaise compagnie, pour ce que fellement et despiteusement se revengeoit. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 267).

 

2.

"Impétueusement" : A ces paroulles fist bruyre son cheval et court sur les François si despiteusement que celluy qu'il attaint il met a mort. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 166).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

 Article 6/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DÉPITEUX     
FEW III despectus
DESPITEUX, adj.
[T-L : despitos ; GD : despiteus ; AND : despitous ; FEW III, 54b : despectus ; TLF : VI, 1156a : dépiteux]

A. -

[Sens actif] "Qui dépite, qui suscite le dépit"

 

1.

[D'une personne, d'un aspect de la personne, d'une allégorie]

 

a)

"Méprisant, arrogant, hautain insolent" : Car tel est humbles en tristesse Qui est despiteux en liesse ; Et tel est en léesse doulx Qui en tristesse est moult escoux (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 8). Escuiers gracïeus, Cilz chevaliers est bien tous li plus orguilleux Qui onques saint espée, et li plus despiteus. (Brun de la Mont. M., c.1350-1400, 119). Ernault est cy venus, ung orgueilleux garçons, Moult fel et despiteux (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 43). Et pour ce semble il a aucuns que les magnanimes soient despisëeurs ou despiteus. (ORESME, E.A., c.1370, 251). En ceste maniere parle saint Paul, qui dit que les temps perilleus vendront et seront gent qui ameront eulz meïsmes convoiteus, orgueilleus, despiteus, etc. (ORESME, E.A.C., c.1370, 477). Dont salent avant li varlet, Qui furent fel et despiteus (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 149). Et cilz qui ne l'oit ne entent, ne lui respond mot. Et celle, comme courroucie, lui redist autre foiz : Comment, dist-elle, sire musars, estes vous si despiteux que vous ne me daigniez respondre ? Et cilz ne lui respond mot : Par foy, dist-elle, je croy que cilz jeunes homs dort sur son cheval, ou il est sours et muet. (ARRAS, c.1392-1393, 24). Et tant bien se trouva en la grace du roy par sa bonne conduite que les aucuns en eurent envye, et entre les autres il y eut deux chevaliers de nature despiteux et superbes (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 334). Laissons le moustier ou il est, Parlons de chose plus plaisante ; Ceste matiere a tous ne plest, Ennuieuse est et desplaisante. Povreté, chagrine, doulente, Tousjours, despiteuse et rebelle, Dit quelque parolle cuisante ; S'elle n'ose, si le pense elle. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 40). ...Mosnier estoit homme despiteux et injurieux plus que autre du païs (Doc. Poitou G., t.12, 1475, 34).

 

-

Despiteux contre Dieu. "Insolent, désinvolte envers Dieu" : ...lez Ronmains sont ceulx qui sont contre Dieu despiteux, et es choses sainctes presumptue[u]x ; (...) pour demander tres devergondés, pour reffuser tres ahurtés ; pour avoir sont importuns, et juques a tant que ilz aient ne s'en tait nulz, et quant il ont, c'est sanz recognoiscence (Songe verg. S., t.1, 1378, 331).

 

b)

"Qui brave, qui défie, qui manifeste du refus"

 

-

Despiteux à + inf. subst. "Qui se montre réticent à, qui refuse de" : ...Et au payer sont despiteux ; Quant ilz acroient, ilz sont riches, Quant ilz payent, povres et siches. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 4). Aucuns si veullent faire entendre Que le poul si se laisse prendre, Et c'est la puce qui sautelle Et c'est le poul qui se cordelle Qui au prendre est si despiteux. (Serm. pou puce K., p.1475, 498).

 

c)

"Dur, cruel, sans pitié" : Maint cuer pervers et despiteux Fait et a fait doulx devenir (Mir. st Val., c.1367, 131). As tu pour ce fait ceste chose Que tu ne soies pas ma femme ? Voir, tu en mourras a diffame, Par mon chief, depiteuse garce ! (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 16). Vers eulx estoit trop depiteux, Plain d'avarice et convoiteux (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). Ses regrais tant furent piteux Qu'il ne fust cuer si despiteux Qui a l'ouyr n'en eust pitié (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 129). Fut en oultre souffert regner dedans eulz en leur royalme espirituel ung tres felon et despiteux tirant qui se nomme Pechié originel, pour et en lieu de la bonne vertus et royne Justice originele. (GERS., Concept., 1401, 398). ...Fortune (...) me veult asommer de sa masse, Se vous n'estes de moy piteuse : Je la trouve si despiteuse Que je ne sçay pas que je face. (GARENC., Poésies N., 1407, 95). Se dame est a autruy piteuse Pour estre a soy mesmes crüelle, Sa pitié devient despiteuse Et son amour hayne mortelle. (CHART., B. Dame, 1424, 355). Teste trop fumeuse, Rigour despiteuse, Bouche rïoteuse Font les contredis En faiz et en dis. (CHART., B. Nobles, c.1424, 403). Se j'osoye dire ou songier Qu'onques dame fust despiteuse, Je seroye faulx mensongier Et ma parole injurïeuse. (CHART., E. Dames, 1425, 368). Aies le cuer aïreux et despiteux, sy seras cremue et servie (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1090). Si desira moult de savoir quelle dame Tristan amoit, affin qu'en aucune magniere leur peult a tous deux porter deshonneur et desplaisir ; car elle avoit le cuer plain de moult despiteuse rage, pour ce que [il] l'avoit refusee quant elle par parolles couvertes c'estoit a luy presentee, come devant [est] dit. (Chastel. Vergier S., c.1450-1480, 99-100). Ung nouveau roy creerent Par despiteux volloir, Le viel en debouterent Et son legitime hoir (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 295).

 

-

Empl. subst. [Dans le langage amoureux, à propos de Danger (allégorie représentant les obstacles à l'amour, le mari, un rival, les interdits sociaux...)] : Quant Amours celle gent assamble, Il s'acordent trés tuit ensamble Que cils amans, loyaus veüs, Soit tost de merci pourveüs. Lors vient Dongiers li despiteus, Fel, desdaingneus et po piteus, Qui volentiers occist et tue Amans cui Amours esvertue... (MACH., D. Aler., a.1349, 323). ...se Dangier, le despiteux, Me nuit, je doy bien demander Comment pourra mon cuer durer. (DESCH., Oeuvres Q., t.4, c.1370-1407, 26).

 

-

"Furieux, révolté, scandalisé" : "Et puis que tu le voeulx sçavoir, Je voeul toute ta terre avoir, Qu'elle soit a moy quittement..." Quant roy Nicolas l'entendy, A peu de despit ne fendy, Car despiteux forment estoit (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 108). Mes fréres, approuchez vous tous Et venez voir la vitupére Et lacheté de nostre pére ; Dormant a son membre honteux Desouvert ; je suis despiteux De l'avoir en cest estat veu. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 249).

 

2.

[D'une chose]

 

-

"Cruel" : ROY AVENIR. Ha, Jupiter, pour quoy ne tramble Ton corps quant me voit en ta face, Quant il convenra que je face Justice dure et despiteuse de ta charongne maleureuse...? (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 272).

 

-

[De la souffrance, de la mort] : Mort felonne et despiteuse, Fausse, desloyal, crueuse, Qui regnes sanz loy, Je me plaing a Dieu de toy, Car tu es trop perilleuse. (DESCH., Art dictier R., 1392, 281). O Mort tresorrible et hideuse, Qui a plusieurs es despiteuse Et pou piteuse, Sur mon corps vueilles tout estandre Ta puissance sans plus actendre Pour finer ma vie anuieuse ! (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 144). J'apperçois bien la passion honteuse, La dure mort, la peine despiteuse Qui s'apreste pour mon corps consommer (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 248). NOSTRE DAME. O griefve separacion, Des dolentes la plus piteuse ! O Mort terrible et despiteuse, Regarde en quel langueur je suis (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 346).

 

-

[D'une parole]

 

.

"Outrageant, injurieux" : Tel chief [de la statue, qui représente un chef de communauté] doit estre bien nomme [l. nommé] Chief d'or par droit et appelle [l. appellé], Mes qui le verroit esclatant A l'aviser et soi crevant, Qui amender ne se vouldroit Et trop hautement sonneroit Par paroles despiteuses De desdaing et orguilleuses, D'or estre dit pas ne devroit, Mes un rude metail par droit (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 244). Le dit debat se meut pour cause d'aucunes despiteuses et vilaines paroles Que le dit Englés dist sur les Flamens (Arch. Nord, 1403, B 6096, f° 4, IGLF). Pluseurs reprouches et pluseurs paroulles despiteuses se dirent l'un a l'autre, et mesmement Olivier a Fyrebras, tant a cause de nostre foy comme de pluseurs aultres choses. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 55).

 

.

"Sacrilège, blasphématoire" : Hannin Roen, varlet du mestier dez tisserans, fut jugiet d'ameneir à quatre hueres après diner par le conte des ribaus, loiet d'une corde, de le prison jusques au pond d'Elverdijnghe et d'ycelli pond jeter en l'Yppre, et fu jeté dedens et, aveuc ce, fu bannis 2 ans hors le pays de Flandres, sour le gibet, pour horriblez despiteusez parolez et villaines maudissons qu'il parla et maudit envers Nostre-Seigneur Jhesu-Crist (Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3, 1390, 801). Item, unes lettres en romans d'un estatut et deffence faicte sur ceulx qui en la franchise de ceulx de Liege feroient vilain service ou diroient paroles despiteuses de Dieu ou de sa mere (Arch. Nord, c.1400, B 146, 5e cahier, f° 15, IGLF). Sathan, gette icy ton regard Plus tresperçant qu'un basilicque Et, en orrible rethoricque Ornee de termes mortelz, Nous chante en motéz despiteux La maniere de ta besoingne (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 100).

 

-

[D'une action] "Injuste, affreux" : Moult bien absoldre te voulroie ; Mais saches que je ne pourroie, Tant as fait euvre despiteuse. (Mir. parr., 1356, 26).

B. -

[Sens passif] "Qui est dépité, qui est pitoyable"

 

1.

[D'une personne, d'une divinité] "Pitoyable, lamentable" : Pour me tromper faictes le marmiteux, Il ne fault point clocher devant boiteux (...). Point ne vous fault faire le despiteux (Ph. de BOULAINVILLIER. In : CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 427). Vous les avez priéz en vain [les faux dieux]. Il le fault, ilz sont despiteux. Cestuy cy est bien marmiteux, Le deable les a tous raviz. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 346).

 

-

"Qui éprouve du ressentiment" : Ainsi me tenoit Folle Amour Et me pourmenoit nuit et jour, Huy content, demain despiteux, Ung jour marry, l'autre joieux (Abuzé D., c.1450-1470, 67). Quand le jour fut venu, nostre gouge, toute melencolieuse, pensive et despiteuse, car point n'avoit trouvé ce qu'elle cuidoit, appella sa chambriere [La nuit n'a pas apporté à une femme les satisfactions qu'elle en espérait] (C.N.N., c.1456-1467, 410).

 

2.

[D'une chose] "Pitoyable" : JUDAS. ...Haulte tour de Desesperance, Batilliee de criz piteux, Couverte de pleurs despiteux, Enclose de mur pardurable (...) Actens moy, terrible manoir ["l'enfer"] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 293). Il le fault despoillier tout nu. J'entens bien vostre maladie. Ça, villain, Jupin vous maudie ! Faictes vous cy le marmiteux ? Vostre paillart corps despiteux Sera maintenant refformé. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 303).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

 Article 7/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECT     
*FEW III despectus
DESPECT, adj.
[AND : despit2 ; *FEW III, 54b : despectus]

"Qui mérite le mépris" : Comme doncques prince ignorant est de grant grief au peuple, et, que pis est, à luy-mesme en âme et en corps, est comme un homme despect et imparfait, demy-homme, demy-riens. (CHASTELL., Avert. duc Ch. K., 1467, 318).

 

-

Despect de (+ nom d'une chose plus ou moins personnifiée). "Dédaigné de" : Neglect, suspect, despect de solercie ["habileté, adresse"]... (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 855).

 

.

Despect de fortune. "Dedaigné, délaissé avec mépris par la fortune" : Ne fut il pris pour ses pechiez du roy de Babilonne, tenu en miserable captivité longuement, despect de fortune ? (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 111). Sy vint prestement devers moy pour faire sa complainte et cuidant que plus malheureux n'eust de luy en terre ne sy despect de fortune (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 113).

V. aussi despecter
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 8/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECTABLE     
*FEW III despectus
DESPECTABLE, adj.
[T-L (renvoi) : despectable ; GD : despectable ; *FEW III, 54b : despectus]

"Digne d'être considéré"

REM. Chron. et hist. saintes et profanes (ms. du XVe s.) ds GD II, 625b. Préf. de- et non pas des-.
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 9/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECTE     
*FEW III despectus
DESPECTE, subst. fém.
[GD : despecte ; *FEW III, 54b : despectus]

"Mépris, ressentiment"

 

-

Tenir qqn à despecte. "Éprouver du ressentiment pour qqn" : Depuis, la noble dame, dès qu'elle s'estoit perçue de la fausse et criminelle mort du duc Jehan, laquelle on imputoit à son frère le dauphin, et dont elle doutoit que son seigneur et mary à tousjours ne la tinst à despecte et contre-coeur (...), devint malade à Gand (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 341).
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 10/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECTER     
*FEW III despectus
DESPECTER, verbe
[*FEW III, 54b : despectus]

"Mépriser" : [Certaines personnes] ...contempnant vous et despectant vostre autorité, se adhèrent et adjoingnent à celuy où nature leur enseigne. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 161). ...aucuns petis compaignons d'Italye, voeullans donner recuperation honnourable à leur nation, alors despecté[e] et villipendée par leur meschant regime, commencèrent à faire une aultre mine au travers des fosséz de la ville (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 81).
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 11/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECTEUR     
*FEW III despectus
DESPECTEUR, subst. masc.
[*FEW III, 54b : despectus]

"Celui qui méprise" : Seducteurs du peuple romant, Rebelles a nostre command, Despecteurs et blasphemateurs Des dieux du ciel gubernateurs... (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 160).
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 12/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPECTUEUX     
*FEW III despectus
DESPECTUEUX, adj.
[GD : despectueux ; *FEW III, 54b : despectus]

"Injurieux, méprisant" : Car ne fut oncques le throne françois si injurié que par toy (...), dont toutes voies tes causes sont fausses (...) et tes productions despectueuses et mensongeres (CHASTELL., Vérité mal prise K., c.1460, 254).
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 13/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPITABLEMENT     
*FEW III despectus
DESPITABLEMENT, adv.
[*FEW III, 54b : despectus]

"De façon méprisante" : Contemptibiliter : depitablement (Abavus IV, R., c.1350, 295). Contemptibiliter : despit[ablement] (Abavus V, R., 1388, 295).
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

 Article 14/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPITEMENT1          DESPITEMENT2     
FEW III despectus
DESPITEMENT, subst. masc.
[T-L : despitement ; GD : despitement1 ; AND : despitement1 ; FEW III, 54a : despectus]

"Fait de mépriser (une autorité, une valeur) (en la ridiculisant, en la défiant...)" : ...se aulcuns font doresenavant aulcuns seremens, despitemens, reniemens et maugreemens indeues et non loysibles... (Ordonn. Ph. le Hardi, Marg. de Male B.-B., t.2, 1397, 203). Certes gloire n'est mie despitee de ceulx qui s'efforcent de introduire le despitement d'icelle, car ilz mettent dilligemment leurs noms en leurs volumes et livres que ilz ont traittiez et escrips. Ils eslievent le despitement de gloire en louant ceulx qui n'en ont eu cure. (CHR. PIZ., Corps policie K., 1406-1407, 83). ...commandons que aucun de quelque estat qu'il soit ne maugroye, renoye, despite ou blaspheme doresenavant le nom de Dieu (...) sur peine d'estre pour la premiere fois puny pecuniairement, à l'arbitrage du juge soubs qui il fera ledit renoyement, maugreement, despitement ou blaspheme (Ordonn. rois Fr. V.B., t.11, 1420, 105). JACOB. Mére, l'invencion est bonne Pour représenter la personne De Esaü a l'atouchement, Mais la voix en rien n'y consonne, Par quoy j'ay peur qu'il ne soupçonne Qu'on le fait par desprisement, Par tant qu'il ne voit nullement, Et que pour ce despitement Dessus moy malediction Ne getast despiteusement, Et que j'eusse maudissement En lieu de benediction. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 153).

Rem. Gloss. lat.-fr. ds GD II, 631a.
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

 Article 15/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPITEMENT1          DESPITEMENT2     
FEW III despectus
DESPITEMENT, adv.
[GD : despitement2 ; AND : despitement2 ; FEW III, 54b : despectus]

A. -

"En dédaignant, en méprisant" : O comme doncques je doy sentir de moy humblement et despitement ! (Internele consol. P., 1447, 109). Quant il fut pres de luy, voyant que le dit bailli, comme luy sembloit, le regardoit despitement, meu de sang lui dist : "Jehan Constain, il est temps que nous comptons". (Arch. Nord, 1498, B 1710, f° 3, IGLF). Effontio [l. effrontio ?] parler dirimeusement, depitement ou effrontement (LAGADEUC, Catholicon G., 1499, 43).

B. -

"Avec colère" : Et le roy respondi moult despitement : "Vassal, ne vous puis apaisier, maiz faictes du mieulx que vous pourrez". (Bérinus, I, c.1350-1370, 378). Laquelle chose Cornuaille, fier homme, voyant, et que si peu tenoit de sa parole, despitement luy donna un coup de poing atout le gantelet sur son bras, et parla assez durement à luy. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 99).

 

-

"De façon cruelle, injuste" : Car n'a esté vu jamais, ne ouy que un tel prince et une telle princesse chrestienne (...) aient esté si despitement choulés aux pieds de fortune, que eux, estans roy et royne de nature (...) n'aient conservé pied de terre qui leur soit maison pour eux retraire (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 307).

 

-

[À propos d'une action] "Avec violence" : ...toutes les nefz (...) rompirent les cordes ausquelles elles tenoient et furent soufflees [par la tempête] contre l'isle de Colcos si despitement que les piesces en volerent puis cy, puis la. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 183).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

 Article 16/16 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     DESPLETIER     
*FEW III despectus
DESPLETIER, verbe
[GD : despletier ; *FEW III, 54b : despectus (?)]

Région. (Wallonie) "Dédaigner, mépriser qqn" : Apres sains Martin fut evesque de Tour sains Brisse, son disciple, qui oit mult à souffrir en son evesqueit, portant que ilh n'avoit mie porteit à sains Martin teile honneur que ilh dewist, ains l'avoit tousjours degabbeit et despletiet (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.2, a.1400, 110). Ceste desconfiture fist ly roy Hildris compareir à ses hauls barons, car ilh les commenchat mult à despletier et estre fels et crueux (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.2, a.1400, 336).

REM. Doc. 1394 (et leur maistres despletier et villoner) ds GD II, 632a.
 

DMF 2020 - Lexique complémentaire 2007 Robert Martin

Liste des articlesStructure des articlesArticles sans exemplesArticles complet
Fermer la fenêtre