C.N.R.S.
 
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     PORTER1          PORTER2     
FEW IX 203,204b,205a portare
PORTER, verbe
[T-L : porter ; GDC : porter ; DÉCT : porter ; FEW IX, 203,204b,205a : portare ; TLF : XIII, 817a : porter1]

I. -

[Empl. trans. ; sans idée de mouvement] Porter qqc.

A. -

"Avoir sur soi le poids de qqc., soutenir (le poids de) qqc."

 

1.

Au propre

 

a)

[D'une pers.] "Soutenir, tenir (dans les mains, sur les épaules, sur le dos...) qqc. qui pèse" : ...et en passant par la rue de la Harpe, pour ce que ladite toile li pesoit trop à porter, il exposa icelle en vente, et la voult toute donner pour XXIIIJ s. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 77). Et hastivement pluiseurs d'iceulz estans sur la Place aux Pourceaux et environ, prez de ladicte porte, portans longues bourrées et fagos, descendirent et se bouterent es premiers fossés (FAUQ., II, 1421-1430, 322). Pourtés sur vostre dos cecy [la croix], Affin que ne voulés en hault ! (Pass. Auv., 1477, 189). Mes seigneurs, certes tresfort crains Que la croix ne puisse porter (Pass. Auv., 1477, 192). Qu'elle poise ! Je ne puis pas Porter ceste croix tout fin seul. (Pass. Auv., 1477, 193). ...car lui seul porta un boeuf tout vif sur ses espaulles l'espace d'une stade, qui contient cent XXV pas (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 41 r°). ...et, pour prouver son dit, porta ung fer chault à tout la main nue (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 109 r°).

 

-

Porter (la) bannière : ...car au desrain jour du Jugement elle sera portant la baniere devant toutes vertus pour ceulx qui en ce monde l'aront acomplie (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 187). ...à la volenté des ennemis, qui avoient en leur compagnie une pucelle portant baniere, si comme on disoit (FAUQ., II, 1421-1430, 312). Le seigneur de Chastel Fromont, qui porta la banniere (LA SALE, J.S., 1456, 194).

 

.

Porter un mestier. "Porter la bannière de ce métier, être de ce métier" : Item, nul ne puet jouer aux dez a argent sec, fors a leur dit mestier, en portant icellui mestier. (Mét. corp. Paris L., t.1, 1397, 372).

 

-

Porter étendard : Et pour ce qu'il fu question se ledit Chancellier leveroit ou porteroit estandart par la ville, a esté dit et advisié et conseillié que non. (BAYE, II, 1411-1417, 166).

 

-

Porter une arme : ...icellui Paradis, d'un grant baston de chesne quarré qu'il portoit, feri icellui homme un coup en la teste (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 265). ...par icelle Marion ledit coustel est cogneu estre et appartenir audit prisonnier, et lequel elle lui a veu porter par plusieurs fois, si comme elle a affermé par serement (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 383). Aincois eulx meismes se servissent, Leurs armes portassent et feissent Ce qu'estoit neccessaire en l'ost. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 190). ...les autres portans ars, arbalestres, lances et bâtons de guerre, pour doubte des ennemis (FAUQ., II, 1421-1430, 279). S'il est en ce pays seigneur Qui en jeunesse ait frequenté La guerre, en yver et esté, Deffendant son nom et ses armes, Present veult qu'il soit exempté De plus en guerre porter armes, Pourveu qu'ilz bauldront leurs guisarmes Et leurs harnoys a leurs enffans (LA VIGNE, S.M., 1496, 160).

 

-

Porter un poids : ...quar cent livres est le plus grant poys que il [aucun homme] puisse porter (ORESME, C.M., c.1377, 192).

 

-

Prov. : On dit souvent : "Qui riens ne porte Riens ne lui chet" et on le croit. (CHAST., Temps rec. D., 1451, 44). Qui ["à qui"] riens ne porte, riens ne chiet. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 198).

 

b)

[D'une bête] "Soutenir sur le dos" : Prenez en tant com le cheval De ceens en pourra porter. (Mir. Theod., 1357, 90). Car bien li affiert a seoir Sus son cheval, qui bien le porte. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 192).

 

c)

[D'une chose] "Supporter" : ...tant comme les gielles le pourront porter (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 283). Mais faites bien tant environ Le batel que l'iaue le porte (Mir. ste Bauth., c.1376, 153).

 

-

Les pieds portent qqn / qqc. "Les pieds permettent à qqn de se déplacer" : ...elle part et s'en va tant que piez la peuvent porter, aider et soustenir de bon vouloir (C.N.N., c.1456-1467, 157). Il se mist hors de la presse, et tant que piez le peurent porter, il s'en court devers ce preau (C.N.N., c.1456-1467, 307). Doulz piés que portés si grant faiz, Et voz, jambes pleines de sueurs, Des eaulx de mes yeulx en douleurs Vous lavarey piteusement. (Pass. Auv., 1477, 152).

 

-

[D'un cours d'eau] Portant navire. "Qui est navigable" : ...et coert une riviere au dehors, portant navire, laquelle on appelle Mette (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 553).

 

2.

En partic. [D'une femme] "Avoir dans son ventre pendant la grossesse" : Il m'est bien avis que je voy Celle qui neuf mois me porta Seant a celle porte la (Mir. st J. Cris., c.1344, 286). Car c'est [la Vierge] li encenciers d'umilité Qui par un saint divin inspirement Conçut, porta, enfanta sanz amer Dieu tout puissant c'on peut encens nommer (Mir. st Val., c.1367, 171). Las, dolente ! et se mon enfant que j'ay conceu, porté et enfanté, me refuse et m'est dur et me oublie, qui me aydera ? (GERS., Déf., 1400, 228). JUDAS. (...) De malle heure suis je neyssus, Maudicte soye celle que m'a porter ! Mieulx auce valus que je fusse crevé Aut vantre qui m'a porter. (Pass. Autun Roman F., c.1400-1500, 188). ...la mere qui me porta (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 270). ...la dame de la Trémoïlle, qui me fit très bonne chère, et, comme on dit, n'a plus que deux mois à porter son enfant. (Cartul. Laval B., t.3, 1429, 75). ...ne l'eu pas si tost avalée [de la neige] que ne me sentisse en trestout tel estat que je me suis trouvée quand mes aultres enfans ay porté. (C.N.N., c.1456-1467, 128).

 

-

Porter dedans ses flancs : Doulce amie, certainement Aultrement ne me puis tenir Quant voy cellui mener morir Que j'ay porté dedans mes flans (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 184).

 

-

[P. méton., du ventre] : A toy, Jhesus, ay du tout foy. Benit ventre que t'as porté Et les mamelles qu'as sussé ! Las, que ta mere est heureuse. [Réf. à Luc 11, 27] (Pass. Auv., 1477, 165). Mauldite soit la putain macquerelle Qui jamais jour le paillart enffanta ! Au feu d'enffer soit myse la mamelle Et la nourrice qui oncques l'alaicta ! Le villain ventre qui jamais le porta Entre mes dens se puisse transporter ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 368).

 

-

Empl. abs. : ...la fontaine Helisee, qui fait les steriles porter (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 78). Il partit l'an en dix mois et le fist commancer en mars pour l'onneur de son dieu Mars et pour ce qu'il disoit femme porter IX mois et se delivrer au Xe (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 40 v°).

 

-

Inf. subst. : ...et vierge l'enfentay Sanz doulour nulle a l'enfanter Santir n'avoir peine au porter. (Mir. Berthe, c.1373, 190).

 

-

[D'une femelle]

 

Rem. Nombreux ex. (laie, truie, louve, chat sauvage; renne...) ds GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389 (cf. gloss. de l'éd.).

 

3.

Au fig.

 

a)

"Supporter, endurer qqc."

 

-

[Qqc. de physiquement (puis moralement) pénible] : Trop sueffre et port grief maladie Par tout le corps. (Mir. st Val., c.1367, 126). ...la griefve et longue prison que le dit Loys d'Amboise a soufferte et porté paciemment (Doc. Poitou G., t.8, 1434, 63). ...les coups de Jacotin lui estoient trop mortels, et ne les pooit porter. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 48). ...ayant en icelle [bataille] receues pluiseurs playes, les porta tres voulentiers toute sa vie pour l'amour de lui. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 123). ...l'homme ainsi paissant (...), pour ce qu'il estoit nud, ne pouoit porter l'odeur ne la flaireur des hommes. Si s'enfuy et a grant paine eschappa les mains d'icellui nouvel venu (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 201).

 

.

Porter soif. "Supporter la soif" : ...se j'avoie porté soif jusques a la mort (MACHO, Esope R., c.1480, 181).

 

-

[Qqc. de moralement pénible] : ...elle nous a celui apporté qui noz pechiez porta en son corps sur le fust (Mir. emp. Julien, 1351, 187). Ja si male estre ne sara (...) Qu'en amoureux vouloir paisible Je ne la porte [la penance]. (Mir. prev., 1352, 264). Onques mais homme si divers Mal ne porta conme je port. (Mir. st Val., c.1367, 126). ...et c'est quant il porte legierement pluseurs et grans infortunes, non pas pour ce que il ne les apparçoive et en sente douleur, mais pour ce que il est de tres noble vertu et de tresgrant et bon courage. (ORESME, E.A., c.1370, 135). Et semblablement yre qui est occulte et couverte, est plus grieve a porter que celle qui est apperte, si comme il fu dit ou .XXIe. chapitre du quart. (ORESME, E.A.C., c.1370, 491). Finablement, on les prenoit tous ensemble [ceux qui sont en enfer] et les gettoit on en un puis hydeux et parfont, plain de toute punaisie duquel il yssoit une pueur telle que corps ne cueur humain ne pourroit souffrir ne porter. (Horloge de sapience S., c.1389, 104). ...qui ne porte soufframment les maulz d'autrui, son impacience tesmoingne que il est loing de la plantiveté des vertus. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 31). ...la pugnicion que faulx et malvais crestien doit porter. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 216). Ne te chaille, dit le chevalier, porte ton mal le plus bel que tu peuz (C.N.N., c.1456-1467, 253). ...[elle] n'a pas cueur pour soustenir et porter le desplaisir et ennuy qu'endurer luy conviendroit a ceste occasion. (C.N.N., c.1456-1467, 294). ...de plus en plus triste chere et matte elle faisoit, que le mary ne portoit pas bien paciemment, quand savoir ne povoit la cause de ceste doleance. (C.N.N., c.1456-1467, 471). O chetif homme, plus que tous aultres recreant et las, par les veilles, peines, labours et ententes que tu as prins et porté tant par mer que terre ! (C.N.N., c.1456-1467, 555). ...et lui vinrent cestes nouvelles à Bruges et au dauphin pareillement, qui moult le porta à dur (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 307). ...et lui desplut durement ceste manière de faire (...), dont à bien dur en porta la patience (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 465). ...dont porter luy convenoit la patience (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 364). ...malgré toy tu en porteras la honte (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 141). Las, quant je voy mon filz panduz En la croix et son costé fanduz Et son sang a terre apenchier, Bien m'an doit le cueur partir, Las, pourter en doit grant doleur. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 114). Hee, tresdoulce Vierge Marie, Grant deul pourtés. Ma doulce amye, Ne debvés pas tel doleur trayre ! Se que est fait ne pouvés deffaire. Pour quoy vous prie, dame des cieulx, Que maintenent laissiés vous pleurs. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 122). Nous advons de grans maulx commis, Desqueulx justement portons poine, Et cuide que nous arions pis, Si justice regnoit haulteine. (Pass. Auv., 1477, 218). Porte en patience les choses ameres se tu veulz et convoites avoir les choses doulces. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 213). ...qui nous estoit chose trés desplaisant et fort à porter, car il n'est rien que plus desirions que le bien et soulaigement de nostre peuple. (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 171). ...l'omme prudent et sage doit porter paciemment les injures et tribulacions qui lui sont faictes (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 73). PREMIER. Je m'esbahis comme Il peult porter le mal. DEMONYACLE. Combien ? Ne suis je pas homme de bien ? Que tous les deables vous fault il ? (Il se demayne.) (LA VIGNE, S.M., 1496, 459).

 

-

[Avec jeu sur le sens propre et le sens fig.] : PREMIER DYABLE. (...) La gist un homme : Quel ? tel que dix chevaulx a somme Ne pourroient pas (...) Porter le quart de ses pechiez (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). Madame l'abbesse, oyant ce que dit est, et portant au cueur ung grand fardeau d'ennuy, pour l'amour de ses seurs se laissa ferrer (C.N.N., c.1456-1467, 144). Souvent les bons portent le faiz Et la punicion des pecheurs. (Pass. Auv., 1477, 269).

 

-

Empl. abs. "Souffrir, endurer"

 

Rem. Scheler, Gloss. Geste Liège, 231 (II, 3627, Le pueple covenoit adont porteir et taire).

 

.

Avoir à porter. "Avoir à souffrir, à endurer"

 

Rem. Baud. Sebourc B., c.1350, VIII, 757 ; XII, 107 ; XXIII, 458 ; XXIV, 1027. T-L VII, 1592, 46-50 ; éd. du Bât. Bouillon C, 257 , n. du v.5034.

 

.

Faire (à) porter qqn. "Faire souffrir qqn, lui en faire endurer" : Puis fist il le Bastard durement a porter, Ensi con vous porrés oïr et escouter. (Bât. Bouillon C., c.1350, 169).

 

-

Porter silence. V. silence "Garder le silence"

 

b)

"Soutenir qqn ou qqc."

 

-

"Soutenir, aider qqn" : Nulz preudoms n'est en ce monde portez, Mais l'or y est fort, puissant vertueux (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 132). ...car ilz [les Pisans] savoient bien que par lui [le maréchal Boucicaut] seroient gardez, portez et deffendus (Bouciquaut L., 1408-1409, 315). Las ! ou iray je pour avoir recovrance, Ne qui donra ung petit d'alegence A mon labeur ? Mat, doloreux et feible, Je ne vois nul que tant soit peu s'avance Pour me pourter. Je suis en obliance. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 197). ...car avoient lesdits Frisons promis de les porter et assister (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 102). O obscur aer, Coment pourter - puis mon enfant ? (Pass. Auv., 1477, 247).

 

-

"Favoriser qqn" : Beau sire oncle, par Dieu, moy et les aultrez avons les coeurs trop mas quant trahitours portéz contre nous. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 203). Car j'ay perdu ma dame et ma maistresse, Ou j'avoie tout mien et l'autrui bouté Pour avoir bruit et d'elle estre porté (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 62). Nous sçavons tres bien, Nichodeme, Que le portez a recelee Pour tant qu'il est de Gallillee Et vous estes de son paÿs. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 182). [Même ex. ds MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 158, 11532] ...en voulloir dire tout des uns et non des aultres les grans proesses que ilz faisoient sembleroit que je les vaulsisse porter (LA SALE, J.S. E., 1456, 328). ...le comte de Charolois (...) de tout son coeur et pouvoir portoit et favorisoit ce duc de Sombresset (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 66).

 

-

Porter mal qqn. "Faire du tort à qqn" : Iceulx plus mal, certes, en portent Leurs creanciers a qui ilz doivent (GARIN, Compl., 1460, 123).

 

-

"Soutenir qqc." : Ceuls qui tiennent et portent cest opinion ne mectent pas ydees en choses qui ne sont d'un meïsme ordre (ORESME, E.A., c.1370, 113). ...de porter et faire soustenir sa querelle (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 294). ...la duchesse de Bourgoingne pourtoit et soubstenoit le cas et la querelle des Angloix (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 141).

 

.

[D'une chose] : C'est mon eur qui ma fierté porte. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 114).

 

c)

"Mener, assumer qqc. (de difficile, d'excessif, de contestable...)" : ...s'aucuns fos se voet vanter De faus et il le voet porter (BRIS., Plait Ev. Dr. K., a.1340, 72). ...a cause de l'emprinse que les dessus diz Lombars portoient. (LA SALE, J.S. E., 1456, 282). LE PERE. M'amye, sans plus long procés, Saichez que suis entalenté D'abandonner les grans exces Que j'ay soubstenu et porté ; Dont, puisque je suis transporté Par viellesse en aultre deduyt, Au travail sera depporté Mon filz et aux armes conduyt. (LA VIGNE, S.M., 1496, 162).

 

-

"Assumer la responsabilité de qqc." : La .Ve. loy estoit qu'il [Lycurgne] portoit les administracions de la chose publicque par ordonnance (LA SALE, Sale D., 1451, 88). Cestui chancelier (...) soloit gouverner tout seul et à par luy manier et porter tout, fust de guerre, fust de paix, fust en fait de finances. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 330).

 

d)

[De choses] L'un portant l'autre. "En faisant la compensation des différences les uns par les autres" : ...l'orfèvre du Roy en a offert la dicte somme de 18 escus pour pièce l'une portant l'autre, ce qui fu reffusé audit Gillebert (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 218). ...vint cinq paire de solert tant hault que bas, prisees deux solz huit deniers parisis la paire, l'un portant l'autre (Doc.1484. In : Brunel-Tardy, Paris, l'Église et le roi, 2016, 389).

 

Rem. Mém. Compiègne C.-B., 1448, 295, 534 (T. Matsumura, R. Ling. rom. 60, 1996, 55).

B. -

"Avoir sur soi"

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

[Un vêtement, une parure...] : Vezla mes tresses jus copées ; Plus ne seront de moy portées. (Mir. Theod., 1357, 85). Et pour ce, se aucun clert porte lez signes d'un docteur ou d'un maistre, conme est de porter bonnet, se il n'est maistre en aucune science, ou esporons dorez, se il n'est docteur en loys, ou se un escuïer porte doré, il en puet raysonnablement estre repris. (Songe verg. S., t.1, 1378, 290). Depuis que ce pais lessay, Habit de femme n'endossay, Ains ay porté d'omme l'abit. (Mir. fille roy, c.1379, 115). ...lui et ledit Henequin furent compaignons ensamble environ IIJ sepmaines, pendant lequel temps icellui Hennequin porta par plusieurs foiz la roiz comme ribaut en chemise. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 140). Requis à il qui parle comment il scet que les deux qui se disoient jacobins estoient d'icelle ordre, dit que il le scet parce que ilz se disoient telz et en portoient l'abit, c'est assavoir que ilz estoient vestus de leurs chappes noires, fendues devant, et dessoubz vestuz de blanc. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 464). ...ledit escuïer portoit une sainture couvertes de pelles semez, à boucle et mordant d'argent, et quant il ne la portoit, il mettoit icelle en sa male (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 40). Aussi les Nobles et puissans, Et autres à ce suffisans, Doivent lors porter vestéure D'escarlate, ou de soye pure, Pour leurs vies mieulx préserver (LA HAYE, P. peste, 1426, 139). ...[le curé] avoit esté reprins de porter courte robe, et qu'on luy avoit chargé de la porter longue. (C.N.N., c.1456-1467, 531). Telle est des bestes la lignhee De se pays dont sommes nous. Presque toutes portent veloux Et sur leurs cornes grans orelhes. (Pass. Auv., 1477, 142). J'ay appetit D'arregarder s'il porte brayes. (Pass. Auv., 1477, 213). ...et mist premier perres precieuses ès anneaulx et les porta ou quart doy, disant que d'icelui procede la veine du cueur (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 21 r°). SAINCT MARTIN. De plus porter je ne me vente Jamais habit de chevalier ; Je renonce au bras seculier Pour garder l'ecclesïastique (LA VIGNE, S.M., 1496, 262).

 

-

[Un équipement militaire] : Gens d'armes, alons ad ce lieu ! Pourtés arnoiz pour vous [l. nous] deffendre, Si nul nous y vouloit ouffendre. (Pass. Auv., 1477, 275).

 

-

Porter telles couleurs. "Porter des vêtements de telles couleurs" : Leur eschauffault, tant qu'il se comportoyt, De satin blanc et satin vïolet De hault en bas moult bien tendu estoit ; Car en ce temps le noble roy portoit Ces deux couleurs pour ung cas nouvelet (LA VIGNE, V.N., p.1495, 169).

 

-

Porter le deuil. "Porter des vêtements marquant le deuil" : Et a tous ceulx qui portoient le dueil Incontinent fist argent transporter Pour a l'offrende devotement porter En plus belle ordre que l'on vit pieça d'oeil, Et tous passans par devant le sercueil Les ungs pleurant, les autres lamentant (LA VIGNE, V.N., p.1495, 192).

 

-

Inf. subst. "Manière dont on porte qqc. (un vêtement)" : ...et au porter de ceste coste d'armes ainssy de costé le poez veoir (LA SALE, J.S. E., 1456, 164). ...les pompes furent grandes, et la seignorie richement en point, et principallement le duc, qui de son temps fut ung prince honneste et joly et curieulx d'habitz et de parures, et dont le porter et la maniere luy seoit si bien et tant aggreablement que nul plus de luy ne fut trouvé nulle part. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 11).

 

b)

[Un objet d'usage habituel, de l'argent...] : Ce mesiau (...) A un bon hanap boit qu'il porte, Qui est d'argent, non pas de fust. (Mir. Amis, c.1365, 55). ...lequel Guillemin (...) il feri d'une massue en la teste, dont il le tua, en entencion d'avoir l'argent qu'il pençoit que ycellui Guillemin portast sur soy (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 11). ...lesquelz deux mordans il qui parle a vendu, par deux fois chascun mordant, IIJ s.,à un mercier nommé Hennequin, qui porte une tablete de mercerie à son coul parmi la ville de Paris (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 233). Nous ne prenons sur vous aultre disme, car, comme vous savez, nous ne portons point d'argent ; et si n'en querons point [Déclaration faite par des moines] (C.N.N., c.1456-1467, 216). QUART. Puis apprés, pour m'aller esbatre, Dieu scet commant je les pelote : L'argent qu'ilz portent je leur oste, Robe, pourpoinct, chaulce, bagaige, Et quant j'ay tout, je cours, je saulte, Je vois, je viens, baa ! je fois rage. (LA VIGNE, S.M., 1496, 282).

 

-

Ne porter denier ni maille. "Ne pas avoir un sou sur soi" : TIERS. Je croy qu'ell'est bien enroillee. Bran ! Il n'y a chose qui vaille. PREMIER. Il ne porte denyer ne maille, Je le voy bien a sa façon. (LA VIGNE, S.M., 1496, 280).

 

-

Porter qqc. avec soi. "Avoir sur soi, dans sa poche" : Et qui veulent long chemin faire Par air puant, trouble et contraire, Doivent garder soigneusement De l'inspirer abondanment, Et porter o soy toute part Des pommes, confites par art, De bonne oudeur et sentement. (LA HAYE, P. peste, 1426, 140).

 

c)

[Un insigne, une marque] : Et pour ce, se aucun clert porte lez signes d'un docteur ou d'un maistre, conme est de porter bonnet, se il n'est maistre en aucune science, ou esporons dorez, se il n'est docteur en loys, ou se un escuïer porte doré, il en puet raysonnablement estre repris. (Songe verg. S., t.1, 1378, 290). Et assez tost après l'entrée et venue desdictes gens d'armes [du duc de Bourgongne], toutes les gens de l'ostel du Roy et des segneurs qui estoient demourez à Paris prindrent et porterent l'enseigne du duc de Bourgongne et la crois Saint Andry, et pareillement touz les autres bourgois et habitans, femmes et enfans de la ville de Paris (FAUQ., I, 1417-1420, 128).

 

-

[Une marque physique] : ...je congnoistray (...) S'il ara sexe feminin Ou s'en son piz mamelles porte (Mir. fille roy, c.1379, 97). Et (...) fu mandé, par ledit mons. le prevost, Macé Misery, barbier juré du roy nostre sire ou Chastellet, et lui commandé que ledit prisonnier il visitast bien et diligemment, se le signe de tonsure qu'il portoit estoit bon, vray et loyal. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 204). ...elle avoit tous telz membres et oustilz que les hommes portent, et (...) vrayement elle estoit homme (C.N.N., c.1456-1467, 304). ...la vraye devocion dont tout ce temps d'yver avez esté esprise vous fait endosser l'abit de saint Françoys, et porter coronne semblable auz bons freres ? (C.N.N., c.1456-1467, 374). ...[il] juroit sur son honneur qu'il portoit le plus beau membre (...) qui fust en toute la marche d'environ (C.N.N., c.1456-1467, 407).

 

-

En partic. HÉRALD. "Avoir pour armes" : Le seconde filz fut Lyon le pape, qui portat d'or a ung aigle d'azure et II cleifz de guele. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 9). ...a l'encontre du seigneur de Loissellench, baron de Poulayne, qui porte d'argent a un boeuf rampant de gueulles, corné et onglé de sable (LA SALE, J.S., 1456, 143). ...c'estoit celui duquel les livres de Merlin faisoient mencion, qui devoit apparoir en ce temps, qui portoit l'aigle à deux testes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 141 r°). ...j'ay oy dire que Berthrand, qui conduit Henri, porte telles armes, par quoy je tien que ce soit celui aigle (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 142 v°). À quelle occasion les roys de France ont tousjours volentiers porté pour enseigne le cerf à dix rames et le liz semé sur champs (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 144 r°).

 

-

Part. prés. en empl. subst. "Celui qui porte qqc."

 

.

"Celui qui porte l'insigne d'un ordre de chevalerie" ; p. ext. "celui qui est membre d'un ordre de chevalerie dont il porte l'insigne" : ...ainsi cestui duc, coffre vray de leaulté et d'honneur, ne s'estoit pas avancié de mettre l'ordre [de la Toison d'or] sus contre l'onneur des portans (...), mes pour les bons faire relyer et astraindre en honneur et vertus plus estroites par obligation de serment. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 123).

 

.

Le portant + subst. désignant la chose portée./Le portant couronne. "Le souverain" : ...en Angleterre ou conspiration se machina treslongue alencontre du portant coronne (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 101).

 

-

Prov. : Celui doibt bien porter la trompe, Qui scet tromper celuy qui trompe. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 592).

 

d)

Au fig.

 

-

[Un nom] : ...les cas descriptz et racomptez ou dit livres de Cent Nouvelles advindrent (...) ja long temps a, neantmains toutesfoiz, portant et retenant nom de Nouvelles (C.N.N., c.1456-1467, 22). ...de laquelle science aucuns d'iceulx ont esté sçavans et expers, comme il sera deduit cy après plus amplement de chacun en son temps, ordre et aage et, par especial, trois portans vostre nom, comme ce vertueulx,victorieulx et glorieux empereur Charlemaigne (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 2 v°). ...et pour magnifier les estoilles, voulut que ses sept filles portassent chacune le nom d'une chacune planete, auquel moïen furent puis appellées nymphes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 21 r°).

 

-

[Un état] : Les petis ont tant fol couraige Qu'ilz portent estat de parage (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 7).

 

2.

[D'une chose] "Présenter, produire"

 

a)

[D'un végétal] Porter fruit / fleur... : ...un tresbon lieu natureux (...) à arbres portans, Qui portent bons fruis en tous tamps (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 79). Et tel lignage quant il empire ainsi, l'Escripture le comparage a une plante et a une vigne qui se abastardist et asauvagist et qui souloit porter bon fruit et elle porte malvés et amer (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 57). Qu'en un petit temps ou moment Se multiplie parfaitement En l'air, en l'eaue et sur la terre, Tant est agile et de grant erre Dont fait confort et moult d'aïe À toute rien qui porte vie Sa nature doulce et plaisant (LA HAYE, P. peste, 1426, 5). Et si tumbe entre l'espine, L'espine la semence destruit, Qu'en bonne terre porte fruit. [Réf. à la parabole du semeur, Luc 8, 8] (Pass. Auv., 1477, 137). ...car les meres mengeoient les propres enfans, le seu porta raysin et fleur et le sang fut veu distiller des nues. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 96 v°).

 

-

Empl. abs. : Printemps avoyent continuellement, Arbres pourtoyent partout opulemment, Fleurs, fruictz venoyent par le doulx Zephirus. (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 29).

 

-

Au fig. Porter fruit. "Être profitable" : Maiz le dormir qu'on fait de nuit Est naturel et porte fruit, Et ce qui est de hault jour fait Griève nature et lui desplaist (LA HAYE, P. peste, 1426, 104).

 

b)

[D'un lieu, d'une terre] : ...un tresbon lieu natureux (...) à arbres portans, Qui portent bons fruis en tous tamps (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 79). Le quart dit que a paines pourroit la terre porter les fruitz et vivres necessares pour nourrir la puissance de gens qu'il avoit mis ensemble et que la mer n'estoit pas large assés pour porter les fustes et naves de son armee. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 169).

 

3.

[D'une bête] "Présenter" : Presque toutes portent veloux Et sur leurs cornes grans orelhes. (Pass. Auv., 1477, 142).

 

Rem. Nombreux ex., à propos des bois du cerf (porter bois, porter cors, porter perches, porter teste...), ds HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, et GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389 (cf. gloss. des éd.). De même pour porter venaison "être gras et en bon état". Au fig., porter haut le bois, "faire le fier" : Tel souloit porter hault le boys Qui est au bas des quatre piés. (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 116).

C. -

"Avoir en soi"

 

1.

[D'une pers.] "Avoir en soi (dans son âme, dans son esprit...)" : O ames bien eureuses qui portent lymage de creacion iusques a ceste expresse semblance de la gloire de Dieu... (CIB., p.1451, 205). Nostre mignon (...) ne porta gueres sa pensée sans la deceler a monseigneur. (C.N.N., c.1456-1467, 83). ...fut interrogié par autres s'il avoit tout perdu, respondit qu'il portoit ses biens, disant : "Je porte ma science que larrons ne me sauroient oster". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 62 r°).

 

-

Porter vie. "Être vivant" : ...ils montent à cheval eux trois, sans plus, sans autre qui porte vie (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 240). ...ceulx qui portent vie (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 273).

 

2.

[D'une chose concr.] "Contenir" : Le suyf du cerf porte medicine contre adurciment de nerfs et est bon a oster toute douleur (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 64). [Autres ex. p.64, 103, 123...] Mere Areneuse y court, ou il n'at point eawe que cailheaux, et sy porte bons poisons ; nulz navie alleir sus ne peut, tant fort court il. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 172). ...IIII flus : ly unc est Phison, qui passe tout parmy Ynde, qui porte mine d'oir et d'argent et de lignum aloes (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 174).

 

3.

Au fig. [D'une chose] "Contenir ; comporter"

 

a)

"Contenir, renfermer" : Choses grans misteres portans Habondanment et en grant somme Ay veues en mon present somme (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 242). Sy porta telle vertu le conseil de l'évesque et des nobles qu[e]... (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 367). Mais pour mieulz entendre, il convient noter que "ymage" veritablement se dit et raporte a ce, dont elle porte la similitude et samblance, et pour poursieuvir ou ensieuvir ce pour quoy est faite. (Somme abr., c.1477-1481, 111).

 

b)

En partic. [D'un écrit, d'une convention...] "Contenir, renfermer" : ...et fu faicte ladicte election le XXVJe de juin derrain passé, comme portoient les lettres qui en sont venues. (BAYE, I, 1400-1410, 277). ...aucuns faisoient conscience de ce qu'il n'avoient pas gardé ce que porte ladicte lettre (BAYE, II, 1411-1417, 199). ...les lettres portent un narré que la requeste dit estre fait contre vérité (BAYE, II, 1411-1417, 199). ...en sa compaignie amena son compaignon, qui devoit bailler a taster a elle son instrument, comme le marchié le portoit (C.N.N., c.1456-1467, 4).

 

-

Porter que. "Contenir que" : ...conveincu d'avoir fait lettres et envoiées jusques à Braye-Conte-Robert par un enfant de X ou XIJ ans, qui portoient ou contenoient que monseigneur de Bourgoigne se hatast de venir (BAYE, II, 1411-1417, 229).

 

c)

"Comporter" : Les voulez vous tous d'une sorte [les manières de crucifier] Ainsi que la coustume porte (...) ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 317). ...il remonstra [au bourgeois] son piteux cas, priant et requerant, ainsi que droit le porte, qu'il luy baille et assigne, ainsi que a son estat appartient, sa vie honorablement. (C.N.N., c.1456-1467, 36). ...oyans tous ceulx de la table, [elle] luy fist son message bien et sagement, ainsi que sa charge le portoit. (C.N.N., c.1456-1467, 571). ...pour faire son excusation qui n'estoit pas si clère comme son honneur eust bien porté. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 342). ...l'emprise ne portoit que joustes à roches, lesquelles il convenoit faire devant les dames (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 463). ...Comme la loy Moïse pourte. (GARIN, Compl., 1460, 119).

 

-

[D'une attitude, de paroles] : ...vostre maniere et voz parolles portent et jugent qu'il vous fault quelque chose, que je ne saroie penser ne inferer que ce peut estre (C.N.N., c.1456-1467, 234).

 

-

"Comporter, entraîner (une certaine conséquence...)" : ...c'est assavoir charmes, charrois et invocacions d'ennemis et toutes aultres semblables choses deffendues, selon Dieu et sainte esglise, a tous bons crestiens, ou aultrement portant la pugnicion que faulx et malvais crestien doit porter ["subir"]. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 216). ...les fortunes et divines ordonnances portent d'esprouver et de corriger les hommes par substraction dede royaumes, par privation de seigneuries, par ruine de batailles, par perte de biens, par choite de renommée, par batture de corps, par propre mort... (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 47). Le duc [perdu dans la nuit, s'est réfugié chez un paysan qui le presse de questions] (...) ne se voulut descouvrir à lui comme ses questions portoient ["ces questions auraient pu entraîner que le duc découvre son identité"] (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 260).

 

-

Porter signe de. "Être le signe, le témoignage de" : ...et puis l'en vestira et mettera en possession de sa seignourie de marquis par ung tresriche ruby, qui porte signe de seignourie, qu'il mettera ou moyen doit. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 232). Et après ce, par ung riche dyamant, qui porte signe d'amour, l'en vestira et mettera en possession de sa conté (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 232).

II. -

[Empl. trans. ; avec idée de mouvement] Porter qqn / qqc. (qq. part)

A. -

Au propre

 

1.

"Transporter qqc. (qq. part)" : ...qui vertuz sanz elle [l'humilité] assemble, Il fait con celui qui au vent Porte pouldre (Mir. st J. Paulu, c.1372, 103). ...ledit Aigny ala tout à point en ladicte Chambre des Comptes, et porta ses comptes, et ne tint pas à lui qu'il ne rendist compte (BAYE, I, 1400-1410, 24). Portay a Romme neuf volumes De livres de lois et coustumes Et des secrez de Romme (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 27). Et lendemain (...) à grant compagnie et solempnités acoustumées, fu le corps dudit Roy porté en l'eglise Saint-Denys où il fu enterré (FAUQ., II, 1421-1430, 71). ...dont, pour lui faire sacreffice, il [Junius Brutus] porta l'or qu'il voulloit donner au dieu encloz dedens ung baston creux et cave (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 24). Adonc saillit avant la religieuse qui porta son urine a Rouen (C.N.N., c.1456-1467, 142). Je porte mon vin jusques a l'huys tant seullement, et la vient nostre maistre qui me descharge. (C.N.N., c.1456-1467, 274). Pinselardon, monte la hault Et y porte ceste vaisselle ; Guarde que la chambre soit belle. (Pass. Auv., 1477, 88). Sa teste luy mect pres de luy, Puis que ycy nous l'avons portee. (Pass. Auv., 1477, 105). Alons, Belzebuth, mauldit dyable, Et portarons l'arme en enfer. (Pass. Auv., 1477, 112). Romain, va t'en au Mont Calvaire Et y porte ces titres trois. Mect cestuy a l'ault de la croix, Desus la teste de Jhesus (Pass. Auv., 1477, 214).

 

-

"Mettre, placer qqc. qq. part" : ...se le las n'estoit porté au dessus, il courroit par dessous les piés (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 276).

 

-

[D'une pers., d'une bête, du vent...] Porter qqn (qq. part). "Amener qqn qq. part" : ...Conment au temple porté fu De sa mére le doux Jhesu (Mir. femme, 1368, 223). PHILIPPE. (...) Et tu bon jour puisses avoir. Quel vent te porte ? LE MESSAGIER. Nouvelles que je vous apporte (Mir. st Lor., 1380, 132). Veez cy sa mulette qui n'attent aultre chose que je soie en voye, pour porter son maistre ou l'on ne veult pas que je soye. (C.N.N., c.1456-1467, 208). Si bien fut lyé qu'il ne povoit rien mouvoir que la teste ; puis fut porté, ainsi marescaucié en une petite maisonnecte (C.N.N., c.1456-1467, 495).

 

-

[Dans la religion juive] Porter un enfant au Temple : Il est coustume generale Que l'enfant, pour tant qu'il soit masle, Soit au temple par ses amis porté, et droit la circoncis. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 28).

 

-

Porter qqn hors de la selle. "Faire tomber qqn de la selle" : ...et mainctz furent portez hors de leurs selles (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 287).

 

-

Porter qqn à / par terre. "Faire tomber qqn" : ...et moy meïsmes a il [le sanglier] porté a terre moult de fois, moy et mon coursier (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 88). ...s'il eust actaint le seigneur de Saintré a la force et puissance qu'il avoit et aussi a l'avantaige qu'i avoit d'estre plus hault il l'eust a terre porté ou navré (LA SALE, J.S., 1456, 296). ...[il] vous assault sa femme, et la porte par terre (C.N.N., c.1456-1467, 89).

 

-

Porter qqn jus. "Ruer qqn à terre" : Et furent la plus grand partie portés jus, de fer de lances, de leurs chevaulx. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 423).

 

-

Porter qqn en terre. "Ensevelir qqn" : ...venez avecques nous, si vous porterons en terre sur nostre chariot, ou cimitere de nostre ville. (C.N.N., c.1456-1467, 64). Tel est maintenant plain de vie, Tachant a biens mondains acquerre, Qui en ung seul clos d'ueil desvie Et soubdain portë on en terre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 424).

 

-

Porter un enfant (sur les fonts baptismaux) : Et fut baptizé [leur fille] ledit jour en l'esglise parrochial de Saint-Pierre de Mascon, et la porta maistre Pierre Susanne, licencié en loys (Journal Dupré L.B., 1424, 31).

 

-

Porter ses pieds qq. part. V. pied

 

-

Porter qqn / qqc. (qq. part) + prop. inf. "Transporter qqn ou qqc. (qq. part) pour" : ...pendant le temps que icelle femme entra en son jardin, il print un seurcot et une coste hardie à usage de femme, de drap gris, sans fourreure aucune, et iceulx porta vendre en la ville de Chartres, à un frepier (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 121). Cestui Crispinus fut porté morir a Romme, de ses playes, par la mort duquel les Rommains furent tresesbahis (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 39). ...je fus celle meismes qui le porta nourrir ["pour être nourri"] chiez la dame ou les douse chevaliers rommains le trouverent (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 672). C'est vostre chambriere, dist l'escuier, qui me porte rendre ou elle m'avoit emprunté. [Elle le transporte sur son dos] (C.N.N., c.1456-1467, 124). ...[elle] dist a son beau filz qu'il la portast monstrer [l'urine de la malade] a ung medicin pour savoir qu'on pourra faire (C.N.N., c.1456-1467, 135). Mon chief de douleur se retrainct, Je ne sçay pas qu'il vous en semble. Pour ce, prenez moy tous ensemble Et si me portez reposer ; Nul de vous ne se desassemble, Car Dieu veult de moy disposer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 559).

 

2.

"Emporter qqc. (qq. part)" : ...l'en trouvoit que l'en avoit porté hors ce royaume à Court de Romme bien XXX cent mil escus (BAYE, II, 1411-1417, 155). Je naqui du ventre ma mere Tout nu et n'avoye nul biens, Aussi tout nu, sans porter riens ["sans rien emporter"], Iray ge emprés ceste vie. (Pac. Job M., c.1448-1478, 180).

 

-

En porter qqc. (qq. part). "Emporter qqc. (qq. part)" : ...Qua[nt] par force l'en a porté (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 314). ...je n'en portay oncques la clef, mais pend a vostre cincture avecques les vostres (C.N.N., c.1456-1467, 383). Ilz prenent le corps sainct Martin et l'en portent en une eglise ou aultre part (LA VIGNE, S.M., 1496, 581).

 

3.

Porter qqc. (à qqn)

 

a)

"Apporter qqc.( à qqn)" : ...Abacuc qui porta le diner A Daniel (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 247). Je vous annonce comme herault et messaigier du benoit Filz de Dieu, Jhesu Crist, et comme cilz qui porte lettres patentes et autantiques de par ycellui : Dieu en celle ame haubergera Qui sa parole accomplira (GERS., Pent., p.1389, 71). ...lui et Jehannin de Moustereuil, chevaucheur du roy, qui samblablement portoit lettres closes du roy audit mons. de Berry, se partirent ensamble de la ville de Paris pour aler devers lesdiz mons. de Berry et evesque de Poitiers (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 520). ...il laissa Dieu qu'il tenoit en ses mains, et print la paix et la porta a monseigneur le seneschal (C.N.N., c.1456-1467, 448). Nator, accop, advance toy ! Porte les livres pour chanter. (Pass. Auv., 1477, 115). Luccifer, maudit Cerberus, Ouvre moy ; je te porte proye ! (Pass. Auv., 1477, 249).

 

-

Porter un enfant à qqn. : ...elle nye avoir [ap]porté l'enfant à Nostre-Dame de Paris, mais li avoir fait porter par une personne et femme incongneue, et laquelle elle ne vuelt nommer ou enseignier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 533).

 

-

[Personnification] : Ypocrisie (...) Pourtant pour miel poison tresdangereuse (Lyon cor. U., 1467, 61).

 

-

Porter (à qqn) (à) + inf. "Apporter (à qqn) à" : ...par ses maistre et maistresse il fu mandé leur porter boire à un soir, de nuyt, en leur chambre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 495). ...après leur departement, elle qui parle print du lait en un pot pour porter à mengier à ses enffans, qui estoient à Orties, à un quart de lieue prez de Besmes. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 283). Que tu est long a ton affaire ! Advance toy, porte a manger ! (Pass. Auv., 1477, 91).

 

-

Porter une / des nouvelles (à qqn) : Il fault ces nouvelles porter au chamberier lay de Nostre-Dame de Paris. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 82). L'ange qui ordonné fut messagier isnellement descendit porter les nouvelles a Joachim et saincte Anne. (GERS., Concept., 1401, 406). ...avoit ceste damoiselle une chambriere, qui estoit secretaire de leur fait, et portoit souvent nouvelles au curé (C.N.N., c.1456-1467, 352). A vous, sancts peres, je vien Et vous porte bonnes nouvelles, Car vostre saulveur et le mien Tantost viendré. (Pass. Auv., 1477, 113). Las, mes seurs ; qui sera celuy Qui portera ceste nouvelle A la doulce mere de luy Qui la [l. l'a] nourrit de sa mamelle ? (Pass. Auv., 1477, 182).

 

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Porter des paroles (de qqn à qqn). "Être le porte-parole (de qqn auprès de qqn)" : ...de sa part, jour de sa vie a aultre femme parolle ne portera au prejudice de sa maistresse. [D'un entremetteur] (C.N.N., c.1456-1467, 80). ...feirent les bonnes religieuses entre elles ung consistoire dont la conclusion s'ensuyt ; et porta les parolles d'icelle la prieure (C.N.N., c.1456-1467, 144).

 

-

Empl. abs. Porter des paroles. "Prononcer des paroles à haute voix et avec énergie" : Le roy (...) ordonna audit Monjoye, roy d'armes des François qui sur le hourt estoit, que il portast les parolles toutes telles qui s'ensuivent. (LA SALE, J.S., 1456, 167).

 

-

Porter la parole. "Prendre la parole (au nom de plusieurs, d'un groupe)" : Elle adoncques feist signe a sa compaign(i)e et seur germaine Sapience qu'elle portast la parole pour exposer ce que entre [el]les, Vertuz, avoyent deliberé et parlamenté ensemble. (GERS., Concept., 1401, 393). Ceste créance, combien que elle portast sur tous les deux, le prieur toutesvoies des Célestins l'exposa et en porta la parole pour l'honneur de l'église (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 60).

 

b)

"Faire savoir qqc. à qqn" : Item, ce dict jour fut prins par aucuns des bienvueillans du roy ung messagier qui alloit vers le duc de Millan porter le nombre des gens de bien qui avoient esté tuez en ceste bataille ; ainsi la puis je bien dire et nommer non pas rencontre, car les dictz ennemys tenoient camp ordinaire tous les jours du monde en attendant le roy ; et par iceluy messagier, au moins par les lettres qu'il portoit, on sceut quelz gens estoient mors, tant gens de bien que autres gendarmes. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 291).

 

-

Empl. abs. "Ordonner, décréter" : Item, le jour de la Snt Luc, les srs du grant conseil portont fuers que les religieux de Snt Simphorien avoient à raller en leur monastère, et faire le service divin (AUBRION, Journal L., 1481, 129).

 

4.

[D'une chose] "Transporter, apporter qqc. (qq. part)" : ...les voines mediastines qui portent le sang menstrueux aux mamelles (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 321). ...elle [la chaleur de la marriz] est portee a tout le corps (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 321). Et en ceste maniere le ciel epicicle d'une planete a en soy seulement sa propre intelligence qui le meut par son propre mouvement, et il est porté ou ciel excentrique par autre mouvement. (ORESME, C.M., c.1377, 316). Laquele male engendréure Tousdis grevant nostre nature Portent les vens communelment, Selon leur cours et mouvement, De l'une à l'autre région (LA HAYE, P. peste, 1426, 46).

 

-

Autant en porte le vent. V. vent

B. -

Au fig.

 

1.

[D'une pers.] "Apporter à qqn (une aide, un avis, un témoignage...)" : M'amie, (...) Ne porte a femme ja ce loz Qu'elle puist enfant concevoir Sanz congnoissance d'omme avoir (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 214). ...l'umble vierge en humaine semblance Gouverna cil dont tout est gouverné, Et il con fil garni d'umilité Li obei et porta seigneurie (Mir. chan., c.1361, 185).

 

-

Porter blasme à qqn : Et ne faisoie de riens compte, S'il ne me portoit blasme ou honte. (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 82).

 

-

Porter dommage à qqn. V. dommage : ...en tant que sommes par compte Cinq roys avec nostre barnage, Qui pouons porter grant damage Noz ennemis. (Mir. fille roy, c.1379, 71). ...sens soffrir ... porter aucun dommaige esdicts bourgois et subges d'icelle (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 19).

 

-

Porter foi à qqn. "Se montrer loyal envers qqn, respecter ses engagements envers qqn" : ...ce sera en lui portant foy et loyaulté en toutes manieres. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 125).

 

-

Porter garantie à qqn : ...prisonnier detenu oudit Chastellet à la requeste de Guillemin Patenoz, orfevre, demourant en la rue des Marmousez, pour lui porter garantie d'une sainture d'argent que ledit Jehan lui a vendue (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 476).

 

-

Porter guerre à qqn. "Faire la guerre à qqn" : Comme puis certain temps en ça Henry, bastart de Montbelliart, et autres de la ville et païs de Montbelliart, ses alliez et complisses, aient par leur folle entreprise et desraisonnable voullenté, sans cause raisonnable, fait défier mon seigneur, et lui ait ledit bastart et ses dits alliez fait et porté guerre comme ... son ennemy (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 7).

 

-

Porter honneur / renom à qqn : On li porte moult grant renom Et de biauté et de bonté (Mir. ste Bauth., c.1376, 85). . ...honneure Dieu et porte honneur aux prestres. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 227). Je luy porteray ce regnom (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 419).

 

.

Porter révérence à qqn. V. révérence

 

-

Porter joie à qqn : ...le chastelain commendat qu'elle portast joye et soulas a Ogier (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 34).

 

-

Porter préjudice à qqn / qqc. : En enterinant lequel jugement, pour ce que iceulx prisonniers ne vouldrent aucune autre chose cognoistre que dit est dessus, furent li uns après l'autre mis à question sur le petit et le grant tresteau, et ne vouldrent cognoistre aucune chose qui leur portast prejudice. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 161). Cedit jour, maistre J. de Havencourt (...) maistre Robert Lijote (...) et Guillaume de Biaiz (...) ont protesté que certain accort (...) ne porte prejudice audit evesque ou à ses drois (BAYE, I, 1400-1410, 275).

 

-

Porter témoignage (à qqn) : ...lequel avoit refusé à porter tesmoignage ceans (BAYE, I, 1400-1410, 127). ...en portant tesmoignage de ce que de quoy riens ne savoient de leur bonté que par fas ou par nefas sont là assis. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 81).

 

-

Porter (un sentiment) (à qqn). "Éprouver (un sentiment pour qqn et le lui manifester)" : ...c'estoit de luy mal cogneu, et a sa femme pou d'honneur porté (C.N.N., c.1456-1467, 27). ...de plus en plus croissoit en eulz l'ardent et parternel amour que a leur tresbelle et tresamée fille portoient. (C.N.N., c.1456-1467, 31). Le bon musnier, oyant bonne cette adventure, ne fist pas semblant par dehors tel que dedans son cueur portoit (C.N.N., c.1456-1467, 42). Monseigneur, qui rien ne luy vouldroit celer, pour la grand amour qu'il luy porte, luy va dire comment il a jour assigné de coucher ennuyt avecques sa chambriere (C.N.N., c.1456-1467, 75). ...subitement le dur courage que tant rigoreux avoit envers son serviteur porté fut tout changé et alteré (C.N.N., c.1456-1467, 479).

 

-

Porter haine à qqn. "Haïr qqn" : ...au moins leur portes tu mortel haine. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 16).

 

.

Porter rancune à qqn. V. rancune

 

-

Le porter trop fort. "Pousser les choses trop loin" : Hé ! par saint Jaques, Bon Renon Le pourte trop fort ung petit. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 188).

 

2.

[D'une chose]

 

-

Porter profit (à qqn). "Profiter (à qqn)" : ...tu puez veoir Quel prouffit ce pain t'a porté (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 250). Conseilh de famme bien souvant, Quant on le prent, A sages gens porte profit, Mes qu'il soit pris d'entendement, Le dirigent Par raison que tout dirigit ! (Pass. Auv., 1477, 278). ...car j'espere que en icelluy verres plusieurs choses, dont l'advertissement et congnoissance vous porra porter autant beaucop de prouffit que l'ignorance moult de dommage (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 1 v°). ....laquelle [étude des mouvements célestes] seulle ne porte ou peut porter à l'homme nul prouffit ne utillité, car pour eulx lesdicts mouvemens ne yront avant ne arriere (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 4 v°). Item, au plus hault d'icelui lieu, estoit une ymage de cuyvre, tenant en sa bande [l. bouche] une trompe, laquelle, touttefois que le vent de Auster ventoit, par certain object entroit en icelle et par ce se tournoit, qui portoit grant prouffit aux voyageurs par mer. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 69 v°).

 

-

Porter encombre / nuisance (à qqn). "Nuire (à qqn)" : Quérir un tel hébergement Où n'ait prèz noyers, ne séues, Figuiers, jusquiame, cicues, N'autres choses portans encombre Par leur oudeur ne par leur ombre (LA HAYE, P. peste, 1426, 79). Pour quoy devons considérer Que lors souffrir ou tolérer Grant soif peut porter grant nuisance. (LA HAYE, P. peste, 1426, 98).

 

3.

Loc. Porter la palme sur qqn. "Emporter la gloire sur qqn ; être le plus méritant" : Ptholomée Pheudense, excellant, admirable et très noble prince roy d'Egipte, fut en ce temps qui porta la palme sur tous les roys, lors regnans, quant à vertu et science. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 84 v°).

III. -

[Empl. trans. indir.] Porter + prép.

A. -

Porter à. "Tendre à" : ...si le roy tendoit à venir à paix avecques les Anglois, sy le coeur ne luy portoit à vouloir vendre terres, ne pays (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 93).

B. -

Porter sur. "Peser sur (au fig.)" : Ceste créance, combien que elle portast sur tous les deux, le prieur toutesvoies des Célestins l'exposa et en porta la parole pour l'honneur de l'église (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 60).

IV. -

Empl. pronom.

A. -

Au propre

 

1.

"Tenir sur ses jambes" : Egar ! de sommeil ay tel faiz Que ne me puis porter ; (...) Ci endroit dormir me convient Par fine force. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 43).

 

2.

Se faire porter. "Se lancer sur" : Et aucune fois [le cerf] se fait porter auz biches, aussi comme se il les vousist saillir (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 45).

 

-

"Se laisser emporter (par le cours de l'eau)" : Et, quant il est chaut et las, il [le cerf] se vet rendre et refreschir es grosses rivieres et se fera porter aucune fois a l'iaue demie lieue ou plus sans venir a l'une rive ne a l'autre. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 63). ...quar aucune foiz, come j'ay dit, il [le cerf] se fet bien porter longuement aval la riviere. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 206).

B. -

Au fig.

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

"Se conduire, se comporter (de telle ou telle manière)" : ...li duc bien s'i pourta (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 12). LA FILLE. (...) Je m'adresce a vous, sire Alfons, Qui me sui porté conme uns homs En servant vous et vostre frére (Mir. Oton, c.1370, 385). Car Hetor parloit ainsi : "Ha," disoit il, "se je me porte mal, Polidamas le me reprochera et m'en reprendra." (ORESME, E.A., c.1370, 211). Mais toutesvoies, en teles choses peut estre aucune superhabondance, si comme se aucun pour trop grant amour de ses enfans rebelloit contre les dieux, comme fist une dame appellee Niobé, ou comme fist Satirus, qui fu nommé Philopator, vers son pere qu'il amoit trop, et pour ce se porta il folement et sotement. (ORESME, E.A., c.1370, 378). Qui est ce seigneur qui ci vient ? Il se porte et si se maintient En grant arroy. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 75). Je vueil que me faciez savoir Conment ma mére se porta Quant ma femme Osanne enfanta (Mir. roy Thierry, c.1374, 312). Donques, aucun qui soit descendu d'une noble lygnie, se il se porte et gouverne vertuesement, conme sez predecesseurs ont fait, qui estoient nobles, il doit estre reputé noble. Mez se il ne se porte virtueusement il forlygne et, par consequant, selon rayson, il ne doit mie estre tenuz pour noble (Songe verg. S., t.1, 1378, 298). Et mettons exemple : un honme plebeyen, ou vilain, devient vaillent, riche et puissant et se porte en tous sez fays le plus que il puet conme noble, certes, pour tant, il ne sera mie reputé pour noble (Songe verg. S., t.1, 1378, 299). ...selon ce qu'il verra que sondit filz se portera à l'office qu'il a (BAYE, I, 1400-1410, 119). ...si bien se porte en ses armes Qu'on ne parle se de lui non. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 138). ...perdu avoit un oeil en ung assault ou avec son prince s'estoit tresvaillamment porté. (C.N.N., c.1456-1467, 109). ...tantdiz que monseigneur aux Sarrazins fait guerre, l'escuier a madame combat, et si tresbien s'i porte que, si monseigneur jamais ne retournoit, elle s'en passeroit tresbien. [Iron., dans un cont. érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 110). Quant il ot ainsi esté detiré et traynné par toute la cité et qu'il fut ramené en la presence du roy, il demanda aux ministres comment il s'avoit porté en son tourment. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 255). ...et estoit chef de la dicte arrieregarde mon dict seigneur de La Trymoille et monsieur de Guyse, qui s'i porterent moult vaillamment. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 283). Comment ce porte nostre armee A la journee qui fut termee ? L'avons nous gaignee ou perdue ? (Myst. st Laur. S.W., 1499, 167).

 

-

Se porter vers /devers qqn. "Se comporter envers qqn de telle ou telle manière" : ...et vous devez porter vers leur amis et leur parens sagement et diligement (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 77). Car comme peut ce estre justement, lui qui l'avoit de nouvel prise a femme par violence avant qu'il sceust quelle elle seroit ou comme elle se porteroit devers lui ? (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 841). ...il s'est plusieurs fois porté assez hautainement à l'encontre de moy (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 345).

 

-

Se porter de + inf. "Faire en sorte de, s'efforcer de" : ...et a dit ledit Connestable, seant comme dessus, que, au regart de la Court, l'en se porteroit si gracieusement d'avoir argent, qu'elle en seroit content. (FAUQ., I, 1417-1420, 19).

 

-

Se porter bien (à faire qqc.). "Bien s'y prendre (pour faire qqc.)" : Si bien s'i porta que nostre saint pere pappe Paule, lequel estoit tenu le plus beau personnage de l'Eglise, lui fist faire une revolucion d'une année sur la nativité sur laquelle il previt et predist sa mort et fut veriffiée. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 159 r°).

 

b)

"Se trouver (dans tel ou tel état)" : ...veez cy bonnes matrones qui viennent, et trouvent l'espousée ou lit, et ne fut pas sans demander comment c'est portée la nuyt, et qu'il luy semble de son mary. (C.N.N., c.1456-1467, 299).

 

-

En partic. "Se trouver dans tel ou tel état de santé" : Quant esté est froit et sec, et amptonne semblablement, les fames et ceulx qui sont moystes par nature se portent bien (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 67). ...il demande a sa femme comment elle se porte. "Je suys ung pou mieulx, dit elle, que par cy devant n'ay esté..." (C.N.N., c.1456-1467, 136).

 

-

[Dans une formule de salutation] : Haulte princesse, mettez cy Vostre main. Comment vous portez ? (Myst. st Laur. S.W., 1499, 163). Et pour dieu dictes moy comment Se porte vostre pere et le mien Le roy de Hongrie ancien Et tout lestat royal aussi (Myst. st Martin K., a.1500, 161).

 

-

[P. méton., de la santé] "Aller" : Bien venue soies, Marie, Comment se porte la santé ? (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 67). LE SECOND PREBSTRE. A cecy fault besongner par compas. Mais, puis que fustes de ce lieu absenté, S'en plusieurs lieux avez pris voz repas, Commant se porte vostre bonne santé ? SAINCT MARTIN. Bien, Dieu mercy. (LA VIGNE, S.M., 1496, 214).

 

c)

Se porter dessous qqn. "Se placer sous qqn, être subordonné à qqn" : ...messire Anthoine Rolin(...) se portoit dessous le bastard (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 120).

 

2.

[D'une chose]

 

a)

"Se présenter de telle ou telle manière" : Conment se porte vostre affaire (...) ? (Mir. march. juif, c.1377, 184). ...le fait de la guerre s'en devra mieulx porter. (Ch. VI, D., t.1, 1405, 281). Comment se portent noz amours ? (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 31). Au soir scet on ou au matin Comment le jour sy ["ainsi"] s'est porté ? (TAILLEV., Songe thois. D., 1431, 73). Vostre procés tres bien se porte (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 44). Ma besoigne se porte bien Puisque mon oreille est remise. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 254). ...leurs besoingnes se portoyent si mal qu[e]... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 296). Comme s'est la chose portee ? (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 402). ...mais les jeunes furent d'autre oppinion, par quoy tout se porta mal et fut tout perille et lui pris, avecques son seigneur calif et plusieurs Sarrazins triez par glaive (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 121 r°). LE SECOND. Martin, mon filz, maintenant je t'aporte La delivrance de ta captivité, (Icy le portier mect dehors de la prison sainct Martin.) Car la guerre si bien a poinct se porte Que Barbarins ont leur acort traicté, Dont l'empereur est moult fort contenté, Car a son gré a il la paix passee Et si maintient pour toute verité Que c'est par toy que la guerre est cessee. (LA VIGNE, S.M., 1496, 255).

 

b)

"S'accomplir, se réaliser" : ...la dame et le bon chevalier se deviserent tant et si longuement, et se porta conclusion entre eulx que pour la nuyt ilz ne feroient que ung lit. (C.N.N., c.1456-1467, 478).

 

-

Empl. pronom. à sens passif : Les choses grandes et pesantes ne se portent pas ne ne se font par force, par legiereté de corps ne par cruaulté de membres, mais par conseil, par meureté et par science. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 148).

V. -

[Verbe attributif]

A. -

[Constr. trans.] Porter qqn pour + attribut. "Présenter qqn comme, faire passer pour" : Or me volés che roy pour le meilleur porter Qui soit en paienie (Bât. Bouillon C., c.1350, 58).

B. -

[Constr. pronom.]

 

1.

Se porter + attribut "Se comporter comme" : Mon chier enfant, de ta nature Te deüsses porter jolis, Et avoir gent corps et polis Et chevauchier et faire joye. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 17). Et pour ce ay soffert chose que je n'euse pas souffert pour mort recevoir, se il ne se feust porté si dur vers moy. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 56). [Les Romains] molesteurs se portoient à leurs voisins ["se comportaient en molesteurs à l'égard de leurs voisins, molestaient leurs voisins"] (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 5). ...s'y sont portez vaillans et vigoreux en coer (CHASTELL., Temple Boc. B., 1463-1464, 143).

 

2.

Se porter (pour / comme) + subst. attribut. "Se présenter comme, se donner pour" : ...que il, ou nom de sa fame (...), se puisse pourter et tenir comme hoir dudit Gieffroy (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.1, 1331, 102). ...une loy si dit que, se un sers s'est longuement porté pour franc, il puet prescripre sa liberté (Songe verg. S., t.1, 1378, 297). ...tous telz gens qui se advoueroient et porteroyent pour clers (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 247). ...ledit maistre Simon Foison, soy portant comme heritier dudit defunct maistre Jehan Soulas (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 88). Après laquelle acquisicion, nostre dicte seur ala de vie à trespassement, et nous portasmes son heritier. (Doc. Poitou G., t.7, 1404, 60). ...lesdiz Vailly et l'Esclat, et leur femmes, ont respondu qu'ilz ne se wellent ne n'ont volu porter pour heritiers dudit Dreue. (BAYE, II, 1411-1417, 253). ...pour ce qu'il ne lui estoit point apparu de testament et ne savoit encores qui se porteroit son heritier (FAUQ., III, 1431-1435, 74). ...eulx disans et portans conseilliers et officiers de nobles seigneurs (Ecorch. Ch. VII, T., 1444, 8). ...celuy (...) Qui le roy des Juïfz se porte ["celui qui se prétend le roi des Juifs"]. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 102). ...Estienne Guerreau, soy portant sergent de la baronnie de Maignac (Doc. Poitou G., t.12, 1483, 604). ...de gens qui faignent soy porter amis (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 66).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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