"Acharné ?"

Rem. Doc. XVe s. (chiens acharnelz) ds GD I, 53b.
 

I. -

Empl. trans.

A. -

CHASSE Acharner un chien. "Lui donner le goût de la chair pour exciter son ardeur à la chasse" : Mais primier vous vueil introduire D'acharner vos chiens et aduire, Telz qui soient à la seison Très bons (FONTAINE-GUÉRIN, Trés. vén. M., 1394, 50). Car de légier afoibly sont Les josnes [cerfs], ne james ne font Tant que les vieux de painne au prendre ; Car josne est nice et tendre. Si le deves, au commencier, Pour vos chiens acharner chassier (FONTAINE-GUÉRIN, Trés. vén. M., 1394, 51).

-

P. ext. "Dresser [un chien, ici pour une chasse à l'homme]" : Et aucune fois, ce dit on, et le treuve on en hystoire faitte par le dit roy Robert, le fist chasser le bon roy Edowart par ces grands forests, par l'espace de III jours ou de IIII par chiens et limiers pour ce affaictiez et acharnez ; mais oncques il ne poeut estre trouvé, ne oncques pour meschief qu'il endurast ne voulut obeir à ce bon roy Edowart (LE BEL, Chron. V.D., t.1, 1352-1358, 111).

B. -

P. anal. [D'une pers.] (Estre) acharné

1.

Estre acharné sur/à qqn. "Combattre qqn avec ardeur, opiniâtreté" : Quant Allemans se voient enclos de tous costés Sachiés qu'il n'orent mie toutes leurs volentés, Car morir lez couvint, n'en furent respités. Moult furent court tenus, c'est fine verité, Du pere et des enfans qui y sont acharnés. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 60). Car lez .XVIJ. freres furrent si acharné Sur les Austerichois qu'il en ont tant tué Que le sang en couroit tout contre val le pré (Cip. Vignevaux W., p.1400, 61).

Rem. Peut-être peut-on voir, dans le 1^er ex., le tour estre acharné à qqc. (FEW : «s'acharner à qch. (...) seit Pom 1671»).

2.

Acharné au sang. "Assoiffé de sang, animé d'une ardeur sanguinaire" : RUSTARIN, picquenaire. Pource que j'ay la teste malle Et acharnee au sang humain, Il n'est ne femelle ne masle Que tout ne passe par ma main ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.3692). Aprés marcha la bende aux albardiers Entremeslez de grans joueurs d'espees, Gens acharnez au sang comme loudiers, Par lesquelz sont maintes gorges coppees (LA VIGNE, V.N., p.1495, 211).

II. -

Empl. pronom. CHASSE "Se mettre en appétit de chair" : Apres lesseres, sens attendre, Tous vos chiens à celuy cerf prendre, Qui tretout le dévoreront, Et par ainsi s'acharneront. (FONTAINE-GUÉRIN, Trés. vén. M., 1394, 51).
 

"Bourreau" : [7 fr.] à maistre Estienne, le carnecier de Dijon, pour justicier [22] larrons (...) au gibot d'Ostun (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.1, 1369, 196). "...Et aussi ne peult mon ame entrer en paradis avecques coronne de martire se je ne suis bien tourmentee en ma char des carnacies [var. bouchiers]." (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 309). [Var. ds VIGNAY, ms BNF fr. 241, a.1348] "Cruel tirant et mauvaix carnacier [var. bouchier, ds VIGNAY, ms BNF fr. 241, a.1348], ne t'ay je pas dit souvent que tu ne fusses pas cruel aux crestiens, car leur Dieu se combat pour eux ? Et saiches que je [Alexandrine, la propre femme du roi] vueil estre faicte crestienne." (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 430). Carnacier ou presant m'acorde Que tu frappes quant tu voudras (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 60).

REM. Région. (Bourgogne, Suisse romande, Lyonnais). Doc. 1368 (Lausanne, carnacier seu burriaux qui causas criminales Lausanne executet) ds GD I, 785b. Cf. G. Roques, R. Ling. rom. 62, 1998, 567, pour l'aspect régional.
 

MÉD. "Action de produire de la chair" : ...les plaies et les incisions qui sont fetes ou ventre sont plus perilleuses et plus difficiles a saigner que celles qui sont faites es costés ne es parties voisines, car elles sont plus tractables que les aultres. Et se appert aussi que les les plaies penetrans du ventre, se on ne keut ciphac avec mirac [deux membranes de la cavité abdominale], on ne fera pas bonne scarnacion. (Chirurgie Chauliac T., c.1435-1470, 101).
 

A. -

[D'une période, d'une date] "Où l'on mange de la viande"

-

Pasques carnees : Item, et sy commencheront lesdicts foullons à fouller lesdictes saies depuis le jour de Pasques carnées jusques au jour sainct Remy à cincq heures du matin (Hist. Lille T., t.2, 1500, 516).

B. -

[De pers.] "De même chair, du même sang, de sang" : Contre Gloriant vint ses frères Esmerés ; A haute vois escrie : "ahi ! frère carnés, A esté vostres poeplez desconfis et matés ?" (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 109). Puis dient ly enfant qu'il n'ont nessessité De servir à aultruy c'à leur pere carné (Hugues Capet L., c.1358, 241).

-

P. ext. "Proche, ami" : ...Et de ceulx qui deüssent a moy estre carnés Et qui juré m'avoient et foy et loyautés M'ont au besoing failli et m'ont le dos tournés. (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 372).
 

"Massacre, carnage" : ...la Sainte Escripture par laquelle Dieu parle à Nous et Nous instruit, ne conseille point que l'en quiere paix avec ceulx qui l'office de paix ont tourné en riotes et carnifices (Ordonn. rois Fr. V.B., t.12, 1419, 276).
 

"Abondance de chair, partie charnue" : Son fait [de l'estomac] est proprement digerer par la chaleur de la propre carnosité de son fons comme dit Avicenne. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.6). Et ne devons pas entendre que le sanguin soit gras proprement, car l'omme gras se juge de complexion froide (...) ; mais il est gras largement, prins en ce vocable gras pour charnosité, car le sanguin fort est chairnus (Rég. santé corps C., 1480, 143).

Rem. MONDEV. ds TLF.
 

A. -

[À propos de l'homme]

1.

[D'un point de vue anatomique]

a)

"Substance musculaire du corps (p. oppos. au squelette)" : Li sires de Vertaing fu ferus sans estre blechiés en char. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 35). Sus ces deus elles, gens d'armes les commenchièrent à pousser de leurs roides lances à lons fiers et durs de Bourdiaux, qui leur passoient ces cotes de maille tout oultre et les prendoient en char. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 54). Semblablement se char et os sont la matiere de honme, et se de toute la char et de touz les os qui sont et qui pueent estre, estoit fait un honme lequel ne puet estre dissolut ou courrompu, pour certain nul autre honme ne pourroit estre. (ORESME, C.M., c.1377, 154). ...et puissance sans sens est comme ung arc sans corde, et comme ung beau bras paralitique, bien formé d'os et de chair et de nerfz, et desgarny de sensitif esperit. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74). Le flegmatique qui est au colerique contraire pour ce quil a les qualitez de leaue qui sont froideur et moiteur est communement graue et tardif et na pas bon sens ne agu, et est moult obliuieux, paresseux et sommilleux, de char mole et fluxible, de couleur fade et blanchastre (CIB., p.1451, 219). ...lequel cymetiere est de antiquité ordonné pour les moines du lieu et, quant il advient que l'on euvre aucun sepulcre trois jours après que aucun y est en terre, l'on ne treuve os, chair, ne cendre, ne aucune apartenance de corps (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 68 v°).

-

"État extérieur du corps, aspect de la peau" : Douce et serrée Avoit la char, tendrette de rousée, Mais de maniere humble et asseürée Et de trés biau maintien estoit parée. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 72). Tant ay alé mont et valée Que ma char est toute hallée (Mir. st J. Cris., c.1344, 268). Sa char souvent de la rousee Fu, qui vient dou ciel, arousee. (MACH., C. ami, 1357, 30).

-

MÉD. [Les types de chair distingués par la science] : Aprés [la graisse] vient la char de laquelle sont troys especes (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). ...char simple, pure et petite qui est seullement trouvee en la teste de la verge et entre les dens (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). ...char glandulleuse comme la char des genetilz ou coullions et des mamelles et des esmonctoires. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2). Mais la tierce char est musculeuse et lacertose et de celle en y a grant quantité et est trouvee par tout le corps ou y a mouvement cler et esletif. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.2).

-

[Par rapport aux ongles] "Peau blanche au bas des ongles" : ...l'en n'oste pas legierement la force de la char souz l'ongle sanz blescier les ongles. (FOUL., Policrat. B., VI, 1372, 256).

b)

Loc.

-

Chair et cuir. "La personne tout entière" : Prendez moy, mort, et char et cuyr ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 195). Tirans, pour alleger sa peine Prenez moy tost pignes a laine, Et ne vueillez jamais lacher De luy rompre et cuir et cher, Tant que son corps ayt point de vie. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 260).

-

En chair. "En chair et en os (p. oppos. à en peinture)" : ...Et afin qu'un chascun me voye, Non pas en char, mais en painture, Que l'en tire mon estature D'encre, s'il ne coustoit trop cher ; De tombel, riens, je n'en ay cure, Car il greveroit le plancher. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 141).

-

[À propos du corps d'un saint, d'un dieu, préservé de la putréfaction] En chair et en os : ...Troyes est de corps saincts adornee De sainctes vierges, dont encor a present Est le corps entier, de la tres honoree Saincte Heleine, qui feut de Grece nee, Que l'on peult veoir tout en chair et en os (Mir. chan., c.1361, 174). ...ce temple est bel a merveilles, car le gentil dieu, lequel au tamps qu'il regnoit au monde fut nommé le Chevalier au Delphin, est sur son autel en char et en os (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 871). ...madame saincte Rose, qui repose au dit Viterbe en chair et en os et n'est que transie. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 271).

-

Personne d'assez chair. "Personne bien en chair" : Sire, sachiez certainement, Je ne sçay ou il se tenoit, Mais il dit bien qu'il demouroit Dedens les forestz de Sanar Et est ung homme d'assez char Et assez belle contenance. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 481).

-

Jusqu'à la chair. "Complètement" : Et plouvoit tellement qu'en pou d'heure Troÿlus fut moullié jusques a la char (Percef. III, R., t.3, c.1450 [c.1340], 64).

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Avoir la chair dure comme fer : Et Pinart de Brouseulle les maine mallement, Il avoit la char dure comment fer proprement, N'est nul qui en la char le navrast nullement. (Galien D.B., c.1400-1500, 57).

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Vendre sa chair. "Vendre sa peau" : Vaillamment toutesvoyes se deffendirent une piècette de temps et vendirent leur char le plus chièrement que pouvoient (CHASTELL., Chron. K., t.2, c.1456-1471, 35).

-

Ardoir en chairs. "Brûler vif" : ...s'on me deust en chars Ardoir ou noter en viez puiz... (Mir. chan., c.1361, 174).

-

Homme à chair et à sang. "Homme énergique, capable de violence" : Il est homme a char et a sang [Maximien, dont on attend qu'il réprime les chrétiens], Ne vous soussiés de cela : Sy vous certifie qu'il a Ung sien filz appellé Maxence, Le plus cruel en son absence Pour mutiler char de cristien Qui soit sur la terre (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 7).

2.

P. méton.

a)

"Corps, personne" : ...Saint Germain ont assailli les sotars, Destruis les biens et gourmendez les vins, Maisons fraictes, mortes ygnoscens chars (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 140). Que dirons nous de Narcissus Qui sa char ot en bois nourrie ? (TAILLEV., Congé am. D., p.1440, 253). ...J'otri que ma char soit par vous emprisonnee (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 9). ...Par envie qui est ens es mauvaiz plantee Poroit estre ma char de tel boire abeuvree Dont li ame seroit de mon cors desevree. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 222). ...Trop attendre m'a mys la ou je suis, En famine de ma char enduree (Abuzé D., c.1450-1470, 59). Adieu, adieu, cher virtüeuse ; Adieu, mon bon meistre et amy ! (Pass. Auv., 1477, 105).

b)

"Sang, nature"

-

Avoir la chair hardie (de) + inf.

.

"Avoir le courage de" : Et d'autre part vient Craincte et Honte, Qui tiennent mon cueur si tresdonbte Que je n'ay la chair si hardie Faire de ma pensee compte (Narcissus, p.1426, 282). A toy le plus quouart de tous les roys je presente ce pouvre hairon avolé par espoventement de mort, tu qui n'a pas la char si hardie de advouer par armes la couronne de France a laquelle tu doiz succeder par droit. (Droiz Cour. Fr. H., 1460, 408).

.

"Avoir le front, l'impudence de" : Comment ont la char si hardie, Eulx qui sont mirouer et exemple Et premiers gouverneurs du temple, Et mectent loiz si rigoreuses, Si rudes, si mal amoureuses, Quant eulx mesmes n'en tiennent rien ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 222). [Construction sans infinitif, avec deux propositions coordonnées, à comparer avec l'ex. suivant plus tardif, identique pour l'essentiel] Comment ont la char sy hardie, Eulx, qui sont miroir et exemple Et premiers gouverneurs du temple, De mectre loix si rigoureuses, Si ruddes, si mal amoureuses, Quant iceulx mesmes n'en font rien ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 589).

c)

"Le corps sexué (support, facteur de la survie de l'espèce)" : ...ceulx qui s'enorgueillissent de leur parentage et se vantent de leur lignage de char et despitent les autres (Mir. st Val., c.1367, 122).

-

Hoir (...) de la chair. "Descendant, enfant" : ...la roïne de Naples estoit morte sans avoir hoir de sa char par loiaulté de mariage (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 173). ...ses deux freres estoient mors sans avoir hoirs de leur char par mariaige (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 153). Or nous est demouree de lui une belle pucelle et bonne, laquelle est sa fille, et n'a pas plus de hoirs de sa char que elle. (ARRAS, c.1392-1393, 141). Et s'il eüst hoir et lignaige De sa chair pour lui succeder, Qui aprez lui deust posseder Ceste terre, moult eüreux En feussons ! (Gris., 1395, 1). ...se messrs. d'Orleans et d'Angolesme aloient de vie a trespassement sans hoir masle procree de leur chair (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 157). ...il [Dieu] veult par ung hoir de ta char, c'est a savoir ta fille, l'Eglise son espouse reunir (C.N.N., c.1456-1467, 98).

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D'un sang, d'une chair. "Consanguin" : ...Vierge si excellemment nommee benoite et honnouree, nous vous supplyons (...) par icelle amour naturele qui doit estre entre freres et seurs tout d'un sang, d'une char, en quoy vous participez avecquez nous - tant soyons povres, chetifs, en prison ou en exil, toutesfoiz sommez nous voz freres et suers : ainsi l'a Dieu voulu (GERS., Annonc., a.1400, 239).

-

Propagation de chair. "Procréation" : Le premier genre d'affinité est contrait de persone additee et adjoustee a sanguinité par copule charnele juste et selon la rigle qui dist : personne adjouster a personne par propagation de char mue degré, mais non pas le genre d'abstinence, et persone adjoustee a personne par copule charnele mue genre d'abstinence, mais non degré. (Sacr. mar., c.1477-1481, 74).

-

[À propos de la création d'Ève] Chair de la chair : ...il [Dieu] ediffia chair de la char qu'il prist avecques la coste, et os de la coste, et quant il luy a donné vie, il admena a Adam (...). Et quant Adam le regarda il dist ainsi : Hoc nunc os ex ossibus meis (...). "Ceste chose, dist il, est os de mes os et char de ma char". (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 38).

-

[À propos du mariage religieux] Une chair

.

Estre deux en une chair : ...la sainte escripture tesmoingne : "Pour ce relenquira l'homme son pere et sa mere et asozira a sa femme, et seront deux en une char." (Sacr. mar., c.1477-1481, 66).

.

Faire une chair. "Unir par les liens du mariage" : L'autre compaternité est indirecte, quant l'un des mariéz, puisque ilz sont fais une char, rechoit le filz d'aultres personnes. En ce cas l'un et l'aultre parent de l'enfant sont fais comperes. (Sacr. mar., c.1477-1481, 56).

d)

"La nature corporelle, matérielle de l'homme (avec sa dignité, sa faiblesse)" : Si doit estre sans ce tirant Pechié conceue ceste vierge pucelle comme elle doit estre vierge corporelment ; et point n'est a oublier que partie de sa char doit estre la char de la tres pure humanité que prendra nostre Dieu : sy doit estre tres nette et pure. (GERS., Concept., 1401, 402). ...maiz se doit tousjours estre en monstrant avecques la noblesse de la chair, noble pensée. (JUV. URS., T. rever., 1433, 77). Croire en la generale resurrection de la char et de la vie pardurable. (LA SALE, J.S., 1456, 38).

-

[À propos du Christ] "Le corps matériel dans lequel il s'est incarné" : Ma char est viande de vie Qui pour vous est appareillie, Et mon sang aussi est bruvaige Dont boire porrez en vostre aige (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 97). Item Dieu est ez choses par union. Ainsi fut ou ventre de la vierge Marie uniz et conjoint a nature humaine, et au sepulcre fut uny a la char, et en enfer a l'ame de Jhesu Crist. (Somme abr., c.1477-1481, 138).

.

Prendre chair humaine. "S'incarner" : ...il fut ordonné par le hault conseil de la Trinité pour satisfaire a Justice, qui moult fort y contredisoit, que le Filz de Dieu prendroit cher humaine, et que la Divinité seroit unie et mariee a l'umanité pour faire satisfaction (GERS., Concept., 1401, 390). Or sus tost Gabriel, car te metz en la voie, A Marie la vierge pourteras ceste joie : Pour le salut des hommes dedans ly veul descendre, En ses precïeulx flans veul char humaine prandre, Quant il plait a mes fillez par vraie charité. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 54). Vray est que de mon temps regna en France ung roy très noble, très vertueux et très chrestien, et de qui ses predecesseurs avoient très bien et très loyaument gardée et maintenue la loy nouvelle, ordonnée et instituée par le Filz de Dieu, qui prinst char humaine en la glorieuse Vierge Marie. (BUEIL, I, 1461-1466, 27).

-

[Juron] (Par) la char Dieu/bieu/tieu, charbieu : Par la cher tieu, puisqu'ainsi vaz, Je veulx bien feyre mon devoir. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 70). Par la char Dieu, avant que je m'en aille de seans, j'en turay ung. (Doc. Poitou G., t.10, 1463, 425). ...C'est une robe Plaine ...de quoy ? Charbieu, de paille ! (Fr. arch. B., c.1468-1480, 44). La char bieu, tu as beau parler, Tu ne mourras que par noz mains. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 35). Par la chair bieu il va en terre (Myst. st Martin K., a.1500, 343).

.

Jurer la chair (...) de Dieu : ...luy dist bien amiablement que ce n'estoit pas bien fait de jurer ainsi la char et le nom de Dieu, et que qui lui feroit raison que l'on le mettroit en bonne prison. (Doc. Poitou G., t.10, 1463, 425).

3.

[D'un point de vue moral, religieux]

a)

"Le corps avec ses appétits, ses pesanteurs (comme obstacle à la vie religieuse)" : Contre sa char tant estriva Par jeunes et par disciplines Et par toutes bonnes dottrines Qu'el fut de l'ame chamberiere. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 103). Car la partie de la chair essaye tousjours a gaigner sur le frain de rayson (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 122). Justice, vous devez sçavoir Que la chair est fresle et debile (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 353). [Par référ. à Matth. XXVI, 41] Vous nous voiez [nous, les pendus] cy attachez, cinq, six : Quant de la chair que trop avons nourrie, El est pieça devoree et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et pouldre. (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 66).

-

[Souvent associé à monde et à diable] : ...la temptacion de ma char, de mounde et de diable. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 205-206). Ces trois amis sont la cher, le monde et le dyable. La cher a qui tu fais tous ses plaisirs, au darrain besoing c'est cil qui de la mort ne te fera autre ayde et secours, fors que elle te convoyera jusques au sepulcre, et la te laissera en la main de tes ennemis. (GERS., Concept., 1401, 415). ...mes ennemis (c'est assavoir la char, le monde, et Sathanas) m'ont ja tellement envaÿ que je n'ay pouoir de eulx contredire (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 87). ...la presente eglise catholique, qui milite en combatant contre ses adversaires, qui sont le deable, le monde et la char. (Somme abr., c.1477-1481, 99).

b)

"La nature humaine charnelle, pécheresse"

-

"Les besoins et appétits physiques, en partic. l'instinct sexuel, la concupiscence" : Sire, je te pri humblement que les desiriers de la char vueilles trayre hors de moy. (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 45). Et pourtant je ne les blasme pas de soy metre en mariage, et suy de leur oppinion et dy qu'ilz font bien, pour ce que nous ne suymes en ce monde que pour faire penitances, souffrir afflictions et mater la chair affin d'avoir paradis, et il me semble que home ne se peut metre en plus aspres penitances que estre en paines et en tormens cy aprés contenuz. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 4). Je note yci que l'eure de prier pour les mors est quant on se sent en estat de grace, ou quant on se sent en temptacion, par especial de la cher (GERS., Déf., 1400, 234). ...se on a pechié par la chair que par douleur aussi de chair on soit purgé. (JUV. URS., T. rever., 1433, 303). Plus n'accomplirey vostre veul, Palharde cher pugnaise et orde, Puis que Dieu m'a pris en sa corde. Je veulx servir a l'esperit, Lequel, mon Dieu, estoit perit, Si ne m'eussiés ad vous tiree. (Pass. Auv., 1477, 149). Item les hommes charnelz, qui vivent selon la char, qui font de leur ventre leur Dieu, comme gloutons, qui aourent leur ventre, ainsi que dist l'apostle Saint Pol. (Somme abr., c.1477-1481, 105).

.

Oeuvres de la chair. "Sexualité" : ...toutes les sentences morales damnent excez et appreuvent moderation en delit, et atrempee parcité es oeuvres de la chair. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 129).

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Péché de la chair : Celui qui gaste et despent trop pour acomplir ses delectacions en pechié de char ou en gloutonnie, il doit estre denommé du principal vice, et est desactrempé et n'est pas proprement prodige. (ORESME, E.A.C., c.1370, 231). ...si fut le duc tempté du péchié de la char, c'est à entendre de l'aguillon de luxure (WAUQUELIN, Gir. Ross. M., 1447, 443).

c)

[Le corps comme instrument de plaisir sexuel] : Il luy convient tous les jours char nouvelle Pour reffreschir le cul qu'elle a sy chault. (Parn. sat. S., a.1500, 120).

-

Chair crue : Tel ordonnance ont en eulx mise : jamais char crue ne tenront ; Desormais chastement vivront (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 108). ...Mais il quierent par evidence Les lieux reprouchiés et oiseus (...) Ou aux marchiés ou par les rues Hantent pour barguigner chars crues. (LE FÈVRE, Lament. Math. V.H., c.1380, 278). Parler vault mieulx, pour faire chiere lie, De bons morceaulx et de frians pastez, Mais qu'ilz soient tout chaudement tastez ! (...) En char crue mon cueur ne se delitte. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 136).

-

[D'un propos] Sentir la chair. "Être grivois" : C'est une fantaisie pour rire : Ces motz sentent un peu la chair. (Maistre Mim. T., c.1480-1490, 255).

B. -

[À propos d'animaux]

1.

"Viande (destinée à la consommation)" : Si comme aucunes femmes grosses ont appetit de mangier fruiz vers ou char crue, pour la cause que les medicins scevent bien. (ORESME, E.A.C., c.1370, 380). ...je leur afferme que mangier cher le grant vendredi n'est pas si mal, et que mieulx devroient souffrir que on les despellat membre a membre que souffrir telles injures (GERS., Pent., p.1389, 78). Et les [les ouvriers] paioit Melusigne tous les samediz, si qu'elle ne leur devoit denier de reste. Et trouvoient pain, vin, char et toutes choses propices que il leur failloit, par grant habondance. (ARRAS, c.1392-1393, 46). ...il sont moult sobre, et se passent bien deus ou trois jours a mengier char a moitié quite, sans pain (FROISS., Chron. D., p.1400, 126). Et la fu li rois d'Engleterre assis, la couronne d'or moult rice et moult noble sus le chef, plus haut .V. piés que nuls des aultres sus le banc d'un bouchier ou il tailloit et vendoit sa char. (FROISS., Chron. D., p.1400, 293). ...de tieulx sergens Fait on pastours, qui sont droit loups Et de char devourer jaloux (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 6). Et fu ce jour generalement à Paris faicte abstinence de cher par le commandement de l'evesque de Paris ou ses vicaires. (FAUQ., I, 1417-1420, 180). Char de mouton en eaue cuire, Il la doit saler paravant, Un jour au mains, s'il est savant. Maiz toute char en eaue cuite En ce temps doit estre confite D'espices aromatizans (LA HAYE, P. peste, 1426, 90). Or [Mahommet] print de la loy des jufz la circuncision et prohibition de char de pourcel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 120). Bien pouvons faire bonne chere, Puis que avons fait si bonne prise. Cher et poisson avons en mise. C'est bonne viande ad commissaires (Pass. Auv., 1477, 147). ...pource que c'estoit le mercredi des Quatre Temps et qu'on ne mengoit point de chair (LA VIGNE, V.N., p.1495, 305).

-

Grosse chair. "Viande de boeuf, de mouton" : ...grosse char scilicet beuf et mouton. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 175). Et si prendrons pour primier servir les grosses chars, c'est assavoir beufz et mouston (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 136).

-

Plus dur que chair d'asne : Qui cest grant oultrage verroit, Durs seroit coers qui ne plorroit, Durs ? Voire, plus durs que char d'asne. (Pastor. B., c.1422-1425, 138).

-

[P. oppos. à poisson] : ...vous avez assez bescuit, eaue doulce, vin aigre, chars salees, poissons salez (ARRAS, c.1392-1393, 88). ...le roy souppa en l'ostel d'icelle ville, où il y ot moult beau service de char et poisson. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 136).

-

Jour de non chair. "Jour maigre" : Iusques a quel aage peut ung enfant manger cher es jours de non cher ? (GERS., Gourm. II, G., 1402, 805).

-

Rare. "Chair de poisson" : Et s'il advenoit qu'il fausist mengier desditz poissons ou semblables, on ne les doit pas mengier tantost aprés qu'il sont prins, mais on les doit garder ainsi par aulcuns jours jusques autant que la chair commence a mollifier sans putrefaction. (Rég. santé corps C., 1480, 74).

Rem. FEW II-1, 390b et 393a, s.v. caro dit ne pas avoir, pour la période du Moy. Âge, d'ex. d'empl. de char/chair en parlant de poisson av. Estienne 1539 ; ce sens était présent en lat. mais disparaît en fr. sous l'influence de la terminol. de l'Église qui regroupe sous caro les viandes dont la consommation est interdite les jours d'abstinence.

-

(Découper) qqn comme chair à/de pasté : A mort ! ribault, plain de diffame, Vostre derrain jour est venu. Soit detrenché et demoulu Plus menu que chair a pastez. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 186). Et les bourgeois de la ville les virent, qui les vindrent detrencher au espees aussi menu que chair de pasté (Doolin de Mayence V, P., 1501, 67).

2.

Prov.

-

À chair de chien sauce de loup. "À méchant méchant et demi" : ...Par faulse envie on abrega sa vie [de César] ; Tousjours devie ung orguilleux : A chair de chien saulce de leux. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 593).

-

À telle chair, tel couteau : ...Selon le seigneur, le chasteau, A tel marchant, telle aventure, Et a telle char, tel couteau. (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 59).

-

Fou est celui qui perd la chair pour l'os : ...Je dy, par ung ardant accés, A chacun juge qu'il engaige Son ame, quant il faict excés De jugement ou par procés, Querant avoir pratique ou los. Foul est qui pert la char pour l'os. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 63).

-

Apres la chair vient le fromage : Apres la char vient le fromage. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192).

-

P. plaisant. Il n'est que jeune chair et vieux poisson. "Un jeune est plus agréable qu'un vieux" : [Le narrateur flatte les jeunes] Adoncques m'acollent et baisent Puis je leur dy tout en bas son Qu'il n'est, afin qui me complaisent, Que jeune char et vieil poisson. (VAILLANT, Oeuvres D., c.1445-1470, 134).

Rem. Détournement d'une loc. culinaire : La jeune chair et le vieux poisson par laquelle on laisse entendre que la chair des jeunes animaux et celle des vieux poissons sont les meilleures ; la loc. figure dans MIÉLOT, Prov. U., 1456, 192.

-

Loc. prov. [Avec équivoque sexuelle sur le mot chair ?] La chair couste plus que le poisson. "La luxure coûte plus cher que l'abstinence (?)" : ...Jehan Lesnare, dit de Magny, surnommé Alain, né de la seneschauciée de Poitou, (...) prisonnier (...), après ce qu'il ot dit de par la dame de Meno à Jehan du Boulon, demourant pour lors à Chielle soubz Pierrefons, que la char lui cousteroit plus que le poisson et que le dit du Boulon fu sailli hors de sa maison, en disant au dit prisonnier qu'il estoit très mauvaiz lierres et que qui lui fist raison, l'en le pendroit à un gibet qui lui monstroit au doy, et que ycelui prisonnier eust respondu qu'il mentoit comme mauvaiz villain Jaques qu'il estoit (Doc. Poitou G., t.6, 1396, 257).

3.

Au fig. "Chose importante essentielle (p. oppos. à poisson, chose négligeable)" : Qui fut esbahy et courroucé, ceste response oye, ce fut nostre va-luy-dire, qui s'en revint devers son maistre a tout ce qu'il avoit de poisson, car a char avoit il failly. [Le valet chargé d'informer une jeune fille des intentions amoureuses de son maistre a échoué dans sa mission] (C.N.N., c.1456-1467, 155).

4.

CHASSE

-

Chair chaude. "Chair d'un animal vivant qu'on donne à manger aux faucons pour les acharner" : ...l'en li doit donner a mengier bonne char et chaude, [comme] de coulons et d'oisiaux vis (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 179).

-

Mettre (un chien) à la chair. "Donner le goût de la chair de gibier (à un chien), le rendre acharné" : ...bien est bon pour metre a la voye et a la char ses chienz au commencement de la sayson en affetaysons (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 251). Et pour mieulx les mectre a la chair [les chiens] Les fist tenir [des morceaux de cerf] la devant elle (BRÉZÉ, Chasse T., c.1481-1490, 44).

-

[D'un chien de chasse] Être à la chair. "Être acharné" : Le cerf fuit par une vallee En la haute forest ramee, Si ne se faignent de chacier De gueulë et s'en escrier Les chiens, car bien a la char sont (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 377). Mes a levriers a hayes ou autres harnois est il bon qu'ilz soient touz jours en alaine et a la voye et a la char, affin qu'ilz ne oublient leur mestier, ne les maladies que j'ay dit devant ne leur puissent venir au soujour. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 148).

C. -

[À propos d'un végétal]

-

"La partie intérieure du bois (le bois vert)" : Puis fichiez vos greffes entre l'escorche du chesne, et la char ou le vif du greffe devers le boiz ou le vif du chesne (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 124). ...Il n'est que le char d'un baston Pour apaysier teles fredaines. (Mandel. T., c.1450-1475, 188).

-

"Pulpe d'un fruit" : Aprés, l'enffant aportat dedens sa main une pomme ronde de chaire qui avoit dessus une croix (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 13).
 

"Personne qui vend et fabrique de la charcuterie" : ...tous saulcissiers et charcuitiers, demeurans et tenans ouvrouers dudit mestier, en ceste dicte ville de Paris (Mét. corp. Paris L., t.1, 1476, 320).
 

"Cadavre, charogne" : ...Mas ainssois furent [les boites] pleines de malvaises denrees, D'os et de charevates corrumpus et puans (Gir. Ross. H., c.1334, 191).
 

"Boucher"

REM. Doc. 1406 (Jehan le Cuisinier, gendre au chargne de Savigny) ds GD II, 71b ; même ex. ds DU CANGE II, 177b, s.v. carnaticum.
 

A. -

"Viande" : Je mangay au soir du charnaige, Moy et ma femme Frappenaige ; Mon chat n'an fust pas coroucier. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 253).

-

Viande de charnage. "Nourriture constituée de viande" : Et encores, par maniere d'esbatement, prenons que le gras mardy de quaresme Jehan, comme galant et gourmant, aprés souper dit que il n'yrat pas dormir jusques a la myenuit que quaresme encommencera, et que il veult galer, et gourmander, et mengier viandes de charnage si longuement qu'il poura jusques a myenuit (FUSORIS, Traité cosmogr. G., 1432, 10).

B. -

"Temps pendant lequel l'Église permet de manger de la viande" : Ie veulh sauoir trestout vostre estre, Coment aueis tenus vos regne Et en charnaige et en quareme (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 207). Et apres, frire iceulx poireaulx avec les ongnons qui ja sont fris, puis mectre tout cuire en un pot, et du lait de vasche se c'est en Charnage (...) ...et en Charnage friolez au lart et au beurre (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 201). ...et pour la deffaulte de huylle on mengoit du beurre en cellui karesme, es Halles, comme en charnaige. (Journal bourgeois Paris T., 1430, 250). Et pour ce, se adoncques a la myenuit dessusditte ung angele transportoit soubdainement Jehan emprés Martin, le dit Jehan seroit retourné de quaresme en charnage de devant (FUSORIS, Traité cosmogr. G., 1432, 11).

-

[Personnification] : Car Karesme vient et commande A Charnaige, tant qu'on le mande, Que pour ung temps se tire arriere (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 495).

C. -

"Carnation (?)" : Flaire, ma seur, ceste primoire, Metz ceste odeur a ton visaige. Que tu es de tresbeaul charnaige, Vert et jaune par fine engoise ; Ta barbe ressanble une brosse. Certes, tu es trop gracïeusse, Cy tu ne fusse cy raicheuse. Bien suis a toy arumaigiéz. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 94).
 

"Charnellement"

REM. Gloss., Paris B. N. lat. 17881, c.1400 (illecebro, delicter : charneement) ds GD II, 75c.
 

Empl. intrans. "Chasser au faucon" (Éd.) : Il avient souvent que un faucon ne prent pas mue en temps deu et que il giete ses panes et se mue si tart que la seson d'iver se passe et le temps que il deust voler aus oisiaus de riviere avant que il puisse estre prest de voller, pour quoi l'en doit son faucon haster de prendre mue, qui en veut charneer [var. charner, charnier] et voler la seson d'iver (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 203).

V. aussi charnoyer
 

"État de ce qui est fait de chair" : Carneitas (...) : charneté (LE TALLEUR, Vocab. E.M., c.1490, 41).
 

A. -

"De chair" : ...et pour ce les apostumes chaudes qui sont en la char et es lieux charneux [,] rares et tendres [,] sont solvees et terminees en XIIII jours (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 207). ...opillacion [obstruction] charneuze (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 241). Mais on en doit avoir pitié [de povre gent] Et, pour Dieu, leur faire amistié, Car charneulx sont comme nous sommes Noz semblables femmes et hommes, Et Dieu meismes le nous commande Et par l'Escripture le mande : "Benoit soit qui bien leur fera Et qui aumosne y offrera !" (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 127). Aulcunefoys celle addicion charneuse qui est appellee tentigo en la vulve croist tant qu'elle fait desplaisance et nuysement. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.2, chap.7). Et est chancre apostume melancolique corrodant les parties du corps tant nerveuses que charneuses, et est nommé chancre car il procede en maniere de creviche. (Rég. santé corps C., 1480, 119).

Rem. EVR. CONTY, Probl. Aristote, 1380 (ms. du XVe s.), ds GDC IX, 52c.

-

"Dans la chair" : Veynes miseraiques et capillaires et grans muscules blesce nature engendre en lieu de ces porres et conduis charneus (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 25). ...l'ongle c'est une croissance moyenne entre disposicion charneuze et nerveuse qui croit sur la conjunctive (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 2). Hernie ou rompure quant est de present contient VII. especes: la premiere est appelé ventose, la seconde aquatique, la tierce humorable, la quarte charneuse, la quinte verrucale, la VI. zirbale, la VII. est appelee intestinale. (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 7).

Rem. MONDEVILLE (charneuses) ds T-L II, 277.

B. -

"De la chair" : ...car on ne puet mieulx apprendre le stille d'aucun mestier que de le frequenter souvent et fuyr les aises du corps, comme trop boire, trop mengier et trop dormir, et plusieurs autres delices charneulx, qui obfusquent et empeschent tout entendement de prouffiter à apprendre et retenir ce à quoy on est adonné, soit en operation pratique ou en science speculative (BUEIL, I, 1461-1466, 26).

-

Empl. subst. "Être de chair, porté sur la chair" : Mais ne say entendre ne adviser que ramantevoir et commander en figures eluchans et plaisans aux charneulx ce que puet tourner a inconveniant de pechié puit estre licite a dire. (CHR. PIZ., Déb. R. Rose H., 1401-1402, 52).

REM. Au masc., se confond avec charnel.

V. aussi charnel
 

I. -

"Boucher" : ...Me mere si fu fille à ung franc chevallier ; (...) -Et me mere, dist l'aultrez, fu fille de carnier (Hugues Capet L., c.1358, 100). Maiz, qui bailleroit un faucon A un païsant vigneron Et un tres beau, gent esprevier A un lourt villain charenier, Quel bien, que[l] profit, quelz reveaux Leur en donroit Deduit d'Oiseaulx ? (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 409).

Rem. Doc. 1393 (comme Jehanin de Douligier...s'en feust alé en soy jouant dudit oupille contre Jehan Michaut, en lui disant : Deffens-toi, tu es berquier, et je suis Carnier) ds DU CANGE II, 178c, s.v. carniceria.

II. -

"Ongle et orteil de derrière (du faucon)" : Le faucon est sor et ramaige, Sain et entier, de gros plumaige (...) Pié de butor a, se me samble, Longue et bien coulouree cengle Et le talon et le charnier, Le petit doy scet bien croisiés (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 123). [À propos de l'épervier] ...courtes jambes grossectes, ses ongles entieres - c'est assavoir du pessouer et du charnier et de la grant et petite sangle - et que le remenant de son corps et de ses piez soit tenu entier (...) tel esprevier est d'eslite. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 152).
 

Empl. pronom. "Se déchirer" : "Sçaiches que ton homme que tu as esleu a toy n'est pas crestien ne n'entre en l'esglise." Et quant elle l'ouyt, elle doubta forment, et se mist en terre, et commença a se charnir [var. charpir] aux ongles, et a batre sa poitrine (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 248). [Var. ds VIGNAY, ms BNF fr. 241, a.1348]
 

Empl. intrans. "Chasser au faucon" (Éd.) : Il avient souvent que un faucon ne prent pas mue en temps deu et que il giete ses panes et se mue si tart que la seson d'iver se passe et le temps que il deust voler aus oisiaus de riviere avant que il puisse estre prest de voller, pour quoi l'en doit son faucon haster de prendre mue, qui en veut charneer [var. charner, charnier] et voler la seson d'iver (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 203).

V. aussi charner
 

A. -

"Fait de chair" : Ulceres de reins ou de rongnons sont tost curees, car c'est ung membre plus charnu plus tost que ulceres des voyes qui sont entre les reins et la vecie, car ce sont membres plus nerveux et pannicles (GORDON, Prat., c.1450-1500, VI, 10). ...en hernie charnue, le coillon est engrossy, ce semble sans douleur et sans apostume (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 7). La fourme du nez contient parties charnues et ossues et cartillagineuses. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.2).

B. -

"Bien en chair" : Il advient aucune foiz, ou corps ou thethanus est, sans apostume, en joeune homme bien charnu, et ou millieu d'esté, que grande infusion de eaue froide cure par la revocacion de chaleur naturelle (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 82). Ces braz longs et ces mains traictisses, Petiz tetins, hanches charnues, Eslevees, propres et faictisses A tenir amoureuses lices... (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 55). Prennez moy une belle garce Environ de quinze a seize ans Qui ait beaulx yeulx plaisans, Qui soit refecte et bien charnue (Pipée R., c.1470-1480, 172). ...mais il est gras largement, prins en ce vocable gras pour charnosité, car le sanguin fort est chairnus (Rég. santé corps C., 1480, 143).
 

"Grassement, à la manière de qqc. qui est gras" : Carnose (...) : charnuement (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 55). Carnulenter (...) : grassement, charnuement (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 55).
 

"Fait d'être charnu" : Carnositas (...) : graisse, charnuetés (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 55).
 

A. -

Au propre

1.

[À propos d'un animal] "Ce qui est charnu, plein de chair" : Se li chevaux menjue orge ou aucun dur blé et il l'avale sans maschier et il emple trop son ventre, saciez que la naturel charneüre du ventre ne peut pas bien joïr a sa volenté (Chir. chevaux P., c.1325-1350, 393).

2.

[À propos d'une pers.]

a)

"Chair" : Sa charneure ferme, dure et entiere, Souefve au tast et de bonne maniere, Clere, brune, plaisant et si belle yere Que plus ne peust. (CHR. PIZ., Dit Poissy R., 1400, 194). ...nous veons ceulx qui ont molle charnure et tendre estre de plus parfait entendement que ceulx qui sont rudez et de dure charnure (PIGNON, Commenc. seigneurie V., c.1428-1432, 177). SAINCT MARTIN. (...) (Icy baise le ladre et soubdain la ladrerie chiet jus du visage.) Or mon amy, congnois la grace Que Jhesucrist present t'a faicte : (...) Sers le de volunté parfaicte Puisque ta maladie infecte Est de tous poins determinee Et est ta charnure reffaicte (LA VIGNE, S.M., 1496, 465).

-

Pauvre de charnure. "Maigre" : A ! com es povres de charnure ; Tu ne me sembles qu'une pelote. Deulx vingz come toy en une hotte Emporteray, ce m'est advis. (Myst. st Christophle R., c.1350-1380, 15).

b)

"Carnation" : LE PAINTRE. Or ça, vecy pour l'ordonnance De son corps et de sa charneure. Il fault parler de la vesture Maintenant, c'est le principal. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 193).

B. -

P. anal. [Domaine de la mise en scène de théâtre]

-

"Mannequin revêtu des mêmes habits qu'un acteur et substitué à lui à certains moments (en partic. au moment d'une exécution)" : ...Et dessus ce bloc le couchiez, Et puis la teste lui trenchiez, Car nous le voulons en ce point. (Et sera le bloc creux dessous et, quant on le salera, on le mettera en bas et boutera sa teste dedens le bloc et la parlera, et on en ara une autre charnure a qui on coupera la teste.) (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 231). (En disant "in manus", le bourreau tire la courtine et l'autre charneure est mise et puis fiert. Lui coupe la teste.) (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 499).

-

"Appareil destiné à simuler une plaie sur le corps d'un acteur" : Que devenrai ge ? Que ferai ge Ne de quoy me sustenterai ge, Quant j'aray ce membre perdu ? (...) (Et ara une charnure a la cuisse et resemblera une plaie.) (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 301). [Le roi au bourreau] ...Coupe a l'autre la gorge. (Et ara sa charnure a la gorge.) (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 329). [Autres ex. au gloss.]
 

"Broche de cuisine"

REM. FROISS. (éd. Kerv., plus de mil chartiers plains de pieches de char pour rostir) ds GD II, 80a. L'édition FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 71 porte hastiers : plus de mille hastiers, plains de pièces de char pour rostir.
 

I. -

Empl. trans.

A. -

"Arracher, enlever la chair (de)" : Puis boute son coutel au long du jargel et de l'erbiere dedanz la hampe, en tenant a ses dois le jargel et l'erbiere, sanz les descouper, pour les descharner. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 179). Et sur icelluy hault arbre les espreviers descharnent les coulons ramiers et autres oiseaulx qu'ilz ont prins et laissent cheoir les os a terre, et detrenchent a leur bec et despiecent la chair qu'ilz portent en leur aire a leurs faons qui lors ont le bec trop tendre. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 146). Tiercement on les cure ainsi : estendés le cuir d'un costé et d'aultre et le copés et le descharnés de toutes pars et en ostés toute la bourse ou est la glandule et le neu et puis le curés ainsi que on cure les playes (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 20). Y fault lez espaulez de mouton mectre cuire et, quant elles sont bien cuites, lez descharner qu'il n'y demeure que lez oz, sans lez defroindre. (Recueil Riom L., c.1466, 74).

Rem. Ex. d'a.fr. ds T-L, GD et TLF.

-

Descharner la chair : Et puis si lieve les cuisses, si preigne les deux jambes darriere et les croise l'unne sus l'autre, et puis si fiere contre terre, puis coupe et descharne la char des costés qui tient aux cuisses (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 180).

-

"Enlever, couper (une partie du corps)" : Et doit fendre le cuir sus le vit et fendre tout au tour en escharrie de deux dois de chascune part, puis doit tirer le vit a soy et le descharner jusques la bas ou les coullons estoient, et la le doit il couper. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 187).

B. -

Descharner (un oiseau). "Enlever (une proie) des griffes de"

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, gloss. T-L II, 1497, l.14-26.

C. -

Au fig. "Enlever, détacher" : Et aprez, quant icelles mariees voient que en toutes compaignies elles ne sont mie si honnorees comme celles qui sont acompaigniees de leurs mariz, qui ja comme folz sont fort par le cuer enlaissiez que l'en ne les peut descharner (et l'en ne peut mie si legierement reprendre son oisel quant il eschappe de la cage comme de garder qu'il ne s'en vole) aussi ne peuent elles retraire les cuers de leurs mariz quant iceulx mariz ont essayé et trouvé meilleur obeissance ailleurs, et icelles en donnent a leurs mariz la coulpe qui est a elles mesmes. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 83).

II. -

Empl. pronom. Se descharner

A. -

"Se détacher (de)" : Et se l'esprevier vous lye des ongles, si vous descharnez ongle aprez l'autre tout bellement sans tirer ne le courroucier. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 158).

B. -

Au fig. "Perdre de sa force" : ...mais lors se descharna et desseura peu a peu l'amour d'eux deux (LA SALE, Sale D., 1451, 134).

III. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

"Arraché (du corps)" : Le fait congnoys je bien par exemple ; car pour le pechié de David moururent .XLm. hommes de son peuple, et par l'offence de ses subgetz fut le roy Sedechias puny de Dieu, prins des Assyriens, et ses yeulx descharnelz hors de sa teste. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 44).

B. -

[D'une pers.] "Amaigri" : Ainsy qu'il estoient a tel desconfort, uns homs maigres et descharnez entra coiement en leur nef sanz mot dire, et estoit moult richement vestus et atournez comme se ce fust le corps d'un roy, mais il avoit si grant fain qu'a pou qu'il ne transissoit, sy s'apensa qu'il emporteroit de leur viande. (Bérinus, I, c.1350-1370, 217).

Rem. Ex. d'a.fr. ds GDC IX, 321c.
 

"Déchiqueter (ici un vêtement)"

Rem. Doc. 1387 ds GD II, 438c.
 

"Dénuder" : Et tout yvres sy s'en dormy [Noé] Et en dormant, se descouvry. L'unc de ses fils l'en descarny, Mais ly aultre luy rescowry, (...) Quant s'esweulhat, se beny De Dieu, celui qui le couvry ; Mains à cheluy qui l'escarnist, Mult irre[e]ment le maldist. (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 216).
 

I. -

Empl. trans.

A. -

"Décharner" : ...il fu du peuple romain par petis cops tout hors desciré en sa char et, tout escorchié et escharné, fu lourdement trayné et jeté ou Tybre. (FOUL., Policrat. B., VIII, 1372, 102).

-

Part. passé en empl. adj. "Décharné" : ...en grant chestiver suys venuz Foibles, escharnez et chanuz. (Consol. Boèce C., c.1350, 90).

Rem. Ex. d'a.fr. et Percef. éd.1528 ds GD III, 372a.

B. -

Au fig. "Égratigner qqn, le moquer" : ...l'orguillouse Surquidance (...) Tous autres de sa mesdisance, Leur fait, leur dit, leur contenance Escharne et mocke par despit (...) Et par escharn et par mesdit L'autry vertus par contreplit Des vices torne a la semblance. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 22).

II. -

Empl. pronom. MÉD. "Se souder, s'incarner" (synon. encarner, encharner) : ...et puis se y mettés sal et comin maché affin que la paupiere ne s'escharne avec l'oel (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 2).
 

"Équarrisseur"

REM. Gloss., Salins 44, a.1436 (carniator : escharnisseur), ds GD III, 373b.
 

"Morceau de chair" : Que nuls bouchiers, trippiers (...) ne soit si hardis qui (...) jette (...) viaux mors ne autrez bestes mortes (...) carongnes, cornes, escarnures, sanc ne autres ordures es rivieres de le dicte ville en dedens les metes de le pourchainte de le dicte ville. (Arch. Lille, 1388, BB1, n° 379, f° 31, IGLF).

REM. Doc. 1493 (Troyes, cornes, escharnures, raclures de peaux) ds GD III, 373b.
 

MÉD.

A. -

"Provoquer la régénération de la chair, pour réunir les lèvres d'une plaie" : ...unguentum aureum a encarner (PANIS, Guidon, 1478, chap. sing.). La seconde entencion en elles [les exitures] est fait en les ouvrir et mondiffier et encharner et consollider et les mener a la cure des ulceres. (PANIS, Guidon, 1478, tr.II, doct.1, chap.1). Des medicines incarnatives et de la maniere de encarner. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.6). Ilz sont troys actes communs et necessaires en la cure des playes et des ulceres : le premier est encarner, assembler et consollider les levres desjoinctez, que je repute une mesme chose de present (...) ; la seconde est rengendrer la cher ou elle deffault, qui appartient aux playes et aux ulceres concavees ; la tierce est cicatriser et sigiller, qui compete en playes et es ulceres esquelles seullement le cuir est necessaire. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.6). La mundification faicte soit encharnee et l'incarnation faicte soit consolidee (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, I, 5).

Rem. MONDEVILLE ds T-L III, 192.

B. -

Empl. pronom. "Se réunir par production de matière" : ...et mouvés l'oel souvent qu'il ne s'encharne et au matin ensuivant le lavés d'eaue chaude (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 2).

C. -

Part. passé. Encarné. "Incarné, pris dans la chair" : Et pour ce quant fistule est encharnee et aparfondie en l'os de la mandibule, adonc il convient descouvrir et regarder bien le lieu (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 27).

REM. Pour les sens autres que médicaux, v. encharner.

V. aussi encharner
 

"Appât de chair, amorce" : Adonc, quant le veneur verra qu'ils [les loups] ne vourront mengier, pour quant que on leur face trayns, il doit remuer la char de l'encharnement (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 238).
 

I. -

"S'enfoncer dans la chair, adhérer à la chair" v. encarner, encharnir

-

Au fig. [D'une chose abstr.] Encharné en qqn. "Pénétré dans" : Autre derrision ne mocquerie n'est devant ta face, fors seulement pechié, que tu hes, laquelle mocquerie est tant encharnee en moy que la santé et convalescence de ignoscence ne me peut aprocher. (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 97).

.

[D'une pers.] Encharné en qqc. "Plongé, enfoncé dans qqc." : Pour tous ceuls ne doit on prier (...) Qui sont lÿez es las de femme, Ou pour ces ors empoitrachiés Qui ont ces ors chemins trachiés Et chascun jour les vont trachant, Si comme je et aultre cent Qu'en fole amour sont encharné. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 30).

II. -

Part. passé en empl. adj. "Bien en chair" : Lors issi de la fosse, si en a Dieu löé, Et Bauduïn aprés issi en verité : Il est legierement par l'eschielle rampé, Car point ne fut trop cras ne trop fort encharné. (Enfances Doon de Mayence P., c.1450-1500, 682).

III. -

"Acharner"

A. -

CHASSE "Donner le goût de la chair à (à des chiens, au faucon...), acharner" : Et qui veut que ses chiens cachent bien les leus, il faut que il soient bien encharnés (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 88). ...quant ilz [les loups] sont encharnez en païs de guerre ou il a eu batailles et estors, et lors ilz menjuent des hommes mors ou des penduz qui sont bas atachiez ou qui cheent dou gibet (...). Et la char de l'omme est si savoureuse et si plaisant que, puis qu'ilz y sont encharnez, ilz ne mengeroient autre beste, anczois se laisseroient mourir, quar j'ay veü qu'ilz leissoient les berbiz et prenoient et tuoient le pastour. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 97). Et cela font il quant il fet cler temps et serein ou quant ilz sont jeunes lous qui n'ont encore passé leur an ou quant l'en les apelle en ullant pour les encharner (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 98). Et aussi on leur puet bien aidier a fere bons en les encharnant avec bons levriers et faisant bonnes curïes en la beste que on voudra qu'il preigne le mieulx et en autres manieres que je diray quant parleray dou veneour. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 127). Aussi y doit il encharner ses levriers plus que nulle autre beste, quar comunement levriers prendront toute autre beste plus voulentiers que ne feront un lou. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 241).

-

"Munir de chair (le leurre)" : Et, quant le verrez en grant fain, Bien net dedans, seür et sain, Adonc vostre leurre prendrés Et de deux pars l'encharnerés, Si le ferés dessus cheoir (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 354).

B. -

Au fig. "S'acharner" : ...elle parsiwit tant le dit monssaingnor Wilhelme Cossen de proiiers, en plours et en larmes, et ly donat tant do sien qu'elle ly fist entreprendre la venghance de son marit. Et, por ly miez encharneir, ilh, ly dis messires Wilhelme, mis jus les armes de son peire et prist et encargat les armes de sa meire (HEMRICOURT, Guerres Awans B., c.1398, 15). ...mais quel orreur es ce à veoir au partir de la celle diabolique assemblée de innombrable menue gent suivant l'un l'autre comme brebis, prests et appareilléz de tous maulx faire mais que l'un encommence, certes oncques fureur ne cruaulté de senglier ne s'y acompara sans savoir qu'ilz se demandent et quant ilz s'encharnent sur quelque soit, ou sur aucunes gens, là n'a resne tenue ne honneur gardé à prince n'à princesse, à seigneur ne à maistre, n'à voisin ne voisine. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 131).

-

Part. passé en empl. adj. : Seur lui furent si encharnez, Qu'onques mais uns homs de char nez Ne vit homme avoir tant de plaies, De la teste jusques aus braies, Ne telles comme il li feïrent (MACH., P. Alex., p.1369, 270). Après ilhs soy partirent (...) tout exiliant et ardant le paiis à diestre et à seniestre, com gens enchairneis sour mescreans et qui riens ne redobtoient (STAVELOT, Chron. B., a.1447, 191).

IV. -

"Incarner, donner un corps charnel à" : L'omme, selon ce que dit le philosophe, est une pensee encharnee, fantosme du temps, myroir de vie, serviteur de la mort, viateur passant (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 270). Non pas mais feust bien encharné Par ly mesmes a certain temps (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 93).

-

"S'incarner" : ...Amours (...) Qui Dieu son filz amant fist encharner Divinement es tresprecieux flans De la (...) dame sanz amer (Mir. st Sev., 1362, 237).

-

Part. passé en empl. adj. "Incarné" : ...Quant encharnez yssi sanz ouverture De la cité franche (...) Dont tout temps sourt grace (Mir. Theod., 1357, 129). ...le fil d'un treshault Dieu voult estre encharne [l. encharné] en toy et estre subjugie a toy, sa mere, comme ung enfant. (MIÉLOT, Spec. hum. salv. L.P., 1448, 164).

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RELIG. La Parole encharnee. "Le Verbe incarné, le Christ" : Véz cy la Parolle encharnee Par quil Dieu forma tout le monde, Veéz vous icy l'aube journee Par quil toute clarté habomde (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 239). [Réf. à Jean 1, 14 : Et le Verbe s'est fait chair]

V. aussi encarner
 

"S'enfoncer dans la chair, adhérer à la chair"

-

Au fig. [Du coeur] "Pénétré (d'un vice)" : Et si mon coer soit si encharny de coveytise, jeo vous prie, Sire, q'il soit empli et pleyn de la coveitise qe assez plus vaut et meyns couste - c'est la grande richesce de roialme de paradis. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 87-88).

V. aussi encharner
 

"Coquille (d'oeuf), carapace (d'animal), écorce (de végétal)" : En ce pais at sy grans lymechons que dedens leurs esquargne herbegoit bien ung dextrier (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 169). Et tant le roula sor les cailleaux de mabre de la salle, la ou il lui sembloit qu'il estoit, que l'escargne de cest oef se rompy. Et tantost que ceste escargne fu rompue, il sailli de cest oef ung tresgrant et horrible dragon (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 6). Voeullant couvrir le fruict de mon labeur Soubz les foeullus raincheaux de poetrie, Donne a muser, pour gouster la saveur, A tout engin, priant a l'inventeur Qu'au plus qu'il poeult, de son vray l'approprie ; Pour ce le fays que, par quelque industrie, Ne voeul boutter mon doy de pouvre espargne Entre le boys, le noiel et l'escargne. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 704).

REM. Cf. aussi FEW XVII, 98a, s.v. *skarfia.
 

"Action d'égratigner qqn, de le moquer, moquerie" : ...l'orguillouse Surquidance (...) Tous autres de sa mesdisance, Leur fait, leur dit, leur contenance Escharne et mocke par despit (...) Et par escharn et par mesdit L'autry vertus par contreplit Des vices torne a la semblance. (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 22).

V. aussi escharner
 

Empl. trans. "Tourmenter" : Tu faings tousjours et comminisces Telle chose affin que puisses Ma excarnifier et destruyre. (Therence en fr., 1500, f° 212a [BnF/Gallica]).
 

"Incarnation"

REM. Ex du XIVe s. ds GD IV, 561a.
 

MÉD. "Qui favorise la production de chair" : Doncques medicine incarnative, aggregative ou consollidative selonc Avicenn est celle qui desseiche et espessit la humidité qui est entre les deux superficies de la playe en telle maniere que soyt convertie a conglutinacion et inviscacion et se joingne l'ung avec l'autre. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.6). Des medicines incarnatives et de la maniere de encarner. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.6).
 

I. -

MÉD. "Production de chair en réparation d'une plaie" : Aussi appert que les playes du ventre qui penetrent, se cyphac n'est cousu avec mirac, bonne incarnacion n'est pas faicte. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.6). La mundification faicte soit encharnee et l'incarnation faicte soit consolidee (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, I, 5). ...iusques a l'incarnation de la dure mere avecques le crane (PREVOST, Cir. Guill. Salicet, 1492, II, 1).

Rem. MONDEVILLE : DEAF, 155 ; T-L IV, 1362 ; GD IV, 561b.

II. -

RELIG. [À propos de Jésus-Christ] "Fait de s'incarner" : On doit bien la dame prisier En qui prist par dileccion Dieu le fil incarnacion (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 215). Avant l'incarnacion du filz de Dieu, estoit en ce monde une grant secheresse, c'est assavoir deffaulte de grace et de la divine misericorde (Mir. st Ign., 1366, 71). Bien say que sa grief passion Vous mist en desolation. Or aviés consolation Pris, quant vous fist turbation D'"ave" la salutation, Car ce fust l'incarnation De Dieu et sa conception, Singuliere à droit ditte. (MACH., Les lays, 1377, 401). Maintenant chascun crestien ou crestienne doit plus honnourer son corps que avant l'Incarnation, en l'onneur de Jhesu Crist et de Nostre Dame. (GERS., Annonc., a.1400, 236). ...l'incarnacion Jhesu Crist (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 144). ...et le temps vint que l'incarnation se deust accomplir et celebrer (GERS., Concept., 1401, 390). Car pour oster l'homme d'exil, Nous en personne de no fil Prenderons incarnation Pour humaine redemption Dedans ung virginal autel (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 11). Ce mot du Pere est eternelement engendré de lui, temporelement et a certain temps promis par les prophetes, preschié par les apostles, annonchié par l'archangele Gabriel en l'incarnation, quant ledit angele fut envoié a la vierge Marie pour annuncier ladicte incarnation dudit mot et parole du Filz de Dieu a prendre nostre nature humaine d'elle, en elle et par elle. (Somme abr., c.1477-1481, 113). Pareillement l'envoy et la mission du Filz est de deux manieres. L'une est visible par l'incarnation, quant il prind nostre humaine nature, l'aultre invisible, qui se fait quant cilz enlumine par dedens nostre entendement en esclairissant les sens de nostre ame. (Somme abr., c.1477-1481, 118). Depuis le temps de la creacion Du monde entier, la sont figures faictes, Semblablement de l'Incarnacion Sont les hystoires, et de la Passion De long en long moult richement pourtraictes (LA VIGNE, V.N., p.1495, 206).

Rem. JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, gloss.

-

[Comme repère chronologique] (L')an de l'Incarnation n. V. an : En l'an de l'Incarnation Nostre Seigneur MIIIc et IIIIxx et six, ou mois d'aoust, se departi le conte Ghuy de Bloys et la contesse Marie, sa femme (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 226). ...et trespassa en de l'Incarnacion de Nostre Seigneur mil et cincquante (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 166).
 

[Du Christ] "Incarné"

Rem. GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 105 (éd. incarnés ; ms. incarnels).
 

I. -

MÉD. V. encarner

II. -

RELIG.

-

Empl. pronom. "Prendre chair" : Et, mesmement, quant je regarde Que, pour elle [la rédemption des hommes] a effect mener, Vous estes voulu incarner En moy, noble journee fiz. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 579).

-

Part. passé : Dieu se moeut au centre a parler par mistere, quant il fut incarné et prist nostre humanité, et se mut du centre, quant monta ez cieulz, et se moeut autour du centre en preschant. (Somme abr., c.1477-1481, 146).

Rem. GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 105, 21.

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[De la Sapience (de Jésus-Christ)] : ...tous les sens de la personne languissoient pour l'abstinence d'espirituele degustation, car Sapience n'estoit pas incarnee ne encores pacifiee pour la personne refectionner et les sens ouvrir (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 165).